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ALARME, interjection et substantif féminin.

Publié le 19/10/2015

Extrait du document

ALARMÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de alarmer* 

II.—  Adjectif. 

A.—  Qui est dans un état de trouble, de vive inquiétude. 

1.  [En parlant d'une personne] 

a) Emploi absolu : 

Ø 1. Pécopin commençait à s'inquiéter. On conviendra qu'il y avait de quoi. Ces houx et ces framboisiers, ces tadornes, ces herbes magiques, cette moule, ce grand-duc, tout cela était peu rassurant. Il était donc fort alarmé, et se demandait avec angoisse où il était, lorsqu'un chant éloigné parvint jusqu'à lui.

VICTOR HUGO, Le Rhin,  1842, page 204. 

Ø 2. Il semble que sur ce sol calciné aucune vie ne pourra jamais reparaître, et le vert très tendre du gazon qui surgit entre les chaumes noirs, déjà trois jours après l'incendie, semble presque une fausse note. On dirait un confident indiscret qui compromet l'effet du drame en livrant trop vite un secret susceptible de rassurer le spectateur alarmé.

ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo,  1927, page 803. 

b) [Avec un complément de cause, préposition de; confer inquiet de] :

Ø 3. Il est des momens de paix et d'énergie où l'ame confiante, libre, indifférente, assez indépendante pour tout attendre sans être alarmée de rien, assez impassible pour s'abandonner, se nourrit d'elle-même; étend sur toutes choses réelles ou possibles, le sentiment de sa force et de son bien-être; reste comme immobile dans le tems qui se succède, immuable dans le monde agité, et commence un bonheur dont sa délicieuse erreur éternise la durée.

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme,  1799, page 64. 

Ø 4.... il trouva sa mère si hostile à cette réunion qu'il dut refouler toutes ses pensées en lui-même et dissimuler la force de son affection. La voyant sérieusement alarmée du scandale qu'une pareille aventure allait faire et faisait déjà dans la petite ville, il promit de persuader à Victoire de retourner bien vite à Paris.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 1, 1855, page 427. 

Ø 5. Nous parlons après dîner du Moi de Zola, qui n'a pas la sérénité de Balzac et sa dédaigneuse inattention des travaux littéraires autour de lui, de ce Moi inquiet, préoccupé, presque alarmé des projets et des incubations des livres des uns et des autres...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  avril 1886, page 569. 

Remarque : 1. Alarmé et inquiet impliquent tous deux l'idée de trouble et de réflexion devant un danger; le 1er.  terme renchérit toutefois sur le second (exemple 5, 11). 2. La langue littéraire offre des exemples où le rapport avec le substantif est marqué par des figures de rhétorique (métonymie, hypallage, ellipse, etc.) comme dans l'exemple suivant : 

Ø 6. La fenêtre s'ouvre sur une nuit de lune trop belle, une nuit insomnieuse, alarmée de souffles inhabituels, une turbulence silencieuse de corolles blêmes, —  une nuit pleine de présages, où les fleurs bougent. La montée de la lune, la lune distante, décevante, tricheuse, la lune qui trompe les attentes, celle dont s'alarme Roméo :...

JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux,  1945, page 124. 

2. Littéraire.  [En parlant d'un inanimé abstrait traduisant un sentiment, une attitude] :

Ø 7. Vos soldats, vos enfans vous parlent par ma voix.

Rassurez, rassurez leur tendresse alarmée.

Seigneur, votre nom seul contient encor l'armée.

Tout est détruit, perdu, si vous nous délaissez.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Wallstein,  1809, I, 6, page 38. 

Ø 8. En un moment Ève apprit la liaison de son frère avec Coralie, son duel avec Michel Chrestien, causé par sa trahison envers D'Arthez, enfin toutes les circonstances de la vie de Lucien envenimées par un dandy spirituel qui sut donner à sa haine et à son envie les livrées de la pitié, la forme amicale du patriotisme alarmé sur l'avenir d'un grand homme et les couleurs d'une admiration sincère pour le talent d'un enfant d'Angoulême, si cruellement compromis.

HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues,  1843, page 571. 

Ø 9. Je remarquai que monsieur avait sur les épaules une grosse touffe de poils, et la poitrine, telle un ours... Tout de même, c'est un bel homme... Mazette!... Naturellement, je poussai un cri de pudeur alarmée, ainsi qu'il convenait, et je refermai la porte avec violence...

OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre,  1900, page 108. 

Remarque : La construction alarmé sur quelque chose (exemple 8) est rare; elle suppose comme cause un fait possible, mais non réel, et se distingue de la construction habituelle alarmé de quelque chose en ce que celle-ci indique une cause réelle ou considérée comme telle. 

B.—  [En parlant d'un signe, expression d'un état d'âme]  Qui révèle un état de trouble, d'inquiétude : 

Ø 10. Au moment où Hermine prononçait ces derniers mots, sa mère, qui s'était approchée sans bruit, la prit dans ses bras avec tendresse, et regardant Fernand : —  Est-il bien vrai que vous l'aimiez? demanda-t-elle de cette voix inquiète et presque alarmée qui n'appartient qu'à une mère.

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, L'Héritage mystérieux, 1859, page 118. 

Ø 11. Derrière la petite Mme.  Juzeur, Bachelard et Gueulin se poussaient du coude, en lâchant des indécences; et Mme.  Josserand les surveillait d'un regard alarmé, car elle craignait la mauvaise tenue de son frère. Mais Mme.  Juzeur pouvait tout entendre : elle avait un frisson des lèvres, elle souriait avec une douceur angélique aux histoires gaillardes.

ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille,  1882, page 46. 

