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COURT1, COURTE, adjectif et adverbe.

Publié le 30/11/2015

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COURT1, COURTE, adjectif et adverbe.  

I.—  Adjectif. 

A.—  [Dans l'espace]  Qui a une petite ou une trop petite étendue par rapport à la moyenne idéale ou réelle ou par rapport à autre chose. 

1. [En longueur, en largeur, en hauteur ou en surface]  Chemin court, geste court; flamme, herbe courte; courte épée, courte queue; à courte distance. Antonyme : long. Du bois de Vincennes à la rue Culture-sainte-Catherine le trajet était court et s'effectua en quelques minutes (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 3, 1859, page 415 ). Mes pieds nus, conscients, tâtent la laine courte et dure d'un beau tapis de Perse (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Vagabonde,  1910, page 58) : 

Ø 1. C'était toujours la ligne droite sans qu'aucun obstacle, lac ou montagne, les obligeât à la changer en ligne courbe ou brisée. Ils mettaient invariablement en pratique le premier théorème de la géométrie, et suivaient, sans se détourner, le plus court chemin d'un point à un autre.

JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 2, 1868, page 96. 

—  Au figuré : 

Ø 2. BLAISE. —  Pour beaucoup de femmes, le plus court chemin vers la perfection c'est... la tendresse. Cela ne veut pas dire qu'on doive s'abandonner à tous ses instincts, bien entendu!

FRANÇOIS MAURIAC, Asmodée,  1938, I, 4, page 35. 

2. En particulier. 

a) [En parlant d'une personne ou d'un animal]  Qui est de petite taille. Court et rond; court et trapu; court de taille, de jambes; court sur pattes. Une singulière petite bonne femme, toute courte, toute ronde (LUDOVIC HALÉVY, Criquette,  1883, page 246 ). Courte et un peu bossue, elle (Félicie) essayait de rehausser sa petite taille en avançant le ventre et plaça une main sur sa hanche (JULIEN GREEN, Le Malfaiteur,  1955, page 13) : 

Ø 3. Gasselin était un de ces petits Bretons courts, épais, trapus, (...) à figure bistrée, (...) têtus comme des mules, mais allant toujours dans la voie qui leur a été tracée.

HONORÉ DE BALZAC, Béatrix,  1839-45, page 31. 

·    Bête courte. Qui a peu de longueur de l'échine au garrot. Cheval, mulet court. Ils ont de beaux petits mulets. Des bêtes courtes; des turcs (JEAN GIONO, Le Bonheur fou, 1957, page 355 ). 

b) [En parlant d'une partie du corps]  Nez, cou, bec, bras court; jambes courtes; courte queue. Des crocodiles sur leurs courtes pattes (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Qui sait? 1890, page 1190 ). Les taureaux normands à l'encolure courte (GEORGES BERNANOS, La Joie,  1929, page 628 ). 

—  Spécialement.  ANATOMIE.  

·    Muscles courts; court adducteur, court fléchisseur, court supinateur. Le court extenseur du pouce manque dans le chat, le chien, l'ours et le lapin (GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 323 ). 

·    Os courts. Antonyme : os plats et os longs. Les os courts dont la structure est comparable à celle des épiphyses (GEORGES GÉRARD, Manuel d'anatomie humaine,  1912, page 5 ). 

c) [En parlant d'un vêtement ou d'une partie de vêtement]  Habit court, à manches courtes; robe, jupe courte (qui ne couvre pas la jambe jusqu'à la cheville). Deux valets en culotte courte et en bas de soie blancs (HONORÉ DE BALZAC, Spendeurs et misères des courtisanes,  1846, page 462 ). Une sorte de manteau à larges manches (...) sensiblement plus court que la jupe (ANDRÉ GIDE, Journal,  1915, page 517) : 

Ø 4. La jeune fille [Sabine] tira sur sa jupe turquoise, qui était courte jusqu'à l'indécence...

PAUL-JEAN TOULET, La Jeune fille verte,  1918, page 52. 

d) Locution. Tenir la bride* courte. Tirer à la courte paille*. Faire la courte échelle* à quelqu'un. 

—  Le plus court chemin,  et par ellipse, le plus court,  substantif masculin.  Le chemin le plus direct. Passer par le plus court, aller au plus court, couper au (plus) court. Toutes deux passèrent par la brèche pour aller au plus court (HONORÉ DE BALZAC, Une Ténébreuse affaire,  1841, page 218 ). Nous nous sommes perdus dans les champs en voulant couper au court (EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, tome 3, 1842-43, page 75) : 

Ø 5. François Rabelais se rendit à Montpellier; mais il ne s'y rendit pas tout droit, ni par le plus court (...) il s'amusait à prendre le plus long.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Rabelais,  1924, page 26. 

·    Au figuré.  Le plus facile, le plus expédient ou le meilleur moyen (Confer infra B 5). Je ne comprends guère (...) vos moyens, au moins très indirects; il est plus court de rester ici (VICTOR HUGO, Han d'Islande,  1823, page 142 ). 

