Devoir de Philosophie

Aztèques, plaie ouverte au flanc de l'américanisme, qu'une obsession maniaque

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

Aztèques, plaie ouverte au flanc de l'américanisme, qu'une obsession maniaque pour le sang et la torture (en vérité universelle, mais patente chez eux sous cette forme excessive que la comparaison permet de définir) - si explicable u'elle soit par le besoin d'apprivoiser la mort - place à nos côtés, non point comme seuls iniques, mais pour l'avoir été à otre manière, de façon démesurée. Pourtant, cette condamnation de nous-mêmes, par nous-mêmes infligée, n'implique pas que nous accordions un prix 'excellence à telle ou telle société présente ou passée, localisée en un point déterminé du temps et de l'espace. Là serait raiment l'injustice ; car, en procédant ainsi, nous méconnaîtrions que, si nous en faisions partie, cette société nous araîtrait intolérable : nous la condamnerions au même titre que celle à qui nous appartenons. Aboutirions-nous donc au rocès de tout état social quel qu'il soit ? à la glorification d'un état naturel auquel l'ordre social n'aurait apporté que la orruption ? « Méfiez-vous de celui qui vient mettre de l'ordre », disait Diderot dont c'était la position. Pour lui,  l'histoire abrégée » de l'humanité se résumait de la façon suivante : « Il existait un homme naturel ; on a introduit auedans de cet homme un homme artificiel ; et il s'est élevé dans la caverne une guerre continuelle qui dure toute la vie. » ette conception est absurde. Qui dit homme dit langage, et qui dit langage dit société. Les Polynésiens de Bougainville en « supplément au voyage » duquel Diderot propose cette théorie) ne vivaient pas en société moins que nous. À rétendre autre chose, on marche à l'encontre de l'analyse ethnographique, et non dans le sens qu'elle nous incite à xplorer. En agitant ces problèmes, je me convaincs qu'ils n'admettent pas de réponse, sinon celle que Rousseau leur a donnée : ousseau, tant décrié, plus mal connu qu'il ne le fut jamais, en butte à l'accusation ridicule qui lui attribue une lorification de l'état de nature - où l'on peut voir l'erreur de Diderot mais non pas la sienne -, car il a dit exactement le ontraire et reste seul à montrer comment sortir des contradictions où nous errons à la traîne de ses adversaires ; ousseau, le plus ethnographe des philosophes : s'il n'a jamais voyagé dans des terres lointaines, sa documentation était ussi complète qu'il était possible à un homme de son temps, et il la vivifiait - à la différence de Voltaire - par une uriosité pleine de sympathie pour les moeurs paysannes et la pensée populaire ; Rousseau, notre maître, Rousseau, otre frère, envers qui nous avons montré tant d'ingratitude, mais à qui chaque page de ce livre aurait pu être dédiée si 'hommage n'eût pas été indigne de sa grande mémoire. Car, de la contradiction inhérente à la position de l'ethnographe, nous ne sortirons jamais qu'en répétant pour notre compte la démarche qui l'a fait passer, des ruines laissées par le Discours sur l'origine de l'inégalité, à l'ample construction du Contrat social dont l'Émile révèle le secret. À lui, nous evons de savoir comment, après avoir anéanti tous les ordres, on peut encore découvrir les principes qui permettent 'en édifier un nouveau. Jamais Rousseau n'a commis l'erreur de Diderot qui consiste à idéaliser l'homme naturel. Il ne risque pas de mêler 'état de nature et l'état de société ; il sait que ce dernier est inhérent à l'homme, mais il entraîne des maux : la seule uestion est de savoir si ces maux sont eux-mêmes inhérents à l'état. Derrière les abus et les crimes, on recherchera donc a base inébranlable de la société humaine. À cette quête, la comparaison ethnographique contribue de deux manières. Elle montre que cette base ne saurait être rouvée dans notre civilisation : de toutes les sociétés observées, c'est sans doute celle qui s'en éloigne le plus. D'autre art, en dégageant les caractères communs à la majorité des sociétés humaines, elle aide à constituer un type qu'aucune e reproduit fidèlement, mais qui précise la direction où l'investigation doit s'orienter. Rousseau pensait que le genre de ie que nous appelons aujourd'hui néolithique en offre l'image expérimentale la plus proche. On peut être ou non 'accord avec lui. Je suis assez porté à croire qu'il avait raison. Au