Ø 12. Elle pensait que, pour aider au progrès de l'esprit, il faut être irréprochable sur les moeurs. Avec les plus libres opinions et la plus ferme raison, elle fut aussi pure que les saintes du moyen âge, dominées par la foi la plus absolue. C'était plaisir de la voir discuter du ton le moins alarmé tous les problèmes du temps, soutenir les droits du peuple, appeler de ses voeux un christianisme libéral, qui eût appliqué des institutions séculaires et des richesses devenues nationales à l'éducation du peuple.

ERNEST RENAN, Drames philosophiques, L'Abbesse de Jouarre, 1886, I, 5, pages 627-628. 

Ø 13. Elle était désespérée, la pauvre dame; elle bêlait dans l'appareil : « Comment, docteur, nous ne vous verrons pas ce soir? » Il feignit soudain un air alarmé : « Excusez-moi, madame, je viens d'être appelé auprès de mon père, qui est au plus mal... »

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, page 1147. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 293. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 752, b) 325, XXe.  siècle : a) 212, b) 302. 

ALARME, interjection et substantif féminin.  

I.—  Interjection, vieux, rare. Alarme! Aux armes! 

Ø 1. Le jeune prince était déjà dans le cabinet en charpente, au milieu du pont. Le duc s\\'avança, laissant ses gens un peu derrière lui. La foule qui se pressait devant les barrières au bout du pont le vit ôter son chaperon de velours noir, puis mettre un genou en terre devant le dauphin. À peine s\\'était-il relevé, qu\\'on entendit crier : « Alarme, alarme! Tue, tue! » et l\\'on aperçut les gens du dauphin frappant le duc de leurs haches et de leurs épées.

PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 4, 1821-1824, page 257. 

Ø 2. Les charrois, les prolonges, les bagages, les fourgons pleins de blessés, voyant les Français gagner du terrain et s\\'approcher de la forêt, s\\'y précipitaient; les Hollandais, sabrés par la cavalerie française, criaient : Alarme!...

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 403. 

Ø 3. Soudain les fenêtres du couvent s\\'ouvrirent, et les religieuses apparurent, riant et chantant à gorge déployée. Elles chantaient un vieux Noël en patois lorrain, un Noël gothique, comme on dit dans le pays, tout plein d\\'images paysannes de guerre et de pillage.

Alarme, Compagnons,

Car je vois de bien loin

Une grosse troupe de gendarmes et soldats

Qui nous prendront nos troupeaux tout à l\\'heure.

MAURICE BARRÈS, La Colline inspirée,  1913, page 183. 

II.—  Substantif féminin. 

A.—  Signal pour appeler aux armes, pour annoncer l\\'approche de l\\'ennemi, et par extension pour avertir de tout danger matériel ou moral, réel ou supposé. Cloche d\\'alarme, cri d\\'alarme; donner, sonner l\\'alarme : 

Ø 4. Au seizième siècle, quand la mode arriva de nommer l\\'empereur à Francfort, tantôt dans la salle du Roemer, tantôt dans la chapelle-conclave de Saint-Barthélemy, l\\'élection devint une cérémonie compliquée (...). Dès le matin du jour fixé pour l\\'élection, on fermait les portes de la ville, les bourgeois prenaient les armes, les tambours du camp sonnaient, la cloche d\\'alarme tintait; les électeurs, vêtus de drap d\\'or et revêtus de la robe rouge doublée d\\'hermine, coiffés, les séculiers du bonnet électoral, les archevêques de la mitre écarlate, recevaient solennellement le serment du magistrat de la ville, qui s\\'engageait à les garantir de la surprise l\\'un de l\\'autre;...

VICTOR HUGO, Le Rhin,  1842, page 274. 

Ø 5. En ce moment, un sifflement assourdissant se fit entendre au-dessus des bruits de l\\'ouragan. La vapeur fusa avec violence, non du tuyau d\\'échappement, mais des soupapes de la chaudière; le sifflet d\\'alarme retentit avec une force inaccoutumée; le yacht donna une bande effroyable, et Wilson, qui tenait la roue, fut renversé par un coup de barre inattendu.

JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 2, 1868, pages 52-53. 

Ø 6. Les enfants étaient partis pour Étretat à bicyclette. Par besoin de m\\'occuper, j\\'ai voulu aller à Criquetot porter deux lettres et prendre possession de l\\'enveloppe chargée que je savais être arrivée. Le tocsin s\\'était tu; après l\\'immense alarme promenée sur tout le pays, il n\\'y avait plus qu\\'un oppressant silence. Une pluie fine tombait par instants. Dans les champs quelques gars prêts à partir continuaient leur labour; j\\'ai croisé sur la route Louis Freger, notre fermier, appelé le troisième jour, et sa mère qui va voir s\\'en aller ses deux enfants. Je n\\'ai su que leur serrer la main sans rien dire.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1914, page 451. 

Ø 7. Nulle part les pompiers ne circulent autant qu\\'ici. À toute occasion ils s\\'élancent. Du temps où elle était en bois, New-York a conservé la phobie de l\\'incendie. Partout des escaliers de sûreté, des panneaux ignifugés, des dégagements, des sorties de secours; à chaque pas, un poste d\\'alarme et des bouches à eau, grosses comme des canons de siège; les pompiers arrivent sur les lieux du sinistre quarante secondes après l\\'alerte. Aussitôt qu\\'on entend la plainte déchirante de leur sirène, suivie du glas de la cloche, tout s\\'interrompt et les pompes, aussi belles que le feu lui-même, passent, rapides comme la flamme.

PAUL MORAND, New-York,  1930, pages 214-215. 

Ø 8. Les contrôles de l\\'atmosphère sont faits par des appareils enregistreurs fixés auprès des grandes installations au voisinage des centres atomiques, et dans l\\'ensemble du pays. Ces appareils peuvent être munis de dispositifs d\\'alarme quand une dose dangereuse est atteinte. Un service de protection est appelé à surveiller chaque opération délicate et à fixer le temps qu\\'un opérateur peut passer dans des zones actives.

