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Définition du terme: CREUX, -EUSE, adjectif et substantif masculin.

Publié le 04/12/2015

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Définition du terme: CREUX, -EUSE, adjectif et substantif masculin. I.— Emploi adjectival. A.— [Creux qualifie l'intérieur du déterminé] Qui n'est pas plein. 1. Qui a une cavité. Arbre creux; charge* creuse; dent* creuse. Une pile creuse de corde roulée (MARCEL SCHWOB, Le Livre de Monelle, 1894, page 54 ). Flûte creuse (ALBERT SAMAIN, Le Chariot d'or, 1900, page 72) : Ø 1.... des murs doubles, des murs qu'on croyait pleins et épais, et qui sont creux comme des armoires, avec une espèce de corridor noir, où on ne trouve rien que de la poussière... GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école, 1900, page 79. · Au figuré. Avoir le nez creux. Avoir le nez très fin, beaucoup de flair. — Par métonymie. [En parlant d'un son] Rendu par un objet, un espace creux. La sonorité creuse et sinistrement retentissante d'une maison déserte (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 181 ). · Par extension. [En parlant de la voix] Semblable au son rendu par un objet, un espace creux. Une voix creuse qui semblait le mugissement du vent dans une caverne (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Les Dimanches d'un Bourgeois de Paris, 1880, page 335 ). Grosse toux creuse (ALPHONSE DAUDET, L'Évangéliste, 1883, page 278) : Ø 2. Des gerbes de voix (...) fusaient avec les sons presque verts des harmonicas, avec les timbres pointus des cristaux qu'on brise. Appuyées sur le grondement contenu de l'orgue, étayées par des basses si creuses qu'elles semblaient comme descendues en elles-mêmes, comme souterraines, elles jaillissaient, scandant le verset De profundis clamavi ad te... GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 1, 1895, page 5. [Avec ellipse d'un déterminé] : Ø 3.... la sirène (...) crispant les nerfs, redescend au plus creux pour repartir sur son élan, pour atteindre de nouveau ces notes haut perchées, pire que tous les cris. HERVÉ BAZIN, L'Huile sur le feu, 1954, page 212. · Emploi comme adverbe. Sonner creux. Sonner à la manière d'un objet, d'un espace creux (confer infra II A 1, par métonymie). Les battements sonnant creux des marteaux sur les futailles vides (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, page 291 ). Au figuré. Manquer d'intérêt, de valeur : Ø 4. C'est un grand malheur, quand on a de l'instruction, de l'imagination et du talent, de ne pas avoir le coeur plein. Car, sans cette dernière condition, si l'on se met à écrire, c'est la tête seule qui nous sert de guide, et ce que nous produisons sonne toujours creux, manque de solidité et ne dure pas. ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal, 1827, page 371. 2. Dépourvu de son contenu habituel, attendu. a) [En parlant de choses] — Buisson* creux. — [En parlant de l'estomac, du ventre] Qui n'est pas rempli de nourriture. Avoir le ventre creux. Avoir faim : Ø 5.... il m'arriva bien des fois de rentrer chez moi sans avoir mangé, n'ayant pour me réconforter que l'espoir de trouver dans un placard un reste de pain et de fromage. (...) S'ils n'y étaient pas, je me couchais l'estomac creux... ANDRÉ BILLY, Introïbo, 1939, page 66. — [En parlant d'une durée] Pendant laquelle il ne se passe pas ou peu d'événements importants, pendant laquelle il n'y a pas ou peu d'activité. Heures creuses des repas : Ø 6.... la duchesse de Langeais menait cette vie creuse, exclusivement remplie par le bal, par les visites faites pour le bal, par des triomphes sans objet, par des passions éphémères, nées et mortes pendant une soirée. HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, page 234. Ø 7. Comme le serpent de mer, Paris, port-de-mer, est encore un de ces sujets qui passent en première page, les jours creux, au mois d'août, quand les journaux n'ont rien à monter en vedette... BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 303. b) [En parlant du siège de l'activité de l'esprit humain] Dépourvu d'intelligence. Cerveau creux, cervelle creuse. — Par métonymie (hypallage) · [En parlant d'une personne] Je ne suis pas encore assez creux pour me faire écouter sans rien dire. (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Elle