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ACCOMMODANT, -ANTE, participe présent, adjectifet substantif.

Publié le 29/09/2015

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ACCOMMODANT, -ANTE, participe présent, adjectifet substantif.  

I.—  Participe présent de accommoder* 

II.—  Adjectif.  Qui s'accommode à, avec ou de son entourage. 

A.—  [En parlant de personnes ou d'attitudes humaines] 

—   Dans le domaine moral ou religion  Tolérant, conciliant, accueillant aux idées d'autrui (parfois péjoratif) : 

Ø 1. Les dames espagnoles du Nouveau Monde aiment le chocolat jusqu'à la fureur, au point que, non contentes d'en prendre plusieurs fois par jour, elles s'en font quelquefois apporter à l'église. Cette sensualité leur a souvent attiré la censure des évêques; mais ils ont fini par fermer les yeux; et le révérend père Escobar, dont la métaphysique fut aussi subtile que sa morale était accommodante, déclara formellement que le chocolat à l'eau ne rompait pas le jeûne, étirant ainsi, en faveur de ses pénitentes, l'ancien adage : liquidum non frangit jejunium.

JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante,  1825, page 115. 

Ø 2. Pascal ne flétrit si à plaisir les casuistes accommodants, que parce que Port-Royal avait affaire à des ennemis fort peu commodes et fort persécuteurs. Tartufe, d'ailleurs, sait être accommodant là où il faut; il l'est pour Orgon, qu'il a tellement ensorcelé...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 218. 

Ø 3. Il rugirait en voyant aujourd'hui l'Église se montrer si accommodante et d'entendre parler de son évolution. Il la veut immuable, et toutes les « variations » appartiennent à l'hérésie.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1946, page 306. 

·    Emploi substantivé : 

Ø 4. En 1662, Madame de Sablé s'intéressa très-vivement aux négociations de M. de Comminges, et aurait voulu qu'on y mît plus de condescendance. Elle était et devait être du côté des accommodants. On a une lettre d'Arnauld, qu'il lui écrit sur une nouvelle proposition d'accommodement, en mai 1663;...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 462. 

—   Dans le domaine du caractère ou des relations humaines.   D'un commerce aisé : 

Ø 5.... je lui trouvai un air bonne fille, point bégueule du tout et fort accommodant

ÉMILE ZOLA, Contes à Ninon,  1864, page 6. 

Ø 6. Voulez-vous regarder un caractère plus avenant, un vrai Français, joli, léger et gai, comme ceux du siècle dernier, toujours en verve, amusant, accommodant, galant même, et qui, somme toute, n'est exempt ni de probité ni même de délicatesse? Lui aussi, il porte la marque de son siècle, et ses galanteries ne sont que du bout des lèvres. Il est brillamment étourdi et plaisamment bavard, ce qui ne l'empêche pas d'être avisé, retors, alerte...

HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, page 226. 

Ø 7. Mme.  Paulin a eu l'intelligente bienveillance de ne pas m'interrompre. Ensuite elle m'a essuyé les yeux, elle m'a consolée par de vagues paroles accommodantes, elle s'est bien gardée de discuter : tout ce que j'ai voulu m'a été concédé, promis, comme à un enfant gâté.

LÉON FRAPIÉ, La Maternelle,  1904, page 254. 

Ø 8. D'humeur inégale et cependant toujours gaie, susceptible, irritable et pourtant accommodante et facile, la langue salée avec le ton le plus poli, vaine, modeste, vraie, fausse, délicieuse, si Rose Thévenin ne faisait pas bien ses affaires, si elle ne devenait point déesse, c'est que les temps étaient mauvais...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif,  1912, page 128. 

—   Dans le domaine des affaires.  Avec qui on peut traiter facilement : 

Ø 9. Ce marchand est fort accommodant

Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932. 

B.—  Par analogie.  [En parlant de choses concrètes]  Dont la forme s'adapte aisément : 

Ø 10. Après quelques jours de cohabitation dans ce sac, les objets les plus disparates entrent dans un commerce intime; les boîtes crèvent et s'épanchent; tout s'agglutine et s'unifie en un conglomérat sans nom. Le plus accommodant c'est mon parapluie —  un parapluie (...) que le muletier me rendit, le premier soir, arqué, ayant pris, selon le dos de l'âne, forme d'une impropriété surprenante...

ANDRÉ GIDE, Journal, Voyage en Andorre, 1910, page 316. 

Ø 11. L'invariable bâtarde elle-même a également subi une transformation qui sans nuire à la lecture, l'a rendue plus élégante et surtout plus accommodante pour combler les vides que présente souvent une composition ingrate.

A.-MATTHIEU VILLON, Dessinateur et imprimeur lithographe (Encyclopédie Roret, 1932, page 250. 

Remarque : 1. Accommodant, constamment attesté dans les textes depuis circa 1630 (Französisches etymologisches Wörterbuch (WALTHER VON WARTBURG)) et dans les dictionnaires depuis Richelieu tome 1 1680 et Dictionnaire de l'Académie Française 1964, a gagné en vitalité au XIXe.  siècle et surtout au XXe.  siècle 2. Il est paradigmatiquement associé à des synonymes ou antonymes comme : a) agréable, aisé, arrangeant, avenant, bon, bon prince, commode, complaisant, conciliant, coulant, débonnaire, doux, facile, léger, libéral, pliant, sociable, tolérant, traitable, etc.; b) acariâtre, agressif, atrabilaire, bégueule, bourru, difficile, entier, farouche, immuable, insociable, intolérant, intraitable, intransigeant, invariable, irritable, mal léché, persécuteur, pointilleux, sévère, susceptible, tranchant, etc. 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 104. 

