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Le mouvement communiste après la seconde guerre mondiale par Hélène Carrère

Publié le 05/04/2015

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Le mouvement communiste après la seconde guerre mondiale par Hélène Carrère d'Encausse Maître de Recherche à la Fondation Nationale des Sciences Politiques Le programme du Parti Communiste de l'URSS adopté au XXIIe Congrès en 1961 proclamait que " la Révolution d'Octobre a ouvert une nouvelle époque de l'histoire humaine, celle de la chute du capitalisme et de l'instauration du communisme ". Le rôle de la révolution russe, étincelle destinée à embraser le monde capitaliste, a été constamment souligné en URSS où le Parti Communiste insiste en toute occasion sur le lien existant entre la révolution russe et les autres révolutions. Ce qui leur est commun c'est, dit le PCUS, que la révolution russe a porté un coup fatal au capitalisme, qu'elle a été une expérience dont se nourriront après elle les autres révolutions, qu'enfin l'État soviétique a apporté un soutien décisif aux mouvements révolutionnaires. Ici une première constatation s'impose qui concerne le rôle joué par l'État soviétique dans le mouvement révolutionnaire mondial. La plupart des révolutions qui se sont produites dans le monde - Europe de l'Est, Chine, Cuba - ont eu lieu dans un très bref laps de temps, et en ce qui concerne les pays de l'Est européen, dans des conditions assez comparables. Toutes ont eu lieu après que le Parti mondial de la révolution, le Komintern, eut cessé d'exister. Une seconde constatation concerne l'évolution du mouvement communiste à l'époque où le champ de la révolution s'est élargi. Le progrès des révolutions, loin de renforcer la position de l'URSS comme l'espérait Lénine en 1920, a entraîné des divisions entre pays socialistes et entre partis, et une contestation croissante de l'URSS en tant que chef de file du mouvement révolutionnaire. La révolution russe d'octobre 1917 a été le produit de la guerre qui a entraîné une rapide décomposition du pouvoir, une crise interne économique et sociale impossible à juguler, et d'une insurrection armée dans la capitale et dans quelques grandes villes, oeuvre du parti de Lénine, préparé de longue date à cette tâche. Aucune des révolutions postérieures n'a reproduit ce modèle, mais dans bon nombre d'entre elles, celles de l'Est européen avant tout, la guerre a été, comme en Russie, un élément décisif du changement. L'expérience des années 1945-1960 suggère qu'au modèle révolutionnaire russe il faut en ajouter deux autres au minimum : les révolutions par en haut de l'Europe orientale, les révolutions issues de luttes armées de libération comme en Chine, en Yougoslavie et à un moindre degré à Cuba. Les révolutions " par en haut " se ressemblent toutes, en cela qu'elles n'ont pas été le produit d'une insurrection populaire, mais qu'elles ont été le résultat d'une décision politique prise à Moscou et soutenues par l'URSS. Elles ont surtout été une conséquence de la guerre. En 1945, l'Armée Rouge était presque partout présente en Europe de l'Est, dont Staline voulait avant tout qu'elle devint un glacis protégeant son pays. Et pour lui, le glacis impliquait l'existence de gouvernements proches du sien, liés au sien. Dans le système de pensée stalinien, des gouvernements favorables à l'URSS étaient nécessairement des gouvernements communistes. Les révolutions de l'Est européen découlent de cette logique. Peu importe que dans les pays de cette région, exception faite de la Tchécoslovaquie où les Communistes obtiennent 38 % des voix aux élections de 1946, les Partis Communistes soient faibles, voire inexistants. Partout, la présence de l'Armée Rouge, la conquête par les Communistes des postes clés (police et intérieur), la manipulation des élections permettent à ces partis minoritaires d'accéder rapidement au pouvoir, au moyen de gouvernements de coalition, où la coalition n'est qu'une apparence. C'est ainsi