BERTRAND GOLDSCHMIDT, L\\'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques,  1962, pages 224-225. 

—  Spécialement. 

·    CHEMIN DE FER.  Signal, sonnerie ou sonnette d\\'alarme. Dispositif mis à la portée des voyageurs pour provoquer l\\'arrêt immédiat du train en cas de danger : 

Ø 9. Les feux rouges des signaux du chemin de fer brillaient dans la vitre. La sonnerie d\\'alarme résonnait, grêle, soutenue, et Rose-Anna crut entendre un appel désespéré qui la tirait du sommeil. Quelqu\\'un avait besoin d\\'elle... Quelqu\\'un l\\'appelait...

GABRIELLE ROY, Bonheur d\\'occasion,  1945, page 451. 

·    MÉDECINE ou PSYCHOLOGIE.  Réaction d\\'alarme. Réaction de défense de l\\'organisme contre une lésion en un point particulier (confer homéostasie) ou réaction à des stimulations subites et anormales : 

Ø 10.... je sentirai d\\'abord un grand tumulte des muscles et du sang, une défense commencée, un trouble total, d\\'où je démêlerai ensuite, par une exploration active et prudente, la douleur de brûlure ou de piqûre en un point déterminé. Les esprits attentifs remarqueront que lorsqu\\'ils se trouvent réveillés par quelque cause, c\\'est d\\'abord leur propre tumulte qui les réveille, c\\'est-à-dire les premiers mouvements de la défense. Bref, c\\'est toujours une alarme musculaire qui nous avertit, ce qu\\'exprime très bien le sursaut.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1931, page 994. 

Ø 11. L\\'harmonie des fonctions organiques donne le sentiment de la paix. Quand la présence d\\'un organe atteint le seuil de la conscience, cet organe commence à mal fonctionner. La douleur est un signal d\\'alarme.

ALEXIS CARREL, L\\'Homme cet inconnu,  1935, page 130. 

B.—  Par métaphore et au figuré.  État de trouble, d\\'agitation, suscité par la crainte d\\'un ennemi, d\\'un danger. 

1. Au singulier : 

Ø 12. Le comte de Blois s\\'employa encore, et, par menaces et par exhortations, il parvint à sauver Valenciennes. Si l\\'on fût entré à Gand, comme on l\\'eût pu faire au premier moment, lorsque la victoire de Roosebeke y avait jeté l\\'alarme et le trouble, la guerre eût été finie; mais les pillages de l\\'armée française, et le peu d\\'obéissance qu\\'on y trouvait, furent cause que les Gantois eurent le temps de se remettre.

PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 1, 1821-1824, page 268. 

Ø 13. Nous aurons apparemment été saisis d\\'une frayeur subite de la république; l\\'ombre sanglante de la Convention nous sera apparue; nous nous serons vu proscrit de nouveau, et dans notre terreur panique, nous aurons cru devoir sonner l\\'alarme.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Polémique,  1818-1827, page 490. 

Ø 14. Une effroyable panique s\\'était déclarée dans un bataillon de zouaves composé de recrues, le reste des troupes venait d\\'être emporté, au milieu d\\'une débandade telle, que ce galop de déroute ne s\\'arrêta que derrière les remparts, dans Paris, où l\\'alarme fut immense.

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 568. 

Ø 15. Ai-je parlé à une seule âme vraiment chrétienne? Je n\\'ose le croire. Ah! que ne puis-je crier en vous! sonner l\\'alarme au fond de vos coeurs charnels! vous donner l\\'inquiétude salutaire, la sainte peur de trouver votre Rédempteur parmi vos victimes?

LÉON BLOY, La Femme pauvre,  1897, page 284. 

Ø 16. Pour le patriotisme, il faut une patrie. Et il n\\'y a point de patrie sans justice. Il n\\'y a pas de patrie sans droit. Ceux-là seuls aujourd\\'hui sont des patriotes clairvoyants qui jettent le cri d\\'alarme, et montrent la France elle-même menacée par le privilège d\\'infaillibilité galonnée qui hier nous a perdus, qui demain nous conduirait aux abîmes.

GEORGES CLEMENCEAU, L\\'Iniquité,  1899, page 140. 

Ø 17. De son regard impétueux, vigilant, éperdu, [il] avait l\\'air, avec une impassibilité militaire ou une foi surnaturelle —  allégorie de l\\'alarme, incarnation de l\\'attente, commémoration du branle-bas —  d\\'épier, ange ou vigie, d\\'une tour de donjon ou de cathédrale, l\\'apparition de l\\'ennemi ou l\\'heure du jugement.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, 1913, pages 325-326. 

Ø 18. Cependant la confusion s\\'aggravait dans le pays. Les Anglais et les Navarrais dévastent les campagnes. Des bandes armées, les grandes compagnies, se livraient au brigandage. Paris, qui s\\'entourait en hâte de murs, s\\'emplissait de réfugiés qui répandaient l\\'alarme et la fièvre. 

JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 1, 1924, page 98. 

Ø 19. Jusqu\\'ici, nous ne possédions que des indices d\\'attaque. La première alarme fut donnée par des déserteurs qui, les 6 et 7 février, signalèrent des concentrations de troupes importantes sur la rive gauche de la Meuse et dans la région de Damvillers.

MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 2, 1931, page 204. 

Ø 20. Je me dirigeai vers Saintes afin d\\'y prendre le contact des troupes du colonel Adeline. La Saintonge, sous les drapeaux de la libération qui paraissaient partout aux fenêtres, vivait en état d\\'alarme. Car les Allemands occupaient, d\\'une part Royan et l\\'île d\\'Oléron, d\\'autre part La Rochelle et Ré.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, Le Salut, 1959, page 16. 

