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ACCABLANT, -ANTE, participe présent, adjectifet substantif.

Publié le 29/09/2015

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ACCABLANT, -ANTE, participe présent, adjectifet substantif.  

I.—  Participe présent du verbe accabler* 

II.—  Adjectif.  [En parlant d'un inanimé indiquant la nature ou l'origine de l'accablement. Correspond à accabler B]  Qui accable en raison notamment : 

1. D'une charge physique excessive (rare) : 

Ø 1. Il prenait la croix et il suivait Jésus. Il l'alourdissait, la rendait accablante, n'avait pas de plus grande joie que de succomber sous elle, de la porter à genoux, l'échine cassée.

ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret,  1875, page 1480. 

2. De souffrances physiques intolérables, effets résultant : 

a) Des conditions atmosphériques : 

Ø 2.... le soleil est dans toute sa force, la chaleur est accablante : c'est un supplice que de courir la campagne; (...) le gibier se tapit au plus épais des buissons; le chasseur, exténué de fatigue, ne trouve plus rien, et cherche à son tour un abri commode;...

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 4, 1813, page 183. 

Ø 3. L'excès du froid ou de la chaleur, l'ennui, certains mouvements de tête, des irritations internes contribuent à cela. Je n'imagine plus rien alors. Une étrange stupeur me saisit, je demeure immobile, ne sentant rien que la fixité lourde, accablante de la vie, qui paraît s'arrêter dans un état de mal-être incompréhensible,...

MAURICE DE GUÉRIN, Journal,  1835, page 234. 

Ø 4. De courtes aurores, des midis plus longs, plus pesants qu'ailleurs, presque pas de crépuscule; quelquefois, une expansion soudaine de lumière et de chaleur, des vents brûlants qui donnent momentanément au paysage une physionomie menaçante et qui peuvent produire alors des sensations accablantes;...

EUGÈNE FROMENTIN, Un Été dans le Sahara,  1857, page 183. 

Ø 5. La température est accablante; non qu'il fasse très chaud; mais l'air est si lourd, si vaporeux, que l'on ruisselle.

ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo,  1927, page 760. 

b) De la fatigue, du sommeil, de la vieillesse, etc. : 

Ø 6. Chaque pas qu'il faisait en allant d'un meuble à l'autre l'exténuait, et il était obligé de s'asseoir. Ce n'était point de la fatigue ordinaire qui dépense la force pour la renouveler; c'était le reste des mouvements possibles; c'était la vie épuisée qui s'égoutte dans des efforts accablants qu'on ne recommencera pas.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 703. 

Ø 7. C'était un de ces sommeils qui semblent durer des années, —  accablé, accablant, comme du plomb au fond d'un lac. On est la proie de la lassitude amoncelée et des hallucinations monstrueuses qui rôdent éternellement aux portes de la volonté. Il voulait s'éveiller, brûlant, brisé, perdu dans cette nuit inconnue; il entendait des horloges sonner d'éternelles demies; il ne pouvait respirer, ni penser, ni bouger; il était ligoté, bâillonné, comme un homme que l'on noie, il voulait se débattre et retombait au fond...

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1336. 

3. Des circonstances psychiques ou morales, particulièrement pénibles de l'existence : 

Ø 8. Toute joie exaltée est nécessairement peu durable. Il est entre nos sensations, comme entre toutes les forces de la nature, une sorte d'équilibre qui modère les unes pour ne pas détruire les autres. Dans leurs oscillations une impulsion trop grande produit une réaction inévitable. Une tristesse accablante suivra la joie immodérée; l'action est convulsive, le repos sera léthargique...

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme,  1799, page 85. 

Ø 9. Il n'est donc point vrai qu'aujourd'hui, plus qu'autrefois, l'homme soit disposé à se résigner au despotisme. Une nation fatiguée par des convulsions de douze années a pu tomber de lassitude, et s'assoupir un instant sous une tyrannie accablante, comme le voyageur épuisé peut s'endormir dans une forêt,...

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, De l'Esprit de conquête et de l'usurpation, 1813, page 240. 

Ø 10.... un peuple qui avait supporté sans se plaindre, et comme s'il ne les sentait pas, les lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s'en allège. (...) Il n'y a qu'un grand génie qui puisse sauver un prince qui entreprend de soulager ses sujets après une oppression longue.

