Devoir de Philosophie

AIMABLE, adjectif et substantif.

Publié le 18/10/2015

Extrait du document

AIMABLE, adjectif et substantif.  

I.—  Emploi passif.  [Généralement avec une idée de haute perfection]  Qui mérite d'être aimé (d'amour, d'amitié; par goût...). 

A.—  Vieilli.  Qui mérite d'être aimé en raison de sa conformité à l'idéal moral ou physique, ou au goût d'une société donnée. 

1. [En parlant d'une personne ou d'un être surnaturel] :

Ø 1. Soyez aussi aimable, aussi honnête qu'il est possible, aimez la femme la plus parfaite qui se puisse imaginer; vous n'en serez pas moins dans le cas de lui pardonner ou votre prédécesseur, ou votre successeur.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées,  1794, page 62. 

Ø 2. Abassa me paroît une personne si accomplie, que, si elle n'eût pas été ma soeur, l'hymen l'auroit à jamais unie à mon sort; mais, puisque la plus aimable et la plus belle femme de l'Orient ne peut être l'épouse d'Aaron, nul autre ne doit la posséder.

STÉPHANIE FÉLICITÉ DUCREST DE SAINT-AUBIN, COMTESSE DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, tome 2, 1795, page 233. 

Ø 3. La lettre de Valérie, mise pour toujours dans un mince portefeuille sur son coeur, ne lui prouvait-elle pas qu'il était plus aimé que le plus aimable des jeunes gens?

HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette,  1846, page 257. 

Ø 4. L'oeuvre qu'il tente est celle d'un esprit bienveillant, vaste et magnifique, qui veut montrer Dieu manifestement aimable et adorable aux hommes.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 253. 

2. [En parlant d'une qualité, d'un trait du comportement, d'une valeur] :

Ø 5. Le vrai seul est aimable, a dit Boileau; le vrai ne change pas, mais sa forme change, par cela même qu'elle doit être aimable.

Or, je dis qu'aujourd'hui sa forme doit être simple, et que tout ce qui s'en écarte n'a pas le sens commun.

ALFRED DE MUSSET, Lettres de Dupuis et Cotonet,  1836-1837, page 521. 

B.—  Par figure étymologique.  Qui mérite d'être aimé en raison de ses qualités conformes à un idéal, à un goût généralement personnel ou original. 

1. [En parlant d'une personne ou d'un aspect de la personne] :

Ø 6. Je n'ai ici d'autre attrait que la colline boisée, les vieilles tours, et avant tout la société charmante de cet aimable duc de Rohan, l'un de mes amis les plus chers et les plus dignes d'être noblement aimés. 

VICTOR HUGO, Correspondance,  1821, page 333. 

Ø 7. Pascal voudrait sans doute que nous aimions un être, ou Dieu même, à la manière des quiétistes, indépendamment du bien qu'ils nous font et de toute qualité qui les rend aimables. Aimer sans aucune raison serait selon lui la seule chose raisonnable.

PAUL CLAUDEL, ANDRÉ GIDE, Correspondance, lettre de Paul Claudel à André Gide, 1910, page 150. 

Ø 8. —  (...) Alors, qu'est-ce qu'elle dit, ta mère?

—  Qu'il y a beaucoup plus de gens aimables qu'on ne croit, et qu'il suffit souvent, pour mieux aimer, de mieux comprendre et pour mieux comprendre, de mieux regarder.

ANDRÉ GIDE, Geneviève, ou la Confidence inachevée,  1936, page 1367. 

—  Rare. 

a) [En parlant d'une collectivité] :

Ø 9. Quand les nationalistes de chez nous travaillent à rendre la France haïssable, parce que haïssante, aux gens des autres nations, c'est en tant que Français que j'en souffre. Je voudrais une France noble, aimable, généreuse, et me persuade mal qu'une politique que des sentiments élevés inspireraient, serait nécessairement une politique de dupe.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1934, page 1216. 

b) [En parlant d'animaux] :

Ø 10. L'intelligence est une force qu'Anaxagore attribue à tous les êtres. Même chez les végétaux il constate des sensations, des désirs, des perceptions. (Que j'aime, à la lueur de ces idées familières à Phidias, regarder les aimables et fiers chevaux, les fortes bêtes du sacrifice!...)

MAURICE BARRÈS, Le Voyage de Sparte,  1906, page 71. 

2. [En parlant d'une chose abstraite] :

Ø 11.... j'aurais, en perdant ton amour, ton coeur, ton adorable personne, perdu tout ce qui rend la vie aimable et chère. 

NAPOLÉON 1ER, Lettres à Joséphine,  1796, page 30. 

Ø 12. L'optimiste est un caractère aimable dans le sens propre du mot... 

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Journal, tome 1,  1801-1818, page 92. 

Ø 13. Aimez le travail, nous dit la morale : c'est un conseil ironique et ridicule. Qu'elle donne du travail à ceux qui en demandent, et qu'elle sache le rendre aimable; car il est odieux en civilisation par l'insuffisance du salaire, l'inquiétude d'en manquer, l'injustice des maîtres, la tristesse des ateliers, la longue durée et l'uniformité des fonctions.

CHARLES FOURIER, Le Nouveau monde industriel ou l'Agriculture combiné,  1830, page 23. 

Ø 14. C'est ainsi qu'il y avait pour moi deux justices, deux vertus : l'une rigide, colère et peu aimable; l'autre indulgente, douce, et digne d'être éternellement chérie. 

RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises,  1839, page 16. 

II.—  Emploi factitif. 

A.—  Qui a de quoi plaire et attirer. 

1. [Avec une idée de rayonnement spontané]  Qui plaît et se distingue en raison de ses qualités de charme ou de bon goût. 

a) [En parlant de pers] 

—   [De leur aspect physique] :

Ø 15. Cette fille grandit pendant les cinq ans : c'est trop peu dire qu'elle devenait aimable; elle devint belle, charmante, ravissante; elle pouvait passer pour avoir la tête la plus parfaite, la taille la mieux prise qui fût dans la capitale.

NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, page 6. 

Ø 16. Passepartout était un brave garçon, de physionomie aimable, aux lèvres un peu saillantes, toujours prêtes à goûter ou à caresser, un être doux et serviable, avec une de ces bonnes têtes rondes que l'on aime à voir sur les épaules d'un ami.

JULES VERNE, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, 1873, page 6. 

Ø 17. J'ai eu tort, j'ai eu tort de causer et de... et de m'apprivoiser ainsi avec vous, sans méfiance comme avec un aimable enfant dont on aime à voir le beau visage, et cet enfant est une femme, et voilà que l'on rit quand elle rit.

PAUL CLAUDEL, Partage de midi, 1re.  version, 1906, I, page 1003. 

—   [De leur comportement individuel] :

Ø 18.... Folly était jeune, jolie, éveillée, pleine de grâce dans sa marche et surtout dans sa danse, aimable, fraîche, ravissante comme une rose qui s'épanouit, et qui ne demande qu'à être cueillie.

CHARLES NODIER, La Fée aux miettes,  1831, page 140. 

Ø 19. Edward Williams était gai, généreux, sans aucune mesquinerie. Quant à Jane, sa grâce, sa douceur, le calme de ses mouvements, la beauté apaisante de sa voix en faisaient un être reposant et aimable comme un beau jardin.

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Ariel ou la Vie de Shelley,  1923, pages 301-302. 

Ø 20.... le plus sûr moyen de rendre aimable une jeune femme (...) est encore de l'aimer. 

JEAN PAULHAN, Les Feurs de Tarbes,  1941, page 170. 

—   [De leur langue en tant qu'expression ou en tant que moyen de communication] :

Ø 21. Un entretien aimable, alors même qu'il porte sur des riens, et que la grâce seule des expressions en fait le charme, cause encore beaucoup de plaisir; on peut l'affirmer sans impertinence, les Français sont presque seuls capables de ce genre d'entretien.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 1, 1810, page 140. 

Ø 22. Monsieur et bien cher confrère,

Votre aimable lettre est venue me surprendre doucement dans un moment de bonheur. J'ai toujours attaché aux preuves de votre bienveillante amitié un bien grand prix, et dans l'instant où j'en ai reçu ce dernier témoignage, il m'a fait d'autant plus de plaisir que c'était comme si quelque chose de vous, Monsieur et cher ami, assistait à ma félicité.

VICTOR HUGO, Correspondance,  1822, page 359. 

Ø 23. Et cette parole forte et aimable à la fois, qui imposait en même temps qu'elle charmait, qui donc s'en trouvait doué dans mon entourage?

JACQUES DE LACRETELLE, Silbermann,  1922, page 37. 

—   [De leur vie en société] :

Ø 24.... par respect pour mes bas de soie blancs, je pris un fiacre pour me rendre chez M. Derville, où se trouvait rassemblée la société, non la plus brillante, mais la plus aimable de Paris; ce qui suppose qu'on y trouve de l'esprit sans prétention, du savoir sans pédanterie, de beaux noms sans orgueil, et de la gaîté sans tumulte. Mme.  Derville est en même tems l'ame et le modèle de cette société charmante... 

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 2, 1812, page 206. 

Ø 25. Qu'importe de passer pour avoir de l'esprit, être aimable, beau, avoir les qualités propres à faire de l'effet dans une grande assemblée. Tout cela n'est pas l'homme. Cela ne fait pas qu'il mérite l'estime d'une âme ou qu'il s'estime dans le for intérieur. 

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1818, page 136. 

Ø 26.... j'en connais, des jeunes qui sont juvéniles et fougueux, et des vieux calmes, élargis, atteignant à la bonté par la sagesse, mais pourtant comme ils sont rares, ces êtres aimables mêlés d'amour et de raison, dans la société de qui la vie semble bénie.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 3, septembre -novembre 1904, page 265. 

Ø 27. Dans leur molle province, dans leur famille riche, considérée, avec un père aimable, gai, cordial, entouré d'amis, jouissant d'une des premières situations du pays, la vie était si facile et riante!

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Antoinette, 1908, page 844. 

—   [Des sentiments ou valeurs qu'elles incarnent] :

Ø 28.... c'est d'imagination que vivent les bons et simples descendants des anciens Germains. À peine sortis des intérêts sociaux les plus directs et les plus nécessaires à leur subsistance, on les voit avec étonnement s'élancer dans ce qu'ils appellent leur philosophie; c'est une espèce de folie douce, aimable, et surtout sans fiel.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, De l'Amour,  1822, page 162. 

Ø 29. Il [l'abbé Blampoix] mesurait la foi au tempérament des gens, et ne la donnait qu'à petite dose. (...) De la religion dure, laide, rigoureuse des pauvres, il dégageait comme une aimable religion des riches, légère, charmante, élastique, se pliant aux choses et aux personnes, à toutes les convenances de la société, à ses moeurs, à ses habitudes, à ses préjugés même.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Renée Mauperin,  1864, page 68. 

Ø 30. Jusqu'ici cependant il n'y avait rien à dire. C'était de la jalousie, mais une jalousie aimable, qui flatte l'amour-propre d'une femme et dont elle s'amuse. Vous venez de passer à l'autre, la jalousie stupide, grossière, brutale, celle qui nous blesse profondément et que nous ne pardonnons jamais deux fois.

HENRY BECQUE, La Parisienne,  1885, I, 1, page 255. 

Ø 31. Je ne connais pas une affection plus doucement caressante, plus tendrement enveloppante que celle de Jeanne Hugo, assise à côté de vous. Elle a vraiment un aimable petit coeur débordant dans des contournements, dans des penchements vers vous, en des grâces de corps aimantes, un aimable petit coeur bien rare à rencontrer dans le moment.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  avril 1891, page 74. 

