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AILÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 18/10/2015

Extrait du document

AILER, verbe transitif.  

1. Néologisme, au figuré, rare.  Donner des ailes : 

Ø 1. J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.

—  Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades

Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

ARTHUR RIMBAUD, Poésies, Le Bateau ivre, 1871, page 130. 

Ø 2. Auprès de ces tristesses désenchantées, de quel rayonnement se nimbait le beau visage de mon amie! Le voeu que j'avais fait de lui donner tout l'amour de ma vie ailait mon coeur où foisonnait la joie; d'indistinctes ambitions déjà tout au fond de moi s'agitaient, mille velléités confuses; chants, rires, danses et bondissantes harmonies formaient cortège à mon amour...

ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt,  1924, page 453. 

2. [Plus fréquemment à la voix passive, dans les constructions ailé par et ailé de]  Comme muni d'ailes. 

a) [Ce qui aile est une chose concrète] :

Ø 3.... Hemerlingue, poursuivant sa pensée, montra le monument ailé des quatre cours par les draperies, les mains tendues de ses sculptures...

ALPHONSE DAUDET, Le Nabab,  1877, page 121. 

Ø 4. Un bai-cerise, au crâne d'engoulevent, vaste bête ailée de crins bleus, mordit [pendant cette charge au galop] son cheval de file.

GEORGES D'ESPARBÈS, La Guerre en sabots,  1914, page 127. 

Ø 5. Certains petits supplices volontaires, entre l'oreille et l'épaule (...) amendaient les tourments qu'enduraient la même région et le misérable petit dos, ailé d'omoplates saillantes...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Gigi,  1944, page 117. 

b) Au figuré.  [Ce qui aile est une entité abstraite] :

Ø 6. Croyez-moi, la sagesse est une chose vaine;

C'est le mal d'un autre âge, et plus tard vous l'aurez!

Mais maintenant, jeune homme, oh! sans attendre, ouvrez,

Ouvrez à vos désirs ailés d'impatience

Les portes de la vie où de vivre on commence;...

HENRI MURGER, Les Nuits d'hiver, À un adolescent, 1861, page 157. 

Ø 7.... comme ailé par le rêve, il [A. Daudet] partait vers un de ces mirages qui faisaient de la moindre causerie un perpétuel enchantement.

LÉON DAUDET, Alphonse Daudet,  1898, page 30. 

Ø 8. Je marchais à grands pas, tout ailé par l'espoir de ma prochaine délivrance,...

ANDRÉ GIDE, Journal,  1918, page 649. 

—  Néologisme. Entre-ailer. Croisement de entremêler et ailer : 

Ø 9. Mais quand tu dis : « Je viens! » quelle cloche de fête

Fit bondir le sommeil attardé sur ma tête;

Quelle rapide étreinte attacha notre sort,

Pour entre-ailer nos jours d'un fraternel essor!

Ma vie, elle avait froid, s'alluma dans la tienne,

Et ma vie a brillé, comme on voit au soleil

Se dresser une fleur sans que rien la soutienne,

Rien qu'un baiser de l'air, rien qu'un rayon vermeil...

MARCELINE DESBORDES-VALMORE, Élégies,  1859, page 14. 

 

AILÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de ailer* 

II.—  Adjectif. 

A.—  Littéraire.  [Se dit d'un oiseau, d'un insecte]  Qui est pourvu d'ailes : 

Ø 1. Une abeille étourdie arrive en bourdonnant

Au secours! Au secours! crie aussitôt la dame :

Venez, Lise, Marton, accourez promptement;

Chassez ce monstre ailé. Le monstre insolemment

Aux lèvres de Chloé se pose.

Chloé s'évanouit, et Marton en fureur

Saisit l'abeille et se dispose

À l'écraser.

JEAN-PIERRE CLARIS DE FLORIAN, Fables, La Coquette et l'abeille, 1792, pages 53-54. 

Ø 2. Dans ce point bleu, royalement, un petit oiseau d'aile immense nage à dix mille pieds de haut. Goëland? Non : l'aile est noire. Aigle? Non : l'oiseau est petit. C'est le petit aigle de mer, le premier de la race ailée, l'audacieux navigateur qui ne ploie jamais la voile, le prince de la tempête, contempteur de tous les dangers : le guerrier ou la frégate. Nous avons atteint le terme de la série commencée par l'oiseau sans aile. Voici l'oiseau qui n'est plus qu'aile. 

JULES MICHELET, L'Oiseau,  1856, pages 48-49. 

Ø 3.... les oiseaux de proie, chasseurs ailés qui ont tant de ressources, chassent leurs enfants de bonne heure, y voient des concurrents gloutons et les forcent à coups de bec d'habiter hors du domaine qu'ils se réservent en propre,...