ALEXIS DE TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la Révolution 1856, page 277. 

Ø 11. « Pendant plus de trois ans, notre rêveur sera comme un exilé, chassé du territoire du bonheur commun, car il est arrivé maintenant à une Iliade de calamités, il est arrivé aux tortures de l'opium. » Sombre époque, vaste réseau de ténèbres, déchiré à intervalles par de riches et accablantes visions :

C'était comme si un grand peintre eût trempé

Son pinceau dans la noirceur du tremblement de terre et de l'éclipse.

(...) c'est bien là le ciel morne et l'horizon imperméable qui enveloppent le cerveau asservi par l'opium.

CHARLES BAUDELAIRE, Les Paradis artificiels, Un Mangeur d'opium, 1860, page 421. 

Ø 12. J'ai beau chercher dans les cendres de mon bonheur détruit, je n'y retrouve plus rien des sentiments que je devrais avoir, que j'ai eus, et qui m'auraient encore aidée à porter le poids de cette accablante misère! Je n'ai plus de fierté, je n'ai plus de volonté, je n'ai plus de raison, je n'ai plus même, non, je n'ai plus, en face de ma conscience éteinte, cette pudeur de la souffrance qui répugne à s'avouer... Je suis horriblement malheureuse, et si désertée de ma force que je ne sais rien faire que de confesser mon impuissance. Ah! si je peux mourir, et vite, bien vite,...

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades,  1874, page 295. 

Ø 13. Nous constatons ainsi que le pessimisme le plus découragé est le dernier mot de cette littérature d'enquête. De plus en plus, au cours des romans qui relèvent de cette doctrine, la nature humaine est montrée misérable, dans ses dépressions sous le poids des circonstances trop accablantes, dans ses impuissances contre les forces trop écrasantes.

PAUL BOURGET, Essais de psychologie contemporaine,  1883, page 182. 

Ø 14. Maintenant qu'il en était privé, il éprouvait une défaillance de tout son être, une impression d'implacable découragement, d'accablant ennui.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 1, 1903, page 16. 

Ø 15. Parmi les victimes du milieu, il en est qui sont comme perpétuellement écrasées par lui, parce que son incidence est toujours trop proche et par suite trop brutale. (...) Tel est le monde accablant des asthéniques. Toutes les saccades du milieu —  bruits, précipitation, changements, difficultés —  retentissent contre eux plus fort et plus douloureusement que chez les autres. Ils sentent toujours le monde trop près d'eux, oppressant par sa proximité.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 79. 

4. De témoignages défavorables, d'accusation pouvant entraîner condamnation : 

Ø 16. Et la peau du lapin, preuve accablante, dernière et terrible pièce à conviction, fut découverte dans la paillasse. Alors les gendarmes rentrèrent en triomphe au village avec le prisonnier et leurs trouvailles.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Le Lapin, 1887, page 249. 

Ø 17. Comment! Il existerait, depuis 1894, un témoignage aussi accablant, dont la publication suffirait à annuler, d'un coup, tout le branle-bas —  et, depuis quatre ans, personne n'aurait pensé à le produire?

ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois,  1913, page 374. 

Ø 18. Le prévenu sera-t-il acquitté ou bénéficiera-t-il seulement de circonstances atténuantes? Il est dommage que les délits de presse ne soient plus guère réprimés, sans quoi nous assisterions bientôt à un procès de ce genre; l'accusé a publié un livre qui attente à la morale publique; sur la plainte de quelques-uns de ses concitoyens « les plus honorables », il est également inculpé de diffamation; on a retenu contre lui toutes sortes d'autres charges accablantes, telles qu'injures à l'armée, provocation au meurtre, au viol, etc. L'accusé tombe, d'ailleurs, aussitôt d'accord avec l'accusation pour « flétrir » la plupart des idées exprimées.

ANDRÉ BRETON, Les Manifestes du Surréalisme,  1930, page 71. 

5. D'un excès de bien, de bonheur, de faveurs, etc. : 

Ø 19. Tels, après tout, les coeurs des hommes : plus ils sont tendres et délicats, plus ils sont vite émoussés, dégoûtés et à bout. Qui de vous, amants humains, parmi les plus comblés, et au sein des accablantes faveurs, qui de vous n'a subi l'ennui?