—   Proverbe. L\\'alarme est au camp. Expression traduisant une grande inquiétude ou un grand trouble collectif : 

Ø 21.... vous verrez la droite bâiller, le ministère se moucher, le centre aller à ses affaires. Mais que Foy, dans ce moment de verve applaudi de toute la France, prélude une espèce d\\'apostrophe, sans autrement, peut-être, y penser, on dresse l\\'oreille aussitôt, l\\'alarme est au camp, les muets parlent, tout s\\'émeut; et, s\\'il eût continué sur ce ton (mais il aima mieux rendre hommage aux classes élevées), s\\'il eût pu soutenir ce style, la scène changeait; M. Pasquier, surpris comme un fondeur de cloches, eût remis ses lois dans sa poche; et moi, petit propriétaire, ici je taillerais ma vigne, sans crainte des honnêtes gens. Ô puissance de l\\'apostrophe!

PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Lettres au rédacteur du \\\"Censeur\\\", 1819-1820, page 41. 

—  (Être) en alarme. (Être) dans un état d\\'inquiétude et sur le qui-vive : 

Ø 22. Mme.  de Villeparisis entendit ces derniers mots. Elle en parut contrariée. S\\'il ne s\\'était agi d\\'une chose qui ne pouvait intéresser un sentiment de cette nature, il m\\'eût paru que ce qui semblait en alarme à ce moment-là chez Mme.  de Villeparisis, c\\'était la pudeur. Mais cette hypothèse ne se présenta même pas à mon esprit.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 1, 1920, page 283. 

Ø 23. Il n\\'aimerait jamais plus comme il avait aimé; il se prêtait, mais ne se donnait pas, susceptible et toujours en alarme, surveillant tout son moi comme un garde-chasse aux aguets. On n\\'entreprendrait plus rien sur lui, on n\\'entrerait plus dans son âme.

JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, Grandeur et misère d\\'un esprit, 1952, page 44. 

2. Par extension, le plus souvent au pluriel.  Vive inquiétude : 

Ø 24.... ma plume est libre encore, et tant que vous serez au timon des affaires, elle vous poursuivra sans relâche : sans cesse elle dévoilera vos malversations, sans cesse elle éventera vos projets funestes, sans cesse elle publiera vos attentats; pour vous ôter le temps de machiner contre la patrie, elle vous arrachera au repos, elle rassemblera autour de votre chevet les noirs soucis, les chagrins, les craintes, les transes, les alarmes, jusqu\\'à ce que laissant tomber de vos mains les chaînes que vous nous préparez, vous cherchiez vous-même votre salut dans la fuite.

JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, pages 195-196. 

Ø 25. Dans Manon Lescaut et Des Grieux, le libertinage est peint de ses couleurs; l\\'amour et la bonté du naturel l\\'excusent, mais ils ne le déguisent pas : dans Julie et Saint-Preux il a si bien le ton, le langage, la contenance de la vertu, qu\\'on le prendrait presque pour elle. Tout ce que la faiblesse peut avoir de grâce et de décence dans ses faux pas et dans ses chûtes, les premières alarmes de la pudeur, ses timides délicatesses, ses imprudences, ses oublis, ses refus attrayants, ses résistances inutiles; tout cela, dis-je, est nuancé avec un artifice qui enchante au lieu d\\'épouvanter.

JEAN-FRANÇOIS MARMONTEL, Essai sur les romans,  1799, page 330. 

Ø 26. Ma mère ne vivait pas tant elle était dominée par l\\'imagination qui lui peignait tout en noir et en terrible : elle craignait tout, redoutait tout, souffrait de tout, se blessait à tout, se faisait des monstres de tous. Elle ne vivait que d\\'allarmes et de frayeurs, et son imagination, ingénieuse à la tourmenter, multipliait sans cesse autour d\\'elle toutes les tortures de la crainte, et souvent du désespoir. J\\'ai malheureusement hérité de cette terrible imagination de ma mère et j\\'ai subi ses désastreuses conséquences.

CHARLES-JULIEN LIOULT DE CHÊNEDOLLÉ, Extraits du Journal,  1833, page 155. 

Ø 27.... ne vous y trompez pas, le scrupule n\\'est pas l\\'alarme d\\'une conscience délicate, qui porte à craindre et à éviter avec sollicitude le péché, mais la vaine appréhension mal fondée et pleine d\\'angoisse qui, avec un art diabolique, cherche et arrive à voir le péché là où il n\\'est pas.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 200. 

Ø 28. L\\'histoire démontre (...) que le mouvement, la guerre, les alarmes sont le vrai milieu où l\\'humanité se développe, que le génie ne végète puissamment que sous l\\'orage, et que toutes les grandes créations de la pensée sont apparues dans des situations troublées.

ERNEST RENAN, L\\'Avenir de la science,  1890, page 419. 

Ø 29. Forcément dans ces heures où las de se battre contre des phrases, il jetait sa plume, il regardait devant lui et ne voyait dans l\\'avenir que des sujets d\\'amertumes et d\\'alarmes; alors il cherchait des consolations, des apaisements, et il en était bien réduit à se dire que la religion est la seule qui sache encore panser, avec les plus veloutés des onguents, les plus impatientes des plaies;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, pages 21-22. 

Ø 30. L\\'homme est ainsi (...) pétri de rêves et de visions, tissé dans une étrange étoffe, invisible, changeante, captieuse. L\\'étoffe de la peur (...)! Et nous peuplons ainsi de fantômes le chemin où nous marchons. De craintes en alarmes, de peurs en angoisses, nous avançons alors vers le mystère définitif. Mais ces fantômes ne méritent pas qu\\'on s\\'y arrête. Les vrais malheurs de l\\'homme sont autrement sérieux,...

ALBERT CAMUS, Un Cas intéressant, adapté de Dino Buzzati, 1955, pages 620-621. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 816. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 088, b) 992; XXe.  siècle : a) 770, b) 693. 