néolithique, l'homme a déjà fait la plupart des nventions qui sont indispensables pour assurer sa sécurité. On a vu pourquoi on peut en exclure l'écriture ; dire qu'elle st une arme à double tranchant n'est pas une marque de primitivisme ; les modernes cybernéticiens ont redécouvert ette vérité. Avec le néolithique, l'homme s'est mis à l'abri du froid et de la faim ; il a conquis le loisir de penser ; sans oute lutte-t-il mal contre la maladie, mais il n'est pas certain que les progrès de l'hygiène aient fait plus que rejeter sur 'autres mécanismes : grandes famines et guerres d'extermination, la charge de maintenir une mesure démographique à uoi les épidémies contribuaient d'une façon qui n'était pas plus effroyable que les autres. À cet âge du mythe, l'homme n'était pas plus libre qu'aujourd'hui ; mais sa seule humanité faisait de lui un esclave. omme son autorité sur la nature restait très réduite, il se trouvait protégé - et dans une certaine mesure affranchi - par e coussin amortisseur de ses rêves. Au fur et à mesure que ceux-ci se transformaient en connaissance, la puissance de 'homme s'est accrue ; mais nous mettant - si l'on peut dire - « en prise directe » sur l'univers, cette puissance dont nous irons tant d'orgueil, qu'est-elle en vérité sinon la conscience subjective d'une soudure progressive de l'humanité à 'univers physique dont les grands déterminismes agissent désormais, non plus en étrangers redoutables mais, par 'intermédiaire de la pensée elle-même, nous colonisant au profit d'un monde silencieux dont nous sommes devenus les gents ? Rousseau avait sans doute raison de croire qu'il eût, pour notre bonheur, mieux valu que l'humanité tînt « un juste ilieu entre l'indolence de l'état primitif et la pétulante activité de notre amour-propre » ; que cet état était « le meilleur l'homme » et que, pour l'en sortir, il a fallu « quelque funeste hasard » où l'on peut reconnaître ce phénomène oublement exceptionnel - parce qu'unique et parce que tardif - qui a consisté dans l'avènement de la civilisation mécanique. Il reste pourtant clair que cet état moyen n'est nullement un état primitif, qu'il suppose et tolère une certaine dose de progrès ; et qu'aucune société décrite n'en présente l'image privilégiée, même si « l'exemple des sauvages, qu'on a presque tous trouvés à ce point, semble confirmer que le genre humain était fait pour y rester toujours ». L'étude de ces sauvages apporte autre chose que la révélation d'un état de nature utopique, ou la découverte de la ociété parfaite au coeur des forêts ; elle nous aide à bâtir un modèle théorique de la société humaine, qui ne correspond aucune réalité observable, mais à l'aide duquel nous parviendrons à démêler « ce qu'il y a d'originaire et d'artificiel dans a nature actuelle de l'homme et à bien connaître un état qui n'existe plus, qui peut-être n'a point existé, qui robablement n'existera jamais, et dont il est pourtant nécessaire d'avoir des notions justes pour bien juger de notre état résent ». J'ai déjà cité cette formule pour dégager le sens de mon enquête chez les Nambikwara ; car la pensée de ousseau, toujours en avance sur son temps, ne dissocie pas la sociologie théorique de l'enquête au laboratoire ou sur le errain, dont il a compris le besoin. L'homme naturel n'est ni antérieur, ni extérieur à la société. Il nous appartient de etrouver sa forme, immanente à l'état social hors duquel la condition humaine est inconcevable ; donc, de tracer le rogramme des expériences qui « seraient nécessaires pour parvenir à connaître l'homme naturel » et de déterminer  les moyens de faire ces expériences au sein de la société ». Mais ce modèle - c'est la solution de Rousseau - est éternel et universel. Les autres sociétés ne sont peut-être pas eilleures que la nôtre ; même si nous sommes enclins à le croire, nous n'avons à notre disposition aucune méthode our le prouver. À les mieux connaître, nous gagnons pourtant un moyen de nous détacher de la nôtre, non point que elle-ci soit absolument ou seule mauvaise, mais parce que c'est la seule dont nous devions nous affranchir : nous le ommes par état des autres. Nous nous mettons ainsi en mesure d'aborder la deuxième étape qui consiste, sans rien etenir d'aucune société, à les utiliser toutes pour dégager ces principes de la vie sociale qu'il nous sera possible 'appliquer à la réforme de nos