Devoir de Philosophie

DÉCORÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Publié le 12/12/2015

Extrait du document

DÉCORÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Participe passé de décorer* 

II.—  Adjectif. 

A.—  [Par référence à décor A et décoration A] 

1. [Avec une idée d'intention marquée, de recherche] 

a) [En parlant d'un édifice, d'un appartement, d'une pièce, etc.]  Garni d'ornements (peintures, dorures, lambris, tableaux, meubles, etc.) destinés à embellir. Ce salonnet, décoré de croix, de saintes gravures, de beaux meubles et de beaux livres d'un goût pieusement exquis (EUGÉNIE DE GUÉRIN, Journal intime,  1840, page 332 ). 

b) En particulier.  [En parlant de certains objet (faïences, porcelaines, céramiques, etc.) ou de certains meubles]  Orné de dessins, peintures. De la porcelaine de Sèvres, décorée de fines peintures bleues et roses (ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon,  1876, page 163 ). 

—  Par analogie.  [À propos de personne]  Un torse grêle, mais décoré d'admirables tatouages en trois encres (GEORGES BERNANOS, Nouvelle histoire de Mouchette,  1937, page 1309 ). 

c) Spécialement.  ART CULINAIRE.   [En parlant de mets.]  Dont la présentation est agrémentée par divers procédés. Des poissons, des poulardes, des coqs de bruyère, des bécasses, des pigeons, apportés tout décorés et fumants (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 1,  1920, page 98) : 

Ø 1. Sur ce bulletin, où on demandait au consommateur d'écrire s'il était mécontent, une phrase perfide sur les chocolats moulés ou décorés d'une façon sans doute artistique établissait la différence qui existe entre ces chocolats de parade et la robuste, la simple, la vigoureuse « savoyarde », en qui tout était sacrifié à la qualité nutritive.

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 26. 

2. Par extension.  [Sans idée d'intention, de recherche, en parlant d'une chose, quelquefois d'une personne] 

a) Par analogie.  Qui est paré, rendu plus beau par des moyens concrets à effet décoratif. Les cimes [des arbres] décorées de toute la pompe de la végétation (JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 258 ). La tête nue, décorée de cheveux grisonnants, et assez poétiquement épars (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues,  1843, page 219 ). 

—  Par ironie. Des femmes qui (...) décorées par des cancroïdes de la face, n'ont plus qu'une moitié de visage (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Foules de Lourdes,  1906, page 63 ). 

b) Par métaphore.  Qui est rehaussé par des valeurs morales. Cette jeune femme (...) ses traits purs et décorés du calme d'une secrète douleur (FRÉDÉRIC SOULIÉ. Les Mémoires du diable, tome 1, 1837, page 223 ). 

B.—  [Par référence à décor A 2 par analogie remarque et décoration B] 

1. [En parlant d'une personne]  Qui a reçu, qui porte une décoration en marque d'honneur. Décoré de la Légion d'honneur ou absolument décoré. L'aîné des deux garçons, décoré de la croix de mérite de son lycée (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 2, 1812, page 262 ). Je reviens décoré des mains de mon général, pour quelques faibles preuves de dévouement et de zèle (HENRI DE LATOUCHE, LOUIS-FRANÇOIS L'HÉRITIER. Dernières lettres de deux amans de Barcelone,  1821, page 4) : 

Ø 2. J'ai envie de lui mettre ma boutonnière sous le nez : « Vous ne voyez donc pas que je suis chevalier de la Légion d'honneur? C'est bien la peine d'être connu et décoré! »...

JULES RENARD, Journal,  1900, page 604. 

—  Emploi comme substantif. Un décoré, les décorés : 

Ø 3. L'aîné de nous est nommé chevalier de la Légion d'honneur. Et comme toutes les joies de la vie, celle-ci arrive incomplète et le décoré est prêt à en souffrir... Quelque orgueil, au fond, de cette décoration, qui aura eu cette rareté de n'avoir été ni demandée, ni sollicitée...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1867, page 372. 

·    En particulier. Les décorés de Juillet. Les décorés de juillet 1830. Secourir les malheureux décorés de Juillet (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 73 ). 

—  Familier (et par plaisanterie) Ils [les deux jeunes hommes] sont décorés de bonne heure, l'un de six mois de prison, pour avoir combattu l'échafaud, l'autre de neuf mois, pour avoir défendu le droit d'asile (VICTOR HUGO, Actes et paroles, 4, 1885, page 371 ). 

·    En particulier.  [Par référence à la croix qui orne les tombes]  Être décoré d'une croix de bois. Être mort (attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle et du XXe.  siècle (Pierre Larousse)). 

2. Par métaphore, péjoratif.  [En parlant d'une personne ou d'une chose]  Dissimulé sous des apparences faussement séduisantes, honoré d'une distinction imméritée. Un petit trou obscur, décoré du nom de chambre (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 3, 1813, page 279 ). Petit préjugé, décoré du nom d'opinion (JACQUES RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Fournier] , 1908, page 344 ). 

 Fréquence absolue littéraire : 937. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 345, b) 1 603; XXe.  siècle : a) 1 781, b) 906. 

 

Forme dérivée du verbe \"décorer\"

 décorer

DÉCORER, verbe transitif.  