 

Forme dérivée du verbe \\\"alarmer\\\"

 alarmer

ALARMER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif. 

A.—  Rare.  [Avec un complément désignant une ou plusieurs personnes]  Donner l\\'alarme, appeler aux armes : 

Ø 1. Par malheur, les soldats à minuit trois quarts qu\\'il était alors, n\\'étaient pas encore endormis; pendant qu\\'il marchait à pas de loup sur le toit de grosses tuiles creuses, Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur le toit, et qu\\'il fallait essayer de le tuer d\\'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d\\'une grande impiété, d\\'autres disaient que si l\\'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 365. 

—  Par extension.  Avertir d\\'un danger, mettre en garde, alerter (avec le cas échéant une idée de trouble) : 

Ø 2.... vos paroles, animées d\\'une vertueuse énergie, lanceraient tour à tour sur les hommes dépravés les foudres de l\\'indignation et les traits pénétrants du sarcasme. Vous n\\'iriez point contrister le pauvre, alarmer la conscience du faible, et baisser, devant le vice puissant, un oeil indignement respectueux; mais votre voix, généreuse autant que sévère, flétrirait jusque sous la pourpre les bassesses de la flatterie et de la corruption des cours.

PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Procès de Paul-Louis Courier, 1821, page 106. 

Ø 3. Cette translation des religieuses eût, laissé libre leur bâtiment de Paris : le bruit courut que les Jésuites le voulaient acheter et y établir un séminaire. Ici les amis de Port-Royal s\\'agitèrent trop. Ils espéraient toujours qu\\'un temps prochain viendrait où l\\'on pourrait réintégrer les captives dans leur monastère, et où Sion, comme on disait, reverrait sa tribu fidèle. Pour cela ils désiraient que la maison fût conservée libre et vacante, et, croyant mieux parer à cette migration des soeurs de Paris aux Champs, ils eurent l\\'idée d\\'alarmer et de mettre en mouvement Messieurs de Saint-Sulpice, qui, naturellement, n\\'auraient pas vu avec plaisir un séminaire rival s\\'élever dans le faubourg Saint-Jacques sous la direction des Jésuites.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, pages 587-588. 

Ø 4. L\\'Angleterre, alarmée par la réunion de la Savoie et de Nice, soupçonnait la France napoléonienne de préparer d\\'autres conquêtes. D\\'autre part, le principe des nationalités, auquel l\\'empereur restait fidèle, et qu\\'il n\\'aurait pu abandonner sans soulever contre lui l\\'opinion libérale, l\\'introduisait dans de nouveaux embarras ajoutés à ceux qu\\'il rencontrait déjà en Italie.

JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, page 205. 

Ø 5. J\\'ai dû m\\'interrompre pour mener Gustave chez le docteur. Dieu soit loué! Je suis sortie de la consultation très rassurée. Marchant nous avait alarmés, de sorte qu\\'heureusement nous avons pris le mal à temps.

ANDRÉ GIDE, L\\'École des femmes,  1929, page 1281. 

—  Emploi absolu : 

Ø 6. Pour cet homme-là les jours de fêtes sont des jours d\\'inquiétude; le brouillard est son ennemi. Il ne dîne point alors; il ne dort point. Je l\\'imagine allant et venant, sur sa puissante voiture, le long des dangereuses lignes de sortie, tombant à l\\'improviste, à la manière du petit caporal, sur les sentinelles isolées ou sur les subalternes dormants. Par lui-même il observe les feux verts et les feux rouges; et, d\\'après ce qu\\'il remarque, il alarme, il ralentit, il bloque, il dégage. Je ne conçois pas d\\'autre manière de diriger un réseau; ou bien alors ceux qui prétendent diriger se moquent de nous.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1934, page 1199. 

B.—  Effaroucher, mettre dans un état de grand trouble, d\\'inquiétude en raison d\\'un danger. 

1. [Le complément direct désigne une personne ou un ensemble de personne] :

Ø 7. L\\'état craintif, chagrin, douteux, tient en moi à une sorte de mécanisme organique dont l\\'effet est complètement indépendant de ma volonté. Dans cet état qui est une vraie maladie, je ne suis propre à rien; toutes mes déterminations sont incertaines et extrêmement mobiles; le moindre objet me trouble et suffit pour m\\'alarmer; je suis mécontent de tout ce qui vient de moi; j\\'efface à mesure ce que je viens d\\'écrire; je reste une heure pour construire laborieusement une phrase qui ne fait rien au sujet principal dont je m\\'occupe et qu\\'il faudra rayer...

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1819, page 218. 

Ø 8. Ce soir le bureau est fermé, ce n\\'est que demain à neuf heures que je recevrai cette lettre qui doit me rassurer ou m\\'alarmer. Une heure après je pars pour Lyon, où je serai samedi matin; là encore j\\'espère recevoir un mot de vous.

ANDRÉ-MARIE AMPÈRE, JEAN-JACQUES AMPÈRE, Correspondance et souvenirs,  1824, page 298. 

Ø 9. Les dangers dont vous pensiez m\\'effrayer m\\'alarment si peu d\\'ailleurs que je croirais commencer à être coupable si je pensais à me prémunir contre eux.

CHARLES NODIER, La Fée aux miettes,  1831, page 177. 

·    Alarmer l\\'opinion : 

Ø 10. Il fit écrire par des hommes à sa dévotion et insérer dans plusieurs journaux officieux des articles qui, semblant exprimer la pensée même de Paul Visire, prêtaient au chef du gouvernement des intentions belliqueuses. En même temps qu\\'ils éveillaient un écho terrible à l\\'étranger, ces articles alarmaient l\\'opinion chez un peuple qui aimait les soldats, mais n\\'aimait pas la guerre.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L\\'Île des pingouins,  1908, pages 388-389. 

