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ABRITÉ, -ÉE participe passé et adjectif.

Publié le 27/09/2015

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ABRITÉ, -ÉE participe passé et adjectif.  

Sens propre et figuré.  Qui était, ou qui est à l'abri : 

Ø 1. Ces braves, secondés par la troisième division du Maréchal Soult et par l'infanterie de la jeune garde, que Napoléon avait fait avancer rapidement sous le commandement du Général Savary, soutinrent jusqu'au soir cette lutte inégale, dans laquelle trente mille Français combattaient à découvert contre quatre-vingt-dix mille Russes abrités par de forts retranchements.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 146. 

Ø 2. Plus jamais je n'assisterai à une course de taureaux. (...) nous eût-il été donné de voir une belle corrida et d'applaudir un Martial Lalanda, nous aurions dû tout de même subir ce qui, tout à coup, me paraissait horrible à crier : l'attachement de cette foule assise, inactive, abritée, embusquée, « planquée », à un spectacle dangereux pour l'homme, mortel pour la bête.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal, 3, 1940, page 221. 

Remarque : En emploi adjectival, abrité peut signifier par ellipse « qui est à l'abri des intempéries », et suggérer par là l'idée d'une protection active procurée par le lieu ainsi qualifié : 

Ø 3.... elle avait adopté ce lieu si doux, si chaud, si abrité.

JULES MICHELET, L'Insecte,  1857, page 363. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 486. Fréquence relative : XIXe.  siècle : a) 488, b) 976; XXe.  siècle : a) 742, b) 680. 

 

Forme dérivée du verbe \"abriter\"

 abriter

ABRITER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif.  [Le sujet et le complément sont indifféremment une personne ou un objet]  Mettre à l'abri. 

A.—  La protection est naturelle ou du moins matérielle : 

Ø 1. J'ai éprouvé cela [l'apaisement] vingt fois en débarquant, même pour quelques heures, sur une côte inconnue et déserte : un rocher qui vous garantit du vent; un arbuste qui vous abrite de son tronc ou de son ombre; un rayon de soleil qui chauffe le sable où vous êtes assis;...

ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-33) ou Notes d'un voyage, tome 2, 1835, page 352. 

Ø 2. Serrée contre l'Eurasie, d'un côté, l'Indo-Afrique de l'autre, comme entre les deux mâchoires d'un étau, cette dépression a toujours abrité des synclinaux...

ALBERT DE LAPPARENT, Abrégé de géologie,  1886, page 406. 

Ø 3. Les germes (...) cachés dans les organismes qui les abritent.

EDMOND PERRIER, Traité de zoologie,  1893, page 46. 

Remarque : Dans les exemples 2 et 3, abriter est utilisé, par affaiblissement de sens, comme équivalent plus élégant et plus expressif de contenir ou de avoir. 

B.—  L'abri est un lieu (au sens propre); mais il apporte une protection plutôt morale : 

Ø 4.... [je] m'abandonnai, les yeux fermés, aux enchantements de ma mémoire. Il était, quelque part, un parc chargé de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j'aimais. Peu importait qu'elle fût éloignée ou proche, qu'elle ne pût ni me réchauffer dans ma chair, ni m'abriter, réduite ici au rôle de songe : il suffisait qu'elle existât pour remplir ma nuit de sa présence.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes,  1939, page 178. 

Remarque : Dans l'exemple suivant, abriter est l'équivalent expressif de avoir (supar exemple 2, 3); il est employé par ironie : 

Ø 5. [madame Chanteau] :

—  (...) si tu n'avais pas été malade, nous serions peut-être millionnaires.

Chaque fois que l'amertume de sa femme débordait ainsi, il baissait la tête, gêné et honteux d'abriter dans ses os l'ennemie de la famille [la goutte] .

ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre,  1884, page 823. 