 

Forme dérivée du verbe \"accommoder\"

 accommoder

ACCOMMODER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif.  [Avec généralement un sujet personnel] 

A.—  Avec une idée d'arrangement répondant à une demande, à un intérêt. 

1. [L'objet désigne une personne] 

a) Vieux. Accommoder quelqu'un de quelque chose.  Céder quelque chose à quelqu'un pour de l'argent, vendre : 

Ø 1.... nous nous rendons chez un négociant russe, qui nous accommode de deux magnifiques fourrures tout récemment arrivées de Vitinsky. Un Grec, de Smyrne, nous vend quatre schalls de Cachemire,...

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 2, 1812, page 115. 

b) Vieux.  Servir les intérêts de quelqu'un : 

Ø 2.... ces abandons d'enfants n'étaient point découragés par l'ancienne monarchie. Un peu d'Égypte et de Bohême dans les basses régions accommodait les hautes sphères, et faisait l'affaire des puissants. La haine de l'enseignement des enfants du peuple était un dogme.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 693. 

—  Par métonymie (La discipline au lieu de ceux qui l'enseignent) : 

Ø 3. L'idée d'automates surtout, appliquée aux bêtes, réussissait et faisait fureur; elle accommodait la théologie du temps et n'en contrariait pas trop la physiologie.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 195. 

c) Vieux.  Traiter quelqu'un avantageusement : 

Ø 4. Comme vous avez besoin d'une rapière (...) je vous recommande Laurent (...) c'est le meilleur armurier de la ville. Dites-lui que vous venez de ma part, et il vous accommodera bien.

PROSPER MÉRIMÉE, Chronique du règne de Charles IX,  1829, page 95. 

Ø 5. M. de Harlay aurait désiré accommoder son digne maître par la collation d'un petit bénéfice dans une terre à lui appartenant..

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 186. 

Ø 6.... si vous avez quelque chose de prêt, je crois que mon éditeur serait coulant et vous accommoderait.

VICTOR HUGO, Correspondance,  1868, page 111. 

—  Spécialement. 

·    [En parlant d'un hôtelier dans ses rapports avec son client] :

Ø 7. Cet aubergiste, ce traiteur accommode bien ses hôtes.

Dictionnaire de l'Académie française.  1835, 1878. 

Remarque : Cet emploi, attesté dès Dictionnaire de l'Académie Française 1694 (mais non dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL  (ANTOINE FURETIÈRE), 1690), est signalé comme vieilli par Dictionnaire de l'Académie Française 1835 et Dictionnaire de l'Académie Française 1878. Encore dans DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ÉMILE LITTRÉ), il n'est plus mentionné dans Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter) ni dans Dictionnaire de l'Académie Française 1932. 

·    [En parlant de la toilette d'une personne]  Habiller et/ou coiffer quelqu'un : 

Ø 8.... la même servante qui, trois jours auparavant, l'avait accommodé de son mieux, l'aida à mettre le même habit pailleté, tâchant de l'accommoder mieux encore.

ALFRED DE MUSSET, La Mouche,  1854, page 303. 

Ø 9.... Vallombreuse sonna son valet de chambre pour qu'il le vînt accommoder. 

« Çà, Picard, dit le duc, il te faut surpasser et me faire une toilette triomphante; je veux être plus beau que Buckingham s'efforçant de plaire à la reine Anne d'Autriche. Si je reviens bredouille de ma chasse à la beauté, tu recevras les étrivières,... »

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 332. 

Ø 10.... une fille de chambre se présenta pour l'accommoder. (...) Sur un signe affirmatif de la jeune femme, elle lui peigna ses cheveux blonds tout en désordre, à la suite des scènes violentes de la veille et des inquiétudes nerveuses de la nuit, en noua les boucles soyeuses avec des noeuds de velours et s'acquitta de sa besogne en coiffeuse qui sait son métier. Elle tira ensuite d'une armoire pratiquée dans le mur plusieurs robes d'une richesse et d'une élégance rares, qui semblaient coupées à la taille d'Isabelle, mais dont la jeune actrice ne voulut point,...

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863 page 397. 

Ø 11. Irma Guépin s'est levée sans bruit, elle a redressé des cheveux, près de mon oreille, elle a arrangé une coque de ma cravate, absolument comme elle aurait accommodé sa poupée à son idée,...

LÉON FRAPIÉ, La Maternelle,  1904, page 272. 

Remarque : Au lieu de la personne, l'objet peut désigner une partie du corps : 

Ø 12. M. Valence (...) était un vieux perruquier (...). Ce jour-là, il m'accommoda trop lentement la tête à mon gré et d'une façon que je jugeai bien étrange...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Livre de mon ami,  1885, page 29. 

d) Littéraire. 