JULES MICHELET, L'Insecte,  1857, page 220. 

Ø 4. Nous les [nos porteurs] avons vus également se jeter sur les termites ailés qu'attire par essaims notre lampe-phare, et les croquer aussitôt sans même les plumer de leurs énormes ailes. 

ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo,  1927, page 755. 

Ø 5. Des vols de moucherons, de fourmis ailées vous frappaient au visage, et il y avait des jours où le sol d'une route était couvert d'un pollen d'insectes morts que le vent soulevait.

PAUL NIZAN, La Conspiration,  1938, page 130. 

—  HÉRALDIQUE.  \" Ailé se dit de toutes les pièces qui ont des ailes contre nature, comme un cerf ailé, un lion ailé, et des animaux volatils dont les ailes sont d'autres couleurs que le corps. \" (Dictionnaire héraldique (CHARLES GRANDMAISON) 1852) : 

Ø 6. Parmi un grand nombre d'objets curieux ou magnifiques, ce que l'évêque de Tours considéra avec le plus d'attention, (...) ce furent de grands médaillons d'or portant sur une face, la tête de l'empereur avec cette légende : Tibère Constantin toujours auguste, et sur l'autre, un char à quatre chevaux monté par une figure ailée avec ces mots : Gloire des Romains. 

AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 1, 1840, page 314. 

—  MYTHOLOGIE.   [En parlant d'un être mythique, d'un animal fabuleux, d'une représentation allégorique, etc.]  Le messager ailé (Mercure), le petit dieu ailé (l'Amour), le cheval ailé (Pégase) : 

Ø 7. Satan siffla, et deux chevaux ailés se présentèrent, leur dos était long et se pliait comme un serpent, leur large queue noire battait la terre, leur crinière flottait et sifflait au vent, leurs ailes se déployaient comme des ailes de chauve-souris, et quand ils [Smarh et Satan] furent emportés par eux, on n'entendait que le bruit des vagues d'air que remuait leur vol,... 

GUSTAVE FLAUBERT, Smarh,  1839, page 89. 

Ø 8. Hélas! un monstre ailé qui plane dans les airs,

Et dont la lourde faux va sarclant l'univers,

La mort, incessamment coupe toutes ces choses;

Et femmes et bosquets, oiseaux, touffes de roses,

Belles dames, seigneurs, princes, ducs et marquis,

Elle met tout à bas,...

AUGUSTE BARBIER, Ïambes et poèmes, Il pianto, le campo santo, 1840, page 110. 

B.—  Emplois scientifiques ou techniques, par analogie de forme et/ou de disposition. 

1. SCIENCES BIOLOGIQUES.  

a) ANATOMIE HUMAINE.  

—   [Se dit du nez] :

Ø 9. Le nez, droit, finement ailé, semblait modelé dans une matière fine, transparente, précieuse.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, page 43. 

—   [Se dit de certaines régions du cerveau qui comportent des parties latérales appelées ailes] :

Ø 10. Extrémité céphalique parfois ailée.

RALLIET,  (ÉMILE BRUMPT, Précis de parasitologie,  1910, page 389 ). 

—  MÉDECINE.  \" On dit quelquefois, en séméiotique, épaules ailées, omoplates ailées, pour indiquer les saillies que ces os forment chez les personnes qui ont le corps grêle et fluet, et la poitrine étroite, et qui sont disposées à la phtisie pulmonaire constitutionnelle. \" (Dictionnaire de médecine et des sciences associées à la médecine (PIERRE-HUBERT NYSTEN) 1814-20). 

Remarque : Également attesté dans Nouveau Larousse illustré. 

b) BOTANIQUE.   [Se dit de diverses parties des plantes]  Pourvu d'expansions latérales dont la forme rappelle celle d'une aile. Fleur ailée, clochette ailée. Feuille ailée : 

Ø 11. Alors il s'aperçut qu'un nom restait encore sur sa liste. Le Cattleya de la Nouvelle-Grenade; on lui désigna une clochette ailée d'un lilas effacé, d'un mauve presque éteint; il s'approcha, mit son nez dessus et recula brusquement; elle exhalait une odeur de sapin verni, de boîte à jouets, évoquait les horreurs d'un jour de l'an. Il pensa qu'il ferait bien de se défier d'elle, regretta presque d'avoir admis parmi les plantes inodores qu'il possédait, cette orchidée qui fleurait les plus désagréables des souvenirs.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours,  1884, page 123. 

Ø 12. Les branches [de l'acacia robinier] sont armées d'épines fortes et courtes et garnies de feuilles ailées d'un vert gai.

JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART, Nouveau manuel forestier, traduit de Burgsdorf, 1808, page 239. 

—  Fruit ailé. \" On donne le nom de fruits ailés à ceux dont le péricarpe développe, sur l'une ou l'autre de ses parties, des sortes d'expansions plus ou moins saillantes : érable, paliure, halésia. \" (Élie-Abel Carrière, Encyclopédie horticole, 1862, page 13) : 

Ø 13.... il [le fruit] est ailé dans l'Angélique (Angelica sylvestris)... 

LUCIEN PLANTEFOL, Cours de botanique et de biologie végétale, tome 2, 1931, page 412. 

—  Graine ailée. \"... on désigne par le nom de graines ailées toutes celles dont le testa s'élargit ou s'allonge plus ou moins en une sorte de membrane : Thuia, Cyprès. Dans certaines graines de Conifères l'aile, à la maturité des graines, est complètement indépendante du testa, dont elle se sépare alors avec facilité. Dans certaine circonstance l'aile est un véritable péricarpe étalé sur lequel est placée une graine nue. \" (Élie-Abel Carrière, Encyclopédie horticole, 1862) : 

Ø 14. Graines ailées, aigrettées, duvetées, enveloppées de gourmandise et en appelant à l'oiseau! De quelle ingéniosité fait preuve chaque plante pour éparpiller le plus loin possible d'elle sa descendance!

ANDRÉ GIDE, Journal,  1910, page 302. 

—  Tige ailée. \"... on appelle tige ailée celle sur laquelle, soit le limbe d'une feuille lorsqu'elle est sessile, soit au contraire le pétiole, lorsqu'elle en est pourvue, se prolonge en formant une arête (aile, / Dioscorca alata, Passiflora alata, Consoude, plusieurs espèces de Chardons, l'Ammobium alatam). \" (Élie-Abel Carrière, Encyclopédie horticole, 1862). 

c) ICHTYOLOGIE.   [Se dit des poissons]  Dont les nageoires pectorales sont assimilables à des ailes : 

Ø 15. Un même lieu voit l'aigle et la mouche légère,

Les oiseaux du climat, la caille passagère,

(...)

Les peuples casaniers, les races vagabondes;

L'équivoque habitant de la terre et des ondes,

Et les oiseaux rameurs, et les poissons ailés.

ABBÉ JACQUES DELILLE, L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises,  1800, pages 118-119. 

2. TECHNIQUES DIVERSES.  

a) AÉRONAUTIQUE.   [Se dit d'un appareil volant]  Pourvu d'ailes artificielles : 

Ø 16. —  Avec la collaboration de M. Louis du Temple, son frère, il fabriquait un canot ailé, dont le modèle en petit, mû par un ressort, a fonctionné avec succès.

GABRIEL DE LA LANDELLE, Rapport de 1864,  page 27 (LOUIS GUILBERT La formation du vocabulaire de l'aviation 1965 ). 

b) ARCHITECTURE.   [Se dit d'un bâtiment]  Pourvu d'ailes latérales : 

Ø 17. Dans le corps du château ailé qui domine et la ville et l'océan, et les hommes et l'univers, il a gardé une chrysalide de chaumière pour s'y blottir seul dans le plus grand des repos.

GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace,  1957, page 71. 

c) ASTRONAUTIQUE.  \"... se dit des satellites artificiels et des astronefs munis de surfaces portantes —  comparables aux ailes des avions, quoique beaucoup plus petites —  permettant le vol plané dans l'atmosphère lors du retour à la Terre ou l'atterrissage dans tout autre astre pourvu d'atmosphère. \" (Dictionnaire de l'astronautique (THOMAS DE GALIANA) 1963). 

d) MÉCANIQUE.  Vis ailée. Vis pourvue d'expansions conçues pour donner de la prise aux doigts. (Attesté dans le Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Nouveau Larousse illustré et Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

e) PONTS ET CHAUSSÉES.  Pont ailé. Pont où des ailes ont été aménagées : 

Ø 18.... et, soudain, s'ouvrit aux yeux, récompense délicieuse, féerie, magie, mirage, le coeur, le milieu, le sanctuaire de la ville par excellence, une plaisante et noble assemblée de tours, de temples, de palais, de ponts ailés, de maisons doctes, d'hôtels austères, de bâtisses folles, de toits fumeurs, d'arbres captifs, de jardins et de statues, un sublime concert d'eau, de ciel et d'oeuvres humaines qui toutes avaient une histoire, un sens, une destinée, enfin Paris, bien sûr,...

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Vue de la Terre promise, 1934, pages 40-41. 

