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ACHARNÉE, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 01/10/2015

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ACHARNÉE, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de (s')acharner* 

II.—  Emploi adjectival.  Qui manifeste une vigueur jusqu'aux limites de l'excès et une ténacité exceptionnelle dans la poursuite d'une action. 

A.—  [En parlant d'un agent : personne, entité personnifiée, etc.]  Qui s'acharne. 

1. [L'accent est mis sur l'idée d'hostilité prolongée et plus ou moins violente] 

a) En construction prépositive. 

—  Acharné contre : 

Ø 1. Le jour de l'élection, ils se sont postés aux portes avec des bandes de jeunes gens à rubans tricolores, etc. On m'a averti de ne pas venir, qu'il y avait péril imminent pour moi et les miens; les autorités municipales et le bureau étaient acharnés contre moi. Bref, je n'ai tenu compte de rien, je suis allé, décidé à tout. Les miens ont tenu bon avec un courage de lions et une fidélité de dogues.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale.  1831, page 173. 

Ø 2. Ils croient obéir à leur conscience en sacrifiant leur idéal révolutionnaire au mythe nouveau de la patrie menacée! Les plus acharnés contre la guerre sont devenus les plus ardents à courir la faire!

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 620. 

—  Acharné sur : 

Ø 3. Ils montèrent aux tribunes. Plèbe en furie, septembriseurs en délire, chacals acharnés sur une charogne, fauves fous de faim, sauvages ivres d'eau, de feu, damnés blasphémants ne donneraient pas idée de la meute d'hommes qui vociféraient autour de la corbeille.

JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême,  1884, page 259. 

—  Acharné après : 

Ø 4. Il sent bientôt qu'il ne peut plus se maîtriser et sous le prétexte de la fatigue, il nous quitte. Sa femme, comme un taon acharné après un cheval, le suit.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  juin 1860, page 760. 

Remarque : L'ordre de fréquence croissante des prépositions est le suivant : après, contre et sur (environ 10 fois plus fréquent que après). 

b) Emploi absolu : 

Ø 5. Pendant les débats, l'attention publique fut absorbée par le haut intérêt de cette grande cause; tous les journaux couvrirent leurs colonnes de la relation des séances de la cour des pairs. Chose remarquable, tous ces ennemis acharnés et impitoyables des accusés n'ont pas pu se défendre d'un intérêt et d'une émotion plus forts que leur haine, vaincus qu'ils étaient par l'éloquence et la grandeur d'âme que les accusés ont déployées dans leur défense.

MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance,  1830, page 39. 

Ø 6. La mauvaise fortune est acharnée au point de ne pas reculer devant l'assassinat d'un président de république, pour me priver d'un succès possible.

LÉON BLOY, Journal,  1895, page 117. 

Ø 7. Le maître d'école de Corbigny, sec, noir, autoritaire, acharné.

JULES RENARD, Journal,  1901, page 674. 

2. [L'accent est mis sur l'idée d'opiniâtreté dans la poursuite d'une action, d'un effort, d'une idée] 

a) Acharné à + substantif verbal ou verbe à l'infinitif : 

Ø 8.... comment résisterions-nous à l'ennemi acharné à notre perte si nous n'usions pas contre lui de toutes les ressources que la religion nous a réservées, de tout le pouvoir qu'elle a mis entre nos mains?

CHARLES NODIER, Trilby ou le lutin d'Argail,  1822, page 146. 

Ø 9. On n'y trouve guère de pensée logique, mais chaque phrase trahit un esprit acharné à résoudre une question à laquelle il s'applique de tout son espoir.

ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve,  1939, page 339. 

Ø 10.... j'avais compris qu'entre les deux camps auxquels nous appartenions aucun compromis n'était possible : les « bien-pensants » voulaient l'anéantissement des « intellectuels », et réciproquement. En ne se décidant pas pour moi, Zaza pactisait avec des adversaires acharnés à me détruire et je lui en voulus.

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 287. 