3. Qui a une faible ampleur ou une faible portée. Lunette, objectif à court foyer*; vue courte. 

—  Au figuré.  Borné, obtus, mesquin. Esprit court; idée, intelligence courte. Elle n'avait pas un brin de religion et son bon sens, un peu court, s'offensait de tout mystère (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Livre de mon ami,  1885, page 97 ). Le nominalisme est une doctrine un peu courte; et les antiféministes ont beau jeu de montrer que les femmes ne sont pas des hommes (SIMONE DE BEAUVOIR, Le Deuxième sexe, tome 1, 1949, page 12 ). 

—  Locution verbale. Avoir la vue courte. Avoir son champ de vision limité aux objets proches, ne pas voir clair de loin (confer myope). Ce jeune homme, qui paraissait avoir la vue courte, arrêtait presque son cheval pour pouvoir regarder Lamiel plus à l'aise avec son lorgnon (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lamiel,  1842, page 140 ).  Au figuré.  Manquer de prévoyance, de discernement ou d'ouverture d'esprit, de grandeur d'âme. Hélas! pourquoi faut-il que les idées généreuses aient toujours la vue si courte! (GÉRARD DE NERVAL, Léo Burckart, 1839, page 179) : 

Ø 6.... il [La Bruyère] se raille des vues courtes et des esprits bornés ou envieux qui arguent d'une de vos qualités pour vous refuser une qualité voisine ou même opposée.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 1, 1863-69, page 138. 

—  Locution adverbiale, au figuré. À courte vue. Étroit, borné, mesquin. Homme, doctrine, politique à courte vue. Jugements à courte vue (MAURICE BARRÈS, Le Jardin de Bérénice,  1891, page 203 ). Égoïsme à courte vue (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison,  1928, page 230 ). 

4. Spécialement.  Qui ne s'étend pas assez. 

a) ART CULINAIRE.  Sauce courte. Qui manque de fluidité, trop épaisse. 

b) CÉRAMIQUE.  Pâte courte. Qui manque de plasticité, qui s'étend mal. Si la pâte est trop courte, on peut lui donner du liant (...) par le gommage (ALEXANDRE BRONGNIART, Traité des arts céramiques ou des poteries considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie,   1844, page 136 ). 

c) PEINTURE.  Peinture courte. Des artistes m'ont dit que, le silicate séchant très rapidement, la peinture est courte (PROSPER MÉRIMÉE, Études anglo-américaines,  1870, page 252 ). 

5. Au figuré.  Qui a une trop faible importance, qui est nettement insuffisant (en volume, en quantité, en qualité, en dignité, en durée, etc.). C'est court! C'est bien court! C'est trop court! Synonymes : juste, insuffisant. Plats de consistance trop courte (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En ménage,  1881, page 107 ). Deux poulets pour dix, c'est court! (SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Une Passionnette, 1891, page 79) : 

Ø 7. [M. Sylvestre :] Fille unique, elle [Mlle.  Vallier] a fait honneur à tout et s'est trouvée, à dix-huit ans, à la tête de douze cents francs de rente. C'est court pour une jeune personne habituée à l'opulence.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Monsieur Sylvestre,  1866, page 82. 

B.—  [Dans le temps ou dans l'espace-temps] 

1. Qui a une faible durée. Vie courte, jours courts, courte maladie; trouver le temps court. Antonyme : long. Un court mais expressif regard (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, 1846, page 699 ). Court interlude d'orgue (HENRI POTIRON, La Musique d'église,  1945, page 94 ). Ses petites flammes de courtes joies (PAUL VIALAR, BRISÉES HAUTES, 1952, page 124) : 

Ø 8. La nuit qui descend si rapide aux courtes journées de décembre était venue, mais sans amener avec elle une obscurité complète. La réverbération de la neige combattait les ténèbres du ciel, et par un renversement bizarre il semblait que la clarté vînt de la terre.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 144. 

—  Par plaisanterie. À la longue et même, selon certains, à la courte Montesquiou devenait fatigant, puis insupportable (LÉON DAUDET, Quand vivait mon père,  1940, page 247 ). 

SYNTAXE : Court espace de temps, frisson, instant, intervalle, laps de temps, moment, silence, sommeil, voyage; courte absence, apparition, averse, hésitation, pause, prière, visite; cycle, enseignement court; un temps relativement court; de courte durée. 

—  Locutions diverses. 

·    Proverbes. Les plaisanteries les plus courtes sont toujours les meilleures. Faire courte messe et long dîner. Être peu fervent (Confer Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842). 

·    Familier. Avoir la mémoire courte. Oublier vite quelque chose ou ne pas vouloir s'en souvenir. Que tu as la mémoire courte, Élisabeth! Rappelle-toi l'été où tu m'accompagnais à Bordeaux, tous les jours (...). Souviens-toi de tes larmes dans la voiture (FRANÇOIS MAURIAC, Les Mal aimés,  1945, II, 6, page 201 ).  La vouloir courte et bonne. [Par allusion à une citation de la duchesse de Berry]  Jouir de la vie au détriment de sa santé. Ce farceur, qui la demandait courte et bonne, la mène bête et triste (JULES VALLÈS, Le Réfractaire,  1865, page 175 ). 