3. MODES.  Bonnet ailé. Coiffe agrémentée d'ailes : 

Ø 19. Entre les moulins à vent, les bonnets ailés et les sabots bleus, elle vit qu'il était déjà minuit et demi.

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 283. 

C.—  Emplois métaphoriques, littéraires.  [Par métaphore, des ailes sont attribuées à ce qui ressemble à l'oiseau, à l'insecte, par sa rapidité, sa légèreté, etc.]  Qui semble avoir des ailes. 

1. [En parlant d'une chose] :

Ø 20.... elle l'attira jusqu'au fauteuil, le força à s'asseoir dedans, s'assit elle-même sur sa jambe droite, et baisant d'un petit baiser léger, d'un baiser rapide, ailé, le bout frisé de sa moustache : « Si vous ne me dites rien, nous serons fâchés pour toujours. »

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Confession, 1884, page 953. 

Ø 21. Une chaleur légère, une chaleur ailée, nous caressait la peau.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Mohammed-Fripouille, 1884, page 268. 

Ø 22. À deux ou trois reprises il [Alain] crut qu'il s'éveillait et reprenait conscience du lieu où il reposait, mais chaque fois il fut détrompé par l'expression des parois de sa chambre, hargneuses et guettant un oeil ailé qui voletait.  

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Chatte,  1933, page 183. 

Remarque : Dans l'exemple 22, les ailes sont attribuées, par métonymie, à l'oeil au lieu de l'être au regard. 

2. [En parlant d'une réalité spirituelle ou abstraite]  Un esprit ailé, une pensée ailée : 

Ø 23. Rien ne plaît davantage à certains esprits français, raisonnables, peu ailés, esprits poitrinaires à gilet de flanelle, que cette régularité tout extérieure qui indigne si fort les gens d'imagination.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1852, pages 58-59. 

Ø 24. Dans une satire de Juvénal, je crois, il y a les mots qui s'envolaient, il y a bien des siècles, de la bouche de la jouissance : c'était le mot grec, le mot aérien, le mot ailé, « mon âme ».

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  novembre 1859, page 642. 

Ø 25. Le matin, les yeux fermés, la tête sur l'oreiller, j'attends pour savoir quelle est la première idée ailée et chantante qui, se détachant des taillis sombres du sommeil, viendra passer dans mon ciel. Sera-ce chagrin ou plaisir? Quelque heureux apport à mon travail?

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 13, juillet 1921-janvier 1922, pages 186-187. 

3. [En parlant d'une personne] :

Ø 26. En s'envolant, Cosette, ailée et transfigurée, laissait derrière elle à terre, vide et hideuse, sa chrysalide, Jean Valjean.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 680. 

Ø 27.... Sylla vit alors cet esclave, ce simple gardien, lire couramment le texte hermétique [d'Aristote] (...). Cette besogne le transfigurait, faisait de lui un être libre, presque ailé, comme doté d'un rémige par le génie d'Aristote.

LÉON DAUDET, Sylla et son destin,  1922, page 60. 

—  Langage populaire. Bigorneau ailé. \" Imbécile rare \" (Charles-Louis Carabelli, [Langue populaire] ). 

Remarque : Bigorneau est un terme d'argot pour « sergent de ville » ou « fantassin », synonyme de imbécile et mollusque (DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES ARGOTS FRANÇAIS  (GASTON ESNAULT) 1966). Pour ailé, confer infra III. 

III.—  Substantif féminin pluriel. Ailées. Famille de mollusques : 

Ø 28. Les ailées. Rostellaire, ptérocère, strombe.

JEAN-BAPTISTE LAMARCK, Philosophie zoologique, tome 1, 1809, page 322. 

Remarque : Attestation isolée dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845. 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 574. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 637, b) 1619; XXe.  siècle : a) 826, b) 531. 

 

Forme dérivée du verbe \"ailer\"

 ailer

AILER, verbe transitif.  

1. Néologisme, au figuré, rare.  Donner des ailes : 

Ø 1. J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.

—  Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades

Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

ARTHUR RIMBAUD, Poésies, Le Bateau ivre, 1871, page 130. 

Ø 2. Auprès de ces tristesses désenchantées, de quel rayonnement se nimbait le beau visage de mon amie! Le voeu que j'avais fait de lui donner tout l'amour de ma vie ailait mon coeur où foisonnait la joie; d'indistinctes ambitions déjà tout au fond de moi s'agitaient, mille velléités confuses; chants, rires, danses et bondissantes harmonies formaient cortège à mon amour...

ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt,  1924, page 453. 

2. [Plus fréquemment à la voix passive, dans les constructions ailé par et ailé de]  Comme muni d'ailes. 

a) [Ce qui aile est une chose concrète] :

Ø 3.... Hemerlingue, poursuivant sa pensée, montra le monument ailé des quatre cours par les draperies, les mains tendues de ses sculptures...