et lui, 1859, page 133) : Ø 8.... la torpeur morale, les habitudes infantiles, les raisonnements primaires et les préoccupations mesquines, tout cela est en somme assez normal chez une femme sans tempérament, sans curiosité, creuse et dont les seuls scrupules de conscience sont exclusivement d'ordre hygiénique. BLAISE CENDRARS, Les Confessions de Dan Yack, 1929, page 314. · [En parlant d'une manifestation de l'activité de l'esprit humain] Vain. Les châteaux en Espagne des songeries creuses (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1894, page 682 ). Beaucoup de verbiage, une rhétorique bien creuse et bien essoufflée (ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 572 ). — Emploi comme adverbe. Songer creux. Songer à des choses vaines, chimériques (confer songe* creux). Il y a longtemps que Poil de Carotte, rêveur, observe la plus haute feuille du grand peuplier. Il songe creux et attend qu'elle remue (JULES RENARD, Poil de carotte, 1894, page 269 ). c) [En parlant d'un ensemble de personne] : Ø 9.... s'il se produisait un vide [dans l'alignement des Cahiers] Péguy ne disait pas : « Il y a un vide » il disait, comme au régiment : « Il y a une fille creuse »... JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, Notre cher Péguy, 1926, page 216. — Classes creuses. Classes d'âge dont les effectifs sont anormalement bas. Les classes creuses de l'après-guerre. 3. Viande creuse. Aliment qui n'est pas consistant, qui ne nourrit pas. La tripe est une viande creuse qui ne soutient pas (JULES VALLÈS, Le Réfractaire, 1865, page 43 ). — Par métaphore ou au figuré. Mon éloquence et ma réputation sont comme une omelette soufflée; un ouvrier grossier trouve que c'est viande creuse (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 3, 1836, page 278) : Ø 10.... le renoncement, c'est très beau; n'empêche que si l'humanité ne vivait que de cette viande creuse, elle serait encore dans les cavernes, elle n'aurait rien conquis... GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, page 192. · Locution. Se repaître de viandes creuses. Se repaître de chimères. B.— Par extension [Creux qualifie la forme extérieure de l'objet] 1. Concave. Assiette creuse. Sa joue était si creuse que l'on comptait ses dents (THÉOPHILE GAUTIER, La Comédie de la mort, 1838, page 34 ). Stefany était grand et maigre; la poitrine creuse, les épaules pointues (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 392 ). Large jupe à plis creux (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 152 ). — Par extension, vieilli ou littéraire. Profond. Tous deux entraient dans l'eau, qui n'était point creuse en cet endroit (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Les Maîtres sonneurs, 1853, page 367 ). · [Avec ellipse d'un déterminé] La plupart des châteaux de la Vallée-Noire (...) sont situés dans le plus creux des vallons, au lieu d'être placés sur les hauteurs (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré, tome 2, 1858, page 41 ). Au figuré. Au plus creux de son sommeil (GEORGES BERNANOS, Un Crime, 1935, page 738 ). Il sourit à son fils, d'un sourire triste parti de l'intérieur, du plus creux de sa tendresse pour cette larve (HERVÉ BAZIN, L'Huile sur le feu, 1954, page 153 ). · En particulier. [En parlant d'une partie du corps humain] Deux rides creuses et méchantes se tordaient sur son visage, de part et d'autre de sa bouche (GEORGES DUHAMEL, Les Maîtres, 1937, page 232 ). Orbites creuses. Orbites qui sont ou qui semblent profondes, très concaves. Sa tête de mort [de Modigliani] , ses beaux yeux fixes au fond de ses orbites creuses et bitumées (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 199 ). 2. Par métonymie. a) [En parlant d'une étendue] Qui présente des concavités. Des bocages creux (ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, page 14 ). — En particulier. Mer creuse. Mer agitée. [Les] jeux turbulents de la mer creuse (PAUL CLAUDEL, Tête d'or, 1890, page 149 ). b) Qui est situé dans une concavité. Au tournant creux du ruisseau (ANDRÉ GIDE, Les Nourritures terrestres, 1897, page 205 ). Un chemin creux (...) bordé de ces arbres de coupe dont les puissantes racines ongulaires font corps avec le talus (ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911 page 33 ). — Spécialement. Yeux creux. Yeux qui sont ou qui semblent très enfoncés dans les orbites. Une famille dont les joues hâves et les yeux creux annoncent l'ardeur de la faim et de tous les besoins (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 376 ). II.