—  Par antiphrase, ironiquement.  [Avec un adverbe ou un complément circonstanciel de sens favorable]  Maltraiter, injurier quelqu'un (confer arranger quelqu'un) : 

Ø 13. Il l'a bien accommodé; je l'accommoderai comme il faut.

Dictionnaire de l'Académie française.  1835. 

Ø 14. Il m'a menacé de me faire bâtonner par ses laquais; et en effet, tout à l'heure, comme je rentrais à l'hôtel des Armes de France en suivant une ruelle obscure, quatre coquins se sont précipités sur moi. Avec quelques coups de plat d'épée, j'ai fait justice de deux de ces drôles; Hérode et Scapin ont accommodé les deux autres de la bonne façon.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 222. 

—   [Avec un adverbe ou un complément circonstanciel de sens neutre ou défavorable]  Même sens : 

Ø 15. Elle me raconta ses contestes à Blaye avec le général Bugeaud, de la façon la plus amusante. Bugeaud l'attaquait sur la politique et se fâchait; madame se fâchait plus que lui : ils criaient comme deux aigles (...). Elle ne lâcha pas Bugeaud, elle l'accommodait de toutes pièces...

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 431. 

Ø 16. Madame Lorilleux prétendait avoir sauvé assez de gens dans sa vie pour savoir comment il fallait s'y prendre. Elle accusait aussi la jeune femme de la bousculer, de l'écarter du lit de son frère. Bien sûr, la Banban avait raison de vouloir quand même guérir Coupeau; (...). Seulement, de la manière dont elle l'accommodait, elle était certaine de l'achever.

ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 484. 

Ø 17.... un père amenait sa fille à force de gifles et de poussades (...). L'enfant battue fut projetée la première dans le préau : Louise Guittard; un crêpe est piqué à son béret depuis huit jours; c'est... c'est son second père qui l'accommode si rudement. Je l'ai vite prise par le bras et conduite au lavabo, sa figure de pauvre mouton, barbouillée de larmes, était enflée, labourée d'ecchymoses.

LÉON FRAPIÉ, La Maternelle,  1904, page 139. 

Ø 18. Mme Courtois n'était pas une joueuse trop commode. Elle trichait, elle m'accablait d'injures bizarres et comme elle avait, de son sexe, une opinion non médiocre, elle m'accommodait au féminin, ce qui ne laissait pas de me choquer un peu.

« Péronnelle! Petite bécasse, criait-elle. Si tu t'étais seulement défaite de ton pique, à l'heure qu'il est, tu serais maîtresse... »

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, page 100. 

Ø 19. Tout aussitôt, Rohner a commencé d'accommoder le président Fallière au vitriol. Le pauvre président est soudain devenu, selon le tour de l'entretien et selon l'inspiration, « cette grosse vessie de suif », « Sa majesté la Graisse », « la prostate hypertrophique », « le lipome au grand cordon », « l'éléphant de la République », etc..., etc...

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, page 207. 

Remarque : Dans les exemples 18 et 19, il peut s'agir d'un néologisme d'auteur créé à partir de l'acception A 2 b. 

e) Argot. 

—  Accommoder (un prisonnier). Attacher ensemble les pouces de ce prisonnier : 

Ø 20. —  Allons-y, dit-il, ça me va! Mais, puisque tu te rends, laisse-moi t'accommoder, je crains tes gifles! Et il tira des poucettes de sa poche. Jacques Collin tendit ses mains, et Bibi-Lupin lui serra les pouces.

HONORÉ DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes,  1848, page 633. 

—  Accommoder (une femme, un homme). \" Faire l'acte qui perpétue les races. \" (Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE) 1907); (Confer également Étymologie III 5) : 

Ø 21. Dîner chez mon oncle, qui nous conte une gravure cochonne qu'il possède : un perruquier qui accommode une dame et en est accommodé.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  novembre 1856, page 297. 

2. [L'objet désigne une chose] 

a) Vieux. Accommoder une demeure. Aménager une demeure, l'orner : 

Ø 22. De ce côté-ci du Rhin, on badigeonne en rouge. Ils arrangent leurs églises comme les sauvages de la mer du Sud arrangent leurs visages. 

Le munster, par bonheur, n'est pas badigeonné. L'église est enduite d'une couche de gris, ce qui est presque tolérable quand on songe qu'elle aurait pu être accommodée en couleur de betterave.

VICTOR HUGO, Le Rhin,  1842, page 367. 

Ø 23. Le jardinier n'avait pas moins travaillé que l'architecte; grâce à ses ciseaux, l'ordre s'était remis dans cette forêt vierge. (...) Les arbres avaient repris l'habitude du berceau et de la charmille. (...) Des plantes grimpantes, (...) cachaient pittoresquement la muraille de clôture et donnaient un air agréablement rustique au cabinet de rocailles servant de niche à la statue. Jamais, même en leurs beaux jours, le château ni le jardin n'avaient été accommodés avec tant de richesse et de goût.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 492. 

Ø 24.... l'homme se transporte volontiers avec sa coquille; il cherche partout à accommoder sa demeure suivant ses occupations et ses propres goûts.