Ø 32. Le colérique (EAP), bon vivant et bon enfant, est submergé par un instinct trop pléthorique pour prendre aisément les durs sentiers de l'ascèse, mais sa bonhomie émousse l'agressivité des appétits et lui fait une morale aimable, superficielle et colorée, qui dure ce que durent les bons jours.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 690. 

b) [En parlant de collectivités] :

Ø 33. Il est des hommes aimables dans tous les pays; en France, c'était la nation qui était aimable, pleine de goût, et d'élégance dans ses manières, comme autrefois les Athéniens. La génération actuelle doit renoncer et peut-être ceux qui lui succéderont à une aussi agréable manière de vivre.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1596. 

Ø 34. Je fais souvent une réflexion singulière, c'est que le meilleur moment pour un État, c'est quand ses gens de guerre sont battus. Comme alors le gouvernement est aimable! Comme les gens d'armes sont polis! Comme les princes sont doux, portés aux réformes!

ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Caliban, 1878, II, 1, page 397. 

c) [En parlant d'animaux] :

Ø 35. Si la colombe est le plus aimable des oiseaux, l'écureuil est le plus agréable des quadrupèdes.

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 72. 

Ø 36. —  Ah! ce sera le nouveau chien que M. Galopin a rapporté de Lisieux.

—  Ah! à moins de ça.

—  Il paraît que c'est une bête bien affable, ajoutait Françoise qui tenait le renseignement de Théodore, spirituelle comme une personne, toujours de bonne humeur, toujours aimable, toujours quelque chose de gracieux. 

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, 1913, page 58. 

d)  [En parlant d'un lieu] 

—   [D'un lieu habité] :

Ø 37.... J'ai vu des lieux du ciel bénis,

Alger, la ville heureuse, et l'aimable Tunis,

VICTOR HUGO, Ruy Blas,  1838, IV, 5, page 432. 

Ø 38. Depuis son installation au château, on avait cru devoir éloigner par prudence la tourbe des visiteurs. On vivait en famille : les fêtes avaient cessé. Bernard, qui avait passé le précédent hiver dans les steppes hyperborées, ne songea plus à résister aux séductions d'un intérieur aimable et charmant 

JULES SANDEAU, Mademoiselle de la Seiglière,  1848, page 191. 

Ø 39. Il n'est plus question de Côte d'Azur, de villes et de villas aimables. Tout luxe, toute gentillesse, sont engouffrés. Nous sommes dans un temps qui précède l'histoire, et dans un climat somptueux mais aride qui n'aime pas trop le foisonnement, le grouillement de la chose vivante...

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, page 226. 

—   [D'un site] :

Ø 40. Fraîches matinées de mai, ciel bleu, lac aimable, vous voici encore; mais... qu'est devenu votre éclat? qu'est devenue votre pureté? où est votre charme indéfinissable de joie, de mystère, d'espérance?

RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises,  1839, page 84. 

Ø 41. Ils se plaisaient à ce coin charmant du nouveau Paris, à cette nature aimable et propre, à ces pelouses pareilles à des pans de velours, coupées de corbeilles, d'arbustes choisis, et bordées de magnifiques roses blanches.

ÉMILE ZOLA, La Curée,  1872, page 496. 

Ø 42. La paix des canaux. Ces rives modestes du canal. Cette verdure libre. Ce long bruissement prolongé, libre de la Moselle. Ces reflets du feuillage dans l'eau. Que c'est aimable.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 9, août-décembre 1912, page 361. 

Ø 43. Oh! aimable vie policée de nos jardins! Courtoisie, aménité de potager à « fleuriste » et de bosquet à basse-cour!

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Sido,  1929, page 21. 

e) [En parlant d'un moment, d'un événement] :

Ø 44. La procession, fort contrariée, il est vrai, par le temps, me parut mal conduite et mal entendue. Deux choses pouvaient la rendre originale et charmante : sa spécialité dans les rudes mariniers de Saint-Nicolas et sa généralité dans le culte de la Vierge, qui fait le caractère aimable et poétique de ces fêtes du moment des fleurs.

JULES MICHELET, Journal,  juin 1852, page 199. 

Ø 45. Adieu à ces joies pures et douces où je me croyais près de Dieu; adieu à mon aimable passé, adieu à ces croyances qui m'ont si doucement bercé. Plus pour moi de bonheur pur. Plus de passé, pas encore d'avenir.

ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,  1883, page 393. 

Ø 46.... le temps de ce matin-là, gris nuageux, suspendu, à trouées et verrières de soleil, qui faisait l'effet d'être für alle Zeit, comme la cantate de Bach, valable pour une quiète journée d'hiver, un crépuscule d'été, une heure aimable d'automne, valable pour le présent et le passé, ciel de moyen-âge éternel...

JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle,  1931, page 49. 

f) [En parlant de choses] 

—   [Choses concrètes] :

Ø 47. Il semble que la nue ardente,

Que l'azur, que l'argent du jour,

Tombent du poids d'un grand amour

Sur toute la terre odorante,

Sur la terre ivre de couleurs,

Où, tendre, verte, soleilleuse,

La primevère, aimable, heureuse,

Luit comme une laitue en fleurs.

ANNA DE NOAILLES, Les Éblouissements,  1907, page 50. 

Ø 48. Alors il est venu la nuit épaisse comme une soupe de pois. Mais elle était quand même plus aimable que celle-là qui semblait du fer à la meule, avec toutes ses étoiles en bouquet. Elle était plus aimable d'abord parce que plus douce de chair et plus caressante; et puis, on entendait au travers d'elle la voix du ruisseau, la voix du cyprès, et, une fois, quelque chose qu'on aurait dit être le glapis du renard si on n'avait pas été si tôt d'époque.

JEAN GIONO, Regain,  1930, page 57. 

