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L'essor de la découverte par Lucien Febvre Professeur honoraire au Collège de

Publié le 05/04/2015

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L'essor de la découverte par Lucien Febvre Professeur honoraire au Collège de France A l'origine des grandes découvertes se trouvait, a-t-on cru pendant longtemps, un progrès de la technique : l'invention, au XIIIe siècle, du puissant gouvernail d'étambot à charnières, c'est-à-dire un gouvernail placé à poste fixe dans l'axe de l'extrême arrière, articulé sur l'étambot à l'aide de gonds et manoeuvré grâce à une longue barre. Il remplaçait le gouvernail antique, qui n'avait jamais été autre chose qu'une rame portative appliquée alternativement à l'un ou l'autre des flancs du navire - et d'efficacité médiocre, sauf pour les petites embarcations. Grande révolution, donc, qui aurait permis la naissance du navire hauturier, capable de cingler triomphalement vers le large et de labourer sans peur les océans. Sans lui, point de Bartolomeu Dias, disait-on. Et les perspectives de s'élargir... Qu'il est tentant de scander toute l'histoire du monde au rythme des transformations navales ! Le navire à rames, c'est la civilisation confinée, concentrée dans la seule Méditerranée. Le navire à gouvernail d'arrière et à voilure compliquée, c'est la civilisation rendue capable de franchir les Colonnes d'Hercule et de s'épandre à travers l'Atlantique. Le navire à moteur, c'est l'immensité du Pacifique domptée par l'homme blanc... Peut-on vraiment croire, en tant qu'historien, à de si belles invention comme seule cause des grandes découvertes ? Nous serions ridicules si nous prétendions nous-mêmes discuter, et traiter le gros problème du gouvernail. Des marins l'ont fait. Nous n'avons qu'à les suivre : Non, rétorquent-ils, tout pour le navire " ne dépend pas de l'engin de gouverne ". Non, le gouvernail axial à charnière ne marque pas, dans l'histoire compliquée des organes de gouverne, un progrès culminant, décisif et sans contrepartie. Non, il n'est point vrai d'ailleurs que les navires antiques fussent incapables d'aller, régulièrement et normalement, où ils le désiraient, ni que le gouvernail latéral les empêchait de tenir la haute mer. Quant au volume de nefs qu'utilisèrent les Portugais et les Espagnols pour les grandes découvertes, toute une littérature existe, qui traite de leur petitesse et non de leur importance. Littérature d'économistes sans doute, et soucieux de gros tonnage ; mais enfin, les transports sont une chose, les découvertes une autre. Petitesse ? Mais faut-il alléguer les Polynésiens qui, pour parcourir allègrement les immensités du Pacifique, n'embarquent point d'habitude sur des paquebots ? Des pirogues de vingt mètres de long leur suffisent. Et dans notre Europe, sans aller si loin, les étonnants Vikings menés au Xe siècle par Erik le Rouge n'ont-ils pas accompli leurs prodigieux exploits océaniques sur de pauvres barques non pontées, longues d'une trentaine de mètres, ayant même forme à l'avant qu'à l'arrière, et munies de cette rame-gouvernail latérale qu'on déclare impropre à tout grand voyage ? Non, le gouvernail d'étambot n'est pas la cause des grandes découvertes. Non plus que la boussole, jadis incriminée du même bienfait. Non plus, sans doute, que le gréement des caravelles. Petites causes, grands effets ; progrès techniques simples, transformations sociales et révolutions mondiales d'étonnante ampleu...

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