propres moeurs, et non de celles des sociétés étrangères : en raison d'un privilège inverse u précédent, c'est la société seule à laquelle nous appartenons que nous sommes en position de transformer sans isquer de la détruire ; car ces changements viennent aussi d'elle, que nous y introduisons. En plaçant hors du temps et de l'espace le modèle dont nous nous inspirons, nous courons certainement un risque, qui st de sous-évaluer la réalité du progrès. Notre position revient à dire que les hommes ont toujours et partout entrepris a même tâche en s'assignant le même objet, et qu'au cours de leur devenir les moyens seuls ont différé. J'avoue que ette attitude ne m'inquiète pas ; elle semble la mieux conforme aux faits, tels que nous les révèlent l'histoire et 'ethnographie ; et surtout elle me paraît plus féconde. Les zélateurs du progrès s'exposent à méconnaître, par le peu de as qu'ils en font, les immenses richesses accumulées par l'humanité de part et d'autre de l'étroit sillon sur lequel ils ardent les yeux fixés ; en sous-estimant l'importance d'efforts passés, ils déprécient tous ceux qu'il nous reste à ccomplir. Si les hommes ne se sont jamais attaqués qu'à une besogne, qui est de faire une société vivable, les forces qui nt animé nos lointains ancêtres sont aussi présentes en nous. Rien n'est joué ; nous pouvons tout reprendre. Ce qui fut ait et manqué peut être refait : « L'âge d'or qu'une aveugle superstition avait placé derrière [ou devant] nous, est en nous. » La fraternité humaine acquiert un sens concret en nous présentant, dans la plus pauvre tribu, notre image confirmée et une expérience dont, jointe à tant d'autres, nous pouvons assimiler les leçons. Nous retrouverons même à celles-ci une fraîcheur ancienne. Car, sachant que depuis des millénaires l'homme n'est parvenu qu'à se répéter, nous accéderons à cette noblesse de la pensée qui consiste, par delà toutes les redites, à donner pour point de départ à nos réflexions la grandeur indéfinissable des commencements. Puisque être homme signifie, pour chacun de nous, appartenir à une classe, à une société, à un pays, à un continent et à une civilisation ; et que pour nous, Européens et terriens, l'aventure au coeur du Nouveau Monde signifie d'abord qu'il ne fut pas le nôtre, et que nous portons le crime de sa destruction ; et ensuite, qu'il n'y en aura plus d'autre : ramenés à nous-mêmes par cette confrontation, sachons au moins l'exprimer dans ses termes premiers - en un lieu, et nous rapportant à un temps où notre monde a perdu la chance qui lui était offerte de choisir entre ses missions. XXXIX TAXILA Au pied des montagnes du Cachemire, entre Rawalpindi et Peshawar, s'élève le site de Taxila à quelques kilomètres de la voie ferrée. J'avais emprunté celle-ci pour m'y rendre, involontairement responsable d'un menu drame. Car l'unique compartiment de première classe où je montai était d'un type ancien - sleep 4, seat 6 - qui tient le milieu entre le ourgon à bestiaux, le salon et - par les barreaux protecteurs aux fenêtres - la prison. Une famille musulmane s'y trouvait nstallée : le mari, la femme et deux enfants. La dame était purdah. En dépit d'une tentative pour s'isoler : accroupie sur sa couchette, enveloppée du burkah et me tournant obstinément le dos, cette promiscuité parut tout de même trop candaleuse, et il fallut que la famille se séparât ; la femme et les enfants se rendirent au compartiment des dames eules, tandis que le mari continuait à occuper les places réservées en m'assassinant des yeux. Je pris mon parti de 'incident, plus aisément en vérité que du spectacle que m'offrit à l'arrivée, pendant que j'attendais un moyen de ransport, la salle d'attente de la station qui communiquait avec un salon aux murs couverts de boiseries marron, le long esquels étaient disposées une vingtaine de chaises percées, comme pour servir aux réunions d'un cénacle ntérologique. Une de ces petites voitures à cheval appelées gharry, où l'on s'assied dos au cocher, en péril d'être jeté par-dessus ord à chaque cahot, me conduisit jusqu'au site archéologique par une route poudreuse bordée de maisons basses en orchis, entre les eucalyptus, les tamaris, les mûriers et les poivriers. Les vergers de citronniers et d'orangers s'étendaient au bas d'une colline en pierre bleuâtre, parsemée d'oliviers sauvages. Je dépassai des paysans vêtus de couleurs