ALAMBIQUÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.
Publié le 19/10/2015
Extrait du document
ALAMBIQUÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.
I.— Participe passé de alambiquer*
II.— Emploi adjectival, péjoratif.
A.— [En parlant d'une personne, d'une fonction ou d'une manifestation de l'esprit humain] Trop subtil, trop raffiné. Esprit alambiqué (Dictionnaire de l'Académie Française) :
Ø 1. De là le crédit et la vogue qu'eurent d'abord les romans de Durfé, de Scudéry, de Calprenède, et en général ce système de galanterie alambiquée où l'amour se trouvait toujours associé avec la grandeur d'ame, et avoué par la vertu.
JEAN-FRANÇOIS MARMONTEL, Essai sur les romans, 1799, page 309.
Ø 2. Il a le cynisme sale. Sur l'amour, dont il cause souvent, il a toutes sortes de thèses alambiquées, raffinées, des thèses de parade et de pose.
EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, décembre 1862, page 1183.
Ø 3.... il cause de choses et d'autres, dans une conversation où il se montre alambiqué, pointu, confus, fatigant, faiseur de boniments et ambitieux de m'étonner.
EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, février 1872, page 872.
Ø 4. C'est [Bergotte] un esprit des plus confus, alambiqué, ce que nos pères appelaient un diseur de phébus et qui rend encore plus déplaisantes, par sa façon de les énoncer, les choses qu'il dit.
MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 474.
Ø 5. C'était un boulot magique qu'il enlevait superbement, la synthèse explicative, péremptoire, irrécusable des pires hypothèses saugrenues, les plus ergoteuses, alambiquées, insubstantielles...
LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 405.
B.— RHÉTORIQUE. [En parlant d'un auteur, d'un ouvrage, d'un style] Raffiné, compliqué à l'excès. Discours alambiqué (Dictionnaire de l'Académie Française); style alambiqué (Dictionnaire de l'Académie Française) :
Ø 6. Au reste, beaucoup de ces défauts de goût en théologie, du moins pour la subtilité et l'emploi alambiqué des métaphores, nous les retrouverons dans M. de Saint-Cyran même, dont le Père Bouhours, en fin jésuite qu'il était, s'est donné le plaisir de citer de longues phrases dans sa Manière de bien penser comme de parfaits modèles du galimatias...
CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 255.
Ø 7. Le peuple des villes ne peut pas être simple; il va toujours chercher, de préférence, les expressions alambiquées. Olivier ne comprenait pas l'action que ces phrases ampoulées pouvaient avoir sur l'auditoire.
ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1277.
Ø 8. Du même coup, le style, pour la plus grande satisfaction de ces « gens de goût » qui inspiraient à Proust tant d'appréhension craintive, retrouverait ce galbe pur, cette élégante sobriété, si difficilement compatibles avec les contorsions, les piétinements, les subtilités alambiquées ou les lourdeurs embourbées du psychologique.
NATHALIE SARRAUTE, L'Ère du soupçon, 1956, page 13.
Ø 9. Ayant effleuré du regard mes auteurs favoris, mon père les jugea prétentieux, alambiqués, baroques, décadents, immoraux;...
SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 187.
— Par analogie. [En parlant de l'intelligence d'un artiste] :
Ø 10. Je suis frappé, en lisant les lettres du paysagiste Rousseau, du côté alambiqué, rhéteur, sophiste, qu'il y a dans toutes les grandes intelligences du dessin et de la peinture, à commencer par Gavarni, à finir par Rousseau, par tous les peintres de talent que j'ai connus.
EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, août 1870, page 582.
STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 32.
Forme dérivée du verbe \"alambiquer\"
alambiquer
ALAMBIQUER, verbe transitif.
A.— Inusité. Distiller à l'alambic. (Attesté dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (PIERRE-CLAUDE-VICTOIRE BOISTE) 1834, DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, etc.).
B.— Au figuré, vieux, péjoratif.
1. Emploi transitif. Tourmenter à force de réflexions, par excès de recherche. Alambiquer le sentiment, l'esprit, la cervelle :
Ø 1. La galanterie de la cour était noble, décente, peut-être même un peu cérémonieuse; celle de la ville, dont Ninon tenait école, sans être d'une aussi grande réserve, n'était pourtant par exempte d'une sorte de recherche qui tendait à alambiquer le sentiment et à mettre en crédit le jargon précieux de Clélie et d'Artamène.
VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 3, 1813, page 12.
2. emploi absolu. Analyser avec un excès de raffinement, de subtilité. Allez au fait, sans alambiquer (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845) :
Ø 2. On se débattra sur les motifs qui me déterminèrent dans la catastrophe du duc d'Enghien, et ainsi d'une foule d'autres événements. Souvent on alambiquera, on tordra ce qui fut tout à fait naturel et entièrement droit.
EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 375.
Ø 3. Il est dans la nature de la femme d'être légère, volage, étourdie, changeante, elle doit l'être, il le faut, et c'est bien. Il ne faut pas qu'elle s'appesantisse, qu'elle analyse, qu'elle pense, qu'elle alambique; il faut qu'elle soit toujours et toujours étourdie, entraînée d'une chose à l'autre...
PETRUS BOREL, Champavert, les contes immoraux, Passereau, l'écolier, 1833, page 185.
— Spécialement. [En parlant du style] Écrire de manière trop subtile et raffinée :
Ø 4.... bref il est impossible de dire vrai quand on l'écrit. On se touche, on se rit, on se minaude, il se passe quelquefois des pensées opposées tandis qu'on écrit la même phrase. Hâtez-vous, vous tronquez, retenez-vous, vous alambiquez et relâchez.
GUSTAVE FLAUBERT, Souvenirs, notes et pensées intimes, 1841, page 104.
3. Emploi pronominal.
a) Réfléchi direct. S'égarer dans quelque chose de trop compliqué, de trop subtil :
Ø 5.... j'évitois même la conversation de Jean-François les Bas-Bleus, ou je ne m'approchois de lui que lorsqu'il s'alambiquoit dans une de ces phrases éternelles qui sembloient n'avoir pour objet que d'épouvanter la logique et d'épuiser le dictionnaire.
CHARLES NODIER, Jean-François les bas-bleus, 1844, page 11.
b) Réfléchi indirect. S'alambiquer l'esprit (Dictionnaire de l'Académie Française). Se torturer l'esprit :
Ø 6. Tiens, mon p'tit homme, au lieu d'nous alambiquer l'esprit, j'te conseille de prendre ton parti, et d'y aller tout d'suite. C'est comme une médecine qu'il faut avaler. Nous saurons au moins à quoi nous en tenir.
THÉODORE LECLERCQ, Proverbes dramatiques, Le Savetier et le financier ou Contentement passe richesse, 1835, pages 221-222.
STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 9.
Liens utiles
- AIMANT1, -ANTE, participe présent et adjectif.
- FRANÇAIS - CONJUGAISONS ET ORTHOGRAPHE GRAMMATICALE LE PARTICIPE PASSÉ - LE PARTICIPE PRÉSENT - L'ADJECTIF VERBAL Rappel des terminaisons du 2ème groupe ont tous leur participe passé en « i ».
- Définition: FÂCHÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.
- Définition: FAÇONNÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.
- Définition: FAIBLISSANT, -ANTE, participe présent et adjectif.