·    En savoir le court et le long sur une affaire. En connaître tous les détails, tous les aspects. 

2. Par extension.  [En parlant d'une énonciation orale ou écrite]  Qui a peu d'ampleur, peu de développement. Roman, poème court; phrase courte; de courts extraits (confer bref). Les deux montagnards se retrouvèrent avec l'effusion aux paroles courtes (...) chez ces gens d'élocution difficile (ALPHONSE DAUDET, Tartarin sur les Alpes,  1885, page 193 ). Elle [Clotilde] parlait par petites phrases, nettes, courtes, tranchantes (JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, Les Bien-aimées,  1932, page 107 ). Résumés courts et fidèles (La civilisation écrite (sous la direction de Julien Cain)  1939, page 3401) : 

Ø 9. J'avais repris Ésope le bossu, que j'avais aimé dès ma troisième pour ses paroles frustes, courtes et judicieuses.

FRANCIS JAMMES, Mémoires,  1923, page 186. 

—  Locution figurée, familière, vieillie. Pour (le) faire court. Pour abréger, pour dire en peu de mots. Synonyme : (Pour faire) bref. Pour le faire court, monsieur, Carmen me procura un habit bourgeois (PROSPER MÉRIMÉE, Carmen,  1847, page 51 ). 

SYNTAXE : Compliment, exposé, récit court; épigramme, introduction, lettre courte; courte description, digression, explication. 

—   [En parlant de quelqu'un]  Être court. Parler ou écrire de façon brève, sans s'étendre sur les détails : 

Ø 10. Cet art de prendre en tout ce qui est la fleur, de ne point fatiguer le lecteur par des détails oiseux, en un mot l'art d'être court (...) est la qualité qui nous charme et dont l'absence gâte pour nous des ouvrages pleins de choses...

EUGÈNE DELACROIX, Journal,  1857, page 142. 

3. Dont le terme est rapproché. À court terme, à courte échéance. Je signai des lettres de change à courte échéance, et le jour du payement arriva (HONORÉ DE BALZAC, La Peau de chagrin,  1831, page 181 ). Il s'est fait débiteur à court terme (PAUL CLAUDEL, Corona Benignitatis,  1915, page 412 ). Dans le plus court délai possible (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1954, page 660 ). 

4. Qui est récent. De courte noblesse. [Brichanteau] —  Mais ce Corneille-là, c'est de courte noblesse! (VICTOR HUGO, Marion Delorme,  1831, page 201 ). 

5. Pratique et sûr par sa rapidité, simple, facile (confer supra A 2 d, au figuré). Le plus court expédient; avoir, trouver plus court de... Si vous voulez annoncer votre visite, vous aurez plus court d'envoyer un messager (PAUL BOURGET, Némésis,  1918, page 26) : 

Ø 11. La vie moderne tend à nous épargner l'effort intellectuel comme elle fait l'effort physique. (...) Elle nous offre toutes les facilités, tous les moyens courts d'arriver au but sans avoir fait le chemin.

PAUL VALÉRY, Variété IV,  1938, page 141. 

—  Vieux et littéraire. En être pour sa courte honte; rester, revenir avec sa courte honte. Être vite humilié ou embarrassé après avoir essuyé un affront, un refus. Ton grand-père m'a signé un chèque de cinq mille francs. Une aumône! J'en suis pour ma courte honte (HERVÉ BAZIN, Vipère au poing,  1948, page 220 ). 

6. Qui a une fréquence rapide. Souffle court, haleine, respiration courte, (vieux) courte haleine. Respiration difficile et fréquente. Avoir le souffle court. S'essouffler vite. Être court d'haleine*. Le rythme de sa respiration courte [de Dubourg] se précipitait (ALEXANDRE ARNOUX, Roi d'un jour,  1956, page 72 ). 

a) MARINE.  Vague courte, mer courte. La vague, de plus en plus gonflée, devenait courte (VICTOR HUGO, L'Homme qui rit, tome 1, 1869, page 116 ).  Vent court, courte houle. Vent qui ne permet pas d'atteindre facilement le but. Un vent court et dru brosse vigoureusement la mer (ALBERT CAMUS, L'Été,  1954, page 171 ). 

b) RADIO.  Ondes* courtes, ultra-courtes. 

II.—  Adverbe. 

A.—  [Dans l'espace]  D'une manière courte. Une mode qui habille court; cheveux coupés court (Dictionnaire du français contemporain (JEAN DUBOIS)); barbe court frisée; être attaché court. Les cochers, attentifs, tenaient court les rênes (PAUL REIDER, Mademoiselle Vallantin,  1862, page 122 ). 