tendres : lanc, rose, mauve et jaune, et coiffés de turbans en forme de galette. J'arrivai enfin aux pavillons administratifs ntourant le musée. Il avait été convenu que j'y ferais un bref séjour, le temps de visiter les gisements ; mais comme le télégramme « officiel et urgent », envoyé de Lahore la veille pour m'annoncer, ne parvint au directeur que cinq jours plus tard en raison des inondations qui sévissaient au Punjab, j'aurais pu aussi bien venir impromptu. Le site de Taxila, qui porta jadis le nom sanscrit de Takshasilâ - la ville des tailleurs de pierres - occupe un double cirque, profond d'une dizaine de kilomètres, formé par les vallées convergentes des rivières Haro et Tamra Nala : le iberio Potamos des anciens. Les deux vallées, et la crête qui les sépare, furent habitées par l'homme pendant dix ou douze siècles, sans interruption : depuis la fondation du plus ancien village exhumé qui date du VIe siècle avant notre ère, usqu'à la destruction des monastères bouddhistes par les Huns blancs qui envahirent les royaumes kushan et gupta, ntre 500 et 600 après Jésus-Christ. En remontant les vallées, on descend le cours de l'histoire. Bhir Mound, au pied de la rête médiane, est le site le plus vieux ; quelques kilomètres en amont, on trouve la ville de Sirkap qui connut sa plendeur sous les Parthes et, juste au-dehors de l'enceinte, le temple zoroastrien de Jandial que visita Apollonius de Tyane ; plus loin encore, c'est la cité kushan de Sirsuk et tout autour, sur les hauteurs, les stupas et monastères bouddhistes de Mohra Moradu, Jaulian, Dharmarâjikâ, hérissés de statues en glaise jadis crue, mais que les incendies llumés par les Huns préservèrent par hasard en la cuisant. Vers le Ve siècle avant notre ère, il y avait là un village qui fut incorporé à l'empire achéménide et devint un centre universitaire. Dans sa marche vers la Jumna, Alexandre s'arrêta pendant quelques semaines, en 326, à l'endroit même où sont aujourd'hui les ruines de Bhir Mound. Un siècle plus tard, les empereurs maurya régnent sur Taxila, où Asoka - qui construisit le plus grand stupa - favorisa l'implantation du bouddhisme. L'empire maurya s'effondre à sa mort qui urvient en 231, et les rois grecs de Bactriane le remplacent. Vers 80 avant notre ère, ce sont les Scythes qui s'installent, bandonnant à leur tour le terrain aux Parthes dont l'empire s'étend, vers 30 après Jésus-Christ, de Taxila à Doura uropos. On situe à ce moment la visite d'Apollonius. Mais, depuis deux siècles déjà, les populations kushan sont en arche, du nord-ouest de la Chine qu'elles quittent vers 170 avant Jésus-Christ jusqu'à la Bactriane, l'Oxus, Kaboul et inalement l'Inde du Nord, qu'elles occupent vers l'an 60, pour un temps dans le voisinage des Parthes. Tombés en écadence dès le IIIe siècle, les Kushan disparaissent sous les coups des Huns deux cents ans plus tard. Quand le pèlerin hinois Hsüan Tsang visite Taxila au VIIe siècle, il n'y trouve plus que les vestiges d'une splendeur passée. Au centre de Sirkap, dont les ruines dessinent à fleur de terre le plan quadrangulaire et les rues tirées au cordeau, un onument donne son plein sens à Taxila ; c'est l'autel dit « de l'aigle à deux têtes » sur le socle duquel on voit trois ortiques sculptés en bas-reliefs : l'un à fronton, de style gréco-romain, l'autre en cloche à la manière bengali ; le roisième fidèle au style bouddhique archaïque des portails de Bharhut. Mais ce serait encore sous-estimer Taxila que la éduire au lieu où, pendant quelques siècles, trois des plus grandes traditions spirituelles de l'Ancien Monde ont vécu ôte à côte : hellénisme, hindouisme, bouddhisme ; car la Perse de Zoroastre était aussi présente, et, avec les Parthes et es Scythes, cette civilisation des steppes, ici combinée avec l'inspiration grecque pour créer les plus beaux bijoux jamais ortis des mains d'un orfèvre ; ces souvenirs n'étaient pas encore oubliés que l'Islam envahissait la contrée pour ne plus la uitter. À l'exception de la chrétienne, toutes les influences dont est pénétrée la civilisation de l'Ancien Monde sont ici assemblées. Des sources lointaines ont confondu leurs eaux. Moi-même, visiteur européen méditant sur ces ruines, 'atteste la tradition qui manquait. Où, mieux qu'en ce site qui lui présente son microcosme, l'homme de l'Ancien Monde, enouant avec son histoire, pourrait-il s'interroger ?