Ø 11.... les troupes absentes de leurs garnisons avaient reçu l\\'ordre d\\'y rentrer; en outre, le bruit commençait à courir du rappel des deux dernières classes. Cependant, la perspective de la guerre, malgré les précautions prises pour ne pas alarmer l\\'opinion, commençait à se faire sentir dans le pays. Je n\\'en veux pour preuve que la démarche accomplie au ministère de la Guerre, dans cette journée du 29, par M. Deviès, chef de service au Creusot.

MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 216. 

—  Emploi absolu : 

Ø 12. Dans ces découvertes des commissaires de Saint-Martin-Des-Champs, tout est fait pour alarmer, tout est fait pour jeter l\\'effroi dans les âmes. Encore n\\'est-ce là qu\\'un aperçu pris sur les lieux : que serait-ce, s\\'ils avaient approfondi l\\'affreux mystère, s\\'ils avaient eu communication des registres d\\'entrée et de sortie, dont le directeur en chef leur avait d\\'abord offert l\\'examen, et qu\\'il leur a refusé ensuite, sous prétexte de travailler à un relevé pour le comité des subsistances!

JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, page 180. 

2. Littéraire.  [Le complément direct est un inanimé abstrait, désignant un sentiment, une vertu ou tout autre aspect de la sensibilité] :

Ø 13. Une femme ordinaire dont on voudrait exalter l\\'attachement aurait besoin qu\\'on fût avec elle léger, inconséquent, inégal, tantôt affectueux, tantôt froid, il faudrait feindre d\\'autres inclinations, partir, revenir, alarmer sa vanité pour exciter sa jalousie, jouer un rôle, enfin. Je ne suis point comédien et tu es loin d\\'être une femme ordinaire.

VICTOR HUGO, Lettres à la fiancée,  1821, pages 58-59. 

Ø 14. J\\'avais relié mon trésor poétique en carton vert, couleur de bon augure pour une gloire en espérance. Je l\\'avais caché à ma mère dont la chaste et pieuse pureté d\\'esprit aurait été alarmée par la volupté plus antique que chrétienne de quelques-unes de ces élégies.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Raphaël,  1849, page 246. 

Ø 15. L\\'animosité de ses adversaires et la rancune des partis qu\\'il croyait avoir désarmés l\\'attristaient dans son âme. Il souffrait de n\\'avoir pas conquis, après tant de sacrifices, l\\'estime des conservateurs, qu\\'il mettait intérieurement à plus haut prix que l\\'amitié des républicains. Il fallait inspirer au Phare des réponses habiles et énergiques, conduire une polémique vive et peut-être longue. Cette idée troublait la paresse profonde de son esprit et alarmait sa sagesse qui redoutait toute action comme une source de périls.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L\\'Orme du mail, tome 2, 1897, page 216. 

Ø 16. Il faut avoir son rythme à soi et faire constamment en sorte qu\\'il ne coïncide avec celui d\\'aucun autre. Marcher du même pas que quelqu\\'un, c\\'est déjà attenter un peu à sa liberté, et, parfois, alarmer sa pudeur. Il faut vivre avec des millions d\\'êtres qui sont nos semblables en affectant non seulement de ne pas les voir, mais encore en s\\'appliquant à les fuir poliment, socialement.

GEORGES DUHAMEL, Confession de minuit,  1920, pages 98-99. 

II.—  Emploi pronominal.  Prendre peur devant un danger, s\\'inquiéter vivement. 

A.—  [Le sujet est une personne] :

Ø 17. Annette, par suite de sa croyance que nul ne faisoit mal, n\\'avoit pas été inquiète, elle ne s\\'étoit alarmée que pour sa mère :...

HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 2, 1824, page 33. 

Ø 18. Trop loin de soupçonner ce qui se passait en elle pour pouvoir s\\'en alarmer, Mademoiselle de la Seiglière s\\'abandonnait sans trouble aux sensations qui affluaient à son coeur comme les flots d\\'une nouvelle vie.

JULES SANDEAU, Mademoiselle de la Seiglière,  1848, page 176. 

Ø 19.... à ce moment, Angélique s\\'aperçut qu\\'elle avait les pieds nus et que Félicien les voyait. Une confusion l\\'envahit. Elle n\\'osait plus bouger, certaine que, si elle se levait, il les verrait davantage. Puis, elle s\\'alarma, perdit la tête, se mit à fuir. 

ÉMILE ZOLA, Le Rêve,  1888, pages 85-86. 

Ø 20. Ma mère réprima un frémissement, car d\\'une sensibilité plus prompte que mon père, elle s\\'alarmait pour lui de ce qui ne devait le contrarier qu\\'un instant après. Les désagréments qui lui arrivaient étaient perçus d\\'abord par elle comme ces mauvaises nouvelles de France qui sont connues plus tôt à l\\'étranger que chez nous.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, À l\\'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 465. 

B.—  Littéraire.  [Le sujet est un inanimé abstrait exprimant un aspect de la sensibilité] :

Ø 21. J\\'ai tremblé quelquefois pour ma Victorine sans le lui dire; je la voyais sur une mer orageuse, avec un excellent pilote à la vérité, qui est sa vertu, mais tant d\\'écueils étaient sur sa route, qu\\'il était naturel à l\\'amitié de s\\'alarmer; enfin, pour continuer ma figure, vous voilà dans le port; dans un port qui s\\'est trouvé près de vous, et que vous ne pouviez espérer de trouver, et le vent le plus favorable, le plus inattendu vous y a poussée à pleines voiles.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L\\'Émigré,  1797, page 1880. 

Ø 22. Elle s\\'enveloppait dans son chiffon, avec une pudeur qui s\\'alarmait des moindres trous.

ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon,  1876, page 72. 