Remarque : 1. L'idée d'hostilité ou de violence reste souvent sous-jacente; elle s'explicite volontiers dans le complément prépositionnel L'exemple suivant montre le passage de l'idée d'opiniâtreté à celle d'hostilité : 

Ø 11. Se croyant acharnée à la discussion, mais l'étant surtout à la lutte, Éva s'était approchée avec tant de menace que son nez toucha le mien.

JEAN GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin,  1922, page 169. 

Remarque : 2. Rare, familier. Acharné pour : 

Ø 12. Ce qui n'empêche pas que M. Oudot, professeur de code civil, n'aime d'un amour furieux l'emphytéose et ne soit acharné pour les obligations.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1842, page 116. 

b) Emploi absolu : 

Ø 13. Ce dessin obstiné, ou plutôt acharné figure donc (...) cent quarante-deux fois dans l'ouverture.

HECTOR BERLIOZ, À travers chants,  1862, page 309. 

Ø 14. Où sont mes allumettes? » Pencroff chercha dans sa veste la boîte qui ne le quittait jamais, car il était un fumeur acharné. Il ne la trouva pas. Il fouilla les poches de son pantalon, et, à sa stupéfaction profonde, il ne trouva point davantage la boîte en question.

JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1874, page 36. 

Ø 15. Tout conservateur a pour ancêtre un bandit. Quand Hercule eut volé les boeufs de Cacus, il devint défenseur acharné de la propriété.

ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Le Prêtre de Nemi, 1885, I, 1, page 533. 

Ø 16.... à New York, j'entends recevoir très largement la colonie française en n'excluant que les adversaires réellement déclarés et acharnés.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, L'Unité, 1956, page 651. 

Remarque : Les idées d'hostilité et d'opiniâtreté peuvent être réunies (exemple 16). 

c) Emploi comme substantif, au pluriel (exemple 2) : 

Ø 17. Déjà, les barricades des rues Martignac et de Bellechasse étaient prises, on commençait à voir les pantalons rouges au bout de la rue de Lille. Et il ne resta bientôt que les convaincus, les acharnés, Maurice et une cinquantaine d'autres, décidés à mourir, après en avoir tué le plus possible, de ces Versaillais qui traitaient les fédérés en bandits, qui fusillaient les prisonniers en arrière de la ligne de bataille.

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 596. 

B.—  emploi absolu.  [En parlant d'une action ou de sa modalité]  Où l'on s'acharne. 

1. [L'accent est mis sur l'idée d'hostilité] :

Ø 18. Frédéric-Guillaume (...) voulut un jour réunir les luthériens et les réformés : il retrancha de leurs formules respectives ce qui occasionnait leurs dissentiments, et leur ordonna d'être d'accord. Jusqu'alors ces deux sectes avaient vécu séparées, mais dans une intelligence parfaite. Condamnés à l'union, elles commencèrent aussitôt une guerre acharnée, s'attaquèrent entre elles, et résistèrent à l'autorité.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Principes de politique,  1815, page 141. 

Ø 19. On était à table et la conversation roulait, brûlante de toutes les passions, les passions de l'époque, passions d'autant plus terribles, vivantes et acharnées dans le Midi que depuis cinq cents ans les haines religieuses viennent en aide aux haines politiques.

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 60. 

2. [L'accent est mis sur l'idée d'opiniâtreté] :

Ø 20. Il n'avait guère pensé, jusque-là, appliquant tout son esprit, toutes ses simples facultés, à sa besogne professionnelle. Mais voilà que la fatigue, cette poursuite acharnée d'un travail introuvable, les refus, les rebuffades, (...), l'emplissaient peu à peu d'une colère lente, amassée chaque jour, chaque heure, chaque minute, et qui s'échappait de sa bouche, malgré lui, en phrases courtes et grondantes.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Le Vagabond, 1887, page 669. 

Ø 21. Pendant le mois qui suivit, Pascal essaya de se réfugier dans un travail acharné de toutes les heures. Il s'entêtait maintenant les journées entières, seul dans la salle, et il passait même les nuits, à reprendre d'anciens documents, à refondre tous ses travaux sur l'hérédité. On aurait dit qu'une rage l'avait saisi de se convaincre de la légitimité de ses espoirs...

ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal,  1893, page 131. 

