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ACCOMMODÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 30/09/2015

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ACCOMMODÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de accommoder* 

II.—  Emploi adjectival. 

A.—  (Avec une idée d'arrangement) 

1. Arrangé, préparé. 

a) Vieux.  [En parlant de l'aspect extérieur (vêtements, coiffure, visage) d'une personne] :

Ø 1.... ma tignasse se hérisse comme une broussaille. Oh! Je suis bien laide, n'est-ce pas?

—  Non, chère petite, répondit Isabelle, que cette admiration naïve touchait malgré elle, tu as ta beauté aussi; il ne te manque que d'être un peu accommodée pour valoir les plus jolies filles.

—  Tu crois : pour être brave, je volerai de beaux habits, et alors Agostin m'aimera. »

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 387. 

Ø 2. Devant l'apparition de beauté, rehaussée par toutes les élégances de la toilette, Marie se sentit condamnée, si chétive, à son propre jugement, que toute velléité de lutte l'abandonna. Elle eut un regard navré sur elle-même, dans la glace où elle se vit passer, avec sa pauvre petite robe de chez Madame Lafargue, la bonne faiseuse, avec sa coiffure accommodée selon les principes d'Eauze, de M. Mamousse, le coiffeur de la grand-rue.

EUGÈNE MELCHIOR, VICOMTE DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent,  1899, page 406. 

Ø 3. Voici le point de vue raisonnable d'une correspondante : « Eh! monsieur, si le maquillage, en France, a tant de ferventes, c'est parce qu'il plaît aux hommes. Que deux personnes, l'une « nature », l'autre accommodée à la Jézabel, se présentent pour solliciter un emploi... c'est celle qui est camouflée qui aura le plus de chance de réussir. » (G. de La Fouchardière).

L'Œuvre.  30 mars 1941. 

—  Locution (vieillie) Être mal accommodé. Être mal coiffé, mal vêtu. 

—  Par extension.  Blessé : 

Ø 4. Les journaux m'apprennent qu'on a lancé une bombe en pleine chambre législative. Une cinquantaine de blessés, dont le plus mal accommodé est un prêtre, l'abbé Lemire, nouveau député, qui aurait mieux fait de s'occuper des âmes.

LÉON BLOY, Journal,  1893, page 97. 

—  Par antiphrase. Bien, proprement accommodé. Blessé : 

Ø 5. —  Au bras! Ce n'est rien; et l'autre?

—  Je crois l'avoir touché. 

(...)

—  Voilà, dit-il, ce que j'appelle un homme proprement accommodé. 

—  Vit-il encore? demanda Orso respirant avec peine.

—  Oh! Il s'en garderait, il a trop de chagrin de la balle que vous lui avez mise dans l'oeil. Sang de la Madone, quel trou!

PROSPER MÉRIMÉE, Colomba,  1840, page 138. 

b) Vieilli.  [En parlant d'une demeure] :

Ø 6. Elle se tenait dans une chambre, qui, pour être de construction à peu près européenne, n'en était pas moins meublée et accommodée à la tatare. À la vérité on voyait pendre sur les murailles, blanchies à la chaux, des cadres dorés contenant des gravures coloriées (...); mais à part ces emprunts à un luxe exotique, le tapis jeté sur le sol était persan, et le long des murs s'étendaient des petits matelas étroits...

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Danseuse de Shamakha, 1876, page 32. 

Ø 7. C'était trop loin pour qu'il pût distinguer les bâtiments pressés là-haut, la ferme où gîtaient cette nuit Berlaisier et Sarcelotte, la maison des gardes, et celle du comte de Remilleret, une ancienne ferme vaste comme une caserne, accommodée en demeure de maître.

MAURICE GENEVOIX, Raboliot,  1925, page 71. 

c) [En parlant d'un mets] :

Ø 8.... ces oiseaux écorchés, et accommodés avec une sauce piquante, étaient à peu près aussi bons que les macreuses qu'on mange en Europe.

Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 2, 1797, page 45. 

Ø 9. Il aime les fleurs, les friandises, les anguilles en gelée, mangées dans un bol sur le trottoir, le colin frit, les gros morceaux de viande et repousse les restes accommodés économiquement en ragoût, qu'il traite de « mess », de sale bouillie.

PAUL MORAND, Londres,  1933, page 84. 

—  Au figuré : 

Ø 10.... puisque nous sommes dans la salle des C, voyons les Benjamin Constant, de l'Orient ensoleillé à Batignolles-Clichy et accommodé à grand ragoût de teintes vives pour en masquer la saveur fade.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art moderne,  1883, page 87. 

