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classiques faites aux questions soulevées par le sacrifice.

Publié le 06/01/2014

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classiques faites aux questions soulevées par le sacrifice. Avec justesse, me semble-t-il (d'un point de vue purement littéraire, structurel), le rabbin moderne se concentre sur le contraste délibéré entre, d'un côté, la défense enflammée des Sodomites faite par Abraham, sa tentative de marchander les vies dans les villes condamnées, et, de l'autre, son silence absolu face à l'exigence de Dieu, encore plus répugnante d'une certaine façon, que le patriarche tue son propre enfant. Une explication possible de ce contraste frappant, dit Friedman, consiste à souligner que la personnalité d'Abraham, tout au long de la Genèse, est caractérisée par l'obéissance - l'explication par le caractère, qui est satisfaisante jusqu'à un certain point, même si elle ne creuse pas très profondément la question troublante de savoir si la prédisposition d'Abraham pour obéir aux ordres sans discuter, vaut d'être explorée plus avant, dans les cas où ces ordres sont clairement immoraux (« Des commandements, écrit Friedman, ne laissent aucune place pour la discussion », chose assez singulière, selon moi, à affirmer sans autre commentaire de la part d'un rabbin à la fin du XXe siècle, même dans le contexte d'une explication du texte biblique). Friedman va même jusqu'à fournir ce qu'on pourrait appeler un argument rhétorique : le patriarche, écrit-il, est capable d'argumenter de manière plus persuasive (en effet) en faveur des Sodomites corrompus, précisément parce qu'il n'a aucun rapport avec eux : il ne peut pas argumenter en ce qui concerne la justice ou l'injustice de l'exigence du sacrifice de son fils précisément parce qu'il en est trop proche. Cela semble aussi quelque peu insatisfaisant au premier abord, comme si le fait d'être « concerné » était la même chose que d'être idiot. Enfin, Friedman suggère de façon intrigante que l'issue du premier de ces deux récits moraux de la parashah, celui de Sodome et de Gomorrhe, donne la clé du silence d'Abraham. La futilité de la discussion d'Abraham avec Dieu, suggère-t-il, le fait que rien ne sort de ce marchandage acharné, le fait que Dieu a toujours déjà su à quel point les Sodomites sont mauvais et Abraham bon, ce sont là les raisons pour lesquelles Abraham sait qu'il ne doit pas discuter lorsque Dieu exige une destruction qui est infiniment plus douloureuse pour Abraham que l'annihilation des populations de plusieurs villes. Rachi, lui non plus, ne s'épargne aucun effort pour suggérer que l'intérêt de Dieu pour qu'Abraham montre (bien sûr, nous savons qu'il va le faire) qu'il « craint Dieu » a des implications à la fois internationales et cosmiques : il est nécessaire que la droite obéissance d'Abraham soit démontrée, écrit-il, afin que Dieu ait quelque chose à répondre à Satan et aux nations d'incroyants lorsqu'ils demandent à savoir quelle peut être la raison de l'amour de Dieu pour la tribu d'Abraham. « Parce qu'elle est remplie de la crainte de Dieu » est la réponse fournie par l'acceptation d'Abraham de trancher la gorge de son jeune fils. Une des questions morales intéressantes, soulevées par le sacrifice d'Isaac - et, par conséquent, par la parashah tout entière -, c'est que la présentation de ce que signifie être une personne bonne (Abraham qui obéit à Dieu même dans des circonstances extrêmes et troublantes) est aussi plate et insatisfaisante, aussi évasive que la présentation de ce que signifie être une personne mauvaise (un Sodomite, quoi que cela puisse signifier exactement). En fait, tout ce qu'indique le texte de cette parashah, c'est que la bonté consiste en l'obéissance à Dieu et la méchanceté, en la désobéissance, comme si la moralité était une structure de comportement superficiellement cohérente et sans contenu réel - même si, pour prendre les exemples de cette lecture hebdomadaire de la Torah, ce que font les Sodomites, qui est peutêtre dépravé, mais n'aboutit pas à l'empilement de cadavres, est beaucoup moins horrible que ce que Dieu exige d'Abraham. D'un autre coté, ce qui me semble valide dans cette dernière parashah, c'est le fait que, indépendamment de la validité de l'investigation morale au sens large, elle peigne ce que j'ai fini par considérer comme un portrait très précis du comportement des gens dans des conditions extrêmes et inimaginables. C'est-à-dire la peinture d'une image floue, d'une image de quelque chose qui, enfin de compte, reste totalement impossible à connaître et complètement mystérieux : des gens choisissent de faire le mal et d'autres de faire le bien, même lorsque, dans les deux cas, ils savent que leur choix va entraîner de terribles sacrifices.     