A.—  [Par référence à décor A et décoration A] 

1. [Généralement avec une idée d'intention marquée, de recherche]  Orner, parer, agrémenter de décors ou de décorations un édifice, un appartement, une pièce d'ameublement, etc. 

a) [Le sujet désigne une personne]  Garnir d'accessoires destinés à embellir ou à être un élément d'embellissement. Décorer un appartement, un édifice. Décorer les couvertures de leurs dictionnaires de dessins ingénieux à l'encre (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Souffrances du professeur Delteil,  1853, page 101 ). Décorer les façades de pilastres, d'ornements de toute provenance (EUGÈNE VIOLLET-LE-DUC, Entretiens sur l'architecture,  1872, page 319 ). 

—  Spécialement.  ART CULINAIRE.  Une nouvelle manière de décorer la table avec des guirlandes de fruits (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 2,  1921, page 457) : 

Ø 1. Les tables de 24 à 40 couverts n'étaient point rares. On les décorait suivant un rite immuable. Je copie... « Pour le milieu, un surtout, garni (...). Pour les quatre coins, quatre buissons, montés à fond crud... etc. » Je ne soulignerai pas l'abondance « de cette garniture et de ces enjolivements » du dessert, ni la richesse de tant de pièces de métal ciselé et de porcelaines fines...

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison,  1925, page 115. 

b) [Le sujet désigne des objet qui servent à la décoration]  Servir d'ornement à, être l'ornement de. (Quasi-)synonymes : agrémenter, enjoliver, enrichir. Les portraits qui décoraient les murs du salon (JULES SANDEAU, Sacs et parchemins,  1851, page 37 ). Les figures mythologiques, les animaux chimériques qui décorent les montants des meubles sous la Renaissance et l'Empire (JACQUELINE VIAUX, Le Meuble en France,  1962, page 11 ). 

—  Emploi pronominal passif. Les murs se décoraient d'un lambris en bois des îles, espèce de luxe alors dans sa nouveauté (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Portraits littéraires, tome 2, 1844-64, page 283 ). 

Remarque : On rencontre dans la documentation a) l'emploi adjectival du participe présent décorant, ante, au sens de « qui décore, sert à orner, embellir ». La 3e.  série de matières décorantes [céramiques] comprend les métaux (A. BRONGNIART, Traité des arts céramiques, 1844, page 504); b) l'adjectif décoratoire.  Qui se rapporte à la décoration ou qui a une valeur de décoration (voir ce mot A). L'artiste [Hubert Robert] (...) le crayonneur agréable, l'aquarelliste à l'aquarelle à la fois délicate et décoratoire (EDMOND DE GONCOURT, La Maison d'un artiste, 1881, page 142). La cervelle d'un artiste occidental, dans l'ornementation d'une assiette ou de n'importe quoi, ne conçoit et ne crée qu'un décor placé au milieu de la chose, un décor unique ou un décor composé de deux, trois, quatre, cinq détails décoratoires (EDMOND ET JULES DE GONCOURT, Journal, 1884, page 334). 

2. Par analogie.  [Généralement sans idée d'intention, de recherche]  Parer, rendre plus beau, plus éclatant par des moyens concrets, à effet décoratif. L'espèce d'amphibie auquel appartenait cette tête conique à gros yeux, que décoraient des moustaches à longs poils soyeux (JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1874, page 149 ). Quelques nuages décorent le ciel de leurs fresques légères et charmantes (OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre,  1900, page 70 ). 

—  Emploi pronominal passif, poétique. Ce chêne ne se décore plus de son propre feuillage (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Œuvres complètes, tome 16, René, Paris, Ladvocat, 1826 [1805] , page 155 ). 

3. Par métaphore.  Rehausser quelqu'un ou quelque chose par des qualités d'ordre moral. Ta jeune soeur que la pudeur décore (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Poésies complètes,  1829, page 117 ). L'enfant que sa grâce innocente décore (ALBERT SAMAIN, Le Chariot d'or, 1900, page 57) : 

Ø 2. Il y a un mois, je ne savais pas au juste à qui je voulais plaire, mais je savais que cette personne viendrait. C'est pour honorer sa venue que je décorais de gloire toute ma vie, que je faisais de ma vie un beau palais qu'elle viendrait habiter.

VALÉRY LARBAUD, Fermina Marquez,  1911, page 140. 

B.—  [Par référence à décor A 2 par analogie remarque et décoration B] 

1. Remettre une décoration à quelqu'un en marque d'honneur. Décorer un héros, un soldat; décorer quelqu'un de la Légion d'honneur ou absolument décorer. Ceux qui tenaient encore les yeux ouverts faisaient le rêve (...) qu'ils étaient des braves et qu'on les décorait (ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 247 ). 

—  Par extension.  Honorer quelqu'un d'un titre, d'une dignité. Décorer du titre de comte. On vous décorera de tous les ordres imaginables, on vous sanglera de tous les cordons fameux (LÉON BLOY, Journal,  1907, page 353 ). 

2. Par métaphore, péjoratif.  Décerner abusivement à quelqu'un ou à quelque chose une distinction imméritée. Les petites règles tatillonnes de politique prudente, que le monde décore du nom de morale (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, page 267 ). 

—  Emploi pronominal. Se décorer du titre de savant Des gens froids, privés d'imagination, dont l'impuissance se décore du vain nom de raisonnables (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Histoire de la peinture en Italie, tome 2, 1817, page 57) : 

Ø 3. Je ne citerais même pas comme appartenant probablement au genre romantique les ouvrages que je viens de vous rappeler, si la plupart de ceux qui les ont faits ne se décoraient dans le monde du beau nom d'écrivains romantiques avec une assurance qui doit vous désespérer.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Racine et Shakspeare, tome 2, 1825, page 73. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 580. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 065, b) 912; XXe.  siècle : a) 918, b) 514. 

Liens utiles