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 1, 1834, page 169. 

Ø 20. La nature paraît bien grande lorsque, dans un long recueillement on entend le roulement des ondes sur la rive solitaire, dans le calme d'une nuit encore ardente et éclairée par la lune qui finit. Indicible sensibilité, charme et tourment de nos vaines années; vaste conscience d'une nature partout accablante et partout impénétrable, passion universelle, sagesse avancée, voluptueux abandon;...

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, page 22. 

Ø 21.... il se pourrait aussi que l'humanité fût, dans son ensemble, incapable de soutenir la vérité de la science. Vérité ardue, accablante, oppressante... Parmi ses zélateurs eux-mêmes, il en est qui ne s'y rendent point sans détresse. Bien sûr, ils ne peuvent faire autrement que d'y rester fidèles, mais il leur arrive d'envier ceux-là qui ne sont point empêchés, par la forme de leur esprit, d'en concevoir une autre.

JEAN ROSTAND, La Vie et ses problèmes,  1939, page 206. 

Remarque : 1. Emplois rares. 

a) [En parlant d'une personne] :

Ø 22.... elle est la forme bénigne de l'autoritarisme des timides ou des inquiets, qui reportent sur autrui leur propre insécurité : voyageurs qui assassinent leurs voisins d'obligeances indiscrètes, parents qui ne savent pas laisser leurs enfants apprendre seuls un jeu ou découvrir seuls un plaisir, donneurs de conseils inséparables de tout incident de rue, et jusqu'à ces femmes accablantes qui ne savent pas combien l'homme aime agir de lui-même et avoir un peu d'air autour de ses gestes.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 511. 

b) Substantif.  Ce qui accable : 

Ø 23. Bonhomme d'église et de Sorbonne, onctueux, pesant, naïf, maladroit jusque dans ses finesses, il n'a pas grand air. (...) Quand il écrit, il passe, avec une placidité irritante, du plus haut sublime à l'accablant, à l'ennuyeux.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 6. 

Remarque : 2. a) Contrairement à accablé, accablant peut être antéposé (confer exemple 11, 12, 14, 19). b) À la différence de accablé, accablant qualifie généralement un inanimé; il correspond donc à accabler B. 

Remarque : 3. a) Syntagmes fréquents Comme le montrent les exemples, les substantifs avec lesquels accablant forme le plus fréquemment syntagme sont : air, chaleur (très fréquent), charge, coup, effet, ennui, fait, fardeau, fatigue, idée, lassitude, mystère, pensée, poids, preuve, réflexions, sentiment, silence, soleil, sommeil, témoignage, température, tristesse. b) Accablant est volontiers associé avec des adjectifs ou des participe présent (et quelquefois passés) : amer, chargé, chaud, cruel, dangereux, douloureux, dur, écrasant, écrasé, fort, funeste, grand, long, lourd (fréquent), monotone, obsédant, pénible, poignant, sinistre, terrible, triste, vaste, vif; antonyme : léger. 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 527. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 667, b) 658; XXe.  siècle : a) 869, b) 795. 

 

Forme dérivée du verbe \"accabler\"

 accabler

ACCABLER, verbe transitif.  

Généralement péjoratif.  [L'objet désigne un animé, notamment une personne, ou un aspect du comportement ou l'oeuvre d'une personne]  Faire ployer sous une charge physique ou morale excessive, de manière à anéantir toute possibilité ou volonté de réaction. 

A.—  [Le sujet désigne un animé, notamment une personne, une faculté ou un aspect de la personne humaine; le complément d'objet direct est généralement accompagné d'un complément indirect, introduit par les prépositions de, plus rarement par ou sous, et précisant la nature de la charge accablante] 

1. Rare.  La charge est un objet physique : 

Ø 1. Hercule, sans effroi, voit renaître la guerre,

Part, vole, le saisit, le combat et l'atterre, 

L'accable de son poids, presse de son genou

Sa gorge haletante et son robuste cou;...

ABBÉ JACQUES DELILLE, L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises,  1800, page 87. 

Ø 2. SMARH. —  Est-ce que je ne suis pas supérieur au cheval, et le cheval à la fourmi, et la fourmi au caillou?