Ø 22.... depuis que la stricte discipline de sa vie n'impose sa contrainte qu'à l'homme extérieur, le malheureux a senti se creuser un vide que le labeur acharné, presque dément de ces derniers mois, n'a pas réussi à combler : il n'a plus à nourrir son imposture, elle est en lui comme un fruit mort.

GEORGES BERNANOS, La joie,  1929, page 633. 

Ø 23. Les rapports diront que la lutte a été acharnée. Il est vrai qu'elle est tenace. La moindre faute, le moindre faiblissement de l'adversaire est épié, exploité aussitôt, dans la mesure où les ténèbres le laissent saisir. Mais il n'y a rien qui ressemble à une fureur qui jetterait l'homme sur l'homme.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, page 70. 

Ø 24. Triompher par la famine lui était apparu dangereux. Avec une tête de cochon comme la mienne, on pouvait craindre une résistance acharnée. Quel exemple pour mes frères! Et quel beau triomphe, en effet, que de ramasser en fin de compte sur son matelas ce héros affamé que l'on ne pourrait plus que soigner!

HERVÉ BAZIN, Vipère au poing,  1948, page 199. 

Remarque : 1. Les exemples 20 et 23 montrent le passage d'une idée à l'autre. 2. Syntagmes fréquents : a) l'idée dominante est celle d'hostilité : adversaire acharné (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 704); ennemi acharné, le plus acharné (VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 192; LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror, 1869, page 340); combat plus acharné (Mme.  COTTIN, Mathilde, tome 2, 1805, page 173); acharné à soutenir le combat (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 759); acharné dans le combat (J. GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, page 257); acharné à la poursuite (Charles-AMÉDÉE DE SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 247); b) l'idée prédominante est celle d'obstination : travailleur acharné (JULES MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, page 329); courage acharné (H. BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 204); persistance acharnée (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Histoire d'une fille de ferme, 1881, page 28); acharné à la poursuite (Charles-AMÉDÉE DE SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 247); travail acharné (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1868, page 378; ÉMILE ZOLA, L'Argent, 1891, page 94; R. ROLAND, Beethoven, Les Grandes époques créatrices, tome 1, 1903, page 167). 3. Associations paradigmatiques : acharné/ardent (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1859, page 364); acharné/ courageux (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 428); acharné/ vif (Mme.  COTTIN, Mathilde, tome 2, 1805, page 173). 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 729. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 667, b) 1 278; XXe.  siècle : a) 1 540, b) 918. 

 

Forme dérivée du verbe \"acharner\"

 acharner

ACHARNER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif, vieux, rare,  VÉNERIE.  

1. Donner le goût de la chair : 

Ø 1. On acharne les chiens en leur donnant le goût et l'appétit de la chair.

JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART. Chasses.  1834. 

2. Lancer un faucon ou un chien de chasse à la poursuite du gibier : 

Ø 2. Parmi les personnes qui emploient le verbe acharner, combien peu savent qu'il signifie proprement lancer le faucon sur la chair?

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 1, 1888, page 295. 

—  Au figuré. 

·    [Avec une idée d'hostilité]  Acharner contre ou sur : 

Ø 3. On sait avec quelle fureur ils [mes calomniateurs] ont acharné contre moi la populace de la plume...

PIERRE-AUGUSTIN CARON DE BEAUMARCHAIS, Époques,  1793, page 77. 

·    [Avec une idée d'obstination]  Acharner à : 

Ø 4. Toute ma volonté n'est pas de trop, qui m'acharne à ce travail où je ne cherche plus avantage.

ANDRÉ GIDE, Journal,  février 1918, page 670. 

3. Acharner un leurre. Le garnir de chair. 

—  Au figuré : 

Ø 5. Depuis long-temps je voulais trancher mon existence qui me lasse et m'importune, mon leurre était encore acharné de quelque espoir, je remettais de jour en jour; enfin, misérable porte-faix des misères humaines, je romps sous le fardeau, et viens le déposer.

PETRUS BOREL, Champavert, les contes immoraux, Passereau, l'écolier, 1833, page 192. 