ALPHONSE DAUDET, Le Nabab,  1877, page 121. 

Ø 4. Un bai-cerise, au crâne d'engoulevent, vaste bête ailée de crins bleus, mordit [pendant cette charge au galop] son cheval de file.

GEORGES D'ESPARBÈS, La Guerre en sabots,  1914, page 127. 

Ø 5. Certains petits supplices volontaires, entre l'oreille et l'épaule (...) amendaient les tourments qu'enduraient la même région et le misérable petit dos, ailé d'omoplates saillantes...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Gigi,  1944, page 117. 

b) Au figuré.  [Ce qui aile est une entité abstraite] :

Ø 6. Croyez-moi, la sagesse est une chose vaine;

C'est le mal d'un autre âge, et plus tard vous l'aurez!

Mais maintenant, jeune homme, oh! sans attendre, ouvrez,

Ouvrez à vos désirs ailés d'impatience

Les portes de la vie où de vivre on commence;...

HENRI MURGER, Les Nuits d'hiver, À un adolescent, 1861, page 157. 

Ø 7.... comme ailé par le rêve, il [A. Daudet] partait vers un de ces mirages qui faisaient de la moindre causerie un perpétuel enchantement.

LÉON DAUDET, Alphonse Daudet,  1898, page 30. 

Ø 8. Je marchais à grands pas, tout ailé par l'espoir de ma prochaine délivrance,...

ANDRÉ GIDE, Journal,  1918, page 649. 

—  Néologisme. Entre-ailer. Croisement de entremêler et ailer : 

Ø 9. Mais quand tu dis : « Je viens! » quelle cloche de fête

Fit bondir le sommeil attardé sur ma tête;

Quelle rapide étreinte attacha notre sort,

Pour entre-ailer nos jours d'un fraternel essor!

Ma vie, elle avait froid, s'alluma dans la tienne,

Et ma vie a brillé, comme on voit au soleil

Se dresser une fleur sans que rien la soutienne,

Rien qu'un baiser de l'air, rien qu'un rayon vermeil...

MARCELINE DESBORDES-VALMORE, Élégies,  1859, page 14. 

 

 

AILERON, substantif masculin.  

A.—  ZOOLOGIE.  Extrémité de l'aile d'un oiseau composée de plumes appelées pennes : 

Ø 1. Soudain, un véritable appel de trompette résonna dans la forêt. Ces étranges et sonores fanfares étaient produites par ces gallinacés que l'on nomme « tétras » aux États-Unis. Bientôt on en vit quelques couples, au plumage varié de fauve et de brun, et à la queue brune. Harbert reconnut les mâles aux deux ailerons pointus formés par les pennes relevées de leur cou. 

JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1874, page 50. 

Ø 2. Au crépuscule et déjà presque à la nuit nous voyons voler, au-dessus de la rive de sable, de nouveau cet étrange oiseau dont je parlais déjà (avant Bouca). Un coup de fusil de Coppet l'abat. Il tombe dans le fleuve, où Adoum va le repêcher. Deux énormes pennes non garnies et n'ayant que la tige centrale, partent de l'aileron, presque perpendiculairement au reste des plumes. À peu près deux fois de la longueur totale de l'oiseau, elles écartent de lui, paradoxalement, deux disques assez larges à l'extrémité de ces tiges, que l'oiseau, semble-t-il, peut mouvoir et dresser à demi, indépendamment du mouvement des ailes. 

ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo,  1927, pages 822-823. 

Remarque : L'aileron est aussi appelé fouet de l'aile. 

—   Peut désigner l'aile atrophiée de certains oiseaux aquatiques : 

Ø 3. Ceux qui, de loin, virent d'abord des îles couvertes de manchots, à leur tenue verticale, à leur robe blanche et noire, crurent voir des bandes nombreuses d'enfants en tabliers blancs. La roideur de leurs petits bras (à peine peut-on dire ailes pour ces oiseaux commencés), leur mauvaise grâce sur terre, leur difficulté à marcher, les adjuge à l'océan où ils nagent à merveille, et qui est leur élément naturel et légitime; on dirait volontiers qu'ils en sont les premiers fils émancipés, des poissons ambitieux, candidats aux rôles d'oiseaux, qui déjà étaient parvenus à transformer leurs nageoires en ailerons écailleux. La métamorphose ne fut pas couronnée d'un plein succès : oiseaux impuissants, maladroits, ils restent poissons habiles.

JULES MICHELET, L'Oiseau,  1856, pages 16-17. 