SATAN. —  Oui, puisque tu es sur le cheval et que tu l'accables, et que le cheval écrase la fourmi, et que la fourmi creuse la terre.

GUSTAVE FLAUBERT, Smarh,  1839, page 47. 

2. Au figuré.  [La charge consiste dans la pesanteur ou la quantité extrême des difficultés, souffrances, obligations] :

Ø 3. Les valétudinaires n'ont pas, comme les autres hommes, une vieillesse qui accable leur esprit par la ruine subite de toutes leurs forces.

JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 229. 

Ø 4.... je suis bonne. Ils le savent, et ils en abusent... Ils me tourmentent, ils m'accablent d'embarras, d'affaires et de demandes; il leur faut des places; ils en veulent tous!

EUGÈNE SCRIBE, Le Verre d'eau,  1840, III, 1, page 671. 

Ø 5.... sa volonté de rester de sa race, son esprit de famille, son sincère respect du peuple, sa propre honnêteté, préoccupaient Louis-Philippe presque douloureusement, et par instants, si fort et si courageux qu'il fût, l'accablaient sous la difficulté d'être roi.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 28. 

Ø 6.... et, le secouant avec colère, il se mit à l'accabler sous une volée de reproches furibonds.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, page 1543. 

Ø 7. On augmenta cruellement le nombre des entraves des muses. On édicta une restriction très redoutable du nombre de leurs pas et de leurs mouvements naturels. On chargea le poète de chaînes. On l'accabla de défenses bizarres et on lui intima des prohibitions inexplicables. On lui décima son vocabulaire. On fut atroce dans les commandements de la prosodie.

PAUL VALÉRY, Variété IV,  1938, page 46. 

—  En particulier.  [En paroles humiliantes ou contrariantes, ou en témoignages ou accusations pouvant entraîner condamnation] :

Ø 8. L'empereur était en bonne humeur, un mot n'attendait pas l'autre; il accablait le docteur de questions, d'arguments spirituels et subtils qui l'embarrassaient fort;...

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 407. 

Ø 9.... une multitude de Grecs de Sicile et d'autres provinces, déposèrent contre Verrès, et l'accablèrent de leurs témoignages. Les sénateurs qui composaient le tribunal, se hâtèrent de le condamner, dans l'espoir de sortir plus vite de ce procès terrible, et de rendre inutiles les éloquentes invectives que Cicéron avait préparées;...

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 208. 

Ø 10. Voilà assez long-temps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d'infamie; voilà assez long-temps que les oreilles me tintent, et que l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche; j'en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom, qui m'accablent d'injures pour se dispenser de m'assommer, comme ils le devraient.

ALFRED DE MUSSET, Lorenzaccio,  1834, III, 3, page 194. 

Ø 11. Ils étaient là, assistant aux assises, l'homme et la femme, petits rentiers de province, exaspérés contre cette traînée qui avait souillé leur maison. Ils auraient voulu la voir guillotiner tout de suite, sans jugement, et ils l'accablaient de dépositions haineuses devenues dans leur bouche des accusations.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Rosalie Prudent, 1886, page 643. 

—  Accabler sous le nombre : 

Ø 12. C'était un samedi. Deux Italiens pris de boisson rencontrèrent une dizaine de Juifs, qui remontaient de l'oued où ils avaient fêté le sabbat. Un des ivrognes, tirant son couteau, fonça tête baissée dans le groupe, Il fut accablé sous le nombre et tomba sous les matraques.

JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, La Fête arabe,  1912, page 190. 

Ø 13. C'est la retraite des éléments placés à l'ouest et à l'est du fort et accablés sous le nombre qui permet à l'ennemi d'aborder les coffres.

HENRY BORDEAUX, Les Derniers jours du fort de Vaux,  1916, page 285. 

Ø 14. Le même écrivain nous parle d'une héroïne franque, couverte d'une mante verte, qui ne cessait de lancer des flèches et mit hors de combat plusieurs musulmans. « Elle fut enfin accablée sous le nombre. Nous la tuâmes et nous portâmes son arc au sultan. »

RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades,  1939, page 268. 