·    Couper, tailler court des cheveux, de l'herbe, etc. Ces champs de pailles jaunes, tondues court, que dessèche et dore le soleil d'août (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Le Roman d'un enfant,  1890, page 107 ). Ramilles coupées court et appointées (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous,  1923, page 139) : 

Ø 12. Il ne faut jamais craindre de couper du bois sur le chèvrefeuille de Chine. Plus on taille court, plus il pousse avec vigueur, fleurit abondamment, et garnit le bas et le centre...

ALFRED GRESSENT, Traité complet de la création des parcs et jardins,  1891, page 598. 

Remarque : Dans ces locutions verbales, l'emploi adjectival de court est possible. Faire couper ses cheveux courts (confer LE BON USAGE  (MAURICE GREVISSE) 1964, § 378). À treize ans, c'était un petit garçon pâle, aux cheveux bruns toujours coupés trop courts, aux yeux tristes (VALÉRY LARBAUD, F. Marquez, 1911, page 142). 

B.—  [Dans le temps ou l'espace-temps]  D'une manière brusque, rapide. D'habitude, il la quittait court, comme si les choses n'avaient pas en lui de prolongement (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge,  1894, page 38 ). Elle [Camille] respirait court (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Chatte,  1933, page 212 ). 

C.—  Locutions diverses. 

1. Locutions verbales. 

—  Arrêter court quelqu'un; s'arrêter court. Synonyme : net. Une autre fois, petit, il faudra s'arrêter court plutôt que de se disputer comme ça (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Le Meunier d'Angibault,  1845, page 327) : 

Ø 13. En voyant entrer M. Viot toute l'étude tressauta. Les petits, effarés, se regardèrent. Le narrateur s'arrêta court.

ALPHONSE DAUDET, Le Petit Chose,  1868, page 68. 

—  Faire court. L'ironie doit faire court. La sincérité peut s'étendre (JULES RENARD, Journal,  1908, page 1164 ). 

—  Rester, demeurer, se trouver court. Manquer d'idées, d'arguments, de repartie. Synonyme : coi :  

Ø 14. —  (...) Mouret, ne vous verra-t-on pas quelquefois, nous bouderez-vous toujours?

Mouret, que le caquetage attendri de sa belle-mère finissait par troubler, resta court sur la riposte.

ÉMILE ZOLA, La Conquête de Plassans,  1874, page 938. 

—  Couper court à quelque chose Mettre brusquement un terme à quelque chose. Couper court à un entretien, à des objections, à des médisances. On peut souvent couper court à une bronchite et enrayer la maladie (DOCTEUR ERNEST CADET DE GASSICOURT, Traité clinique des maladies de l'enfance tome 2, 1880-84, page 112 ). 

·    emploi absolu. Couper court : 

Ø 15. Bardot voulut le mettre au courant de l'état du 57. Mais, dès la première phrase, le professeur coupa court en se dirigeant vers la porte :

—  « Montons. ».

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 766. 

—  Tourner court. 

·    Changer brusquement de direction. Arrivé au coin de la rue Vaneau et de la rue de Sèvres, il [Voillenier] tourna court, et revint chez lui (PAUL BOURGET, Le Tapin,  1928, page 171 ).  Au figuré.  Passer d'une chose à une autre sans transition : 

Ø 16. Pourquoi Gorrevod, après avoir mentionné ce Lotos et dit étourdiment : « S'y est-on amusé hier! » avait-il tourné court et changé de sujet de conversation?

PAUL BOURGET, Un Drame dans le monde,  1921, page 128. 

·    Cesser brusquement, ne pas arriver au terme de son développement, du résultat escompté. Puis elle [la reine] sortit précipitamment, laissant Christian très étonné que la scène eût tourné si court (ALPHONSE DAUDET, Les Rois en exil, 1879, page 323 ). 

2. Locution adverbiale. 

—  Tout court. Tel quel, sans aucun mot de plus. Homme je suis parti, homme je rentre. Et pas homme de lettres. Homme tout court (JEAN COCTEAU, Maalesh,  1949, page 197) : 

Ø 17. Elle aimait tant Georges! (elle disait Georges tout court avec une fraternelle familiarité), qu'elle avait une envie folle de connaître sa jeune femme et de l'aimer aussi.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Le Pardon, 1882, page 659. 

—  De court. Serrer, tenir quelqu'un de court. 

·    Le serrer de près, laisser peu de jeu au lien (confer tenir la bride* courte) : 

Ø 18.... j'avais beau allonger mes petites jambes, un de ces grands diables s'était acharné sur moi et me serrait de si court, de si court qu'après avoir senti deux ou trois fois le vent de sa trique, je finis par la recevoir en plein sur la tête.

ALPHONSE DAUDET, Contes du lundi,  1873, page 234. 

Au figuré.  Lui laisser peu de liberté. De vraies passions, tenues de trop court par l'avarice terrienne de vieux parents de sang paysan (EDMOND DE GONCOURT, La Fille Élisa,  1877, page 66 ). 

