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Max Scheler par Alfred Schutz Professeur de philosophie, New York Lorsqu'en 1928 Max Scheler mourut subitement, à peine âgé de cinquante-quatre ans, son ami Ortega y Gasset lui rendit un magnifique hommage.

Publié le 05/04/2015

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Max Scheler par Alfred Schutz Professeur de philosophie, New York Lorsqu'en 1928 Max Scheler mourut subitement, à peine âgé de cinquante-quatre ans, son ami Ortega y Gasset lui rendit un magnifique hommage. Il était l'Adam de ce nouveau paradis de l'intuition eidétique auquel la phénoménologie de Husserl avait donné accès, le premier auquel toutes choses, même celles qui nous sont les plus familières, révélaient leur signification et leur essence. Elles lui apparaissaient dans une lumière nouvelle, avec des contours sans équivoque, comme, à l'aube, le profil des montagnes. Il était submergé par la richesse de ses découvertes. Et il avait à proclamer tant de pensées lumineuses qu'il trébucha, étourdi par la connaissance, enivré de clarté et de vérité. Il était, comme dirait Platon, un philosophe en " état d'enthousiasme ". Mais il vécut dans un tourbillon continuel de pensées, et c'est pourquoi ses écrits sont à la fois clairs et désordonnés ; sans forme ni structure, ils sont remplis de contradictions et ce sera la tâche des générations à venir de leur donner l'architecture et l'ordre qui leur font défaut. Hartmann nous donne de Scheler une image semblable. La vie n'était pas le thème de sa philosophie mais sa philosophie émanait de la plénitude de sa vie. Il ne cherchait pas à voir la vie dans la perspective artificiellement unifiée, d'un système philosophique construit. Il reprenait chacun des problèmes qu'il rencontrait, l'analysant selon sa logique particulière et son dynamisme propre, mettant au clair ses implications et en poursuivant les particularités jusqu'à leur origine, sans laisser entraver sa recherche par le postulat utopique de l'unité et du système. Il acceptait le monde tel qu'il le trouvait, riche des contradictions qui lui sont inhérentes, les laissant apparaître en leur rendant pleine justice. Scheler comme homme, autant que comme penseur, était toujours prêt à recommencer, et apprendre à neuf. Cette appréciation de l'oeuvre de Scheler par deux contemporains éminents est justifiée par la richesse des sujets que cet esprit fertile a traités. L'édition de l'ensemble de son oeuvre ne comportera pas moins de treize gros volumes dont quatre consacrés à son oeuvre posthume. L'ampleur du champ de ses intérêts est unique de nos jours. Ils vont de la biologie théorique à la psychologie et la physique. Au cours de ses meilleures années, la théorie de la connaissance, la philosophie morale, la philosophie de la religion et la phénoménologie de la vie émotive, l'occupèrent surtout. Plus tard, il se plongea de plus en plus dans les problèmes qui concernent l'ontologie de la société, et de la réalité. Il établit les fondements d'une nouvelle sociologie de la connaissance, d'une étude de la relation entre la connaissance et les facteurs qui gouvernent la vie matérielle et spirituelle de l'homme. A la fin de sa carrière, Scheler voulait résumer sa pensée dans deux ouvrages : une métaphysique et une anthropologie philosophique. Seule, l'introduction au second traitant de la situation de l'homme dans l'univers, a été publiée de son vivant. La plupart de ses commentateurs distinguent plusieurs stades dans le développement de sa pensée. Il débuta comme élève personnel de Rudolf Eucken, le philosophe de la vie de l'esprit, qui infusa à son disciple son admiration pour saint Augustin et Pascal. Nietzsche, Dilthey, Bergson, et surtout Husserl l'influencèrent profondément. La théorie de l'intuition catégoriale de ce dernier, sa méthode eidétique ainsi que sa doctrine des objets idéaux, quoique interprétées d'une façon peu orthodoxe devinrent, entre les mains de Scheler, d'excellents outils d'exploration des domaines de la valeur et du sentiment. Converti au catholicisme, Scheler devint comme chrétien convaincu, personnaliste et théiste. Mais sa philosophie de la religion avait à peine paru que son concept de Dieu et son attitude religieuse changèrent radicalement. Ceci fut une cause d'étonnement pour ses commentateurs. W. Stark alla jusqu'à parler d'une défection. Ce revirement ne fut pas seulement le résultat d'une expérience personnelle, ou, comme le croit Jacques Maritain, d'une crise religieuse, mais plutôt l'issue d'un conflit, durant sa vie entière, entre sa conception sociologique de la structure relativiste de la condition humaine et sa foi en l'existence de valeurs absolues, y compris celle d'un Dieu personnel qui se révèle par ses actes. Dans sa dernière phase panthéiste Scheler voyait le développement de l'histoire du monde comme une progression à partir d'impulsions vitales prélogiques et aveugles, vers l'accomplissement de la destinée humaine dans le domaine des valeurs et de l'existence spirituelle. Ce processus avait pour lui le sens d'une manifestation de la force divine, d'un devenir de Dieu dans le monde. Dans le résumé bref et par trop sommaire de quelques-uns des leitmotive de la pensée de Scheler, il m'a fallu renoncer à la tentation de suivre pas à pas le développement de cet esprit remarquable. Mon but est plutôt celui de présenter quelques-unes de ses doctrines fondamentales qui me semblent moins contradictoires qu'elles ne le furent pour ses contemporains. En le faisant, je veux reconnaître tout ce que je dois aux écrits du plus doué de ses élèves personnels, Paul Landsberg, dont le souvenir est toujours vivant en France, ainsi qu'aux interprétations de l'éminent philosophe catholique allemand, Aloïs Dempf - dans ses deux remarquables ouvrages Anthropologie Philosophique et l'Unité de la Science. Les travaux de ces deux hommes ont accompli au moins partiellement l'espoir formulé par Ortega y Gasset, que les générations futures révéleraient l'ordre interne et l'architecture de la pensée de Scheler. Le plan que j'ai choisi m'oblige malheureusement à passer sous silence quelques-unes de ses plus bel...
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