3. Par extension.  [En parlant de cadeaux, bienfaits, attentions, etc. dont l'excès inattendu produit un effet d'écrasement] :

Ø 15. Tout ce peuple importun et serviable nous accablait de présents. Ils nous prodiguèrent le miel de leurs abeilles, le lait de leurs chèvres, les olives de leurs vergers, le fromage frais et salé de leurs brebis, un vin résiné que Garnier apprécia, et deux ou trois espèces de vin muscat en bouteille.

EDMOND ABOUT, La Grèce contemporaine,  1854, page 277. 

—   Avec un sujet désignant un nom de chose personnifiée (Confer infra remarque 1 b, exemple 36). 

—  Construction absolue : 

Ø 16. C'était là le faire de Napoléon; il est connu que son premier bienfait en amenait presque toujours immédiatement beaucoup d'autres. Dans ce cas, il ne donnait pas, il accablait; mais encore fallait-il savoir profiter de cet instant : il pouvait être sans bornes ou s'évanouir sans retour.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 176. 

Remarque : Le verbe peut être affaibli à la valeur d'un superlatif de combler, et perd alors sa connotation péjorative. 

B.—  [Le sujet est un nom de chose indiquant la nature de la charge accablante; il n'y a généralement un complément indirect que si l'idée de poids reste sensible]  Les catégories sémantiques sont les mêmes que pour l'objet indirect sous A. 

1. Rare.  [La charge est un poids physique] :

Ø 17.... et ces orages électriques, qui, au milieu des chaleurs brûlantes de la canicule, nous accablent sous le poids des grêles de l'hiver, et souvent nous laissent à peine la paille de nos moissons;...!

MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute-Pensylvanie et dans l'État de New-York, tome 2, 1801, page 361. 

Ø 18.... mon fardeau me fait-il chanceler? 

Le poids d'un diadème est loin de m'accabler. 

Deux, trois autres encor, devenant ma conquête,

Ne m'accableraient pas, et sur ma vieille tête 

Accumulés tous trois, lui seraient moins pesans Qu'une toque d'azur...

CASIMIR DELAVIGNE, Louis XI,  1832, III, 5, page 123. 

2. Au figuré.  [En parlant de la lourdeur ou de la quantité excessive des souffrances physiques ou morales, des difficultés, des obligations, etc.] :

Ø 19.... j'ai été malade. En finissant ma dernière lettre, je me sentois oppressée, triste, sans savoir pourquoi, et faisant une très-maussade compagnie à la vive et brillante Adèle. Je remettois chaque jour à t'écrire, à cause de l'abattement qui m'accabloit enfin la fièvre m'a pris.

SOPHIE COTTIN, Claire d'Albe, préface, 1799, page 124. 

Ø 20. Quand la tourmente s'annonce sur les mers orageuses, le pilote appelle son art, et son art lutte contre la tourmente. Quand le calme le saisit sur les plages de la Pacifique, il n'est plus d'art, plus d'effort, on se consume lentement, on périt dans l'abattement, c'est un calme de mort. L'homme de génie s'élève contre de grands malheurs, il les combat, il les surmonte. Quand de lentes douleurs l'oppriment froidement, quand les ennuis le harcèlent et l'accablent, il est terrassé sans combat, il s'éteint sans résistance.

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme,  1799, page 82. 

Ø 21.... ces affections, quand elles sont portées à leur dernier terme, tantôt se transforment en démence et fureur (état qui résulte directement de l'excès des concentrations et de la dissonnance des impressions que cet excès entraîne); tantôt accablent et stupéfient le système nerveux, par l'intensité, la persistance et l'importunité des impressions, d'où s'ensuivent et la résolution des forces, et l'imbécillité.

PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 1, 1808, page 433. 

Ø 22. Le crépuscule mourait. Vous m'aviez chargé de tristesse quelques heures auparavant; le soir, qui aggrave cette affection de l'âme, en s'affaissant doublait de puissance, tout m'accablait et conspirait à m'accabler. Il y a des pensées si tristes qu'elles attendent la nuit pour se rassembler et assaillir l'esprit. Quel essaim s'est abattu sur moi!

MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance,  1837, page 264. 