—  Prendre quelqu'un de court. Le prendre au dépourvu, sans lui laisser le temps de réfléchir, d'agir. En principe, l'interne doit tout savoir et ne jamais être pris de court. S'il y a de la casse, c'est sa faute (LÉON DAUDET, Devant la douleur, 1931, page 180 ). 

3. Locution prépositive. À court de; être à court de. Manquer de. Être à court d'argent, d'arguments. L'homme n'est jamais à court d'ingéniosité (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1928, page 142 ). 

—  Par ellipse. À court (souvent pour à court d'argent). Toutes dettes payées —  et j'en avais! —  je me trouve à court (PAUL VERLAINE, Correspondance, tome 3, 1890, page 179 ). 

Remarque : La locution synonymique être court de est vieillie et littéraire, largement concurrencée par être à court de. Un vicomte de Limoges (...) se trouva court de poivre (FARAL, Vie temps Saint Louis, 1942, page 172). Wedecke parlait d'abondance, lui généralement si court de propos (PAUL MORAND, Fin siècle, 1957, page 32). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 7 533. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 10 455, b) 10 328; XXe.  siècle : a) 10 177, b) 11 465. 

 

Forme dérivée du verbe \"courir\"

 courir

COURIR, verbe.  

I.—  Emploi intransitif. 

A.—  emploi absolu.  [Aspect imperfectif du procès] 

1. [Le sujet désigne un animé] 

a) [En parlant de l'homme et de certains animaux]  Se déplacer rapidement par un mouvement successif et accéléré des jambes ou des pattes prenant appui sur le sol : 

Ø 1. Car si le blaireau ne provoque personne, il se défend dangereusement. Nul carnassier de nos climats n'en vient à bout. Ne pouvant ni courir ni bondir, il se renverse sur le dos, mord et griffe.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous,  1921, page 91. 

SYNTAXE : (exprimant la très grande vitesse de course). Courir à toutes jambes, ventre à terre; courir à perdre haleine, comme un dératé; courir comme un lapin. Confer infra II A 2 a courir la poste. 

·    Proverbe.  [Par emprunt à la fable de La Fontaine Le lièvre et la tortue]  Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Mieux vaut un effort soutenu et régulier qu'une action brillante mais désordonnée au dernier moment. 

—  En particulier. 

α ) [En parlant d'un cavalier]  Courir à toute bride, à bride abattue. Ne freiner en rien l'allure très rapide d'un cheval. Au figuré. Confer bride. 

β ) SPORTS.  Participer à une course de vitesse : 

Ø 2. Elle avait mis une grosse somme sur un cheval qui courait ce jour-là aux courses de Chantilly.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge,  1894, page 332. 

·    [Course à pied]  Courir (dans telle ou telle épreuve athlétique). 

·    [Course de vitesse quelconque]  Courir à bicyclette, en auto, etc. : 

Ø 3.... sous les yeux et les applaudissements de toute la nation, dépouillés de leurs habits, ils [les jeunes gens] luttaient, boxaient, lançaient le disque, couraient à pied ou en char.

HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Philosophie de l'Art, tome 1, 1865, page 70. 

·    Faire courir (un cheval, un pilote, etc.). L'engager dans une course. Il avait fait courir jadis et avait eu des succès d'écurie (PAUL DUVAL, DIT JEAN LORRAIN, Monsieur de Phocas,  1901, page 5 ). 

b) [Avec une nuance appréciative] 

α ) [Étonnement admiratif ou au contraire nuance de reproche]  Marcher d'un pas (trop) rapide; se dépêcher. 

—   [En emploi factitif avec nuance d'étonnement admiratif]  Ce spectacle fait courir les foules. 

—   [Nuance de reproche]  Vous ne marchez pas, vous courez (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ) ). 

—  Au figuré.  Passer vite, ne pas s'attarder sur quelque chose : 

Ø 4. Pour bien dire la messe, le prêtre devrait redevenir jeune ou souple; ad deum qui laetificat juventutem meam. Car il faut courir, et l'on n'a pas le droit de s'appesantir sur telle ou telle impression, comme dans la prière privée.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 235. 

·    Locution adverbiale. En courant À la hâte, superficiellement. Lire en courant Excusez cette cacographie; je ne veux pas vous faire attendre et j'écris en courant (ANDRÉ GIDE, Correspondance avec Paul Claudel, 1899-1926, page 163 ). 

Remarque : Noter la locution adverbiale vieillie tout courant, « en toute hâte », citée par les dictionnaires généraux et, dans ce même sens, l'emploi absolu de l'infinitif Je n'ai pas le temps de faire ma petite écriture à ma façon comme je fais quelquefois, vous savez, celle que vous trouvez jolie. J'écris à courir, et je vous demande bien pardon (PIERRE LOTI, Mon frère Yves, 1883, page 395). 

β ) Aller librement ici ou là; vagabonder. 