PAUL VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, page 161. 

b) Accommoder des aliments. Apprêter des aliments pour un repas selon des recettes appropriées : 

Ø 25. Madame la comtesse de Genlis se vante, dans ses Mémoires, d'avoir appris à une Allemande qui l'avait bien reçue la manière d'apprêter jusqu'à sept plats délicieux. C'est M. le comte de la Place qui a découvert une manière très-relevée d'accommoder les fraises, qui consiste à les mouiller avec le jus d'une orange douce (pomme des Hespérides).

Un autre savant a encore enchéri sur le premier, en y ajoutant le jaune de l'orange, qu'il enlève en la frottant avec un morceau de sucre; et il prétend prouver (...) que c'est ainsi assaisonné que ce fruit était servi dans les banquets du mont Ida.

JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante,  1825, page 369. 

Ø 26. « La Bourgogne a le bon sens de profiter, sans vain dégoût, du mollusque excellent dont les vignes sont peuplées, je veux dire du limaçon, qu'elle accommode au beurre et aux fines herbes, mets aussi sain pour la poitrine qu'il est agréable à la bouche et profitable à l'estomac. »

JULES MICHELET, L'Insecte,  1857, page 148. 

Ø 27. Les poules et les chapons bouillis se servent avec l'eau où ils ont cuit, relevée de pousses de vigne; mais en hiver on y ajoute de la poudre d'épices douces, de la sauge, de l'hysope et du persil; et si on les met en pâtés, on ne les accommode que d'un peu de poudre d'épices douces et d'aigret ou, en hiver, de très bon vin. Telle est la théorie des sauces qui vont avec les viandes.

EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 171. 

—  En particulier. Accommoder des restes : 

Ø 28.... Goriot, Mademoiselle Michonneau, Poiret descendirent, attirés peut-être par l'odeur du roux que faisait Sylvie pour accommoder les restes du mouton. À l'instant où les sept convives s'attablèrent en se souhaitant le bonjour, dix heures sonnèrent,...

HONORÉ DE BALZAC, Le Père Goriot,  1835, page 55. 

—  Au figuré, argot et familier : accommoder quelqu'un à toutes (les) sauces \" employer à toutes sortes de services \" (Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (PAUL ROBERT)); \" en dire tout le mal possible \" (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)); accommoder quelqu'un tout de rôti \" le mal servir, le maltraiter \" (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842); accommoder le visage à la compote \" déchirer le visage \" (Jean-François Rolland, Dictionnaire du mauvais langage, 1813); accommoder quelqu'un au beurre noir \" lui pocher les yeux à coups de poing \" (Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte); accommoder quelqu'un à la sauce piquante \" se moquer de lui, et même se livrer sur sa personne à des voies de fait désagréables \" (Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte); \" donner un coup d'épée, de poignard \" (Georges Delesalle, Dictionnaire d'argot-français et français-argot, 1896); accommoder quelqu'un au safran \" tromper son amant \" (Charles-Louis Carabelli, [Langue populaire] ) : 

Ø 29. Tout le truc consiste à lui voler son originalité et à l'accommoder à la sauce veule de l'École des Beaux-Arts. Parfaitement! On prend du moderne, on peint clair, mais on garde le dessin banal et correct, la composition agréable de tout le monde, enfin la formule qu'on enseigne là-bas, pour l'agrément des bourgeois. Et l'on noie ça de facilité,...

ÉMILE ZOLA, L'Œuvre,  1886, page 200. 

Ø 30. Petits chapeaux, bijoux, fourrures : il y avait surtout des femmes, de celles qui ont de beaux restes et qui croient savoir les accommoder.

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 265. 

B.—  (Avec une idée de mise en rapport d'harmonie ou de correspondance).  Mettre d'accord ou en accord. 

1. Vieilli.  [L'objet désigne des personnes antagonistes ou leurs différends] 

a) Rare. Accommoder des personnes. Les mettre d'accord : 

Ø 31.... celui-là s'occupe d'accommoder, après tant de siècles, Josué avec Galilée, qui, vous le savez, se chamaillent quelque peu sur certain point d'astronomie; mais les témoins ont clos l'affaire; désormais tout est harmonie, il ne s'agit plus de ces vieilles gens.

ALFRED DE MUSSET, Lettres de Dupuis et Cotonet, Les Humanitaires, 1836, page 599. 

b) Plus fréquent. Accommoder un différend. Régler un différend en y mettant un terme : 

Ø 32. Bien que les trèves eussent été renouvelées avec l'Angleterre, que de part et d'autre on se donnât sans cesse des assurances pacifiques, et qu'il y eût des conférences continuelles pour accommoder chaque différend, on pouvait presque dire que les deux royaumes étaient en guerre.

PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 2, 1824, page 320. 

Ø 33. ARGANTE. —  (...) ce mariage impertinent est une chose que je ne puis souffrir et je viens de consulter des avocats pour le faire casser.

SCAPIN. —  Ma foi, Monsieur, si vous m'en croyez, vous tâcherez par quelque autre voie d'accommoder l'affaire. Vous savez ce que c'est que les procès, et vous allez vous enfoncer dans d'étranges épines.

PAUL CLAUDEL, Le Ravissement de Scapin, préface 1952, page 1329. 

—  Par extension.  Se mettre d'accord sur un arrangement : 

Ø 34.... j'ai fait fléchir mes prétentions; nous avons accommodé une transaction que les deux agréés ont minutée, adoptée,...