4. Attirer (l'oiseau) à l'aide du tiroir : 

Ø 6. On dit acharner l'oiseau sur le tiroir, soit au poing avec le tiroir, ou en attachant le tiroir au leurre.

JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART. Chasses.  1834. 

B.—  Emploi pronominal, usuel.  [Le sujet désigne un animé personnel ou une force agissant à la manière d'une personne] 

1. [L'idée dominante est celle d'hostilité]  S'acharner + préposition + substantif animé ou inanimé..  Poursuivre avec une hostilité opiniâtre. 

—  S'acharner contre : 

Ø 7.... le vent hargneux du nord (...) s'acharnait contre le toit.

GUY DE MAUPASSANT, Une Vie,  1883, page 90. 

Ø 8. On l'a bien vu dans cette affaire Dreyfus où l'opinion publique était aussi peu disposée que possible à manifester la moindre sympathie en faveur du condamné, tandis qu'une notable partie de la presse s'acharnait contre lui, en sa qualité de Juif, avec une ardeur sans pareille.

GEORGES CLEMENCEAU, L'iniquité,  1899, page 14. 

Ø 9.... c'est contre ce réalisme-là que s'acharne, au contraire, l'« intellectualisme » tel que l'entendait Éleuthère.

HENRI MASSIS, Jugements, tome 2, 1924, page 228. 

—  S'acharner sur : 

Ø 10.... il lança quelques jurons et force soupirs en exigeant de l'espace et de l'air, puis, comme on s'acharnait sur lui de plus belle, à son corps défendant, et qu'on le persécutait de cris et de prières en le serrant contre les poitrines au point de l'empêcher de jouer des poumons selon ses besoins, il se renfrogna pour tout de bon et montra les gencives...

LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 46. 

Ø 11. Et voilà, couché devant leurs pas le squelette du village. Ce n'est plus qu'un tas d'os brisés sur lequel s'acharne le vent. Le long fleuve d'air mugit dans les maisons vides. Les ossements luisent sous la lune.

JEAN GIONO, Colline,  1929, page 95. 

Remarque : Dans les exemples suivants, la préposition est à par référence archaïsante au sens propre en vénerie avec l'interférence probable de l'idée (et de la construction) de s'attacher à : 

Ø 12. Les souvenirs de la terre les poursuivent encore; leurs passions sans but s'acharnent à leur coeur; elles s'agitent sur le passé, qui leur semble encore moins irrévocable que leur éternel avenir.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Corinne ou l'Italie, tome 1, 1807, page 76. 

Ø 13. Est-ce parce que je vous aime que vous êtes affligée? Le sort s'acharne à tout ce qui m'entoure de près ou de loin!

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1872, page 46. 

—  S'acharner après : 

Ø 14. Quoique la procédure soit environnée du plus profond mystère, (...), et dirigée par le fiscal général Rassi, dont la seule charité chrétienne peut m'empêcher de dire du mal, mais qui a fait sa fortune en s'acharnant après les malheureux accusés comme le chien de chasse après le lièvre; quoique le Rassi, dis-je, dont votre imagination ne saurait s'exagérer la turpitude et la vénalité, ait été chargé de la direction du procès par un prince irrité, j'ai pu lire les trois dépositions du Vetturino.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 202. 

Remarque : 1. L'ordre de fréquence croissante des prépositions est le suivant : après, contre, sur. 2. Les prépositions contiennent des souvenirs précis de l'emploi du verbe comme terme de vénerie Sur rappelle le vol du faucon qui fonce sur sa proie; dans après se perçoit l'image de chiens courant derrière le gibier; contre renvoie à l'affrontement ultime entre le poursuivant et le poursuivi. 3. L'idée d'hostilité est particulièrement nette lorsque le complément prépositionnel désigne un animé personnel ou animal. La nuance péjorative apparaît là avec une netteté particulière. 

2. [L'idée dominante est celle d'opiniâtreté] 

a) Construction prépositive.  Persévérer avec opiniâtreté. 

