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BACHELARD (Gaston)

Publié le 02/04/2015

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BACHELARD (Gaston) _____________________________________________

Né à Bar-sur-Aube en 1884, employé des Postes puis professeur de physique après des études d'ingénieur et de mathématiques, il est agrégé de philosophie en 1922. Après ses deux thèses de philosophie des sciences : Essai sur la connaissance approchée, Étude sur l'évo­lution d'un problème de physique : la propagation thermique dans les solides, 1928, il enseigne à la faculté de Dijon en 1930, puis à la Sorbonne (1940-1954). Ses premiers travaux se consacrent à l'épisté­mologie : La Valeur inductive de la relativité, 1929, Le Pluralisme cohérent de la chimie moderne, 1932 ; une synthèse : Le Nouvel esprit scientifique, 1934 ; une métaphysique du temps : La Dialectique de la durée, 1936 ; L'Expérience de l'espace dans la physique contem­poraine, 1937. La Formation de l'esprit scientitique : contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, 1938, en purifiant la science de ses obstacles, fournit en outre la matière d'une analyse poétique : La Psychanalyse du feu. Après une seconde synthèse : La Philosophie du non : essai d'une philosophie du nouvel esprit scienti­fique, 1940, l'exploration de l'imaginaire se poursuit avec Lau­tréamont, 1940, L'Eau et les rêves : essai sur l'imagination de la matière, 1942, L'Air et les songes : essai sur l'imagination du mou­vement, 1943, La Terre et les rêveries de la volonté : essai sur l'ima­gination des forces, La Terre et les rêveries du repos: essai sur l'ima­gination de l'intimité, 1948. En 1949, Le rationalisme appliqué se place au centre de la philosophie des sciences tandis que L'Activité rationaliste de la physique contemporaine, 1951, et Le matérialisme rationnel, 1953, réexaminent deux sciences exemplaires : la physique et la chimie. L'étude des éléments cède la place aux poétiques : La Poétique de l'espace, 1957, et La Poétique de la rêverie, 1961. Il meurt â Paris en 1962.

1.    L'épistémologie de Bachelard

En cherchant à « déterminer les conditions épistémologiques du progrès scientifique «, il thématise les ruptures des sciences contemporaines avec la connaissance commune, la science classique et l'idée d'une science achevée ; ces ruptures sont considérées selon trois registres : historico-dialectique, psycho-pédagogique et ontologique.

a — Il y a rupture entre la connaissance commune et la connaissance scientifique, telle est la conviction profonde du Rationalisme applique et du Matérialisme rationnel achevant une épistémologie discontinuiste radicalement opposée au continuisme de Duhem et de Meyerson. Les ruptures histo­riques produites par les trois Mécaniques, relativiste, ondula­toire et quantique, ruinent la thèse d'une connaissance scientifique découlant des mécanismes du sens commun, et installent ces sciences au-delà de l'état positif d'A. Comte, dans un état non-comtiste. La formation de l'esprit scienti­fique exige des ruptures psychologiques avec l'expérience première, l'intuition, l'immediat, la généralité qui sont autant d'obstacles épistémologiques à combattre par une « psycha­nalyse « adéquate. Une ontologie de la relation remplace le chosisme du réalisme. Le phénomène apparaît comme un noeud de relations, résultat d'une série d'approximations qui sont autant de rectifications. L'objet, « foyer imaginaire des déterminations « devient « perspective des idées «.

b — Les sciences actuelles créent un nouvel esprit scienti­fique dont l'épistémologie doit dégager la philosophie implicite.