— Substantif masculin. A.— [Le creux concerne l'intérieur d'un objet] Ce qui n'est pas plein. 1. [Le mot est suivi d'un complément du nom qui indique sa situation] Cavité. À l'équinoxe d'automne (...) la marmotte se cache et s'endort dans le creux des rochers (JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 376 ). Les vieillards causaient au creux des portes (ANDRÉ GIDE, Les Nourritures terrestres, 1897, page 236 ). · Spécialement. MARINE. Creux d'un navire. " Hauteur prise à mi-longueur du navire, entre le pont supérieur et le fond de cale " (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952). — Par métonymie, emploi absolu. · Sonner le creux. Sonner à la manière d'un objet, d'un espace creux (confer supra I A 1 par métonymie). En vain il sonda la muraille avec l'espoir de l'entendre sonner le creux (JULES VERNE. Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, page 233 ). Au figuré. Manquer d'intérêt, de valeur. L'absolu auquel je me sacrifiais me parut vide et absurde. Mon dieu philosophique sonna le creux (ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, page 264 ). · Familier. Voix basse et profonde, semblable au son rendu par un objet, un espace creux : Ø 11.... Goujet (...) avait ramené le silence et le respect avec les Adieux d'Abd-El-Kader, qu'il grondait de sa voix de basse. Celui-là possédait un creux solide, par exemple!... ÉMILE ZOLA, L'Assommoir, 1877, page 587. 2. [Le mot est suivi ou non d'un complément du nom] Manque d'une chose, d'un contenu habituel, attendu. Le navire se trouvait dans un creux de vent (MAURICE DRUON, Les Poisons de la couronne, 1956, page 30) : Ø 12.... quand nous autres, gens du front, intoxiqués maintenant par la guerre, nous demeurons un certain temps dans une situation à peu près paisible, sans secousses violentes, nous nous sentons inquiets, inoccupés. Nous avons une impression de creux. LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, page 208. — En particulier. · emploi absolu. [Le mot peut être suivi d'un complément circonstanciel désignant l'estomac] Manque de nourriture dans l'estomac, le ventre; sensation de faim : Ø 13.... Loiseau annonça que décidément il se sentait un rude creux dans l'estomac. Tout le monde souffrait comme lui depuis longtemps, et le violent besoin de manger, augmentant toujours, avait tué les conversations. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Boule de suif, 1880, page 124. · [Le mot est suivi d'un complément du nom ou d'un complément circonstanciel] Durée pendant laquelle il ne se passe pas ou peu d'événements importants, pendant laquelle il n'y a pas ou peu d'activité. Le creux de l'heure des repas; un creux dans la circulation. · [Le mot est suivi d'un complément du nom qui désigne une manifestation de l'activité de l'esprit humain] Manque de valeur, d'intérêt; vanité. Vrai Diogène, il [M. Pinault] voyait le creux d'une foule de conventions qui étaient des articles de foi pour mon excellent directeur (ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, page 243 ). B.— Par extension. [Le creux concerne la forme extérieure d'un objet] 1. [Le mot est suivi d'un complément du nom ou d'un adjectif qui indique sa situation] Concavité. Creux poplité, creux de l'épaule. Antoine se glissa près d'elle, s'étendit sur la banquette et posa la nuque au creux de sa robe (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 1023 ). Je sentais, au creux des reins, le frisson de la peur (JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots, 1964, page 160 ). · emploi absolu. En creux. En formant une concavité. Antonyme : en relief. Ses yeux (...) s'arrêtèrent un moment sur la place du lit où se marquait encore en creux l'empreinte de ses bras et de son dos (GEORGES BERNANOS, La Joie, 1929, page 687) : Ø 14. La gravure en creux, qui se fait ordinairement sur cuivre ou sur acier, consiste à laisser intactes les parties claires du dessin et à ne fouiller dans la plaque de métal que les contours et les parties ombrées. CHARLES BLANC, Grammaire des arts du