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Les débuts de la construction européenne par Denis de Rougemont Directeur du

Publié le 05/04/2015

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Les débuts de la construction européenne par Denis de Rougemont Directeur du Centre Européen de la Culture, Genève Tel qu'il se manifeste pour la première fois devant l'opinion internationale, à l'occasion du Congrès de l'Europe réuni à La Haye en mai 1948, le projet d'union de l'Europe résulte de la conjonction d'au moins trois facteurs principaux, foncièrement différents de nature : Une série généalogique de " Grands Desseins " qui trouve son origine au XVIe siècle, et à travers Sully, William Penn, Kant et Mazzini, aboutit à la Paneurope de Coudenhove-Kalergi, puis échoue - momentanément - avec le projet Briand de 1932 ; Un mouvement multiforme de militants européens, issu de la Résistance, et dont l'élément le plus dynamique est l'Union européenne des fédéralistes ; Un ensemble de projets politiques plus ou moins pragmatiques, dont Churchill sera le porte-parole le plus prestigieux, Schuman et Spaak les artisans les plus efficaces. L'interaction de ces trois facteurs principaux, leurs confits et leurs complémentarités sont seuls capables de rendre intelligibles les débuts et l'évolution de ce que l'on est convenu de nommer la Construction européenne. Il n'est que juste et décent d'ajouter que sans le plan Marshall, proposé aux Européens en 1947, rejeté par l'Est sur l'ordre de Moscou, accepté par l'Ouest, et dès lors administré par l'OECE, rien de tout ce qui va suivre n'eut été possible. Il s'agit là d'un fait patent et mesurable : dans les dernières années 40, l'Amérique a " sauvé " l'Europe, généralement ingrate et souvent ricanante. Les vrais débuts datent du premier projet d'union de l'Europe : Pour récupérer la Terre sainte, rédigé en 1306. Pierre Du Bois, son auteur, est un juriste de Philippe le Bel et d'Édouard Ier d'Angleterre. Le plan d'union de l'avocat normand se présente comme un réflexe de défense de la communauté européenne qui s'éprouve obscurément menacée, ainsi que Dante va l'écrire dans le De Monarchia, par " le monstre aux multiples têtes " de l'État national naissant, et qui essaie de rallier la communauté chrétienne contre les infidèles. De siècle en siècle, l'idée renaît à mesure que l'État se renforce. Au XVe siècle, le roi de Bohême, Georges Podiebrad, au XVIe siècle, l'humaniste oecuménique Guillaume Postel appellent à la " reconstruction générale de l'Europe ". Au XVIIe siècle, le moine Emeric Crucé, le duc de Sully, l'évêque morave Comenius, le quaker anglais William Penn, et peu après l'abbé de Saint-Pierre publient leurs " Grands Desseins européens ". Suivent dans la foulée Voltaire, Rousseau, Gibbon, Kant, Hegel, Auguste Comte et Victor Hugo : tous ces génies prônés par l'Université moderne n'auraient-ils été " utopiques " que sur un seul sujet, l'Europe ? Mais les États ne font qu'accroître leur prétention à la souveraineté absolue : elle était dynastique familiale, ils la proclament " nationale " dès la Révolution française. Mais les contradictions violentes entre les États-Nations qui se multiplient en Europe - ces parties qui se veulent chacune plus grande que le tout continental - vont provoquer l'inévitable explosion de la Première Guerre mondiale. L'holocauste de vingt millions d'Européens qui s'ensuit pose des questions fondamentales à quelques bons esprits (quel enjeu valait-il cela ?), révolte une minorité " d'objecteurs ", et sensibilise un très vaste public. Dès 1923, le comte Richard Coudenhove-Kalergi lance son appel à la Paneurope. Coudenhove réussit à convaincre Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères, puis Président du Conseil français, lequel déclare à Genève, en 1929, que " entre les peuples de l'Europe doit exister une sorte de lien fédéral ". Briand charge son plus proche collaborateur, Alexis Léger (mieux connu sous son nom de poète Saint-John Perse), de rédiger un mémorandum sur l'organisation d'un régime d'union fédérale européenne. Le texte est présenté en 1930 à la Société des Nations. On peut y lire : " S'unir pour vivre et prospérer : telle est la stricte nécessité devant laquelle se trouvent désormais les Nations d'Europe. " Mais tout est compromis - comme le seront la CECA et plus encore la CEE - par l'axiome, inlassablement réaffirmé, du respect absolu des " souverainetés nationales ". Cette fausse habileté diplomatique n'empêchera même pas la plupart des États de rejeter le projet au no...
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