« mécanique. Ilreste pourtant clairquecetétat moyen n’estnullement unétat primitif, qu’ilsuppose ettolère unecertaine dose deprogrès ; etqu’aucune sociétédécriten’enprésente l’imageprivilégiée, mêmesi« l’exemple dessauvages, qu’on a presque toustrouvés àce point, semble confirmer quelegenre humain étaitfaitpour yrester toujours ». L’étude deces sauvages apporteautrechose quelarévélation d’unétatdenature utopique, ouladécouverte dela société parfaite aucœur desforêts ; ellenous aideàbâtir unmodèle théorique delasociété humaine, quinecorrespond à aucune réalitéobservable, maisàl’aide duquel nousparviendrons àdémêler « cequ’il ya d’originaire etd’artificiel dans la nature actuelle del’homme etàbien connaître unétat quin’existe plus,quipeut-être n’apoint existé, qui probablement n’existerajamais,etdont ilest pourtant nécessaire d’avoirdesnotions justespourbienjuger denotre état présent ».

J’aidéjà citécette formule pourdégager lesens demon enquête chezlesNambikwara ; carlapensée de Rousseau, toujoursenavance surson temps, nedissocie paslasociologie théoriquedel’enquête aulaboratoire ousur le terrain, dontila compris lebesoin.

L’homme natureln’estniantérieur, niextérieur àla société.