Ø 49.... je regarde le ciel, la butte de Conan merveilleusement précise au soleil. Le porche du moulin y arrondit une ombre chaude, dorée. Ce sera donc ça, la dernière chose aimable où je reposerai mes yeux : la douceur lumineuse d'une vieille porte?...

ROGER CRÉTIN, DIT ROGER VERCEL, Capitaine Conan,  1934, page 242. 

—   [Choses abstraites] :

Ø 50. Douce mélancolie! Aimable mensongère,

Des antres, des forêts déesse tutélaire,

Qui vient d'une insensible et charmante langueur

Saisir l'ami des champs et pénétrer son coeur...

ANDRÉ CHÉNIER, Élégies,  1794, page 150. 

Ø 51. La nuit n'a plus pour moi qu'une atmosphère avare et desséchante. Mes rêves n'ont plus ce désordre aimable et gracieux qui résumait toute une vie d'enchantement dans quelques heures d'illusion. Mes rêves ont un effroyable caractère de vérité; les spectres de toutes mes déceptions y repassent sans cesse, plus lamentables, plus hideux chaque nuit.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1833, page 128. 

Ø 52. Depuis qu'elle l'avait retrouvé à Florence, elle se plaisait uniquement à le sentir près d'elle, à l'entendre. Il lui rendait la vie aimable, diverse et colorée, neuve, toute neuve. Il lui révélait les joies délicates et les tristesses délicieuses de la pensée, il éveillait les voluptés qu'elle portait dormantes en elle.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge,  1894, page 157. 

Ø 53. Y a-t-il, pour un être humain, quelque chose d'aussi important que d'être mort? Existe-t-il un état plus aimable, plus enviable, plus désirable, plus exquis, plus spirituel, plus divin, plus épouvantable, que l'état d'un mort, d'un vrai mort qu'on met en terre et qui a déjà paru devant Dieu pour être jugé?

LÉON BLOY, Journal,  1900, page 379. 

Ø 54. Cette oeuvre [celle de Svedenborg] n'est pas, j'imagine, d'une fréquentation toujours aimable ni aisée, quoiqu'on y rencontre, par endroits, des morceaux d'une grande beauté poétique, visions délicieuses apparues à je ne sais quelle enfance transcendantale.

PAUL VALÉRY, Variété V,  1944, page 268. 

Remarque : Aimable s'affaiblit parfois en synonyme de agréable. D'où a tournure aimable à + infinitif : 

Ø 55. Le poulain, trop nerveux, s'était, paraît-il, fougueusement débattu quelque temps; à présent, assagi, lassé, il tournait en rond d'une façon plus calme; son trot, d'une élasticité surprenante, était aimable à regarder et séduisait comme une danse.

ANDRÉ GIDE, L'Immoraliste,  1902, page 416. 

g) Emploi neutre. 

—  Emploi adjectival. 

·    Quelque chose (ou rien) d'aimable; ce qu'il y a d'aimable, de plus aimable, etc. : 

Ø 56.... il m'amène un jeune homme charmant, doué de tout ce que la vertu a de grand, l'esprit d'aimable, la candeur de séduisant... 

SOPHIE COTTIN, Claire d'Albe,  1799, page 164. 

Ø 57. Rien n'est aimable comme les fleurs dans la parure des femmes et des enfants : l'or, l'argent, les perles et les diamants ne peuvent leur être comparés ni par leurs formes, ni par leur éclat, qui est trop vif...

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 110. 

Ø 58. Il était passé en habitude de répéter que Napoléon était le plus désobligeant à sa cour, ainsi que pour ceux de son service; qu'il n'avait jamais rien de gracieux ou d'aimable à dire à personne.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 363. 

Ø 59. Ils sont chrétiens les vendeurs et les vendeuses [de Nazareth] et il y a dans leurs manières je ne sais quoi d'aimable, de franc, de presque fraternel, pourrait-on dire, qui nous change des continuels marchandages et duperies, chez les juifs des bazars levantins.

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, La Galilée,  1896, page 56. 

Ø 60.... comme on s'attache à l'Italie! Qu'y a-t-il de si beau et de si aimable dans le paysage provincial que je vois de ces fenêtres : les champs dorés de l'Arno entre les ponts et, oltr'Arno, la masse aveugle et le dôme ennuyé de San Frediano au milieu des maisons vieilles et nues; et ce bout de campagne déjà, avec une ou deux villas jaunes entre des cyprès et de petits cèdres déchiquetés?

VALÉRY LARBAUD, A. O. Barnabooth,  1913, page 110. 

Ø 61. Les moyens dont dispose, à la fin de sa carrière, mais dans la pleine force de son génie, un maître illustre, ont une autre efficace. Emprunter à la sainteté ce qu'elle a d'aimable; retrouver sans roideur la paix de l'enfance; se faire au silence et à la solitude des champs; s'étudier moins à ne rien regretter qu'à se souvenir de rien; observer par raison, avec mesure, les vieux préceptes d'abstinence et de chasteté, assurément précieux; jouir de la vieillesse comme de l'automne ou du crépuscule; se rendre peu à peu la mort familière, n'est-ce pas un jeu difficile, mais rien qu'un jeu, pour l'auteur de beaucoup de livres, dispensateur d'illusion?

GEORGES BERNANOS, Sous le soleil de Satan,  1926, page 303. 

Ø 62. Les humains supplient silencieusement les humains de leur dire ce qu'ils ne pensent pas. Dites-nous ce que nous aimerions entendre! Dites-moi quelque chose d'aimable, chantent les yeux.

PAUL VALÉRY, Tel quel I,  1941, page 48. 

Ø 63.... tu tiens à des choses, tu crois à des valeurs. Alors tu devrais nous montrer ce qu'il y a d'aimable sur cette terre. Et aussi la rendre un peu plus habitable en écrivant de beaux livres. Il me semble que c'est ça le rôle de la littérature.

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 136. 

