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affect

Publié le 03/04/2015

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affect n.m. (angl. Affect; allem. Affekt). État émotionnel parmi d'autres, dont l'ensemble constitue la palette de tous les sentiments humains, du plus agréable au plus insupportable, qui se manifeste par une décharge émotionnelle violente, physique ou psychique, immédiate ou différée.

Cet aspect descriptif montre l'intri­cation obligée des concepts d'affect, de pulsion et d'angoisse. La notion d'af­

fect est contemporaine de la naissance même de la psychanalyse, puisque S. Freud opère sa première classifica­tion des névroses selon la façon dont un sujet se comporte au regard de ses affects. Il écrit à W. Fliess en 1894 (Nais­sance de la psychanalyse): «J'ai mainte­nant des névroses une vue d'ensemble et une conception générale. Je connais trois mécanismes : la conversion des affects (hystérie de conversion); le déplacement de l'affect (obsessions); la transformation de l'affect (névrose d'angoisse, mélancolie).« Dans ce pre­mier repérage, on constate que, pour Freud, la pulsion sexuelle se manifeste par un affect: l'angoisse. Cette angoisse se transforme donc de trois façons : en un symptôme hystérique (paralysie, vertiges) vécu sans angoisse mais comme une atteinte organique; en se déplaçant sur un autre objet (crainte obsédante de la mort d'une personne aimée); en se convertissant en une réaction corporelle immédiate et catas­trophique (crise d'angoisse, cauche­mars). Cette première description clinique est contemporaine de l'hysté­rie et de la direction de sa cure. Dès 1894, dans Études sur l'hystérie, la cure se fait soit par l'hypnose, soit par la parole (la «Talking Cure «, ainsi nommée par sa patiente Anna O), et par le biais de l'abréaction ou du retour du refoulé consistant à ramener dans le conscient les traces mnésiques, les souvenirs et les affects trop violents ou condam­nables, pour obtenir la levée du symp­tôme hystérique.

Tous ces concepts sont repris par Freud en 1915, dans Métapsychologie. Ainsi, dans son article sur l'Inconscient (1915), il définit l'affect de cette façon: «Les affects et les sentiments corres­pondent à des processus de décharge dont les manifestations finales sont perçues comme des sensations.« De plus, il rend le refoulement responsable de «l'inhibition de la transformation d'une notion pulsionnelle en affect«,

laissant ainsi le sujet prisonnier de ces éléments pathogènes inconscients. Mais, si l'approche intuitive de l'affect décrit l'état actuel de nos sentiments, c'est également par lui que Freud expose son concept de la pulsion, puisque, dit-il, «si la pulsion n'appa­raissait pas sous forme d'affect, nous ne pourrions rien savoir d'elle «.

C'est le deuxième volet de l'affect dans son aspect quantitatif. En effet, par le biais du facteur quantitatif de cet affect refoulé, Freud rend compte du destin de nos pulsions qu'il dit être de trois types : soit l'affect subsiste tel quel; soit il subit une transformation en un quantum d'affect, qualitative­ment différent, principalement en angoisse; soit l'affect est réprimé, c'est-à-dire que son développement est fran­chement empêché. Freud reconnaît qu'une pulsion ne peut devenir objet de la conscience. Ce qui nous en donne une idée, c'est la représentation, elle bien consciente, des avatars de ladite pulsion. De même, le destin de nos investissements pulsionnels ne saurait nous être totalement inconscient, puisque la pulsion est soit partielle­ment satisfaite, soit satisfaite, avec les manifestations affectives que cela entraîne.

En ce qui concerne l'affect, l'apport de J. Lacan consiste principalement à avoir expliqué de façon plus précise la constitution du désir d'un sujet. Pour lui, «l'affect qui nous sollicite consiste toujours à faire surgir ce que le désir d'un sujet comporte comme consé­quence universelle, c'est-à-dire l'an­goisse« (Leçon du 14 novembre 1962). Pour Lacan, que l'affect soit une mani­festation pulsionnelle n'implique pas qu'il soit l'être donné dans son immé­diateté, ni que ce soit non plus le sujet sous une forme brute.

L'affect, nous le retrouvons toujours converti, déplacé, inversé, métabolisé, voire fou. Il est toujours à la dérive. Pas plus que la pulsion, il n'est refoulé,

mais comme dans la pulsion, ce qui de l'affect est refoulé, ce sont, dit Lacan, «les signifiants qui l'amarrent« (ibid.). Pour lui, l'affect est toujours lié à ce qui nous constitue comme sujet désirant, dans notre relation: à l'autre notre sem­blable; à l'Autre, comme lieu du signi­fiant, donc de la représentation; à l'objet cause de notre désir, l'objet a.

 

Cela, la névrose traumatique peut nous aider à l'illustrer. Dans cette névrose, ce qui est refoulé et qui est transformé en angoisse, c'est un affect qui s'est produit pour un sujet quand celui-ci a été confronté, dans la réalité, à l'imminence de sa mort. La gravité de cette névrose est d'autant plus patente que le quantum d'affect refoulé a été plus important. Ce qui a été actualisé dans cette névrose, c'est un trauma­tisme dont le prototype archaïque est celui de la naissance. Ce trauma remet en question l'existence même du sujet, et ce, comme dans le temps premier de radicale dépendance à la mère. La mère, cet objet primordial, dont la pré­sence et l'absence font naître chez l'en­fant tous les affects, de la satisfaction à l'angoisse. La mère, dispensatrice, à son insu, de la proche inscription et de sa relation au besoin, à la demande et au désir. Nous sommes, dans ce qui nous affecte, en tant que sujet, toujours totalement dépendant de ce désir qui nous lie à l'Autre, et qui nous oblige à n'être qu'en cet objet toujours mécon­nu et manquant.

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