Ø 23. Elle était paresseuse à parler, à répondre. : Non, je n'ai rien... Je vais bien... » Elle laissait seulement cela tomber de ses lèvres avec un accent de souffrance, de tristesse et de patience. L'oppression l'accablait maintenant C'était comme un poids qu'elle se sentait dans la poitrine et que sa respiration avait peine à soulever. Une gêne, un malaise vague, se répandant de là par tout son être et la remplissant d'énervement, lui ôtait toute énergie vitale, brisait en elle toute volonté de mouvement et la tenait écrasée, inclinée, sans forces pour sortir et se relever d'elle-même.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Renée Mauperin,  1864, page 298. 

Ø 24.... l'infini masqué de noirceur, voilà la nuit. Cette superposition pèse à l'homme. Cet amalgame de tous les mystères à la fois, du mystère cosmique comme du mystère fatal, accable la tête humaine.

VICTOR HUGO, Les Travailleurs de la mer,  1866, page 300. 

Ø 25. À quoi bon ces ivresses d'un moment, suivies d'angoisses qui durent de longs jours, de longues nuits, qui me serrent la gorge et m'inspirent pour tout au monde, occupations, obligations, devoirs, plaisirs, jouissances de l'esprit, distractions de l'intelligence, un dégoût que je ne puis vaincre, qui... oui, qui m'accable, qui m'oppresse et m'étouffe, et m'achève si lentement?

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades,  1874, page 295. 

Ø 26.... le comble de la douleur atteint à la délivrance. Ce qui abat, ce qui accable, ce qui détruit irrémédiablement l'âme, c'est la médiocrité de la douleur et de la joie, la souffrance égoïste et mesquine, sans force pour se détacher du plaisir perdu, et prête secrètement à tous les avilissements pour un plaisir nouveau.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 648. 

Ø 27. Maxence, sur les ruines, s'asseoit. Mais soudain une étrange oppression l'accable. Tout l'ennui de l'islam est devant lui, et la servitude, et l'immense découragement, et le morne « à quoi bon » de ces esclaves!

ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion,  1914, page 224. 

Ø 28. J'ai offensé deux êtres, sans réparation possible. Mais la mort du premier, de mon père chéri, oui ce fut une délivrance; la mort de l'autre, de la femme détestée qui a été l'ennemie du bonheur, m'accable sous un poids que je ne soulèverai plus jamais.

PIERRE-JEAN JOUVE, Paulina 1880,  1925, page 136. 

Ø 29. Le destin m'accable! On m'exaspère à plaisir! On me harcèle! On me crible! On me ruine! On me piétine! On m'afflige de cent mille façons! Et maintenant? Que veut-il encore? Quelles prétentions? M'extorquer ma dernière gamelle!... à Dache!

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 500. 

—  En particulier.  [En parlant d'attitudes, de propos désagréables, de jugements ou preuves pouvant entraîner condamnation, etc.] :

Ø 30. Déclamations contre le luxe et scandales vertueux, haine de la toilette et maximes morales, mots à double entente et haussements d'épaules, tout fut employé à l'envi pour accabler cette femme qui, à en juger au contraire par l'acharnement de ces rustres, devait être de manières élégantes, de nature relevée, avoir des nerfs délicats et, sans doute, quelque jolie figure.

GUSTAVE FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, Touraine et Bretagne, 1848, page 359. 

Ø 31. De l'éternel azur la sereine ironie 

Accable, belle indolemment comme les fleurs,

Le poëte impuissant qui maudit son génie

À travers un désert stérile de douleurs.

STÉPHANE MALLARMÉ, Poésies, L'Azur, 1898, page 37. 

3. Par extension.  [En parlant d'un excès de bien, de bonheur, de faveurs, etc.] :

Ø 32. Ce bonheur me tue, il m'accable Ma tête est trop faible, elle éclate sous la violence de mes pensées. Je pleure et je ris, j'extravague. Chaque plaisir est comme une flèche ardente, il me perce et me brûle!

HONORÉ DE BALZAC, Louis Lambert,  1832, page 178. 

Ø 33. Plus elle l'aimait, le lui disait et s'épanchait en lui, et plus cette tendresse l'accablait comme un fardeau trop fort; son dévouement, sans retour de sa part, lui semblait le plus amer des reproches, et tout ce qu'elle lui donnait d'amour et de caresses une sorte d'aumône, de prodigalité écrasante.

GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale.  1845, page 202. 