—  Au figuré. Faire courir (vieilli), laisser courir (usuel). Laisser faire, le plus souvent par résignation, ne plus intervenir dans une action en cours. Il [Maxime] avait renoncé au Conseil d'État, il faisait courir (ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 589 ). Au point de vue religieux il [Lamartine] n'avait pas d'opinion très nette (...) il laissait courir (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 10, 1913-14, page 52 ). 

γ ) [En parlant d'un malfaiteur ou de quelqu'un qui ne veut ou n'ose pas rester sur place]  S'enfuir, s'échapper le plus rapidement possible. 

—  Locution. Il court encore. Il s'est enfui pour ne pas se laisser prendre, ou parce qu'il n'ose pas insister : 

Ø 5. —  Et qu'a répondu ce M. Bloch? demanda distraitement Mme.  de Guermantes (...)

—  Ah! je vous assure que M. Bloch n'a pas demandé son reste, il court encore.

MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 2,  1921, page 505. 

c) Faire des courses*, des démarches pour se procurer ou pour obtenir quelque chose. 24 janvier. Couru pour les affaires de Mme.  de St (aël). Elle sera payée, je le crois (BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes,  1815, page 429 ). 

Remarque : Ce sens se rattache aux emplois mentionnés sous I B 2 c. 

—  Péjoratif. Faire courir quelqu'un. Faire faire une démarche inutile; faire perdre son temps à quelqu'un. 

2. Par analogie.  [Le sujet désigne un inanimé capable de mouvement] 

a) [L'accent est sur la rapidité du mouvement]  Se déplacer rapidement. Des nuages couraient dans le ciel, de temps à autre la pluie tombait (GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, tome 1, , 1880, page 18 ). Un vent glacial courut, accéléra le vol éperdu de la neige, intervertit l'ordre des couleurs (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours,  1884, page 61 ). 

—   [En parlant de corps liquide]  Couler rapidement. Le sang court dans les veines : 

Ø 6.... son visage étincelait d'amour,

Et mes regards, fermés pour les choses profanes,

Voyaient le sang courir dans ses bras diaphanes!

THÉODORE DE BANVILLE, Les Exilés, Le Cher fantôme, 1874, page 96. 

b) [L'accent est sur la régularité et la continuité du mouvement] 

α ) [En parlant du temps]  Se dérouler de façon continue : 

Ø 7. On a aplani la difficulté, un contrôle de disponibilité est ouvert. Là les officiers inscrits voient courir leur temps comme s'ils rendaient des services effectifs.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Correspondance gén, tome 2, 1789-1824, page 34. 

·    Par le(s) temps qui court (courent). Actuellement. —  Ah! C'était un brave ami (...) un homme rare par le temps qui court (GUY DE MAUPASSANT, Pierre et Jean,  1888, page 306 ). 

β ) Au figuré.  FINANCES.   [Avec une idée de délai]  Être compté régulièrement comme dépense à partir d'une certaine date (exprimée ou laissée implicite). Les intérêts courent à partir d'aujourd'hui : 

Ø 8. [Il faut] tenir compte des jours de chômage pendant lesquels l'animal de trait ne produit aucun travail utile, alors que son entretien continue cependant à courir.

JULIEN-NAPOLÉON HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Cours d'exploitation des mines,  1905, page 752. 

c) [L'accent est sur l'avancement spontané du mouvement] 

α ) [En parlant d'un aspect de la nature]  Se répandre dans un espace. Une plante court sur le sol. 

—  GÉOGRAPHIE.  S'étendre dans une certaine direction. La côte court du Nord au Sud. Les racines [de la bourdaine] courent à fleur de terre (JACQUES-JOSEPH BAUDRILLART, Nouveau manuel forestier, traduction de Burgsdorf, tome 1, 1808, page 304 ). Le lierre courait sur les murs des maisons basses (MAURICE DRUON, Le Roi de fer,  1955, page 150 ). 

β ) [En parlant d'un bruit, d'une nouvelle]  Se propager. Elle-même répéta la phrase, qui courut ainsi d'oreille à oreille, au milieu des exclamations et des rires étouffés (ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 719 ). 

—  Locution verbale. Le bruit court que : 

Ø 9. Le bruit courait que Gundermann, contrairement à ses habitudes de prudence, se trouvait engagé dans d'effroyables risques...

ÉMILE ZOLA, L'Argent,  1891, page 316. 

γ ) [En parlant d'un objet destiné à se déplacer]  Aller librement, sans contrainte, sans contrôle. Laisser courir sa plume : 

Ø 10. Représenter, rendre ce monde, ces trois dimensions, avec cette plume qui gratte régulièrement, qui court sur le papier.

CHARLES PÉGUY, Victor-Marie, comte Hugo,  1910, page 700. 

—  MARINE.  Faire (laisser) courir une manoeuvre (un cordage) : 

Ø 11. Tout le gréément du bateau est englobé dans une coque de glace (...) et il est totalement impossible de faire courir les manoeuvres.

JEAN-BAPTISTE CHARCOT, Le \"Pourquoi-Pas?\" dans l'Antarctique, deuxième expédition antarctique française, 1908-1910, 1908-10, 1910, page 352. 