Remarque : Les emplois absolus de la forme pronominale du verbe sont rares (exemple 19), à moins de l\\'existence, dans le voisinage, d\\'un mot précisant les conditions de l\\'alarme (exemple 21). Généralement un complément de nom indique soit la cause matérielle ou morale de la peur (péroposition de, exemple 18, 22), soit la personne qui est l\\'objet de l\\'appréhension (péroposition pour, exemple 17, 20). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 317. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 802, b) 388; XXe.  siècle : a) 254, b) 302. 

 

ALARMER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif. 

A.—  Rare.  [Avec un complément désignant une ou plusieurs personnes]  Donner l'alarme, appeler aux armes : 

Ø 1. Par malheur, les soldats à minuit trois quarts qu'il était alors, n'étaient pas encore endormis; pendant qu'il marchait à pas de loup sur le toit de grosses tuiles creuses, Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur le toit, et qu'il fallait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 365. 

—  Par extension.  Avertir d'un danger, mettre en garde, alerter (avec le cas échéant une idée de trouble) : 

Ø 2.... vos paroles, animées d'une vertueuse énergie, lanceraient tour à tour sur les hommes dépravés les foudres de l'indignation et les traits pénétrants du sarcasme. Vous n'iriez point contrister le pauvre, alarmer la conscience du faible, et baisser, devant le vice puissant, un oeil indignement respectueux; mais votre voix, généreuse autant que sévère, flétrirait jusque sous la pourpre les bassesses de la flatterie et de la corruption des cours.

PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Procès de Paul-Louis Courier, 1821, page 106. 

Ø 3. Cette translation des religieuses eût, laissé libre leur bâtiment de Paris : le bruit courut que les Jésuites le voulaient acheter et y établir un séminaire. Ici les amis de Port-Royal s'agitèrent trop. Ils espéraient toujours qu'un temps prochain viendrait où l'on pourrait réintégrer les captives dans leur monastère, et où Sion, comme on disait, reverrait sa tribu fidèle. Pour cela ils désiraient que la maison fût conservée libre et vacante, et, croyant mieux parer à cette migration des soeurs de Paris aux Champs, ils eurent l'idée d'alarmer et de mettre en mouvement Messieurs de Saint-Sulpice, qui, naturellement, n'auraient pas vu avec plaisir un séminaire rival s'élever dans le faubourg Saint-Jacques sous la direction des Jésuites.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, pages 587-588. 

Ø 4. L'Angleterre, alarmée par la réunion de la Savoie et de Nice, soupçonnait la France napoléonienne de préparer d'autres conquêtes. D'autre part, le principe des nationalités, auquel l'empereur restait fidèle, et qu'il n'aurait pu abandonner sans soulever contre lui l'opinion libérale, l'introduisait dans de nouveaux embarras ajoutés à ceux qu'il rencontrait déjà en Italie.

JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, page 205. 

Ø 5. J'ai dû m'interrompre pour mener Gustave chez le docteur. Dieu soit loué! Je suis sortie de la consultation très rassurée. Marchant nous avait alarmés, de sorte qu'heureusement nous avons pris le mal à temps.

ANDRÉ GIDE, L'École des femmes,  1929, page 1281. 

—  Emploi absolu : 

Ø 6. Pour cet homme-là les jours de fêtes sont des jours d'inquiétude; le brouillard est son ennemi. Il ne dîne point alors; il ne dort point. Je l'imagine allant et venant, sur sa puissante voiture, le long des dangereuses lignes de sortie, tombant à l'improviste, à la manière du petit caporal, sur les sentinelles isolées ou sur les subalternes dormants. Par lui-même il observe les feux verts et les feux rouges; et, d'après ce qu'il remarque, il alarme, il ralentit, il bloque, il dégage. Je ne conçois pas d'autre manière de diriger un réseau; ou bien alors ceux qui prétendent diriger se moquent de nous.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1934, page 1199. 

B.—  Effaroucher, mettre dans un état de grand trouble, d'inquiétude en raison d'un danger. 

1. [Le complément direct désigne une personne ou un ensemble de personne] :

Ø 7. L'état craintif, chagrin, douteux, tient en moi à une sorte de mécanisme organique dont l'effet est complètement indépendant de ma volonté. Dans cet état qui est une vraie maladie, je ne suis propre à rien; toutes mes déterminations sont incertaines et extrêmement mobiles; le moindre objet me trouble et suffit pour m'alarmer; je suis mécontent de tout ce qui vient de moi; j'efface à mesure ce que je viens d'écrire; je reste une heure pour construire laborieusement une phrase qui ne fait rien au sujet principal dont je m'occupe et qu'il faudra rayer...

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1819, page 218. 

Ø 8. Ce soir le bureau est fermé, ce n'est que demain à neuf heures que je recevrai cette lettre qui doit me rassurer ou m'alarmer. Une heure après je pars pour Lyon, où je serai samedi matin; là encore j'espère recevoir un mot de vous.

ANDRÉ-MARIE AMPÈRE, JEAN-JACQUES AMPÈRE, Correspondance et souvenirs,  1824, page 298. 

Ø 9. Les dangers dont vous pensiez m'effrayer m'alarment si peu d'ailleurs que je croirais commencer à être coupable si je pensais à me prémunir contre eux.

CHARLES NODIER, La Fée aux miettes,  1831, page 177. 

·    Alarmer l'opinion : 

Ø 10. Il fit écrire par des hommes à sa dévotion et insérer dans plusieurs journaux officieux des articles qui, semblant exprimer la pensée même de Paul Visire, prêtaient au chef du gouvernement des intentions belliqueuses. En même temps qu'ils éveillaient un écho terrible à l'étranger, ces articles alarmaient l'opinion chez un peuple qui aimait les soldats, mais n'aimait pas la guerre.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins,  1908, pages 388-389. 