C.—  La protection est d'ordre moral (l'abri offert —  ou qui s'offre —  n'est pas un lieu réel, mais une abstraction, une personne...) : 

Ø 6. Décidément je crois qu'il est prudent de se garer un peu d'Asseline : il a contre lui tous les jaloux de la fortune. Nous ne pouvons pas le sauver, ni l'abriter contre tout le monde.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  juillet 1857, page 377. 

II.—  Emploi pronominal. S'abriter..  Se mettre à l'abri : 

A.—  Protection naturelle, matérielle : 

Ø 7.... quoiqu'à la rigueur un homme pût vivre en n'ayant que des racines pour se nourrir, une peau pour se vêtir et une hutte pour s'abriter, néanmoins, dans l'état actuel de nos sociétés, on ne peut pas, dans nos climats, considérer comme des superfluités du pain et de la viande, un habit d'étoffe de laine et le logement dans une maison.

JEAN-BAPTISTE SAY, Traité d'économie politique,  1832, page 457. 

Ø 8. A cette heure des crépuscules d'hiver, où on sent plus particulièrement le besoin d'avoir un gîte, de rentrer près d'un feu, de s'abriter pour dormir, —  nous n'avions rien, nous,...

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves,  1883, page 79. 

Ø 9. Parmi les bateaux qui s'abritaient à la tempête dans le port de Calais se trouvait, hier, le chalutier Hinders, de l'Institut d'études maritimes d'Ostende,...

Le Figaro.  19-20 janvier 1952, page 1, colonne 5. 

Remarque : Dans l'exemple 9, la construction en apparence exceptionnelle du verbe abriter (+ à, au lieu de contre ou de) s'explique sans doute par croisement avec à « au moment de » dans le langage hâtif du reportage de presse. 

B.—  Protection morale : 

Ø 10. Rien de ce qui s'agite ici-bas ne me tente;

Je ne veux pas dresser à tout ce vent ma tente,

Je ne veux pas salir mes pieds dans ces chemins

Où s'embourbe en marchant ce troupeau des humains;

J'aime mieux, m'écartant des routes de la terre,

Suivre dès le matin mon sentier solitaire.

J'aime mieux m'abriter sous le mur du saint lieu

Et dès le premier pas me reposer en Dieu.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Jocelyn,  1836, page 582. 

Ø 11. Notez que la providence —  (...) —  a voulu que cette belle restauration de l'art se fît entre le théâtre des mauvais bergers et le théâtre des deux gosses (...). Ainsi, il y a un chef-d'oeuvre de plus au monde. Réjouissons-nous. Reposons-nous. Flânons. Allons de théâtre à théâtre écouter les dernières niaiseries : nous sommes tranquilles. Quand il nous plaira, nous retrouverons le chef-d'oeuvre. On peut s'y appuyer, s'y abriter, s'y sauver des autres et de soi-même.

JULES RENARD, Journal,  1897, page 451. 

Remarque générale : Abriter ou s'abriter se construisent fréquemment sans complément de lieu. Lorsqu'un tel complément est exprimé, il est introduit par les prépositions sous (exemple 10), dans (exemple 5), à (exemple 9). L'adverbe pronom personnel est y (exemple 11), auquel correspond l'adverbe relatif où : 

Ø 12. Si j'étais petit oiseau

J'irais chanter près de lui.

Puis j'irais jusqu'où s'abrite 

Quelque famille proscrite...

PIERRE-JEAN DE BÉRANGER, Chansons, Si j'étais petit oiseau, tome 2, 1829, page 113. 

Les intempéries ou le danger menaçants sont introduits par les prépositions contre (exemple 6), de : 

Ø 13. Indépendamment de ces soins, il est important que le jardinier surveille chaque jour ses arbrisseaux, qu'il les nettoie des feuilles mortes et des insectes qui pourraient leur nuire, qu'il rogne les pousses trop vigoureuses, qu'il les abrite du froid, de l'extrême chaleur, de la sécheresse, de la trop grande humidité...

Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 1, 1797, page 231. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 045. Fréquence relative : XIXe.  siècle : a) 921, b) 1 579; XXe.  siècle : a) 1 844, b) 1 701. 

 

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