HONORÉ DE BALZAC, Correspondance,  1834, page 582. 

Remarque : Cette acception est surtout attestée au XIXe.  siècle; elle n'est usitée aujourd'hui que par archaïsme (confer exemple 33). 

2. [L'objet désigne une chose] 

a) Rare.  [Une chose concrète] :

Ø 35. Il y avait non loin de l'auberge un jeu de paume merveilleusement propre à établir une salle de spectacle. Les comédiens le louèrent, et un maître menuisier de la ville, sous la direction du Tyran, l'eut bientôt accommodé à sa nouvelle destination. Un peintre-vitrier, qui se mêlait de barbouiller des enseignes et de blasonner des armoiries sur les carrosses, rafraîchit les décorations fatiguées et déteintes, et même en peignit une nouvelle avec assez de bonheur. La chambre où se déshabillaient et se réhabillaient les joueurs de paume fut disposée en foyer pour les comédiens avec des paravents qui entouraient les toilettes des actrices et formaient des espèces de loges.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 188. 

Remarque : Confer supra A 2 a. 

b) Littéraire.  [Une entité abstraite des domaines religieux, moral, scientifique, esthétique, etc.]  Accommoder quelque chose à..  L'adapter à, la mettre en correspondance avec quelque chose ou plus rarement avec quelqu'un : 

Ø 36. C'est faire tort au catholicisme que de l'accommoder ainsi à nos idées modernes, outre qu'on ne le fait que par des concessions verbales qui dénotent mauvaise foi ou frivolité. Tout ou rien, les néo-catholiques sont les plus sots de tous.

ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,  1883, page 402. 

Ø 37. Car c'était une partie de la conduite de M. de Saci de proportionner et d'accommoder ses entretiens à chacun de ceux avec qui il parlait. S'il voyait M. Champagne, il le mettait sur la peinture; si M. Hamon, sur la médecine; si M. Pascal, sur la lecture des philosophes...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 2, 1842, page 338. 

Ø 38. Pour ce qui est de l'art de construire, si une même disposition naturelle a permis à nos architectes d'accommoder en quelque mesure le goût antique aux besoins si différents des temps modernes et aux nécessités d'un autre climat, il est trop évident que c'en est fait, dès la Renaissance, de notre architecture religieuse. Bientôt le style jésuite va montrer dans toute leur difformité les oeuvres d'une sensibilité qui a perdu conscience de ses propres manières d'être et se conçoit à l'imitation de modèles dont elle est impuissante à s'approprier l'âme secrète.

JULES DE GAULTIER, Le Bovarysme,  1902, page 106. 

Ø 39.... avec ces peuples d'Extrême-Orient, il existe trop de différences originelles pour qu'une adaptation des marchés soit aussi aisée qu'entre l'Amérique et l'Europe. L'ingéniosité commerciale des Américains du Nord travaille à la réaliser. Elle s'étudie à accommoder l'offre à la demande, à flatter même le Chinois et le Japonais comme consommateurs, tout en le repoussant comme immigrant

PAUL VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, page 259. 

—   [Sans complément indirect]  Faire subir des modifications à quelque chose : 

Ø 40. On a peine à croire, quand on a lu le Dialogue dans les originaux, que tous les éditeurs de Pascal l'aient à plaisir tronqué et mutilé, qu'ils aient donné seulement les paroles de Pascal, qu'ils les aient données comme un discours écrit et suivi, en altérant les phrases, en accommodant les transitions, en y ôtant le plus qu'ils ont pu le mouvement, le naïf, le familier.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 2, 1842, page 380. 

3. [L'objet désigne un organe, une structure] 

a) OPHTALMOLOGIE, OPTIQUE.  généralement absolument. Accommoder sa vision. Mettre au point sa vision : 

Ø 41. Si un sujet accommode pour la vision à grande distance, il a de son propre doigt comme de tous les objets proches une image double. Si on le touche ou qu'on le pique, il perçoit un contact ou une piqûre double. La diplopie se prolonge donc en un dédoublement du corps.

MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, page 238. 

Ø 42. Le rôle de l'objectif est de donner une première image de l'objet ou du phénomène examiné, image dont l'oculaire donnera à son tour une seconde image agrandie et à l'infini pour que l'oeil supposé normal observe dans les meilleures conditions, c'est-à-dire sans la fatigue de l'accommodation. Précisons que (...) pour l'oeil, l'infini commence tout simplement à la distance à partir de laquelle il n'a plus besoin d'accommoder.

ROLAND PRAT, L'Optique, Paris, éditions du Seuil, 1962, page 25. 

—  Au figuré. Accommoder sa vision à : 

Ø 43.... il désire peut-être accommoder aussi sa vision immense et aiguë à ce qui me semble la vision étroite et naïve des gens les plus consciencieusement traditionalistes, des gens qui ont tout classé, tout nommé, des scolastiques.

HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, JACQUES RIVIÈRE, Correspondance, lettre de Alain-Fournier à Jacques Rivière, novembre 1906, page 332. 

