Définition du terme: CORRESPONDRE, verbe. A.— Emploi transitif indirect. [On met en parallèle, on compare deux ou plusieurs choses] Être en rapport. Correspondre à. 1. Être associé par des liens naturels, logiques, ou de cause à effet (confer dépendre, être en corrélation). Un voyage est une opération qui fait correspondre des villes à des heures (PAUL VALÉRY, Variété II, 1929, page 21 ). À ces pancartes d'embauche, par-ci par-là, correspondaient toujours des exigences d'une qualification quelconque (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 386) : Ø 1. C'est une erreur contraire à la nature de la poésie, et qui lui serait même mortelle, que de prétendre qu'à tout poème correspond un sens véritable, unique, et conforme ou identique à quelque pensée de l'auteur. PAUL VALÉRY, Variété III, 1936, page 74. — Emploi pronominal : Ø 2.... l'oeil (...) offre un ensemble restreint et fermé de sensations qui se correspondent deux à deux, tellement que si l'une est donnée avec une certaine intensité et une certaine durée, elle est aussitôt suivie de la production de l'autre. PAUL VALÉRY, Variété IV, 1938, page 263. 2. Être en rapport de conformité, de convenance (confer répondre, convenir, s'accorder). Correspondre à un besoin, à un désir, à la réalité. Un emploi quelconque, obscur, et qui correspond, somme toute, à mes aptitudes, à mes connaissances (GEORGES DUHAMEL, Journal de Salavin, 1927, page 8 ). Était-il possible qu'elle l'aimât? Rien en lui ne correspondait à ses goûts (FRANÇOISE SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, page 28) : Ø 3. La vie du Grand Séminaire ne me dépaysa nullement. Elle était bien telle que je l'avais imaginée, désirée. Elle correspondait exactement à mon attente et à ma préparation, elle comblait tout mon espoir. ANDRÉ BILLY, Introïbo, 1939, page 38. · Emploi pronominal. Mon coeur, (...) mon imagination, (...) se correspondent si étrangement que l'une double et décuple les jouissances comme les douleurs de l'autre (HONORÉ DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2, 1850, page 2 ). — En particulier, vieilli [Le sujet désigne une personne] Répondre par ses sentiments, ses actions, aux sentiments, aux désirs de quelqu'un (confer payer de retour) : Ø 4.... un homme ne doit point agir comme ces jeunes filles qui veulent qu'on les aime, qu'on pense à elles, et qu'on les regrette quand bien même elles ne se soucient pas d'y correspondre. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, François le Champi, 1850, page 117. 3. Être en rapport d'analogie, d'équivalence par nature ou par fonction. Je venais d'être fait lieutenant de vaisseau, ce qui correspondait au grade d'officier supérieur dans la ligne (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 5) : Ø 5.... « Van Gogh comparait la peinture à la musique; il prenait des leçons de piano chez un vieil organiste pour établir quels sons de l'instrument correspondaient au bleu de Prusse, au vert saphir, au cadmium, à l'ocre jaune ». ANDRÉ LHOTE, Peinture d'abord, 1942, page 140. — Emploi pronominal : Ø 6. Quelle est l'ordonnance du monde? Quand Nerval dégagera des « harmonies jusqu'alors inconnues » et dira que « tout se correspond », il entendra par là que ce qui est au monde et dans le monde divin est de même espèce... MARIE-JEANNE DURRY, Gérard de Nerval et le mythe, 1956, page 54. 4. Être en rapport de symétrie, de proportion (confer faire pendant). Ici toutes les voitures sont « à la voie », c'est-à-dire assez larges pour que les roues correspondent exactement aux ornières des charrettes (FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, page 223) : Ø 7. À chaque défaut du père Gueroult correspondait, dans le caractère d'Albert, un relief. Celui-ci était aussi droit, aussi franc, que l'autre était retors et papelard; aussi généreux que l'autre cupide;... ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, page 399. — Emploi pronominal. La nature munit les insectes dont elle prévoit la lutte, de faiblesses et d'armes qui se correspondent (JEAN GIRAUDOUX, La Guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935, II, 13, page 186 ). 5. Être identique, représenter. Le mois de novembre, sous cette latitude, correspond au mois de mai des zones boréales (JULES VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, page 470) : Ø 8. L'Université couvrait la rive gauche de la Seine, depuis la Tournelle jusqu'à la Tour de Nesle, points qui correspondent dans le Paris d'aujourd'hui, l'un à la Halle aux vins, l'autre à la Monnaie. VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 138. B.— Emploi intransitif. Être en relation, en communication. 1. [Le sujet désigne une chose] Être relié (par un lien concret). Correspondre avec. Ce cabinet correspond avec un couloir qui rejoint l'escalier (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 5, 1859, page 189) : Ø 9. Rouletabille m'expliqua qu'il avait voulu savoir si ce vieux puits correspondait avec la mer et qu'il y avait puisé une eau absolument douce, preuve que cette eau n'avait aucune relation avec l'élément salé. GASTON LEROUX, Le Parfum de la dame en noir, 1908, page 51. — [Le complément exprimant la réciprocité de l'action est sous-entendu] : Ø 10. Nos villes de France se tiennent toutes; elles se donnent presque la main par leurs faubourgs; elles correspondent par leurs villages;... EUGÈNE FROMENTIN, Un Été dans le Sahara, 1857, page 102. Remarque : On rencontre aussi la construction correspondre à, plus rare. La calèche s'arrêta tout à coup; le comte venait de tirer le cordonnet de soie qui correspondait au doigt d'Ali (ALEXANDRE DUMAS père, Le Comte de Monte-Cristo, tome 2, 1846, page 695). — En particulier. [Le sujet désigne un moyen de transport] Être en concordance d'horaire : Ø 11. Il est rare que le train qui arrive le matin à Neuchâtel corresponde avec celui qui, partant de Neuchâtel, arrive à Lucerne vers cinq heures. GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1874, page 137. · Emploi absolu : Ø 12.... l'express de huit heures, (...) la mettra demain à Marseille pour le déjeuner. Mais, comme il n'y a pas de train qui corresponde tout de suite, elle ne pourra être ici, demain 7 novembre, que par celui de cinq heures. ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, page 288. 2. [Le sujet désigne une personne] Avoir des relations, communiquer avec quelqu'un. a) par échange de lettres, par télégrammes, par téléphone (les personnes sont éloignées). Correspondre avec quelqu'un : Ø 13. Christophe correspondait avec Olivier, à présent installé dans une ville de province. Il tâchait de maintenir, par lettres, leur féconde collaboration de naguère. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, page 1138. — [Le complément exprimant la réciprocité de l'action est sous-entendu] Depuis leur séparation, (...) ils n'avaient cessé de correspondre très-activement (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 295 ). — Emploi absolu. Sans s'attabler à écrire, [il] correspondait principalement en télégrammes (ÉLÉMIR BOURGES. Le Crépuscule des dieux. 1884, page 69 ). b) par signes (les personnes sont proches mais ne peuvent se parler). Il voulait correspondre avec elle au moyen de caractères qu'il traçait sur sa main avec un morceau de charbon (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 306 ). c) PRESSE. Correspondre avec un journal. Envoyer des articles à un journal. Il correspondait avec le journal des savants (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 91 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 797. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 032, b) 1 388; XXe. siècle : a) 3 038, b) 3 334.