—  Par extension.  Nageoire de certains poissons (carpe, requin) : 

Ø 4. L'oiseau vole de la partie antérieure de son corps avec les ailes qui y sont attachées, et il se gouverne par la postérieure avec sa queue et ses pattes, qu'il allonge comme un levier qui lui sert de gouvernail; tandis que le poisson, au contraire, nage par la partie postérieure avec sa queue qui, par ses ondulations, fait l'office de rame, et il se gouverne par l'antérieure avec les ailerons de sa tête. On peut observer ces diverses proportions dans les poissons les meilleurs nageurs, tels que le thon, la dorade, le marsouin, appelé des matelots la flèche de la mer,...

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 192. 

Remarque : Selon DICTIONNAIRE UNIVERSEL DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS  (MARIE-NICOLAS BOUILLET) 1859 :  \" ... os qui retiennent les rayons des nageoires \". 

—  ART CULINAIRE.  Extrémité de l'aile d'une volaille préparée pour la table; nageoire comestible de certains poissons : 

Ø 5. Le petit Chose boit le bol de bouillon, suce l'aileron de poulet...  

ALPHONSE DAUDET, Le Petit Chose,  1868, page 94. 

Ø 6. Mott, Pell et Doyer's Streets et, depuis peu, Bayard Street, constituent le quartier chinois. Ce sont quatre rues comme les autres, aussi sordides, mais si absolument orientales qu'on se croirait soudain à Cantonymes Affiches verticales de laque rouge et noir, bazars à kimonos et soieries d'exportation, ailerons de requins ou gélatines séchées débités par de vieux marchands en robe de soie bleue et chapeau melon, dans des boutiques à boiseries dorées importées de Chine, rien ne manque, même pas les missionnaires baptistes, ornements de l'empire du Milieu...

PAUL MORAND, New-York,  1930, page 79. 

Remarque : Syntagmes fricassée d'ailerons, plat d'ailerons, soupe aux ailerons de requin. 

B.—  Par analogie.  SCIENCES et TECHIQUES.  Objets affectant ou rappellant la forme et/ou la disposition de petites ailes. 

1. SCIENCES BIOLOGIQUES.  

a) ANATOMIE.  

—   Ailerons de la matrice (Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire (ÉMILE LITTRÉ)). \" Les trois replis que présente le bord libre des ligaments larges. \" (Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire (ÉMILE LITTRÉ)) : 

Ø 7. Les trompes de l'utérus, dites de Fallope, sont, dans la femme, deux conduits tortueux, dont le diamètre égale à peine celui d'une petite plume à écrire, et qui s'étendent de chaque côté de l'utérus jusqu'aux ovaires, enveloppés par l'aileron antérieur du ligament large. 

GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 5, 1805, page 137. 

—  Ailerons de la rotule. Ligaments qui unissent la rotule et le fémur (d'après Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1965 et Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (PAUL ROBERT)). 

b) BOTANIQUE.  Lame membraneuse de certaines semences. (Attesté dans Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter)) : 

Ø 8. La nature avait sans doute prévu ces résultats, lorsqu'elle a donné des ailerons et des volants aux semences des érables, des ormes et de quantité de végétaux saxatiles, et des noyaux indigestibles à celles des merisiers des prairies, afin de les transporter au sommet des roches par les estomacs et par les ailes des oiseaux.

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 141. 

—   Appendice se développant aux côtés de la tige ou du tronc de certains végétaux : 

Ø 9. Je crois qu'on peut ranger au nombre des arbres hydro-attractifs celui dont le tronc est entouré d'ailerons en forme de larges planches qui lui servent d'arcs-boutants contre les vents au milieu des rochers où il aime à croître, et où il ne trouve guère à étendre ses racines.

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814 page 239. 

—  Aileron d'artichaut. Petite aile d'artichaut. (Attesté dans Nouveau Larousse illustré et Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

c) ENTOMOLOGIE.  \" Chez les insectes, de petites lamelles ou écailles placées au-dessous du point où naissent les ailes antérieures, et qui se continuent avec d'autres écailles semblables, nommées cueillerons; elles sont blanchâtres et arrondies. \" (Dictionnaire universel des Sciences, des Lettres et des Arts (MARIE-NICOLAS BOUILLET) 1859). 

Remarque : Attesté dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Nouveau Larousse illustré, Larousse du xxe. siècle en six volumes, DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 

2. TECHNIQUES DIVERSES.  

a) AÉRONAUTIQUE.  Dans un avion, volet mobile situé à l'arrière de chaque aile, commandé par le manche à balai et assurant la stabilité latérale de l'appareil : 

Ø 10. Les organes de gauchissement sont destinés à assurer la « stabilité latérale » [de l'avion] (...) [et dans ce but] on utilise des « ailerons ».