Remarque : Cette construction s'emploie parfois pour désigner des personnes : 

Ø 64.... la politesse et les grâces avaient trouvé deux refuges : la cour de Sceaux et la société du Temple. La première, que présidait la duchesse du Maine, après avoir renoncé aux intrigues politiques, réunissait ce que la France avait de plus illustre et de plus aimable : Fontenelle, Lamotte, Saint-Aulaire, en faisaient partie; et Voltaire vint y perfectionner ce goût exquis, ce tact délicat et sûr qui le distinguent entre tous les écrivains.

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 3, 1813, page 16. 

Ø 65. Il y a un âge, un seul à la vérité, et qui dure peut où les pastorales de M. de Florian ont un charme tout particulier; j'étais à cet âge. Rien ne me semblai, aimable comme ces jeunes bergères; rien de naïf comme leurs phrases précieuses et leurs sentiments à l'eau de rose; rien de champêtre, de rustique comme leurs élégants corsages, comme leurs gentilles houlettes à rubans flottants. À peine trouvais-je aux plus jolies demoiselles de la ville la moitié de la grâce, de l'élégance, de l'esprit, du sentiment surtout, de mes chères gardeuses de moutons.

RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises,  1839, page 66. 

·    Familier. Cela est aimable à vous de + infinitif : 

Ø 66. « Je suis bien aise que l'ambassadeur vous ait prié, c'est aimable à lui. » Cela voulait dire : « Il l'a fait pour m'obliger, et c'est par grâce que vous êtes ici. »

CLAIRE DE KERSAINT, DUCHESSE DE DURAS, Édouard,  1825, page 154. 

Ø 67. —  Que c'est aimable à vous de me tenir compagnie! Ce n'est pourtant guère amusant, disait Mme.  d'Orgel à François, comme si elle eût été une vieille dame.

RAYMOND RADIGUET, Le Bal du comte d'Orgel,  1923, page 129. 

Remarque : 1. En style plus soutenu, on emploie la tournure Cela est (très) aimable de sa part : 

Ø 68. FLORESTINE [la bonne] . —  Dans un quart d'heure on va signer le contrat...

EDGARD, jouant l'étonnement. —  Oh bah!... tu me l'apprends!

FLORESTINE. —  (...) j'ai reçu l'ordre d'apporter ici la corbeille...

EDGARD. —  Vraiment?... ah! c'est extrêmement aimable de ta part!... 

EUGÈNE LABICHE, Edgard et sa bonne,  1852, 21, page 252. 

Remarque : 2. Cet emploi se rapproche des emplois II A 2 a. 

—  Emploi comme substantif. 

·    Ce qui est aimable : 

Ø 69. La figure changeait souvent vers l'aimable et le gracieux. C'était alors déchirant... Cet instinct de la nature mourante qui se réfugie vers la chaleur et la vie me faisait croire à un retour du coeur.

JULES MICHELET, Journal,  mai 1842, page 403. 

Ø 70. Fénelon a en lui un fonds d'atticisme, d'hellénisme intime qui se trahit et qui transpire. Il a, quoi qu'il fasse, une réminiscence flottante d'Homère, une habitude incurable d'Horace, ce sentiment du fin et de l'aimable qui ne l'abandonne jamais.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Mes poisons,  1869, page 27. 

Ø 71.... Levesque qui rentre de permission; compagnon charmant pour qui mon affection devient de mois en mois plus profonde. Rien de plus confiant, de plus naturellement joyeux et bon, que son sourire. Il répand indistinctement sur tout l'aimable de cette terre une sympathie pantelante.

ANDRÉ GIDE, Journal,  9 juin 1931, page 1049. 

·    Personne aimable : 

Ø 72. Je suis très-content de votre jeune ami. Je pense qu'il sera aimable homme et je me crois sûr qu'il ne sera pas un aimable.

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 2, 1840, page 42. 

Ø 73. Parle-moi au long de Gaëtan (...) et dis-moi si nous en ferons un homme d'esprit ou seulement un aimable de province.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Correspondance, tome 1, 1800-1842. 

Ø 74. Gaspard leur montra la fontaine dont les eaux rendent fou. Mais c'est d'une folie plaisante, et le Dragon y voulut boire. Mariette lui donna de l'eau dans le creux de sa paume, et Lucie dut en faire autant à son aimable. L'eau bue, comme il n'en fallait pas perdre une goutte, ils baisèrent la main.

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 270. 

2. [En parlant de personnes ou de leur comportement, avec une idée de recherche active] 

a) Qui se distingue en raison de sa volonté ou de son art de faire plaisir (par des prévenances, des compliments, des marques de politesse). 

—   [En parlant de pers] :

Ø 75. Quand un homme aimable ambitionne le petit avantage de plaire à d'autres qu'à ses amis (comme le font tant d'hommes, surtout de gens de lettres, pour qui plaire est comme un métier), il est clair qu'il ne peut y être porté que par un motif d'intérêt ou de vanité. Il faut qu'il choisisse entre le rôle d'une courtisane et celui d'une coquette, ou, si l'on veut, d'un comédien. L'homme qui se rend aimable pour une société, parce qu'il s'y plaît, est le seul qui joue le rôle d'un honnête homme.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées,  1794, page 68. 

Ø 76.... la misère vint et, avec elle, les terribles désillusions du concubinage. Les premiers temps, chacun s'efforce d'être aimable; c'est à qui devancera les désirs de l'autre et cédera à toutes ses volontés. L'on sent bien alors que la première dispute en engendrera d'autres, mais la misère dégrise.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Marthe, histoire d'une fille,  1876, page 61. 

Ø 77. Il la prit par la douceur, par le raisonnement, par les sentiments. Il sut rester « Monsieur le Comte », tout en se montrant galant quand il le fallut, complimenteur, aimable enfin.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Boule de suif, 1880, page 147. 