—  Par extension.  PSYCHOLOGIE : 

Ø 44.... il entre en antagonisme avec le milieu, l'ordre établi et la discipline. (...) Il s'enferme alors dans une rétivité figée, absolument insensible aux encouragements, aux promesses et aux menaces, dans une insociabilité méfiante, sournoise ou effrontée, coupée d'explosions de brutalité. Bravade, insolence, dérision, menaces, autant de signes de son impuissance à accommoder psychiquement, à moduler sa vie sur le réel.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 287. 

b) PHYSIOLOGIE : 

Ø 45. Combien d'exemples pourrait-on citer de cette faculté défensive, adaptative, de la vie, sans quoi d'ailleurs la vie eût depuis longtemps succombé sous l'assaut des forces de la matière inerte! Selon le régime, l'estomac de l'oiseau s'épaissit, l'intestin du têtard s'allonge; l'os accommode sa structure interne aux efforts qu'il devra subir. Chez les plantes, les phénomènes sont peut-être encore plus frappants, car la forme est éminemment plastique et sensible au milieu. C'est une moisissure qui se renforce quand on la secoue, c'est une feuille qui se défend contre la sécheresse en consolidant sa cuticule,...

JEAN ROSTAND, La Vie et ses problèmes,  1939, page 151. 

Remarque : C'est dans ces domaines que l'emploi transitif est actuellement le plus vivant. 

II.—  Emploi pronominal. 

A.—  Emploi généralement réfléchi (Avec une idée d'arrangement) 

1. Vieilli. 

a) S'installer (dans un immeuble, dans ou sur un meuble) : 

Ø 46. Cinq familles ont trouvé logis dans les bâtiments délabrés de cette borderie; chacun s'y est accommodé; chacun non seulement a réparé le vieux toit, mais bâti à neuf quelque grange ou quelque pressoir avec jardin, chenevière, saulaie autour de sa demeure. Voilà un village naissant qui va s'étendre et prospérer, jusqu'à ce que le gouvernement y fasse attention.

PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Gazette du village, 1823, page 182. 

Ø 47. Une compagnie gazouillante vint s'accommoder sur des tabourets ou s'asseoir (...) sur les tapis.

GEORGES D'ESPARBÈS, La Chevauchée du grand siècle,  1937, page 92. 

Remarque : Cette acception apparaît au XIXe.  siècle avec une fréquence médiocre, chez des auteurs d'inspiration réaliste et dans des contextes familiers; au XXe.  siècle chez des auteurs archaïsants. 

b) S'accommoder de quelque chose (Consentir à) se rendre acquéreur de quelque chose, l'acheter : 

Ø 48. Les vins d'une cave de gourmand sont comme les livres d'une bibliothèque d'amateur; on ne croit jamais les payer assez cher : la cave entière fut adjugée en un instant

La bibliothèque eut moins de succès (...) : on en retira une douzaine d'années du Mercure, deux volumes des Annales de Linguet, et un épicier s'accommoda du reste, ainsi que de l'édition complète et en feuilles d'un Commentaire sur Euripide, écrit en style de parade; le tout pesant environ quatre quintaux, qu'on lui livra sur le pied de cinq sous la livre.

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 3, 1813, page 211-212. 

—  Par antiphrase, dans le langage familier,  \" Se servir d'une chose sans y avoir droit, comme si l'on en était le propriétaire. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

—  Locution. \" Il s'accommode de tout ce qu'il trouve sous sa main \" (Dictionnaire de l'Académie Française); s'accommoder d'une chose \" signifie quelquefois, dans le langage familier, se servir d'une chose sans y avoir droit, comme si l'on en était le propriétaire \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

—  Absolument.  Se procurer les ressources nécessaires à un niveau de vie normal : 

Ø 49. Mais le petit garçon, quand il apprit ça, que penses-tu qu'il fît?... Il s'en fut de ville en ville, offrant de jouer du clavecin devant les amateurs de musique. (...) En récompense, on donnait à son père des bourses bien remplies... Agirais-tu de même, toi, si nous devenions pauvres? Non... Alors, comment s'accommoderait maman Virginie? —  Je ne sais pas! —  avouait l'auditeur tout confus.

PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz,  1902, page 31. 

2. Vieux.  Arranger son aspect physique, faire sa toilette, s'habiller : 

Ø 50. Pour ne pas traverser la ville en carême prenant, les comédiens avaient fait porter leurs habits au jeu de paume et les actrices s'accommodaient dans la salle que nous avons décrite. Les gens de condition, les galantins, les beaux esprits de l'endroit avaient fait rage pour pénétrer dans ce temple ou plutôt sacristie de Thalia où les prêtresses de la muse se revêtaient de leurs ornements pour célébrer les mystères.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 205. 

—  Par antiphrase  \" Se mettre soi-même en piteux état. En parlant d'un homme en désordre, en mauvais état, ivre, on dit qu'il s'est accommodé de la belle manière! \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

B.—  (Avec une idée de rapport d'harmonie, d'adaptation) 

1. [En parlant de pers] 

a) Emploi réciproque.  S'accorder ensemble : 

Ø 51. Si faut-il néanmoins se fier à quelqu'un. Lui et moi nous n'aurions, m'est avis, nulle peine à nous accommoder, et l'accord fait, je pense qu'il le tiendrait sans fraude, sans chicane, sans noise, sans en délibérer avec de vieux voisins, gentilshommes et autres, qui ne me veulent point de bien, ni en consulter les jésuites.

PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Réponses aux anonymes qui ont écrit des lettres à Paul-Louis Courier, 1822, page 152. 

Ø 52. La « protestation » a donc fait place à un « accommodement » inévitable, mais s'accommoder n'est pas « collaborer ». —  Cependant il semble bien que le parti allemand ait acquis dans le pays annexé une force nouvelle.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 5, 1907, page 228. 

—  Par analogie.  [En parlant des choses de l'esprit] :

Ø 53. Ce n'est pas manquer à la discipline de l'écrivain, au bel ordre de l'oeuvre d'art que de s'attarder, que de mettre un apparent superflu, de la flânerie ou du redoublement. Des détails reçus par notre esprit doivent s'y marier, se pénétrer, s'accommoder les uns avec les autres, en prenant contact ils prennent des rangs, le plus coloré devant dominer l'autre. On peut tout y fourrer, mais non le juxtaposer; il faut l'harmonie, montrer que cela fait partie d'une pensée une, que cela a été écrit dans une même conscience.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 9, 1911, page 67. 

b) S'accommoder avec ou à. 

—  Avec quelqu'un ou quelque chose.  S'accorder, souvent par résignation ou opportunité : 

Ø 54. Se mettre en travers de l'ordre universel, refuser de s'accommoder avec l'inévitable, prendre en guignon le monde entier, en un mot répudier l'existence, méconnaître le devoir, se révolter contre Dieu, c'est un crime inutile et sévèrement puni. —  Ed. Munier a été extrêmement malheureux, et ce qui est fâcheux, malheureux par sa faute. Il s'est mis hors la loi de l'obéissance et de la résignation,...

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  9 octobre 1866, page 476. 

Ø 55. Les jouisseurs, à peu près sans nombre, qui ne se croyaient pas des canailles, avaient rêvé de s'accommoder avec l'absolu divin et d'instituer, pour toute la durée des siècles, une mitoyenne morale.

LÉON BLOY, Journal,  1892, page 65. 

—  À quelque chose ou quelqu'un..  S'adapter à quelque chose, à quelqu'un : 

Ø 56.... une matière, quelle qu'elle soit, est indispensable à l'exercice de notre activité comme condition préalable; mais encore nos opérations, nos intentions même vont se mouler en quelque sorte sur l'objet où elles tendent, afin d'y recevoir leur forme. C'est donc en toute vérité que, pour agir, il faut s'accommoder à son milieu, et que ce milieu contribue à la façon d'être et de faire de qui s'y déploie. Ainsi les formes architecturales sont commandées à la fois par la destination de l'édifice et par la nature même des matériaux, c'est-à-dire par l'idée de l'ouvrier et par l'action répondante de l'objet auquel s'applique son opération. Le signe est en partie façonné par le corps où il s'imprime, et la lettre du symbole est active sur l'esprit même qui l'inspire et l'anime.

MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie,  1893, page 214. 

Ø 57. Étant donné certains états de fait, « beaucoup estiment qu'il faut amener l'Église à céder aux circonstances, obtenir qu'elle se prête et s'accommode à ce que réclame la prudence du jour dans le gouvernement des sociétés... etc. Léon XIII.

JACQUES MARITAIN, Primauté du spirituel, annexes, 1927, page 222. 

—  Absolument : 

Ø 58. Rien ne l'a plus frappé que l'aptitude des vivants à s'accommoder et à se donner les formes qui conviennent aux circonstances. 

Or, je trouve qu'il faut à lui-même reconnaître une sorte de génie de cette espèce. C'est par ce don qu'il réagit avec tant de variété, d'opportunité, de grâce, et parfois de vigueur, contre tant d'impressions, de désirs, de lectures, qui le sollicitent; (...). Ce génie de transformations est d'ailleurs essentiellement poétique, (...). Mais dans le poète ou dans la plante, c'est le même principe naturel : tous les êtres ont une aptitude à s'accommoder, et cette aptitude variable mesure leur aptitude à vivre, c'est-à-dire à demeurer ce qu'ils sont, en possédant plus d'une manière d'être ce qu'ils sont.

PAUL VALÉRY, Variété IV,  1938, page 104-105. 

Ø 59. On trouve une raideur analogue chez l'enfant turbulent décrit par Wallon. (...) Dans l'effort intellectuel, il se jette sur son objet, se bute s'il ne réussit pas du premier coup, se déplace par saccades et s'épuise d'un coup. Impuissant à s'accommoder, à composer avec les circonstances et les personnes, il est insociable pour les mêmes raisons.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 288. 

·    Avec une valeur péjorative : 

Ø 60. Les hommes qui passent trichent, s'accommodent, s'adaptent, tergiversent. Quand on étudie un peu l'histoire, on est frappé par les tricheries des plus grands hommes, et avec eux-mêmes.

JEAN GUÉHENNO, Journal d'une révolution, épilogue, décembre 1938, page 205. 

Remarque : Cette acception se rencontre dans des contextes religieux, moraux, philosophiques, politiques, etc. avec souvent une valeur péjorative. 

c) S'accommoder de..  Se contenter d'une situation matérielle ou morale médiocre : 

Ø 61. La Française trouvait chez l'Italienne une ignorance et une quiétude de l'ignorance qui ne s'accordait guère avec le savoir et la curiosité active de son intelligence. La netteté, la résolution, la virilité de son esprit, s'accommodait assez mal du flottement d'idées, noyées et vagues, où vivait la princesse promenant autour d'elle une contemplation superficielle,...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 167. 