—  Rare.  [Le complément est un inanimé]  S'acharner dans : 

Ø 15. Il brossait son carrelage, cirait le dessous du lit, commençait la lessive de son linge, d'un mouchoir, d'une chemise, la recommençait deux fois, trois fois, dix fois, s'acharnait dans une stupide besogne inutile, pour s'épuiser, s'occuper, donner à cette étrange bête qui habitait son crâne et qu'on nomme la pensée un aliment, quelque chose à dévorer.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 282. 

—   [Le complément est un verbe à l'infinitif ou un substantif]  S'acharner à : 

Ø 16. Les Pélasges industrieux ont été traités par les races guerrières de l'antiquité, comme la ville de Tyr le fut par les Assyriens de Salmanazar et Nabucadnézar, qui, par deux fois, s'acharnèrent à sa perte;...

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 1, 1831, page 21. 

Ø 17.... il avait les bronches faibles, et respirait avec peine. Asthme, catarrhe, bronchite, s'acharnaient après lui : et la trace des luttes qu'il lui fallait subir (...) était gravée dans les plis douloureux de sa longue figure, maigre et rasée.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 552. 

Remarque : 1. À est de beaucoup la préposition la plus fréquente après s'acharner. 2. Dans certains emplois avec un infinitif, s'acharner a la valeur d'une sorte de semi-auxiliare de l'amplification : 

Ø 18.... il est des hommes faits pour éprouver tous les malheurs, des hommes que le destin s'acharne à poursuivre sans relâche, et sur qui pèse invariablement la main de la fatalité.

JEAN-HENRI-FERDINAND LA MARTELIÈRE, Robert, chef des brigands, 1793, IV, 5, page 46. 

b) Emploi absolu : 

Ø 19. Elle ne m'aime point du tout. Elle est dans un tourbillon qui l'étourdit. Elle ne m'aimera jamais. Je m'use et m'acharne sans but et sans espoir. Il faut guérir de ceci comme d'une maladie.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes,  septembre 1814, page 410. 

Ø 20. Le paysan fut admirable d'endurance et de foi. Comme les fourmis qui refont grain à grain leur fourmilière bouleversée, il refit le patrimoine motte à motte. Plus la désolation était grande, plus il s'acharnait. Sa fidélité à la terre malade tenait de la grandeur...

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 3, 1932, page 98. 

C.—  Principales associations notées.   

1. Syntagmes. Acharner comporte toujours l'idée d'obstination, appliquée à une entreprise quelconque (s'acharner sans but, BENJAMIN CONSTANT, Journaux intimes, 1803-1816, page 410; s'acharner à ses tâches quotidiennes, ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, page 225) ou accompagnée d'hostilité (s'acharner à détruire, IDEM, ibidem, Les Amies, 1910, page 1144; s'acharner à la poursuite, HONORÉ DE BALZAC, Un Épisode sous la Terreur, 1846, page 434; s'acharner à poursuivre, Mme COTTIN, Mathilde, 1805, page 323; s'- à vaincre, HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, 1824, page 125) souvent vigoureuse (s'acharner à le faire souffrir, JORIS-KARL HUYSMANS, Marthe, 1876, page 27); association avec persécuter, se ruer, confer infra. Lutte ou entreprise peuvent s'exercer au point de vue des idées (s'acharner à convaincre, JEAN ET JÉRÔME THARAUD, Dingley, L'illustre écrivain, 1906, page 119; la passion qui s'acharne, GEORGE SAND, Histoire de ma vie, 1855, page 59; s'acharner à prouver, HENRI DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, page 1373 et LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 80), et l'adversaire, être représenté par une force abstraite : la fatalité s'acharne, ANDRÉ GIDE, Souvenirs de la Cour d'Assises, 1913, page 640; la fatalité qui s'acharne, ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'empreinte, 1896, page 245; le malheur s'acharne, ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, page 236. 

2.  Association paradigmatique :  acharner/combattre (ALPHONSE DE LAMARTINE, Voyage en Orient, 1835, page 325), acharner/exterminer (JULES MICHELET, L'Oiseau, 1856, page 85), acharner/persécuter (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1886, page 529). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 593. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 278, b) 864; XXe.  siècle : a) 1 490, b) 922. 

 

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