Ø 78. —  Oh! monsieur, disait Mouret avec son enthousiasme de Provençal, (...)! Vous ne sauriez croire combien je suis heureux et fier de vous serrer la main.

—  Trop aimable, monsieur, trop aimable, répétait le baron toujours souriant

ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames,  1883, page 454. 

Ø 79. C'était l'époque où les gens bien élevés observaient la règle d'être aimables et celle dite des trois adjectifs. Mme.  de Cambremer les combinait toutes les deux. Un adjectif louangeur ne lui suffisait pas, elle le faisait suivre (après un petit tiret) d'un second, puis (après un deuxième tiret) d'un troisième.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 945. 

Ø 80. J'observai qu'elle s'appliqua à être plus aimable, plus obligeante, à partir d'un certain moment... Je pénétrai plus tard le sens de ce redoublement d'attention.

HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?  1934, page 329. 

—   [En parlant d'un trait de leur comportement] :

Ø 81. J'ai été bien sensible à l'aimable attention que vous avez eue de m'envoyer votre demande en ma faveur, et bien confus de tout ce que votre amitié vous a inspiré de bienveillant et de glorieux pour le plus indigne de vos confrères.

VICTOR HUGO, Correspondance,  8 janvier 1823, page 365. 

Ø 82. Le roi a la même attention pour les dames. Lorsque les hasards de la danse le mettent en contact avec un étranger, il s'efforce de lui dire un mot aimable.

EDMOND ABOUT, La Grèce contemporaine,  1854, page 373. 

Ø 83. Fut-il troublé par un scrupule tardif? « Mais parlons de toi », fit-il avec un sourire aimable; il gardait jusque dans la camaraderie une courtoisie un peu cérémonieuse.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, page 790. 

—   Locution. Aimable aux yeux de : 

Ø 84. Cette malheureuse flexibilité qui me rend plus aimable aux yeux des hommes me coûte cher, nuit à mes progrès dans la sagesse et la raison. Quoique les écarts d'esprit, de société ne soient que passagers, il en reste toujours quelque trace dans l'âme; on a ensuite plus de peine à avancer, plus de dégoût.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1817, page 78. 

·    (Être) aimable avec, envers, pour quelqu'un : 

Ø 85. Je crois, sans le savoir avec certitude, que je parus à lord Nelvil une personne trop vive, car après avoir passé huit jours chez mon père, et s'être montré cependant très-aimable pour moi, il nous quitta...

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Corinne ou l'Italie, tome 2, 1807, page 383. 

Ø 86. L'établissement, unique dans la petite ville, était assidûment fréquenté. Madame avait su lui donner une tenue si comme il faut; elle se montrait si aimable, si prévenante envers tout le monde; son bon coeur était si connu, qu'une sorte de considération l'entourait.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Maison Tellier, 1881, page 1181. 

Ø 87. Le Loreur était fort aimable avec lui, flatteur —  cela gênait un peu Yves, mais l'attirait aussi.

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie,  1939, page 113. 

·    Être (assez) aimable de + infinitif : 

Ø 88.... M. de Donnezan est arrivé à neuf heures : il a l'extrême complaisance de me garder. Tu serais cependant aimable de venir au moins dîner ici mardi et d'y rester le soir.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres de jeunesse,  1789, page 300. 

Ø 89. « Parbleu! dis-je, mon cher oncle, vous seriez bien aimable de m'avancer quelque argent sur le mois que je dois toucher demain. » Ce qui fâcha singulièrement mon oncle...

ALPHONSE KARR, Sous les tilleuls,  1832, page 78. 

·    Faire l'aimable : 

Ø 90. Il faudrait donc encore que nos trop courtes entrevues fussent consacrées à nous occuper des autres, et que je fisse l'aimable auprès de je ne sais quelle indifférente tandis que le premier venu le ferait auprès de toi.

VICTOR HUGO, Lettres à la fiancée,  1821, page 66. 

Ø 91. 21 mars. Pour la première fois, chez Janin, dans son chalet de Passy. Nous causons avec Mme.  Janin, qui fait l'aimable avec nous. Fille d'avoué, couperosée et pointue, bourgeoise marquée au coin de l'amabilité bourgeoise, qui tourne la bouche pour se gracieuser et laisse voir l'effort, le travail et la sécheresse de la grâce.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1861, page 890. 

Ø 92. Ton géant a fait l'aimable près des dames, a été infect et Pompadour, sans perdre une minute de vue la Littérature.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1867, page 116. 

Ø 93. Quant au baron, sa réalité me paraissait problématique, bien qu'il fît avec moi l'aimable et le sucré. 

ANDRÉ GIDE, Isabelle,  1911, page 618. 

b) Qui se distingue en raison de sa facilité d'accueil ou de sa complaisance : 

Ø 94.... nous apperçûmes une habitation couverte de bardeaux, au milieu d'un éclairci assez considérable, dont le propriétaire, que nous rencontrâmes quelques instans après, nous offrit l'asyle de la nuit avec le plus aimable empressement.

MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'état de New-York, tome 1, 1801, page 45. 

Ø 95. J'étais charmé et attendri, en trouvant près d'un simple pâtre des montagnes cet accueil aimable, ces attentions délicates, qu'on ne trouve guère que dans sa famille. Il ne m'est pas venu dans l'idée que ce bon montagnard fût déterminé à me traiter ainsi dans des vues intéressées; il remplissait le devoir de l'hospitalité et accueillait un de ses semblables, comme il aurait voulu qu'on l'accueillît.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1816, page 169. 

Ø 96. —  Madame, dit Annette, en se levant, je vous remercie de votre aimable hospitalité; j'étois morte de froid, et il auroit été scandaleux, qu'en Provence, une fiancée se fût trouvée gelée...

HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 3, 1824, page 34. 

Ø 97.... je vais chez les amis de papa, ces X..., hospitaliers et aimables qui m'accueilleront bien.

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école,  1900, page 186. 