Ø 11.... les troupes absentes de leurs garnisons avaient reçu l'ordre d'y rentrer; en outre, le bruit commençait à courir du rappel des deux dernières classes. Cependant, la perspective de la guerre, malgré les précautions prises pour ne pas alarmer l'opinion, commençait à se faire sentir dans le pays. Je n'en veux pour preuve que la démarche accomplie au ministère de la Guerre, dans cette journée du 29, par M. Deviès, chef de service au Creusot.

MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 216. 

—  Emploi absolu : 

Ø 12. Dans ces découvertes des commissaires de Saint-Martin-Des-Champs, tout est fait pour alarmer, tout est fait pour jeter l'effroi dans les âmes. Encore n'est-ce là qu'un aperçu pris sur les lieux : que serait-ce, s'ils avaient approfondi l'affreux mystère, s'ils avaient eu communication des registres d'entrée et de sortie, dont le directeur en chef leur avait d'abord offert l'examen, et qu'il leur a refusé ensuite, sous prétexte de travailler à un relevé pour le comité des subsistances!

JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, page 180. 

2. Littéraire.  [Le complément direct est un inanimé abstrait, désignant un sentiment, une vertu ou tout autre aspect de la sensibilité] :

Ø 13. Une femme ordinaire dont on voudrait exalter l'attachement aurait besoin qu'on fût avec elle léger, inconséquent, inégal, tantôt affectueux, tantôt froid, il faudrait feindre d'autres inclinations, partir, revenir, alarmer sa vanité pour exciter sa jalousie, jouer un rôle, enfin. Je ne suis point comédien et tu es loin d'être une femme ordinaire.

VICTOR HUGO, Lettres à la fiancée,  1821, pages 58-59. 

Ø 14. J'avais relié mon trésor poétique en carton vert, couleur de bon augure pour une gloire en espérance. Je l'avais caché à ma mère dont la chaste et pieuse pureté d'esprit aurait été alarmée par la volupté plus antique que chrétienne de quelques-unes de ces élégies.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Raphaël,  1849, page 246. 

Ø 15. L'animosité de ses adversaires et la rancune des partis qu'il croyait avoir désarmés l'attristaient dans son âme. Il souffrait de n'avoir pas conquis, après tant de sacrifices, l'estime des conservateurs, qu'il mettait intérieurement à plus haut prix que l'amitié des républicains. Il fallait inspirer au Phare des réponses habiles et énergiques, conduire une polémique vive et peut-être longue. Cette idée troublait la paresse profonde de son esprit et alarmait sa sagesse qui redoutait toute action comme une source de périls.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Orme du mail, tome 2, 1897, page 216. 

Ø 16. Il faut avoir son rythme à soi et faire constamment en sorte qu'il ne coïncide avec celui d'aucun autre. Marcher du même pas que quelqu'un, c'est déjà attenter un peu à sa liberté, et, parfois, alarmer sa pudeur. Il faut vivre avec des millions d'êtres qui sont nos semblables en affectant non seulement de ne pas les voir, mais encore en s'appliquant à les fuir poliment, socialement.

GEORGES DUHAMEL, Confession de minuit,  1920, pages 98-99. 

II.—  Emploi pronominal.  Prendre peur devant un danger, s'inquiéter vivement. 

A.—  [Le sujet est une personne] :

Ø 17. Annette, par suite de sa croyance que nul ne faisoit mal, n'avoit pas été inquiète, elle ne s'étoit alarmée que pour sa mère :...

HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 2, 1824, page 33. 

Ø 18. Trop loin de soupçonner ce qui se passait en elle pour pouvoir s'en alarmer, Mademoiselle de la Seiglière s'abandonnait sans trouble aux sensations qui affluaient à son coeur comme les flots d'une nouvelle vie.

JULES SANDEAU, Mademoiselle de la Seiglière,  1848, page 176. 

Ø 19.... à ce moment, Angélique s'aperçut qu'elle avait les pieds nus et que Félicien les voyait. Une confusion l'envahit. Elle n'osait plus bouger, certaine que, si elle se levait, il les verrait davantage. Puis, elle s'alarma, perdit la tête, se mit à fuir. 

ÉMILE ZOLA, Le Rêve,  1888, pages 85-86. 

Ø 20. Ma mère réprima un frémissement, car d'une sensibilité plus prompte que mon père, elle s'alarmait pour lui de ce qui ne devait le contrarier qu'un instant après. Les désagréments qui lui arrivaient étaient perçus d'abord par elle comme ces mauvaises nouvelles de France qui sont connues plus tôt à l'étranger que chez nous.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 465. 

B.—  Littéraire.  [Le sujet est un inanimé abstrait exprimant un aspect de la sensibilité] :

Ø 21. J'ai tremblé quelquefois pour ma Victorine sans le lui dire; je la voyais sur une mer orageuse, avec un excellent pilote à la vérité, qui est sa vertu, mais tant d'écueils étaient sur sa route, qu'il était naturel à l'amitié de s'alarmer; enfin, pour continuer ma figure, vous voilà dans le port; dans un port qui s'est trouvé près de vous, et que vous ne pouviez espérer de trouver, et le vent le plus favorable, le plus inattendu vous y a poussée à pleines voiles.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1880. 

Ø 22. Elle s'enveloppait dans son chiffon, avec une pudeur qui s'alarmait des moindres trous.

ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon,  1876, page 72. 

Remarque : Les emplois absolus de la forme pronominale du verbe sont rares (exemple 19), à moins de l'existence, dans le voisinage, d'un mot précisant les conditions de l'alarme (exemple 21). Généralement un complément de nom indique soit la cause matérielle ou morale de la peur (péroposition de, exemple 18, 22), soit la personne qui est l'objet de l'appréhension (péroposition pour, exemple 17, 20). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 317. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 802, b) 388; XXe.  siècle : a) 254, b) 302. 

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