JEAN GUILLEMIN, Précis de construction, calcul et essai des avions et hydravions,  1929, page 90. 

Remarque : On en distingue plusieurs sortes : ailerons flottants, ailerons à fente, ailerons de courbure (Larousse trois volumes en couleurs). 

—   Dans certains satellites artificiels, organe télescopique de support : 

Ø 11. Il est incontestable que les « Vostok » sont équipés d'ailerons en delta télescopiques que le pilote peut faire sortir du fuselage lorsque la densité de l'atmosphère est suffisante pour porter le vaisseau.

Paris-Presse.  21 juin 1963, page 6, colonne 8 (LOUIS GUILBERT Le vocabulaire de l'astronautique 1967, page 180 ). 

b) ARCHITECTURE.  en particulier en parlant du style baroque. Aileron de lucarne, aileron de portail. \" Ailerons de lucarnes, consoles renversées en amortissement sur les côtés des lucarnes. (...) 2o.  Ailerons de portail, consoles avec enroulements qui servent à raccorder les deux ordres superposés de certains portails d'église (...). \" (Dictionnaire des termes employés dans la construction (PIERRE CHABAT) tome 1 1875) : 

Ø 12. La Compagnie est d'avis (...) que l'on toise séparément les couvertures de ces (...) dosserets, ailerons, chevalets et lucarnes, frontons et jouées...

HENRY LEMONNIER, Procès verbaux de l'Académie Royale d'architecture, tome 4, 1911, page 204. 

c) ARMÉE.  \" Dans certaines armes d'hast, comme les pertuisanes et les corsesques, on entend par ailerons les expansions du fer qui s'épanouissent ordinairement à son talon. \" (Nouveau Larousse illustré). 

Remarque : Attesté également dans Larousse du xxe.  siècle en six volumes. 

d) CHEMIN DE FER.  \" Petit bras d'un sémaphore. \" (Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1965, attestation unique). 

e) MARINE.  Gouvernail à ailerons. \" Ce sont deux planches clouées momentanément vers la flottaison, sur les deux côtés du gouvernail d'un grand bâtiment (avec un peu d'inclinaison, plus bas que le niveau de l'eau), avant sa sortie d'un port ou d'une rivière, pour procurer au gouvernail des effets prompts dans toute espèce de passes étroites ou tortueuses. On les fait sauter lorsque le bâtiment est en dehors. \" (Dictionnaire de marine (JEAN-BAPTISTE PHILIBERT WILLAUMEZ), 1831) : 

Ø 13. L'aileron [des gouvernails à aileron des grands navires allemands et américains] a un contour semi-circulaire; au lieu de se loger au-dessous du talon avant de l'étambot, il rentre dans une cavité de même forme que lui, pratiquée dans l'étambot même.

A. CRONEAU, Construction pratique des navires de guerre,tome 1, 1892, page 289. 

—   \" Plans horizontaux extérieurs à la coque d'un sous-marin (de chaque bord...) faisant office de gouvernails de profondeur. Les déplacements du bateau, dans le plan vertical, sont commandés par la variation de leur incidence, combinée avec le remplissage ou la vidange des ballasts. \" (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952). 

Remarque : Attesté également dans DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 

—  Ailerons anti-roulis. \" Plans minces fixés normalement et extérieurement à la coque, sur une partie de la longueur du navire, et destinés à entraîner l'eau lors des mouvements de roulis de façon à amortir plus rapidement ces mouvements. \" (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952, au mot quille). 

Remarque : Attesté également dans DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 

—   Aileron de quille. \" pièce prolongeant vers le bas la quille principale, sur de petits voiliers. \" (Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1965, seule attestation). 

—   \" Expansions des pointes de côté d'une voile carrée. \" (Larousse du XXe.  siècle en six volumes). 

Remarque : Attesté également dans Nouveau Larousse illustré. 

f) MÉCANIQUE.  \"... les petites planches dont sont garnies les roues des moulins, et sur lesquelles tombe l'eau, dont le poids fait tourner ces roues. \" (Dictionnaire universel des Sciences, des Lettres et des Arts (MARIE-NICOLAS BOUILLET) 1859). 

g) TECHNOLOGIES DIVERSES.  

—   \" Petits morceaux de carton que les artificiers attachent, en forme d'ailes, à une fusée volante. \" (Nouveau Larousse illustré). 

Remarque : Attesté dans Larousse du xxe.  siècle en six volumes et Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932. 

—   \" Petite pièce qui, dans les carrières d'ardoise, sert de support à la partie du seau qu'on appelle le chapeau. \" (Nouveau Larousse illustré). 

Remarque : Attesté également dans Larousse du xxe.  siècle en six volumes. 