dessin, 1876, page 617. — En particulier. [Le mot est suivi d'un complément du nom qui désigne une partie du corps humain] · Creux de l'estomac. Concavité extérieure située sous le sternum, au niveau de l'estomac. L'insupportable oppression qu'elle sentit au creux de l'estomac (MAURICE BARRÈS, L'Appel au soldat, 1900, page 173 ). Pan, pan, aussi sec, mon poing dans chaque oeil, et toc, mon gauche dans le creux de l'estomac (RAYMOND QUENEAU, Pierrot mon ami, 1942, page 19 ). · Creux de la main. Concavité formée par la paume de la main (à moitié) repliée. Boire dans le creux de sa main. Tenir au creux de la main. Être petit, sans importance : Ø 15.... je préfère mille fois la petite étude de M. Vibert que nous avons vue à l'exposition des aquarellistes. Ce n'est rien si vous voulez, cela tiendrait dans le creux de la main, mais il y a de l'esprit jusqu'au bout des ongles:... MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 2, 1921, page 501. Être dans le creux de la main (de quelqu'un). Être à la disposition, à la portée (de quelqu'un). Toute la science humaine est à toi. Toute la pensée humaine est là, dans le creux de ta main (ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, page 140 ). 2. Par métonymie. a) [Le mot est suivi d'un complément du nom] Partie la plus profonde d'une concavité. Une petite ville gracieusement logée au creux d'une vallée bocagère (GEORGES DUHAMEL, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, page 131 ). Comment peut-on vivre dans la ville de sel, au creux de cette cuvette pleine de chaleur blanche (ALBERT CAMUS, L'Exil et le Royaume, 1957, page 1581 ). — Par métaphore ou au figuré. Un oiseau au creux de l'orage (GEORGES BERNANOS, La Joie, 1929, page 604 ). Au creux de la nuit tôt refermée (JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux. 1945, page 172) : Ø 16. LA PESTE. — (...) Il me faut être le maître de tout ou je ne le suis de rien. Si tu m'échappes, la ville m'échappe. C'est la règle. Une vieille règle dont je ne sais d'où elle vient. DIEGO. — Je le sais, moi! elle vient du creux des âges, elle est plus grande que toi, plus haute que tes gibets, c'est la règle de nature. ALBERT CAMUS, L'État de siège, 1948, page 289. · En particulier. Creux de la vague. La plus profonde incertitude, dépression. Être au creux de la vague. Nous sommes tous nés dans un creux de vague : qui sait l'horizon vrai? qui sait la terre? (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 2, 1834, page 281 ). Il a la sensation de descendre au creux de la vague (GEORGES BERNANOS, Madame Dargent, 1922, page 11 ). b) MARINE. [Le mot est suivi ou non d'un complément du nom] Creux (de la mer). " Profondeur entre deux lames, mesurée de la crête à la base " (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952). " Une mer d'un mètre de creux " (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952). c) Emploi absolu, POTERIE. — Ensemble des objets creux. Antonyme : platerie : Ø 17. Le coulage (...) n'était employé d'abord que pour ce qu'on appelle le creux, c'est-à-dire les tasses, pots à sucre, etc. ADOLPHE BRONGNIART, Traité des arts céramiques ou des poteries considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie, 1844, page 150. — Moule creux. Mes précieux moules (ou creux) en soufre de couleur d'ardoise (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vie de Henry Brulard, tome 1, 1836, page 227 ). Le moulage à creux perdu (ADOLPHE BRONGNIART, Traité des arts céramiques ou des poteries considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie, 1844 page 127 ). Remarque : On rencontre dans la documentation l'adverbe creusement. D'une manière creuse (supra I A 2 b). Je m'en irais aux glaciers du Rhône; je parlerais la langue de Schiller à ma maîtresse, et je rêverais creusement la liberté germanique (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'outre-tombe, tome 4, 1848, page 116). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3 023. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 890, b) 4 167; XXe. siècle : a) 4 990, b) 5 156. Forme dérivée du verbe "creuser" creuser CREUSER, verbe transitif. I.— Faire une cavité en enlevant de la matière. A.