Devoir de Philosophie

ABSTRAIT

Publié le 02/04/2015

Extrait du document

ABSTRAIT

Les indigènes des îles Murray, dans le détroit de Torrès, ne disposent que des chiffres 1 et 2 ; au-delà, ils se rapportent à quelque partie de leur corps : on commence par le petit doigt de la main gauche, puis on passe par les doigts, le poignet, le coude, l'aisselle, etc. On dira que ces indigènes n'ont aucune représentation abstraite des nombres ; compter, pour eux, demeure l'opération du dénombrement des parties de leur corps, c'est une opération concrète. Le concret, c'est le domaine des significations familières qui est la marque du monde où

nous vivons, plus particulièrement du monde perçu. On entend généralement par concret ce qui existe réellement, ce qui est donné aux sens (une idée peut être concrète si elle est le résultat immédiat de la perception). L'abstrait ne peut être déterminé sans référence au

concret ; on oppose ces corrélatifs, comme le général au particulier, le séparé (abstraire, c'est séparer) à la totalité, le construit au donné.

Ces déterminations ne se recouvrent pas. Ainsi, l'universel peut n'être pas séparé (pour Aristote, l'espèce existe dans l'individu) ; le séparé peut n'être pas général (la surface est un abstrait pour Aristote parce qu'elle n'existe que dans le corps), le construit non plus (un nombre

est un abstrait quand on admet que seuls des individus existent dans la réalité).

Les problèmes posés par ce couple de notions concernent la définition de la pensée, son rapport à la réalité et la valeur respective de chacune d'elles :

1 — D'une façon ou d'une autre, la pensée suppose l'abs­traction, soit sous forme de généralité (on ne peut manipuler une infinité de données), soit sous forme de séparation (possibilité de traiter séparément les éléments d'une donnée). La pensée abstraite est une pensée qui s'attache non à la particularité des êtres, mais à la généralité des rapports ; c'est pourquoi les mathématiques en sont l'exemple. C'est par excellence une pensée symbolique ; son acquisition par l'enfant est liée en grande partie à la verbalisation (voir langage).

2 — Le rapport de la pensée à la réalité est souvent compris dans le rapport du concret à l'abstrait. C'est le cas notamment pour les empiristes qui s'efforcent d'expliquer par une théorie de l'abstraction comment l'esprit humain construit ses idées générales à partir des données sensibles. La logique moderne, sous l'impulsion de Russell, s'est efforcée de définir l'abstraction à partir des relations d'équi­valence (toute relation d'équivalence entre des êtres peut s'exprimer comme la relation de chacun d'entre eux à un « abstrait « ; par exemple, si la relation est le parallélisme, l'« abstrait « sera la « direction «).

 

3 — Plus la pensée est éloignée non seulement du réel, mais encore de l'immédiat et du familier, plus elle est abstraite. Par là, on peut songer à dévaloriser l'abstrait, compris comme le non-immédiat, le non-naturel, la généralité vide (Hegel oppose l'universel abstrait séparé de ses détermi­nations à Ptiniversel concret qui reprend en soi toutes ses déterminations). Pour les classiques, plus un concept est abstrait, plus il a d'extension (plus il est général), moins il a de compréhension ; plus on généralise, plus on abstrait, moins on connaît de propriétés de l'objet du concept. Cela conduit à penser que ce qui mérite au plus haut point d'être connu dans le monde est constitué par la pluralité infinie des déterminations individuelles. L'épistémologie de la pensée scientifique moderne, commencée avec Bachelard, conduit au contraire à penser que l'essentiel, c'est ce qui de la réalité est déterminé par l'universalité des structures mathématiques. Il, y a moins de connaissance dans tous les triangles rectangles réels que dans le théorème de Pythagore.

Liens utiles