Ø 98.... il est devenu là, de but en blanc, extrêmement aimable, accueillant, amène au possible... « Enchanté de la voir »... Et à mon sujet? Rassurant! Il s'est mis tout de suite dans les frais pour séduire ma mère...

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 427. 

—  En particulier.  [Dans le langage de l'amour, généralement en parlant d'une femme]  Qui cède ou s'abandonne facilement : 

Ø 99. « (...) Viens ici, ma belle Sara, viens sur mes genoux! » Elle y vint, avec cet aimable abandon... Faible langage! Tu ne le rendras jamais! Après les premières caresses de l'amitié, qui me furent rendues, je devins entreprenant..

NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, page 54. 

Ø 100. Il est agréable et de bon goût pour un jeune homme d'avoir deux maîtresses à la fois, surtout si l'une d'elles est triste, sévère, se retranchant toujours derrière les craintes d'une ennuyeuse vertu, tandis que l'autre est gaie, aimable, jolie, et ne passe pas pour désespérer ses amants par sa sévérité.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 2, 1836, page 189. 

Ø 101.... « On m'appelle

Melaenis, j'ai vingt ans et je t'aime, » dit-elle.

Pour Paulus, il nageait dans le ravissement.

Advienne que pourra! C'est chose délectable,

Qu'un bon gîte la nuit et qu'une fille aimable!

LOUIS BOUILHET, Melaenis,  1857, page 22. 

Ø 102. Il était, avec cela, dans les meilleures dispositions, ce soir-là! Il s'était humecté comme un liège, il avait une douceur d'ivresse qui le rendait aimable et pas hargneux, et il était très content de lui, se croyait irrésistible, se donnait des postures penchées, prêt à dévider à la première venue toute une bobine d'élégies bizarres. Installé près de la fenêtre, il faisait des effets de hanche et de col...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard,  1879, pages 122-123. 

Ø 103. Puisque vous n'avez pas de fortune, comprenez donc que vous devez prendre les hommes par autre chose. On est aimable, on a des yeux tendres, on oublie sa main, on permet les enfantillages, sans en avoir l'air; enfin, on pêche un mari...

ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille,  1882, page 36. 

Ø 104. L'été dernier, à Dolonne, j'ai rencontré une aimable personne qui me plaisait. Elle n'était pas farouche et je le savais. Le premier freluquet venu l'aurait facilement conquise.

JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame,  1921, page 158. 

Ø 105. Tout le quartier se ressent de cette vie matinale : les vieilles gens n'y sont pas des vieilles; à l'époque des lilas, les aïeules fleurissent leurs pauvres poitrines autant que les jeunes à seins durs. Les filles, sans calcul, montrent des chairs aimables, ont pour le désir des hommes, des indulgences généreuses... 

JEAN GIONO, Manosque des plateaux,  1930, page 25. 

B.—  Emplois stylistiques. 

1. Péjoratif, usuel.  [En parlant de personnes ou de leur comportement] 

a) Qui n'a que des qualités d'agrément : 

Ø 106. Je vous jure par Dieu que vous n'aurez plus à me reprocher de telles incongruités. Je serai gentil, aimable, charmant et faux à faire vomir; mais je serai convenable. Je veux devenir un homme tout à fait bien.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1851, page 334. 

Ø 107. Elle avait un certain charme mondain provenant d'un esprit alerte, gai, aimable et superficiel, mais aucune séduction réelle et profonde. 

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Porte, 1887, page 1075. 

Ø 108. Le plus séduisant des hommes, un féminin, je veux dire doux, aimable, courtois, mais fuyant, peu sûr, ne s'attachant pas aux amitiés particulières.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 5, 1906-1907, page 82. 

—  Par extension.  [En parlant de collectivités] :

Ø 109. Il [Voltaire] eut l'art funeste chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l'incrédulité à la mode. Il enrôla tous les amours-propres dans cette ligue insensée.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 1, 1803, page 5. 

Ø 110. Pour lui [Reinhart] , les Français étaient des gens adroits, intelligents dans les choses pratiques, aimables, sachant causer, mais légers, susceptibles, vantards, incapables d'aucun sérieux, d'aucun sentiment fort, d'aucune sincérité...

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 527. 

b) Qui, en étalant des qualités d'agrément, cherche à faire illusion : 

Ø 111.... dans le monde, et surtout dans un monde choisi, tout est art, science, calcul, même l'apparence de la simplicité, de la facilité la plus aimable. J'ai vu des hommes dans lesquels ce qui paraissait la grâce d'un premier mouvement était une combinaison, à la vérité très prompte, mais très fine et très savante.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Maximes et pensées,  1794, page 39. 

Ø 112. Oui, mes filles, ma femme, cette Gabrielle était une charmante personne. Elle quitta son mari pour vivre avec le roi, et, sans quitter le roi, elle vivait avec d'autres. Aimable friponnerie, fine galanterie, coquetterie du beau monde! Il y a des gens, mes filles, qui appellent cela débauche; ils offensent la morale, et ce sont des coquins qu'il faut mettre en prison.

PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Procès de Paul-Louis Courier, 1821, page 130. 

Ø 113. Il a quelque chose de bienveillant dans la physionomie; mais on y voit trop la longue habitude et le désir continuel d'avoir l'air aimable.

ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal,  1825, page 107. 

Ø 114. Les imprudences des jeunes gens et les maladresses de Madame Laheyrard étaient commentées et enjolivées avec cette aimable charité qui fait le fonds de l'espèce humaine en général, et de l'espèce humaine des petites villes en particulier. Au bout de quelques jours, il n'y eut pas une maison où l'on ne se contât à l'oreille l'histoire des amours d'Hélène et de Gérard.

ANDRÉ THEURIET, Le Mariage de Gérard,  1875, page 113. 