B.—  Emploi prépositionnel.  [La préposition ajoute à l'aspect imperfectif du verbe une valeur d'aspect perfectif ou une nuance de cet aspect] 

1. [Aspect perfectif pur et simple; la préposition indique le but, le terme du procès]  Courir à. 

a) [Le sujet désigne une personne]  Se porter rapidement et parfois en masse vers quelqu'un ou vers quelque chose. Courir au feu, aux armes; courir à un spectacle. Les hommes courent à leurs quêtes Sur la terre, ardents et pressés (LÉON DIERX, Poèmes et poésies,  1864, page 17) : 

Ø 12. À peine se fut-on quitté, que le chevalier de Beauvoisis courut aux informations : elles ne furent pas brillantes.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir,  1830, page 269. 

·    Courir au plus pressé. Se hâter d'accomplir ce qui est urgent : 

Ø 13. En me promettant à moi-même qu'Albertine serait ici ce soir, j'avais couru au plus pressé et pansé d'une croyance nouvelle l'arrachement de celle avec laquelle j'avais vécu jusqu'ici.

MARCEL PROUST, La Fugitive,  1922, page 428. 

·    Courir à sa ruine, à sa perte. Tomber inexorablement dans une situation extrême : 

Ø 14. Vous n'avez pas reconnu votre véritable ennemi, vous lui prêtez de petits motifs. Il n'en a que de grands et vous courez à votre perte.

ALBERT CAMUS, Caligula,  1944, II, 2, page 34. 

—  Spécialement.  MARINE.  Courir au nord, au sud, à terre, au large, etc. Faire route en direction de. 

b) Au figuré.  [Le sujet désigne une chose abstraite]  Être sur le point de (finir). La saison court à sa fin : 

Ø 15. Les événements courent trop vite à leur fin; on n'a pas assez de temps pour faire, en quelque sorte, connaissance avec les personnages, ce qui rend l'intérêt moins vif.

FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, Lettres inédites... à la baronne Cottu,  1830, page 216. 

2. [Aspect connotatif progressif au procès; la préposition suggère l'idée d'un effort dans une poursuite voulue par le sujet personnel]  Courir après. 

a) [Le complément désigne une personne]  Courir après quelqu'un..  Chercher à l'atteindre rapidement. Son oncle, ne la voyant pas revenir du bout de la place, courut après elle (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lamiel,  1842, page 128 ).  Courir après un homme, une femme (au figuré). Le, la poursuivre de ses assiduités : 

Ø 16. Ce hideux calotin ose insinuer et même dire assez clairement que, lorsqu'il portait encore la soutane, toutes les femmes couraient après lui, et qu'il n'avait qu'à se baisser pour en prendre.

LÉON BLOY, Journal,  1900, page 384. 

b) [Le complément désigne une chose]  Chercher à atteindre, à obtenir une chose par tous les moyens. Courir après les honneurs, la gloire. Courir après son argent. Essayer de regagner, de rattraper l'argent perdu au jeu ou essayer de se faire payer l'argent dû. Courir après l'esprit. Chercher à être spirituel. Courir après son ombre. Chercher à atteindre l'impossible : 

Ø 17. Ne me demande point à moi, sculpteur, de courir après la beauté : je m'assiérai ne sachant où courir.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 697. 

c) Locution.  [Avec ellipse du complément prépositionnel] 

—  Familier. Tu peux toujours courir! Tu auras beau faire, tu n'obtiendras pas ce que tu veux. 

—  Proverbe. Il vaut mieux tenir que courir (confer un tiens vaut mieux que deux tu l'auras). 

3. [Aspect directif; la préposition exprime une idée d'approche, souvent doublée d'une valeur affective]  Courir sur ou sus à. 

a) [Le complément désigne l'âge de quelqu'un avec parfois une idée de vivacité ou d'appréhension]  S'approcher rapidement de. Courir sur ses trente ans. Marianne est très vieille et court sur ses cent ans (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 3, Invectives, 1896, page 346 ). 

Remarque : Dans l'expression courir sur les brisées de quelqu'un, sur exprime le terrain dans lequel on a pénétré, avec sans doute, comme plus haut, une idée d'illicite. 

b) [Avec généralement une idée d'hostilité]  Se précipiter sur : 

Ø 18. Indouvoura courut sur Yassiguindja. Elle l'aurait frappée, mordue, griffée. Elle débitait des menaces pendant que ses compagnes la maintenaient.

RENÉ MARAN, Batouala,  1921, page 55. 

—  Au figuré.  S'attaquer à, combattre. Courir sus aux abus. 

C.—  Emploi en semi-auxiliaire. Courir + infinitif.  [Le plus souvent pour dire que l'on fait vite l'action exprimée par l'infinitif]  Qu'on coure me chercher de l'huile de térébenthine et de l'émétique (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 303 ). 