Il y a un dernier récit de retour, de retour pour un dernier coup d'oeil, que je dois raconter avant de mettre un point final à cette histoire. Le lendemain du jour où nous avons découvert la cachette était un samedi. Lane est arrivée à l'aéroport de L'viv cet après-midi-là, et alors qu'Alex et moi la ramenions à l'hôtel, où Froma nous attendait, en étudiant les cartes de la région pour préparer nos excursions sur les sites du génocide, nous lui avons raconté, tout excités, notre grande découverte. Lane a secoué sa tête délicate dans un de ces petits mouvements saccadés qui me font toujours penser à l'expression drôle d'oiseau quand je suis avec elle. C'est sidérant, a-t-elle dit. Alors que la voiture tournait autour de l'opéra, où soixante-dix ans plus tôt une jeune femme dont le nom n'était pas encore Frances était allée voir Carmen, Lane a fait un geste en direction de ses énormes sacs en toile très élaborés qui contiennent ses appareils. Mais vous avez pris des photos ? De bonnes photos pour ton livre ? Lorsque je lui ai dit que tout ce que nous avions, c'était le petit appareil photo numérique de Froma, elle a fait une grimace, mi-désapprobatrice, mi-incrédule. Elle a dit, Il faut qu'on y retourne. On peut y retourner et je prendrai de bonnes photos pour toi. Phoooh-tos, a-t-elle dit. Liii-iivre. Et donc, le dimanche, nous y sommes retournés, et c'est au cours de cette dernière visite - qui a été véritablement le dernier voyage que je faisais au nom d'Oncle Shmiel - que j'ai fait notre dernière découverte et que j'ai mis fin à notre recherche. Une fois encore, nous avons descendu la colline qui domine la petite ville endormie, qui somnolait, ce jour-là, sous des nuages de pluie très menaçants. Une fois encore, nous avons traversé rapidement les rues de la ville qui nous paraissait très familière à présent. Une fois encore, Alex s'est garé devant une petite maison banale où, une fois encore, le chien noir et le chien brun nous ont suivis du regard sans se lever de l'allée. Une fois encore, il a frappé à la fenêtre et, une fois encore, la femme aux cheveux noirs est sortie. Nous avons expliqué que nous espérions pouvoir entrer encore une fois, parce que nous avions, cette fois-ci, de meilleurs appareils pour prendre les photos dont nous avions besoin. J'ai remarqué qu'elle avait l'air un peu plus animée qu'elle l'avait été deux jours plus tôt. Elle a hoché la tête plusieurs fois, avec lassitude certes, mais avec un vague sourire aussi, et nous a fait signe d'entrer. Une fois encore, nous avons déambulé dans les pièces minuscules, ouvert la trappe. Une fois encore, les obturateurs ont claqué. La seule différence, c'est que, cette fois-ci, je ne suis pas descendu dans la cachette, dans le kestl. Ça suffisait comme ça. Alors que nous sortions de la maison une fois encore, nous avons remarqué que quelque chose avait changé, cette fois-ci : un jeune homme à l'allure vigoureuse - pas le zombie exsangue et figé que j'avais vu dans la chambre, le vendredi - se promenait dans le jardin ; c'était apparemment le fils d'une des femmes. Alex et lui ont eu un échange animé, et le jeune homme a fait un geste indiquant un point au-delà de la clôture. Alex a dit, Il dit que cette maison est en fait divisée en deux parties. Froma, Lane et moi avons scruté au-dessus de la clôture et remarqué cette fois-ci, ce que nous n'avions pas fait deux jours plus tôt, que la maison était à cheval sur deux terrains. Alex a dit, Il dit que, là-bas, dans l'autre moitié, vit une vieille femme russe, elle est arrivée juste après la guerre, peut-être qu'elle peut nous donner d'autres informations. J'ai jeté un regard dubitatif en direction de Froma et de Lane. Ça ne vous embête pas ? ai-je demandé. Bien sûr que non, ont-elles répondu. C'est pour ça que nous sommes ici ! Nous sommes revenus vers la rue, devant la maison, et nous avons marché vers l'autre côté. Bien sûr, il y avait une entrée de ce côté-là aussi. Alex a frappé et appelé en russe, et très vite une femme aux joues roses, au visage enfantin et aux cheveux frisés d'un brun improbable, a surgi de la maison. Elle portait une robe d'un bleu éclatant avec de gros pois blancs. Alex lui a parlé et elle a insisté, de sa voix haut perchée, chaleureuse et même enthousiaste, pour que nous entrions. Comme dans un conte pour enfants, sa moitié de la maison était aussi jolie et immaculée que l'autre moitié était sale et décrépite. L'arôme puissant de pêches en train de cuire remplissait la cuisine. Nous nous sommes tous assis, pendant qu'elle baissait le volume d'un petit magnétophone à cassette qu'elle écoutait à un volume étonnamment élevé, de la musique liturgique russe, et Alex lui a expliqué pourquoi nous l'avions appelée depuis la rue. Le son riche et chuintant du russe a envahi la pièce. La femme était si vive, hochait la tête si vigoureusement et parlait si allègrement qu'il était difficile de ne pas vouloir l'embrasser. Elle faisait penser à une grand-mère ou à une bonne sorcière dans un conte folklorique. Au bout de quelques minutes de cet échange, Alex a levé les yeux vers moi. Il ne souriait pas. Elle dit que oui, elle a entendu parler de cette histoire des Juifs cachés et des institutrices. Elle est arrivée dans les années 1950, mais elle en a entendu parler. Elle dit qu'elle est à peu près certaine que ces institutrices étaient encore toutes les deux vivantes après la guerre, et aussi que ce n'était pas dans cette maison qu'elles habitaient, que c'était une autre maison dans cette rue. Nous avons échangé un regard sans expression, avec une sorte de désespoir. J'ai dit, Ce n'est pas possible, je ne peux pas le croire. J'étais descendu dans cet endroit, cet endroit glacé. L'impression était juste. Nous avons continué à parler, mais il est devenu clair pour moi, au bout d'un moment, en lisant le visage large et pâle d'Alex, qu'il n'obtenait rien de plus que ce qu'elle avait déjà dit. Mais ça suffisait comme ça. Tout était en ruine. Nous étions de nouveau sur la case de départ. Nous nous sommes levés pour partir. Alex a dit, Elle m'a dit quelle maison elle pensait que c'était. Un très vieil homme y vit. Elle dit qu'il est sourd. Vous voulez y aller ?

« conditions extrêmesetinimaginables.

C'est-à-direlapeinture d'uneimage floue,d'uneimage de quelque chosequi,enfin decompte, restetotalement impossibleàconnaître et complètement mystérieux:des gens choisissent defaire lemal etd'autres defaire lebien, même lorsque, danslesdeux cas,ilssavent queleur choix vaentraîner deterribles sacrifices.     Il ya un dernier récitderetour, deretour pourundernier coupd'oeil, quejedois raconter avant demettre unpoint finalàcette histoire. Le lendemain dujour oùnous avons découvert lacachette étaitunsamedi.

Laneestarrivée à l'aéroport deL'viv cetaprès-midi-là, etalors qu'Alex etmoi laramenions àl'hôtel, oùFroma nous attendait, enétudiant lescartes delarégion pourpréparer nosexcursions surlessites du génocide, nousluiavons raconté, toutexcités, notregrande découverte. Lane asecoué satête délicate dansundeces petits mouvements saccadésquime font toujours penser àl'expression drôle d'oiseau quand jesuis avec elle. C'est sidérant, a-t-elle dit.Alors quelavoiture tournait autourdel'opéra, oùsoixante-dix ans plus tôtune jeune femme dontlenom n'était pasencore Frances était allée voir Carmen, Lane afait ungeste endirection deses énormes sacsentoile trèsélaborés quicontiennent ses appareils.

Maisvousavezprisdes photos ? De bonnes photos pour ton livre ? Lorsque jelui ai dit que tout ceque nous avions, c'étaitlepetit appareil photonumérique deFroma, ellea fait une grimace, mi-désapprobatrice, mi-incrédule.Elleadit, Ilfaut qu'on y retourne.

On peut y retourner etjeprendrai debonnes photos pour toi. Phoooh-tos, a-t-elledit.Liii-iivre. Et donc, ledimanche, nousysommes retournés, etc'est aucours decette dernière visite– qui a été véritablement ledernier voyagequejefaisais aunom d'Oncle Shmiel– quej'aifait notre dernière découverte etque j'aimis finànotre recherche. Une foisencore, nousavons descendu lacolline quidomine lapetite villeendormie, qui somnolait, cejour-là, sousdesnuages depluie trèsmenaçants.

Unefoisencore, nousavons traversé rapidement lesrues delaville quinous paraissait trèsfamilière àprésent.

Unefois encore, Alexs'est garédevant unepetite maison banaleoù,une foisencore, lechien noiretle chien brunnous ontsuivis duregard sansselever del'allée.

Unefoisencore, ila frappé àla fenêtre et,une foisencore, lafemme auxcheveux noirsestsortie.

Nousavons expliqué que nous espérions pouvoirentrerencore unefois, parce quenous avions, cettefois-ci, de meilleurs appareilspourprendre lesphotos dontnous avions besoin.

J'airemarqué qu'elleavait l'air unpeu plus animée qu'ellel'avaitétédeux jours plustôt.Elleahoché latête plusieurs fois, avec lassitude certes,maisavecunvague sourire aussi,etnous afait signe d'entrer.

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