Ø 11.... quel beau scandale s'il était jamais convaincu de faux témoignage! Accommodé à la sauce gaulliste ou à la sauce communiste, ça ferait un plantureux ragoût.

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 476. 

2. Accommodé à, sur. Adapté à. 

a) Emplois techniques.  [En parlant d'un système ou d'un organe]  Approprié aux conditions les plus favorables à son fonctionnement. 

—   [En parlant d'un système mécanique] :

Ø 12. Un système de barrages et d'appareils démontables, accommodé aux crues périodiques, adapté aux pentes, assez puissant et assez souple à la fois pour diviser l'eau en rigoles et la distribuer en gradins : telle est l'oeuvre minutieuse qui, probablement accomplie vers le IIIe.  siècle avant notre ère, transforma de vastes grèves de sables et de cailloux en une des plus fertiles et des plus populeuses plaines du monde.

PAUL VIDAL DE LA BLACHE, Principe de géographie humaine, 1921, page 146. 

—   [En parlant des organes des sens, et plus particulièrement de l'oeil] :

Ø 13.... c'est l'acte même du mouvement qui donne originairement à l'animal une perception de l'espace, assortie aux fonctions qu'il doit remplir. L'animal a de l'espace une perception plus ou moins obscure et imparfaite, mais non pas fausse : sa perception étant, dans une mesure convenable, conforme à la réalité extérieure, et de plus accommodée à la nature des actes qu'il doit effectivement accomplir dans l'espace, d'après sa perception.

AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique,  1851, page 219. 

Ø 14. Elle se heurtait alors, ainsi voguant au fil de ses souvenirs, à des pensées incommunicables, sans doute, car elle s'arrêtait soudain, la bouche ouverte, le regard accommodé sur quelque objet lointain, obscur et douloureux.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, page 68. 

Ø 15. Le Dr Pasquier arrêta sur Laurent un regard pâle, azurin, dont les pupilles étaient accommodées à l'infini.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Cécile parmi nous, 1938, page 101. 

—  Absolument : 

Ø 16. Maintenant notre oeil, plus sensible et mieux accommodé, arrive à discerner le même motif, toujours le même, sous des formes de plus en plus immatérielles et prochaines.

PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain,  1955, page 246. 

b) Au figuré : 

Ø 17. Non plus, la coutume morale issue de cette foi ancienne, accommodée au moyen de mille compromis ingénieux au tempérament de la race, ne pourra être remplacée par une coutume morale dérivée d'une forme religieuse différente et apprêtée par le tempérament d'une autre race.

JULES DE GAULTIER, Le Bovarysme,  1902, page 237. 

3. Accommodé en. Transformé en : 

Ø 18.... tout son bien émis est le résultat d'une pression de souffle accommodé et transformé en son par le larynx, renforcé de multiples manières par les cavités de résonance.

JEANNE ARGER, Initiation à l'art du chant,  1924, pages 143-144. 

B.—  (Sans idée d'arrangement) 

1. Littéraire ou régional. Accommodé de. [En parlant d'une personne ou d'une demeure]  Pourvu de : 

Ø 19. Fille d'une ravaudeuse quelconque et d'un père inconnu, elle s'était trouvée, à dix-huit ans, soudainement accommodée d'une petite fortune et mariée presque aussitôt à un respectable industriel de la rue Saint-Antoine.

LÉON BLOY, La Femme pauvre,  1897, page 19. 

Ø 20. Tout a dans ces cantons un air de montagne, rude, pauvre et fort.

Mais les Escures sont agréables à habiter, étant en bonne exposition et en lieu accommodé d'eau et de bois, avec la santé de l'air.

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, page 119. 

—  Vieux. \" Être peu accommodé des biens de la fortune. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Familier.  N'être pas riche. 

Remarque : DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845 note la même expression sans adverbe. 

2. Absolument.  Riche, aisé : 

Ø 21.... il buvait toujours sans paraître jamais gris, et quoiqu'on ne lui connût point de tailleur, il était mieux fourni de manteaux que le courtisan le plus accommodé.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 317. 

Ø 22. —  Vous voilà de quoi frire, allons, dit le maître. Mais vous êtes chez du monde qui n'est guère accommodé. Cherchez votre vie comme vous pourrez, on vous laisse avec la vieille.

—  Portez pas peine. Quand il y a du pain et du vin, le roi peut venir.

HENRI POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, page 236. 

Remarque : —  Association paradigmatique fréquente a) Synonymes : adapté, aisé, ajusté, apprêté, approprié, arrangé, assaisonné, assorti, composé, conforme, conformé (à), cuisiné, facile (à vivre), fourni (de), meublé, mis au point, pourvu, rehaussé, riche, transformé. b) Antonyme : maltraité. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 160. 

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