que dès juin 1946, malgré l'autorité dont jouit dans ce pays le parti de Mikolajcik, la Pologne glisse vers le communisme. Les élections de janvier 1947 - marquées par les violences et les irrégularités - assurent le triomphe d'un bloc gouvernemental où dominent les Communistes. En Bulgarie, la coalition se nomme Front Patriotique et est menée par Dimitrov, une grande figure du Komintern. Les élections de juillet 1946, une série de purges transforment la Bulgarie en république populaire en novembre 1947. En Roumanie, le processus révolutionnaire engagé avec l'aide de l'Armée Rouge, que le traité de Paix maintient en Roumanie, prend fin le 30 décembre 1947 avec la victoire du bloc patriotique issu d'élections truquées. En Hongrie et surtout en Tchécoslovaquie, les révolutions sont plus lentes à s'accomplir. Ce n'est qu'en 1948, avec le coup de Prague, qu'elles ont partout triomphé. Partout, la conquête du pouvoir a été favorisée par la décomposition des régimes, l'effondrement des structures sociales durant la guerre. Partout, quelle qu'ait été la force réelle des PC, les autres partis politiques ont été incapables de résister à leur tactique de conquête des secteurs décisifs de la vie politique, et à la terreur qu'ils ont déclenchée. En Yougoslavie et en Chine, et plus tard à Cuba, il en ira tout autrement. Les révolutions y ont été l'oeuvre de Partis Communistes nationaux qui ont conquis le pouvoir dans le cours d'une lutte armée, en cherchant à assurer avant tout la libération de leur pays. Ici, révolution sociale et libération nationale se recoupent et les régimes issus des révolutions tirent avant tout leur légitimité de l'unité et de l'indépendance nationales réalisées. La volonté nationale sous-tend aussi la révolution vietnamienne. Ces révolutions, diversement réalisées, sortaient l'URSS de l'isolement qu'elle avait connu depuis 1917, source pour elle de tant de difficultés. Dès lors qu'elles étaient faites, un nouvel équilibre semblait devoir s'instaurer dans le monde entre un camp socialiste grandissant, uni autour d'une idéologie commune, et un monde capitaliste promis à une déchéance rapide, du moins le supposait-on, en raison de ses contradictions propres et des progrès socialistes. En septembre 1947, le Kominform est créé à l'initiative de l'URSS. Il ne s'agit pas pourtant d'une résurgence du Komintern. Ce dernier avait été conçu par Lénine comme instrument de la révolution mondiale. Le Kominform, lui, a des finalités plus modestes : il doit organiser la défense du monde socialiste qui existe et coordonner les actions au sein de ce monde. Il doit aussi assurer la prééminence de l'URSS sur les pays frères. Aux révolutions de l'Est européen, les États-Unis ont répondu en affirmant leur volonté d'arrêter l'expansion communiste et d'offrir à l'Europe entière un programme de coopération économique. Le Kominform est la réponse soviétique à la doctrine Truman et au plan Marshall, ce dernier attirant un moment la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie. Pour mettre fin à ces tentations, pour mobiliser aussi les PC occidentaux dans la guerre froide qui s'engage, l'URSS rassemble autour du Kominform ses alliés, gouvernementaux ou non. Fondé sur les principes " d'égalité et de respect mutuel ", le Kominform les unira autour d'une même stratégie de lutte. Pourtant, l'unité du mouvement communiste, dont l'expansion révolutionnaire et la création du Kominform semblent témoigner, s'avère aussitôt précaire. En mars 1948, Staline s'inquiète du prestige dont jouit Tito en Albanie et dans d'autres pays voisins, et condamne le projet de Fédération balkanique (Yougoslavie, Bulgarie, Pologne, Tchécoslovaquie, Grèce) qu'il semblait jusqu'alors admettre. Dès ce moment, l'URSS multiplie les pressions sur la Yougoslavie (pressions économiques et techniques) et dénonce son insubordination. Sommés de se soumettre, les Yougoslaves préfèrent rompre avec le Kominform qui les e...

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