Ø 34.... cet amour ne va pas sans une inexprimable mélancolie. Tout ce qui est souverainement beau ravit à la fois et torture, exalte et accable;...

PAUL BOURGET, Nouveaux essais de psychologie contemporaine, 1885, page 129. 

Ø 35. Jamais Mozart n'avait été joué avec autant de perfection que la veille. Lui, Moïse, en était encore pénétré... Sa haine pour les ennemis, son amour du gain, la rapidité même de sa parole en avaient été relâchés au profit d'un bien-être physique qui l'accablait depuis son lever. Cette rouille dans ses genoux, cet engourdissement de ses oreilles, en effet, il le reconnaissait maintenant, c'était bien la nonchalance divine, l'acide urique suprême, c'était bien Mozart.

JEAN GIRAUDOUX, Bella,  1926, page 89. 

Remarque : 1. a) La préposition de, suivie d'un nom sans article, indique la nature de la charge accablante; par et surtout sous, suivis d'un nom avec article défini, soulignent en outre l'idée de poids ou d'écrasement. b) Si le complément introduit par de est accompagné d'un qualificatif ou d'un complément caractérisant, il est précédé de l'article indéfini : 

Ø 36. Voilà pourquoi aussi l'homme ne peut ni produire ni supporter beaucoup de poésie; c'est que le saisissant tout entier par l'âme et par les sens, et exaltant à la fois sa double faculté, la pensée par la pensée, les sens par les sensations, elle l'épuise, elle l'accable bientôt, comme toute jouissance trop complète, d'une voluptueuse fatigue, et lui fait rendre en peu de vers, en peu d'instants, tout ce qu'il y a de vie intérieure et de force de sentiment dans sa double organisation.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Des Destinées de la poésie,  1834, page 387. 

Ø 37. Ô Seigneur, accablez notre âme et nos paupières

D'un sommeil plus pesant et plus sourd que la pierre; 

(...)

Et que la paix des morts nous gagne, et qu'on oublie

Toute cette tristesse immense de la vie!

CHARLES GUÉRIN, Le Coeur solitaire.  1904, page 49. 

c) Exceptionnellement [Le conplément prépositionnel désigne une personne] :ép. désigne une personne] . : 

Ø 38. Vous avez un tel charme dans votre manière de vous intéresser, que je vous accable de moi. Cet été serait encore bien doux si je le passais avec vous...

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Correspondance générale, Lettres diverses, tome 2, 12 mars 1794, page 580. 

Remarque : 2. S'accabler, réfléchi, est rare : 

Ø 39. Puisqu'on ne pouvait condamner les autres sans aussitôt se juger, il fallait s'accabler soi-même pour avoir le droit de juger les autres.

ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1544. 

L'emploi passif semble plus fréquent, mais est souvent difficile à déterminer comme tel (confer accablé, participe passé, remarque 1). Quelques exemples sûrs où l'auxiliaire est à un temps narratif du passé (cf accablé, exemple 10, et supar exemple 12, 14). 

Remarque : 3. a) Les verbes avec lesquels accabler est le plus souvent en association paradigmatique sont : —  très fréquent : faire tomber; —  fréquent : écraser, épuiser; —  moins fréquents : accuser, affaisser, atterrer, charger, combler, courber, détruire, éblouir, ennuyer, exalter, (en) finir, fléchir, frapper, humilier, insulter, lasser, opprimer, faire souffrir, stupéfier, traîner, triompher, tourmenter. b) Les substantifs apparaissant le plus souvent dans les compléments du verbe sont : —  très fréquents : caresses, injures, invectives, mépris, questions; —  fréquents : colère, compliments, dédain, douleur, haine, lettres, maux, poids, reproches, sarcasmes, tendresses, travail; —  moins fréquents : affaires, amitié, amour, arguments, bonté, cadeaux, calomnies, conseils, demandes, désespoir, éloges, ennui, fardeau, force, gloire, honneur, honte, impôts, injustices, insultes, ironie, louanges, malédictions, malheurs, menaces, mots, outrages, paroles, peine, plaisanteries, politesses, preuves, prévenances, railleries, recommandations, regards, rigueurs, soins, torts, tristesse. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 553. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 850, b) 2 111; XXe.  siècle : a) 2 106, b) 1 774. 

 

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