Ilnous appartient de retrouver saforme, immanente àl’état social horsduquel lacondition humaineestinconcevable ; donc,detracer le programme desexpériences qui« seraient nécessaires pourparvenir àconnaître l’hommenaturel » etde déterminer « les moyens defaire cesexpériences ausein delasociété ». Mais cemodèle –c’est lasolution deRousseau –est éternel etuniversel.

Lesautres sociétés nesont peut-être pas meilleures quelanôtre ; mêmesinous sommes enclinsàle croire, nousn’avons ànotre disposition aucuneméthode pour leprouver.

Àles mieux connaître, nousgagnons pourtant unmoyen denous détacher delanôtre, nonpoint que celle-ci soitabsolument ouseule mauvaise, maisparce quec’est laseule dontnous devions nousaffranchir : nousle sommes parétat desautres.

Nousnousmettons ainsienmesure d’aborder ladeuxième étapequiconsiste, sansrien retenir d’aucune société,àles utiliser toutespourdégager cesprincipes delavie sociale qu’ilnous serapossible d’appliquer àla réforme denos propres mœurs,etnon decelles dessociétés étrangères : enraison d’unprivilège inverse du précédent, c’estlasociété seuleàlaquelle nousappartenons quenous sommes enposition detransformer sans risquer deladétruire ; carces changements viennentaussid’elle, quenous yintroduisons. En plaçant horsdutemps etde l’espace lemodèle dontnous nousinspirons, nouscourons certainement unrisque, qui est desous-évaluer laréalité duprogrès.

Notreposition revientàdire queleshommes onttoujours etpartout entrepris la même tâcheens’assignant lemême objet,etqu’au coursdeleur devenir lesmoyens seulsontdifféré.

J’avoue que cette attitude nem’inquiète pas ;ellesemble lamieux conforme auxfaits, telsque nous lesrévèlent l’histoire et l’ethnographie ; etsurtout ellemeparaît plusféconde.

Leszélateurs duprogrès s’exposent àméconnaître, parlepeu de cas qu’ils enfont, lesimmenses richessesaccumulées parl’humanité depart etd’autre del’étroit sillonsurlequel ils gardent lesyeux fixés ; ensous-estimant l’importanced’effortspassés,ilsdéprécient tousceux qu’ilnous reste à accomplir.

Siles hommes nesesont jamais attaqués qu’àunebesogne, quiestdefaire unesociété vivable, lesforces qui ont animé noslointains ancêtres sontaussi présentes ennous.

Rienn’est joué ; nouspouvons toutreprendre.

Cequi fut fait etmanqué peutêtrerefait : « L’âge d’orqu’une aveugle superstition avaitplacé derrière [oudevant] nous,est en nous. » La fraternité humaineacquiert unsens concret ennous présentant, danslaplus pauvre tribu,notre image confirmée etune expérience dont,jointe àtant d’autres, nouspouvons assimiler lesleçons.

Nousretrouverons mêmeà celles-ci unefraîcheur ancienne.

Car,sachant quedepuis desmillénaires l’hommen’estparvenu qu’àserépéter, nous accéderons àcette noblesse delapensée quiconsiste, pardelà toutes lesredites, àdonner pourpoint dedépart ànos réflexions lagrandeur indéfinissable descommencements.

Puisqueêtrehomme signifie,pourchacun denous, appartenir à une classe, àune société, àun pays, àun continent etàune civilisation ; etque pour nous, Européens etterriens, l’aventure aucœur duNouveau Mondesignified’abord qu’ilnefut pas lenôtre, etque nous portons lecrime desa destruction ; etensuite, qu’iln’yenaura plusd’autre : ramenés ànous-mêmes parcette confrontation, sachonsaumoins l’exprimer danssestermes premiers –en un lieu, etnous rapportant àun temps oùnotre monde aperdu lachance quilui était offerte dechoisir entresesmissions.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles