Définition: AUPARAVANT, adverbe. Adverbe de temps marquant l'antériorité dans le temps d'un fait par rapport à un autre. A.— Sans indication du laps de temps séparant les deux faits (généralement, de courte durée) : Ø 1. Il y a un phénomène curieux — et dont je suis loin de me féliciter, dont je m'effraye plutôt — : les choses frivoles ne viennent pas volontiers vers moi, ou si elles y viennent, elles cessent d'être frivoles. Qu'ai-je fait, par exemple, hier et auparavant, pour que cette petite ne prît pas notre aventure avec la plus indifférente légèreté? LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, page 147. Ø 2. Flamand l'exaspérait en répétant à tout bout de champ : « Tu comprends, moi je suis un ouvrier, je raisonne comme un ouvrier. » Mais grâce à lui Henri avait touché du doigt quelque chose qu'il ignorait auparavant, dont désormais il sentirait toujours la menace : la haine. SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 15. — L'époque, le moment où ce fait s'est produit peuvent être précisés par le contexte : Ø 3. Je passais alors la journée entière dans la salle à manger, couché sur le tapis, sous la table, la tête dans les jambes et sur la poitrine d'un des chiens, qui s'appelait Tabac, comme un autre que nous avions eu auparavant, du temps de ma vieille bonne, quand nous étions à Paris. PAUL LÉAUTAUD, In memoriam, 1905, page 197. B.— Avec indication précise ou vague du laps de temps. 1. [À l'aide d'un adverbe de temps (longtemps, déjà)] : Ø 4. Car, dans l'état passif qui suit l'initiative volontaire, reparaissent les contrariétés parfois douloureuses et l'incompatibilité des désirs ou des affections qui, déjà auparavant, avaient suscité la décision et l'effort. MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie, 1893, page 197. Ø 5. Dans deux directions, en effet, nous voyons la poussée de la vie au mouvement reprendre le dessus. Les poissons échangent leur cuirasse ganoïde pour des écailles. Longtemps auparavant, les insectes avaient paru, débarrassés, eux aussi, de la cuirasse qui avait protégé leurs ancêtres. HENRI BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, page 132. 2. [À l'aide d'un adverbe de manière] : Ø 6. J'avais eu le courage, bien auparavant, de demander si elle avait un amant HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vie de Henry Brulard, tome 2, 1836, page 272. 3. [À l'aide d'un adverbe de quantité] : Ø 7. Je supposai, l'aventure m'étant arrivée à moi-même peu auparavant, que, quelqu'un lui ayant enlevé son chapeau, il en avait avisé un au hasard pour ne pas rentrer nu-tête et que je le mettais dans l'embarras en dévoilant sa ruse. MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, page 278. 4. [Par une indication temporelle quelconque] Un jour, une heure, un mois auparavant; un instant, un moment auparavant : Ø 8. Et cette femme, en qui on ne pouvait reconnaître celle qui une heure auparavant pleurait avec Mahaut d'Orgel, tira la lettre de son sac, la tendit à François, avec un visage de glace. RAYMOND RADIGUET, Le Bal du comte d'Orgel, 1923, page 175. Ø 9.... ce revoir lui paraîtrait moins triste, s'il s'en était promis moins de joie. Lorsque, deux mois auparavant, il s'était empressé à la rencontre d'Édouard, il en avait été de même. Il en serait toujours ainsi, se disait-il. ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, page 1145. Remarque : 1. L'emploi de l'adverbe auparavant comme préposition, synonyme de avant fréquent dans l'ancienne langue a été condamné par Vaugelas. Toutefois quelques exemples apparaissent encore dans l'usage vieilli, dialectal ou argotique : Ø 10. Dès que le mois de mai sera venu, les communications seront rétablies [entre la France et la Russie] ! Quand j'aurai la permission, je crois que j'irai à Dunkerque quinze jours auparavant le départ du bateau! HONORÉ DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2, 1850, page 122. Ø 11. Nous en sûmes bientôt la raison. Mais, auparavant que de vous la faire connaître, je dois rapporter que M. de Marquet me parut fort perplexe, ne sachant s'il devait se réjouir du pas nouveau que le petit reporter avait fait faire à l'instruction ou s'il devait se désoler de ce que ce pas n'eût pas été fait par lui. GASTON LEROUX, Le Mystère de la chambre jaune, 1907, page 60. — Dans l'exemple suivant, auparavant est également employé prépositionnellement à la place de avant : Ø 12. [Au couvent des Augustins] . Le choeur des frères en haut de l'église et la pièce longue auparavant, avec tableaux;... EUGÈNE DELACROIX. Journal, tome 1 1852, page 154. Remarque : 2. Noter l'emploi, dans l'exemple suivant, de auparavant précédé de la préposition dès : Ø 13. Elle avait une auxiliaire et une inspiratrice très-active : car, dès auparavant, il était venu de Tard deux religieuses, dont la principale, la mère Jeanne de Saint-Joseph de Pourlans, était la réformatrice même de ce monastère,... CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 333. — D'auparavant. [S'emploie toujours derrière un substantif actualisé par l'article défini ou par un adjectif possessif] Précédent, antérieur. · [Qualifiant une quelconque division du temps] L'heure, le jour, la semaine d'auparavant; l'instant, le moment d'auparavant : Ø 14. Le propriétaire venait de donner congé aux Coquet, au cinquième; ils devaient trois termes; puis, ils s'entêtaient à allumer leur fourneau sur le carré; même que, le samedi d'auparavant, Mademoiselle Remanjou, la vieille du sixième, en reportant ses poupées, était descendue à temps pour empêcher le petit Linguerlot d'avoir le corps tout brûlé. ÉMILE ZOLA, L'Assommoir, 1877, page 427. · [Qualifiant un substantif] : Ø 15. Un marché s'ouvre; on y amène les nations la corde au cou : on les palpe, on les pèse, on les fait courir et marcher : elles valent tant Ce ne sont plus le tumulte et la confusion d'auparavant, c'est un commerce régulier. FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, Les Paroles d'un croyant, 1834, page 217. Ø 16. Chacun de nous privé de l'amour des deux autres, car Yves me quittait et je n'avais plus pour lui le pur sentiment d'auparavant. PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 312. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 699. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 5 092, b) 4 080; XXe. siècle : a) 2 586, b) 3 390.