Ø 62. Olivier ne se plaignait pas trop; il s'accommodait d'un horizon muré : c'était comme le poêle de Descartes, d'où la pensée comprimée jaillit vers le ciel libre.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, page 1028. 

—  Locution. S'accommoder de tout. (Benjamin Constant, Journaux intimes, août 1804, page 128; Alphonse de Lamartine, Voyage en Orient, tome 2, 1835, page 213; Alfred de Musset, Comédies et proverbes, Le Chandelier, 1840, II, 1, page 42). 

Remarque : À la différence de s'accommoder à qui implique un renouvellement dans la manière d'être, s'accommoder de suppose l'acceptation, plus ou moins résignée, d'une contrainte extérieure limitant les exigences personnelles : 

Ø 63. La complication de l'Empire est extrême. M. de Bülow n'a pas seulement à s'accommoder au Reischtag, il doit encore s'accommoder du Landtag ou la chambre des seigneurs de Prusse, (...). Cette complication tient à la complication qu'il y a dans l'esprit allemand. Elle exprime bien la manière de concevoir propre à l'esprit allemand, dans lequel deux, trois idées qui semblent s'exclure peuvent vivre d'accord.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, 1908, page 141-142. 

2. [En parlant de choses, notamment d'un organe du corps] 

a) [En parlant des yeux] :

Ø 64.... elle était effectivement fort belle, mais d'une de ces beautés étrangères et rares auxquelles nos yeux ont besoin de s'accommoder.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 1, 1834, page 53. 

—  Au figuré : 

Ø 65. Le « chalet polyvalent » souple lui! tout au contraire s'accommode, se dilate, se ratatine suivant la nécessité, les lois, les forces vives de la nature! »

« Il plie beaucoup, mais ne rompt pas... »

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 443. 

Ø 66. Le phylum. Le faisceau vivant La lignée de lignées. Bien des yeux se refusent encore à voir, ou à considérer comme réelle, cette maille de la Vie en évolution. Mais c'est qu'ils ne savent pas s'accommoder, ni regarder, comme il le faudrait. Le phylum d'abord, est une réalité collective. Pour le bien distinguer, il est donc essentiel de se placer assez haut et assez loin. Fixé de trop près dans l'espace, il s'émiette en irrégularités confuses.

PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain,  1955, page 121. 

b) [En parlant d'autres organes] :

Ø 67. La corrélation des organes est assurée par le milieu intérieur et le système nerveux. Chaque élément du corps s'accommode aux autres, et les autres à lui. Ce mode d'adaptation est essentiellement téléologique. Si nous attribuons aux tissus, comme le font les mécanistes et les vitalistes, une intelligence du même ordre que la nôtre, les processus physiologiques paraissent s'agencer en fonction du but à atteindre. L'existence de la finalité dans l'organisme est indéniable. Chaque élément paraît connaître les besoins actuels et futurs de l'ensemble, et se modifie d'après eux.

ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 236. 

Remarque : 1. Accommoder et s'accommoder sont souvent suivis d'un adverbe ou d'une locution adverbiale de manière (assez, bien, mal, facilement, à merveille, sans peine, sans effort, etc.) qui contribuent à les affecter d'une valeur péjorative ou méliorative. 2. Ils sont fréquemment associés syntagmatiquement aux substantifs suivants : besoins, circonstances, conditions, coutumes, état, goût, manière, milieu, moeurs, nature, ordre, régime, situation, système, temps, tout, vie. 3. Ils se trouvent en association paradigmatique avec les verbes suivants : abandonner, accepter, accorder, accoutrer, accoutumer, acheter, adapter, admettre, agencer, agréer, ajouter, ajuster, aller bien, allier, altérer, améliorer, apprêter, approprier, arranger, assaisonner, avoir soin de, céder, changer, coiffer, collaborer, composer avec, concilier, conformer, consentir, contenter, convenir, cuisiner, devenir riche, disposer, diversifier, enrichir, s'entendre, être conforme, être coulant, être en rapport, être facile, façonner, se faire à, faire aller ensemble, faire concorder, faire fléchir, faire la paix, faire sa toilette, faire s'entendre, faire subir des transformations à, fricasser, habiller, s'habituer à, installer, maltraiter, mettre au point, mettre d'accord, mettre en état, mettre en sauce, se modeler, modifier, moduler, se mouler, se parer, peigner, perfectionner, pétrir, plier, pourvoir, prendre patience, prendre son parti de, préparer, se prêter, procurer du confort, proportionner, ranger, réagir, réconcilier, relever, rendre prospère, renoncer, se résigner, se revêtir, ridiculiser, se satisfaire de, se servir de, souffrir, se soumettre, subir, supporter, terminer à l'amiable, tirer parti de, tolérer, traiter de, se trouver à l'aise, trouver à sa convenance, trouver à son goût, trouver commode, varier, vendre, virer. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 848. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 847, b) 1 087; XXe.  siècle : a) 1258, b) 1 544. 

 

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