La philosophie du non prend acte des ruptures : géométrie non-euclidienne, relativité non-newtonienne, mécaniques quantique et ondulatoire non-matérialiste et non-détermi­niste, chimie non-lavoisienne et logique non-aristotélicienne. Leur richesse théorique exige un « pluralisme philoso­phique «, une « philosophie distribuée «. Chaque concept traverse toutes les doctrines (animisme, réalisme, positivisme, rationalisme et surrationalisme complexe et dialectique) pour réaliser sa « perspective philosophique «.Une psychologie de l'esprit scientifique accompagne cette « philosophie dis­persée « : une conceptualisation réalise dans un esprit son « profil mental « dans lequel chaque philosophie, par son coefficient de réalité ou d'efficacité, n'occupe qu'une bande de ce « spectre épistémologique «. Le profil épistémologique gardant la trace des obstacles épistémologiques rencontrés, une notion n'est jamais le substitut d'une chose mais un moment de l'évolution de la pensée. La pensée dialectisée élabore l'objet sur le mode polémique : « l'atome est exacte­ment la somme des critiques auxquelles on soumet son image première «.

c — Les sciences nouvelles évitent toute figure d'équilibre en s'installant dans la mobilité de leur inachèvement. Leur statut relève d'une dialectique historique : « à chacun de ses succès, la science redresse la perspective de son histoire « ; une histoire récurrente ou normative « découvre dans le passé la formation progressive de la vérité «. Cette « histoire des défaites de l'irrationalisme « est « la plus irréversible qui soit « : la science se fonde en construisant. Elle a une valeur pédagogique capitale car l'« allure révolutionnaire de la science contemporaine doit réagir profondément sur la

structure de l'esprit, (...) structure variable dès l'instant où la connaissance a une histoire «. Le rationalisme ouvert réalise l'équivalent psychologique de la science inachevée. Il aboutit à un monde de noumènes scientifiques : les phéno­mènes intelligibles créés par les techniques scientifiques. Cette phénoménotechnie transforme le sujet intuitif des « philosophes « en un sujet indirect et outillé : le « cogito d'appareil «, qui interprète la nature à travers le prisme des appareils complexes, véritables reifications de théorèmes.

Cette union entre la théorie mathématique et l'expérimen­tation fine caractérise le travail de la « Cité savante «. Le rationalisme appliqué et le matérialisme instruit forment un couple central autour duquel s'ordonnent des couples de plus en plus inopérants : formalisme et positivisme, conventiona-lisme et empirisme, enfin idéalisme et réalisme. Le rationa­lisme lui-même se scinde en « rationalismes régionaux « producteurs d'objets spécifiques : ex. le rationalisme élec­trique (cf. Le Rationalisme appliqué).

2.    La « poétique «

Bachelard reconnaît une « nette polarité de l'intellect et de l'imagination « fondée dans une anthropologie dualiste opposant le matérialisme rationnel au matérialisme onirique, et « acceptant une double vie, celle de l'homme nocturne et de l'homme diurne «. Le matérialisme onirique privilégie :

1 — le verbe contre la forme et le figuratif ; « le véritable domaine pour étudier l'imagination ce n'est pas la peinture, c'est l'oeuvre littéraire, c'est le mot, c'est la phrase. Alors combien la forme est peu de chose ! combien la matière commande. «

2 — la rêverie dont la structure étoilée centrée sur un objet s'oppose à la linéarité rigide du rêve ;

3 — les éléments de la physique naïve qui matérialisent l'imaginaire lequel, au-delà de l'imagination des formes, est gouverné par « la loi des quatre imaginations matérielles (...) qui attribue nécessairement à une imagination créatrice un des quatre éléments : feu, terre, air, eau. «

 

4 — l'irréel dont la fonction de déformation des images ouvre l'imagination. L'image est mobilité essentielle, nouveauté, dynamisme, transtemporalité, non conceptua-lisable, détente opposée à la tension scientifique. De l'etude des éléments à celle des poétiques, Bachelard semble modifier le point de vue objectif pris à l'égard des quatre éléments de la matière par une psychanalyse matérialiste. Pour fonder une métaphysique de l'imagination, la classifi­cation des images fondamentales doit céder le pas à une phénoménologie qui place la conscience individuelle au départ de l'image, dont elle saisit la subjectivité et l'action sur les âmes (sa transubjectivité), en décrivant la conscience naïve ou rêveuse. Un nouvel esprit littéraire fait ainsi pendant au nouvel esprit scientifique.

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