Remarque : Pour souligner l'idée de but, l'infinitif peut être précédé de la préposition pour.  Elle courait pour chercher quelque drogue à la pharmacie (GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 145). 

II.—  Emploi transitif. 

A.—  [Le sujet désigne un animé] 

1. [Aspect perfectif du procès, avec une idée de poursuite; l'objet désigne un animé ou un inanimé suggérant une idée de proie à prendre] 

a) [La proie est une bête sauvage]  Donner la chasse à. Courir le cerf, le lièvre : 

Ø 19. Quoique je sois bien décidé à ne frayer qu'avec les gens de la plus haute volée, vous aurez cependant vos petites entrées, mon cher Monsieur Jolibois, et de temps en temps vous viendrez courir un cerf avec moi.

JULES SANDEAU, Sacs et parchemins,  1851, page 3. 

—  Proverbe. Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois. S'engager dans deux entreprises différentes, c'est risquer d'échouer dans l'une comme dans l'autre. 

Remarque : Courir quelqu'un se rencontre dans la langue classique au sens de « poursuivre quelqu'un en courant » et dans la langue populaire au sens de « importuner » : tu me cours (sur le système, sur le haricot, sur le ciboulot, etc.). Elle me court! menace Jady (COLETTE, Music-hall, 1913, page 199). 

b) Par analogie, dans le langage de la galanterie.  [La proie est une personne généralement du sexe féminin, ou ce qui la représente]  Courir les filles, la gueuse, les jupons; courir la prétantaine : 

Ø 20. Madame de Kergant (...) voyait (...) dans le champ étroit et fantasque de ses préjugés l'ancien pupille de son frère (...) courant le guilledou sous l'étrange costume qu'elle prêtait aux sans culottes...

OCTAVE FEUILLET, Bellah,  1850, page 20. 

c) Par extension.  [La proie est un avantage recherché]  Rechercher vivement, poursuivre assidûment. Courir le cachet, les honneurs. 

—  Par métonymie.  Au cours de cette poursuite affronter des périls, s'y exposer. Courir des risques. 

d) Par métonymie.  SPORTS.   [La proie est suggérée par la nature de l'épreuve au bout de laquelle la victoire peut être atteinte]  Participer à une course pour la gagner. Courir un cent mètres. Ce dimanche-là (...) on courait le Grand Prix de Paris au bois de Boulogne (ÉMILE ZOLA, Nana, 1880, page 1375 ). 

2. [Aspect perfectif instrumental; l'objet désigne un lieu à travers lequel on se déplace en tout sens dans une intention plus ou moins précise] 

a) [Le lieu est un espace d'une certaine étendue ou complexité]  Parcourir, sillonner, voyager à travers un lieu pour y chercher à satisfaire un désir. Courir la ville, le monde. C'était un de ces forains qui courent les campagnes, le dos chargé de leur marchandise (ALPHONSE DAUDET, Jack, tome 1, 1876, page 230 ). 

—  Vieilli. Courir le pays. Faire une incursion rapide en pays ennemi. 

—  Par métonymie. Courir la poste. Parcourir vite les relais de poste, aller fort vite et au figuré se dépêcher outre mesure pour atteindre son but. Le lendemain, Suter court la poste sur la route de Paris (BLAISE CENDRARS, L'Or,  1925, page 26) : 

Ø 21. Une voyageuse, qui courait la poste, fut prise des douleurs de l'enfantement à la poste du prieuré...

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, La Comtesse de Rudolstadt, tome 1, 1844, page 97. 

—  Courir la mer. Faire la course* : 

Ø 22. On eût dit un de ces vieux récits (...) où il est question de corsaires barbaresques courant les mers latines...

ALPHONSE DAUDET, Le Nabab,  1877, page 172. 

·    Emploi absolu : 

Ø 23. Or, vers la fin de 1702, elle [l'Espagne] attendait un riche convoi que la France faisait escorter par une flotte de vingt-trois vaisseaux commandés par l'amiral de Château-Renaud, car les marines coalisées couraient alors sur l'Atlantique.

JULES VERNE, Vingt mille lieues sous les mers, tome 2, 1870, page 92. 

b) [L'objet, généralement au pluriel, désigne une suite de locaux que fréquente la Société]  Fréquenter assidûment en allant d'un lieu à un autre pour y chercher son plaisir. Courir les théâtres, les salons. 

B.—  [Le sujet désigne un inanimé] 

1. Vieilli.  [En parlant d'une rumeur, d'un bruit]  Se répandre dans (confer supra II A 2 a). Cette nouvelle court la ville, les rues. 

—  Locution figurée. Courir les rues. Se trouver partout, être normal, commun. Nous habitons une ville de commerçants, où le bon goût ne court pas les rues (GUY DE MAUPASSANT, Pierre et Jean,  1888, page 367 ). 

2. MARINE.   [En parlant d'un navire et par extension des marins]  Courir une (des) bordée(s). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 13 612. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 17 337, b) 24 133; XXe.  siècle : a) 20 292, b) 17 961. 

 

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