Définition: BOUDER, verbe. A.— [L'objet reste implicite] Manifester du mécontentement, de l'humeur par l'expression du visage, son silence, par son attitude. Synonyme : faire la moue : Ø 1. Il [l'Empereur] plaisantait beaucoup un de la bande, qu'il agaçait fort, prétendant qu'il boudait, et l'accusait d'être trop souvent mécontent et de mauvaise humeur, etc. EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 1102. Ø 2. Je descendrais lentement — lentement — majestueusement, tel un parachutiste. Et, du coup, il vous serait difficile de bouder, de vous entêter et de ne pas lever la tête. Oh! crierait la rue et le monde. Oh! un jeune homme qui vole! Vite, vite, regardez tous. Et — car vous êtes curieuse et sensible aux prodiges — vous re-gar-de-riez. JEAN COCTEAU, Théâtre de poche, 1949, page 129. — PSYCHOLOGIE : Ø 3. Humeur : selon le système de l'exaspération, rien n'est meilleur que de se gratter. C'est choisir son mal; c'est se venger de soi sur soi. L'enfant essaie cette méthode d'abord. Il crie de crier; il s'irrite d'être en colère et se console en jurant de ne pas se consoler, ce qui est bouder. Faire peine à ceux qu'on aime et redoubler pour se punir. Les punir pour se punir. Par honte d'être ignorant, faire serment de ne plus rien lire. S'obstiner à être obstiné. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1921, page 347. SYNTAXE : Bouder sans raison, par jeu, pour un rien; bouder dans un coin, à l'écart, comme un écolier, en enfant gâté. — Par métaphore : Ø 4. Dans les terres riches, les arbres poussent avec une très grande vigueur (...) Mais, si ces arbres en sortant des pépinières, sont plantés dans des terres de mauvaise nature ou seulement de qualité médiocre (...) ils vont dit-on dépérir. Dépérir, non, mais ils pourront éprouver une sorte de malaise (...). Il ne faudra pas s'étonner si ces arbres boudent, comme on dit, et s'ils ne font que végéter pauvrement pendant les premières années. ÉLIE-ABEL CARRIÈRE, Pépinières, 1878, page 19. Ø 5.... chez cet individu le pouls bat un peu plus vite, la surrénale boude,... EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 47. Remarque : Synonyme populaire faire du boudin, son aquilin, son blair, sa gueule, son nez, sa poire (DICTIONNAIRE FRANÇAIS-ARGOT (ARISTIDE BRUANT), 1901). Faire la tête. B.— [L'objet est explicité] Manifester de l'humeur, de l'irritation contre quelqu'un ou quelque chose, refuser de s'y intéresser. 1. Emploi intransitif. [Le verbe étant suivi d'une préposition] a) Bouder contre quelqu'un ou quelque chose. Bouder contre son coeur : Ø 6. René était chambellan du roi Louis. C'est un des hommes les plus aimables que j'aie connus. (...) sur ses vieux jours, il m'a appelée dans ses bras et j'y ai couru de grand coeur. On ne boude pas contre soi-même. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 393. — Familier. Bouder contre son ventre. Refuser quelque chose par dépit. b) Bouder à quelque chose (argot). Reculer, craindre. Bouder à l'ouvrage, au feu (Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE) 1907). 2. Emploi transitif. Bouder quelqu'un, quelque chose : Ø 7. Elle le boude des heures et des heures, le front dur... la bouche mauvaise... OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 82. Ø 8. Hier, à Neuchâtel, revu La Ruée vers l'or. Suarès boude Charlot par orgueil. Injustifiable résistance. (...) Nous rions et nous amusons, toi et moi, de la même chose. ANDRÉ GIDE, Journal, 1967, page 834. SYNTAXE : Bouder le roi, Paris; bouder les bouteilles, le cinéma, un journal; bouder la destinée, son plaisir, le travail, la vie. — Par métaphore : Ø 9.... j'aime que sise dans une des plus belles assiettes du rivage de la Méditerranée, elle [Marseille] ait l'air de tourner le dos à la mer, de la bouder, de l'avoir bannie hors de la cité... BLAISE CENDRARS, L'Homme foudroyé, 1945, page 55. — Emploi pronominal, réciproque : Ø 10. Ces deux personnes ressemblaient à deux amants brouillés qui se boudent, se tournent le dos et vont s'embrasser au premier mot d'amour. HONORÉ DE BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, page 215. Ø 11. Deux créatures qui ne se conviennent pas, pourraient aller chacune de son côté; eh! bien, faute de quelques pistoles, il faut qu'elles restent là en face l'une de l'autre à se bouder, à se maugréer, à s'aigrir l'humeur,... FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 31. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 469. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 347, b) 864; XXe. siècle : a) 825, b) 735.