Ø 115.... il faut bien vivre, n'est-ce pas? c'est-à-dire accepter avec un air aimable et indifférent la mauvaise plaisanterie supérieure qui nous est quotidiennement imposée de faire ce qui nous déplaît cent fois plus souvent que le contraire, en vue d'ailleurs de ne plaire à personne.

FRANCIS DE MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau.  1908, page 67. 

Ø 116. Il a profité de l'occasion pour prononcer quelques paroles tout à fait aimables... et très cordiales... très encourageantes... il nous a bien assuré, que si on se conduisait plus tard dans la vie, dans l'existence, d'une façon aussi valeureuse, on pouvait être bien tranquilles, qu'on serait sûrement récompensés.

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 158. 

—  Par extension.  Qui ne réussit pas à faire illusion malgré ses apparences d'agrément. C'est une aimable plaisanterie : 

Ø 117. Vous me connaissez, vous savez (...) que si je ne me sentais pas nécessaire à mes malheureux amis j'aurais terminé la plus détestable existence (...) —  et vous restez! Par une aimable plaisanterie vous dites à Mathieu : « Quoique voir Mme.  de Staël vingt-quatre heures plus tôt ne soit comparable à rien ». Viens donc plaisanter sur la tombe de la malheureuse dont tu dévores le sang et les pleurs.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1793, page 207. 

Ø 118. Et vous? Où en est le roman? Celui de la mère Sand, qui m'est dédié, me vaut les plaisanteries les plus aimables.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1866, page 226. 

Remarque : Les exemples 117 et 118 sont des approches du sens noté dans la définition; d'autre part, comme dans les exemples 119 à 123, il y a antiphrase, mais dans un contexte différent, d'où un autre « effet de sens ». 

2. Ironique et par antiphrase, littéraire.  [En parlant de personnes ou de comportements qui habituellement ne sont pas qualifiés d'aimables]  Étrange, détestable, etc. : 

Ø 119. HENRI. —  (...) il est en vérité bien heureux que l'on ait eu l'aimable idée de me tuer par le fer ou par le plomb, au lieu de m'empoisonner...

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, La Reine Margot, tome 2, 1845, IV, 1, page 49. 

Ø 120. Mon cousin (...), demi-brute aimable, d'un caractère gai, doué de cet esprit gaulois qui rend agréable la médiocrité, habitait une sorte de ferme-château dans une vallée large où coulait une rivière.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Mots d'amour, 1886, page 736. 

Ø 121. La mode était d'être non pas seulement sociable, comme les Français l'avaient toujours été, mais « aimable ». C'est Duclos qui le note dans ses Considérations sur les moeurs parues en 1750, et il exprime la crainte qu'on n'ait pris en ce point l'abus pour la perfection. « Aimable », cela supposait au moins autant de vices que de vertus, de la frivolité, de la malice, et certain art de parler, de persifler, une forme nouvelle et légère de la calomnie. L'homme aimable pouvait être souvent l'homme le moins digne d'être aimé. Il ne s'agissait que de plaire. 

JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des \"Confessions\", 1948, page 154. 

Ø 122. Tant de soins, de sollicitude, devenus peu à peu indispensables à un célibataire (...) confit dans un aimable égoïsme, l'irritent cependant parfois...

ALEXANDRE ARNOUX, Double chance,  1958, page 191. 

Ø 123. Je me débarrasse de certains livres pour faire place à d'autres. Comment choisir? (...) Au fond, et sans bien le savoir, il [l'écrivain] fait un peu le travail de déblaiement que fera la postérité, cette aimable farceuse qui nous jouera à tous de si bons tours —  mais nous ne serons pas là pour les goûter comme ils le méritent.

JULIEN GREEN, Journal, Le Bel aujourd'hui, 1955-1958, page 57. 

Remarque : 1. Syntagmes a) Syntagmes usuels. Adverbes : extrêmement, fort, infiniment, parfaitement, particulièrement, plutôt, Substantifs : abandon, abbé, accueil, air, ami, article, attention, billet, caractère, chose, compagne, compagnie, compagnon, condescendance, conversation, convive, créature, dame, docteur, enfant, épouse, être, façon, famille, femme, figure, fille, folie, forme, gaieté, gens, geste, grâce, homme, hospitalité, hôte (sse), innocence, invitation, jeunesse, lettre, liberté, manière, maîtresse, mère, monsieur, mot, objet, parole, personnage, personne, peuple, phrase, physionomie, plaisanterie, politesse, qualité, regard, saint, salut, sentiment, société, sourire, souvenir, vieillard, visage, voisin, voix. Verbes : avoir, devenir, dire, donner, écrire, envoyer, éprendre, être, faire, (se) montrer, paraître, recevoir, remercier, rendre, trouver, venir; b) Syntagmes rencontrés. Adverbes : assez, aussi (que possible), bien, moins, peu, plus (beaucoup plus, le plus), réellement, si, singulièrement, tout, tout-à-fait, très, trop, véritablement. 2. Association paradigmatique fréquente a) (Quasi-)synonymes : accort, amène, attachant, attrayant, beau, bienveillant, bon, brave, brillant, charmant, cher, coquet, cordial, courtois, doux, élégant, engageant, estimable, facile, flatteur, frivole, gai, généreux, gentil; gracieux, innocent, intéressant, jeune, joli, léger, mondain, obligeant, poli, sage, séduisant, simple, spirituel, tendre, vertueux; b) (Quasi-)antonymes : désagréable, désobligeant, disgracieux, dur, froid, hargneux, indifférent, laid, méchant, rude, sévère, sombre, triste. 3. Place de l'adjectif par rapport au substantif : aimable s'emploie assez souvent en antéposition; il prend alors une valeur affective et familière ou une valeur intensive (soulignant favorablement un trait inhérent à la nature de la personne, de la chose considérée) ou encore une valeur emphatique, ironique (surtout en apostrophe). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 5 493. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 11 681, b) 9 232; XXe.  siècle : a) 7 576, b) 3 888. 

Liens utiles