—   \" Dans une flèche, petites ailes en plume ou en fer qui garnissent la tige. \" (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER), attestation isolée). 

—   Ailerons ou ailes d'une fiche, \" lames qui s'enfoncent dans le bois comme des tenons et maintiennent la fiche. \" (Dictionnaire des termes employés dans la construction (PIERRE CHABAT) tome 1 1875). 

Remarque : Attesté dans DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ÉMILE LITTRÉ), Nouveau Larousse illustré, Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter) et Larousse du xxe.  siècle en six volumes. 

—   \" Bord de rainure des plombs à vitraux. \" (Dictionnaire technique du bâtiment et des travaux publics (MAURICE BARBIER, ROGER CADIERGUES) 1963). 

Remarque : Attesté dans Nouveau Larousse illustré, Larousse du XXe.  siècle en six volumes :

—   Partie latérale saillante de certains outils : 

Ø 14.... le petit louchet est une sorte de bêche munie d'un aileron latéral...

JULIEN-NAPOLÉON HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Cours d'exploitation des mines,  1905, page 284. 

Ø 15. On connaît quelques erminettes à ailerons...

JOSEPH DÉCHELETTE, Manuel d'archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine,  1914, page 259. 

3. MODES.  Chacune des boucles de la coiffure en ailes de pigeon : 

Ø 16. La poudre dessinait sur son crâne une neigeuse demi-lune bien ratissée, flanquée de deux ailerons, que séparait une petite queue serrée par un ruban. Il [le sieur Ragon] portait l'habit bleu-barbeau, le gilet blanc, la culotte et les bas de soie, des souliers à boucles d'or, des gants de soie noire.

HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau,  1837, pages 164-165. 

—   Manches flottantes de certains vêtements. (Attesté dans Larousse du XXe.  siècle en six volumes). \" Petit bord d'étoffe qu'on mettait aux pourpoints pour couvrir les coutures du haut des manches. \" (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)) : 

Ø 17.... je venais de la [la duchesse de Guermantes] voir, passant entre une double haie de curieux qui, sans se rendre compte des merveilleux artifices de toilette et d'esthétique qui agissaient sur eux, émus devant cette tête rousse, ce corps saumoné émergeant à peine de ses ailerons de dentelle noire, et étranglé de joyaux, le regardaient, dans la sinuosité héréditaire de ses lignes, comme ils eussent fait de quelque vieux poisson sacré, chargé de pierreries,...

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé, 1922, page 927. 

Ø 18. Les grands spectres des manuels d'histoire se pressent autour du visiteur : le cardinal Wolsey et Marie d'Écosse, la figure carrée d'Henri VIII, brute porcine et rusée; Édouard VI et sa rousse élégance, Anne Boleyn et sa joliesse bourgeoise, Buckingham en noir argent et blanc, le maladif Francis Bacon, le portrait de Shakespeare dit portrait Chandos, trois portraits de la reine Élisabeth, dans d'étonnantes robes de perles et de grenats (toutes en bouffants, crevés, guipures, cols érigés, dentelles d'or, agrafes, aiguillettes et ailerons, qui la font ressembler au moustique de la fièvre jaune avec ailes, crochets et antennes);...

PAUL MORAND, Londres,  1933, page 234. 

C.—  Emplois métaphoriques. 

1. Littéraire.  Bras, plus rarement mains ou oreilles, comparés à des ailerons : 

Ø 19. La jeune fille (...) marcha vers Mme.  Peloux qui battit des ailerons...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Chéri,  1920, page 28. 

Ø 20. Il maigrissait Merrywin, déjà qu'il avait des oreilles immenses, décollées, maintenant c'était comme des ailerons...

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 306. 

2. Argotique ou familier.  Bras, main, moignon, pied; oreille : 

Ø 21. Qu'est-ce qui bronche ici? que je lui abatte un aileron... (E. de la Bédollière, les Industriels.)

LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire du jargon parisien, L'Argot ancien et moderne, 1878, page 7. 

Ø 22. [Le monstre de foire] montrait ses moignons (...)

—  Ah! (...) des ailerons comme on n'en voit pas.

JEAN RICHEPIN, Truandailles,  1891, page 50. 

—   Locution. Voleuse à l'aile (ou aileron); confer aile, exemple 67. Se faire donner sur les ailerons : 

Ø 23. Il se fera donner sur les ailerons, c'est-à-dire, sur les oreilles, sur les doigts. 

JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage,  1813, page 5. 

Remarque : Selon DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, se faire donner sur les ailerons signifie « se faire rabattre l'orgueil, la jactance, l'impertinence, etc. ». 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 54. 

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