— [Le complément d'objet désigne la chose dans laquelle on fait ou se fait une cavité] 1. Domaine physique. Une empreinte ineffaçable, semblable à la goutte d'eau forte qui creuse la planche de cuivre en y tombant (CHARLES-JULIEN LIOULT DE CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1822, page 114 ). [Il] se mit à creuser le schiste avec le crochet de la lampe (ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885, page 1573) : Ø 1.... j'ai fermé mes deux malles (...) pour m'accorder le plaisir de déjeuner tranquillement, creusant le pot de miel et la motte de beurre avec une gourmandise méthodique. GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Entrave, 1913, page 113. · emploi absolu. Le forgeron martelle; le mineur creuse (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1931, page 998 ). · Emploi pronominal à sens passif. Ce vieil arbre commence à se creuser (Dictionnaire de l'Académie française. ). — Par métaphore. Des remords creusaient ma conscience véreuse (LÉON FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, page 265 ). Des chants de grenouilles creusaient les ténèbres jusqu'à l'invisible horizon (ANDRÉ MALRAUX, La Voie royale, 1930, page 86) : Ø 2. Dieu doit, en quelque manière, afin de pénétrer définitivement en nous, nous creuser, nous évider, se faire une place. PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Milieu divin, 1955, page 94. — Par métonymie (hypallage), littéraire. [Le complément d'objet désigne la voix] Rendre semblable au son rendu par un objet, un espace creux. Il commence l'histoire (...) et avec une certaine passion qui creuse sa voix (HERVÉ BAZIN, L'Huile sur le feu, 1954, page 280 ). · Emploi pronominal à sens passif. Les accents de sa voix se creusaient, se corsaient (ALEXANDRE ARNOUX, Zulma, l'infidèle. 1960, page 52 ). 2. Au figuré, domaine de l'activité intellectuelle. a) [Le complément d'objet désigne le siège de l'activité de l'esprit humain; la personne du sujet possesseur est exprimée par un réfléchi en construction indirecte] Familier. Se creuser la tête, le cerveau. Réfléchir intensément. Je me creuse le cerveau pour sortir sans la blesser de la situation ridicule où elle m'a mis (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 982 ). — [Avec ellipse de tête, cerveau] Ce pauvre papa (...) il ne s'était pas creusé (MARCEL AYMÉ, Le Nain, 1934, page 269 ). b) [Le complément d'objet désigne une manifestation de l'activité de l'esprit humain] Examiner avec attention et intérêt en allant plus loin qu'un examen superficiel, approfondir. Creuser une idée, un problème : Ø 3.... elle prit (...) le billet de Raoul (...); après l'avoir relu attentivement, après avoir pressuré chaque mot et creusé chaque phrase pour en faire jaillir la lumière, Mademoiselle de La Seiglière le relut encore une fois;... JULES SANDEAU, Mademoiselle de la Seiglière, 1848, page 286. Ø 4. Pousser l'art jusqu'au sérieux, creuser, fouiller une étude, une composition, était impossible à ce garçon [Anatole] dont la cervelle légère était toujours pleine d'idées volantes. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon, 1867, page 46. — [Le complément d'objet désigne une personne] Mon père s'arrête. Son regard me creuse (HERVÉ BAZIN, L'Huile sur le feu, 1954 page 180 ). — emploi absolu. M. de Tocqueville qui n'avait guère jamais lu un livre qu'en creusant et en méditant, n'avait pas assez lu au hasard et en butinant (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 15, 1851-62, page 95 ). 3. Domaine physiologique. [Le complément d'objet désigne l'estomac, le ventre] Faire en sorte que l'estomac, le ventre, soit ou paraisse vide de nourriture. Une faim terrible lui creusait le ventre (GUY DE MAUPASSANT, Bel-Ami, 1885, page 102 ). L'estomac creusé par la marche, j'entrais dans une pâtisserie, je mangeais une brioche (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 229 ). — Absolument. Allons déjeuner, tout cela creuse (JEAN ANOUILH, La Répétition ou l'Amour puni, 1950, V, page 121 ). — Par métonymie (hypallage), littéraire. · Creuser quelqu'un. Creuser l'estomac de quelqu'un. Comme elle avait grand'faim après cette course, elle mangea beaucoup, avec ce plaisir des gens que l'exercice a creusés (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Yvette, 1884, page 541 ). · Creuser une faim. Creuser l'estomac de manière qu'on se sente affamé. La faim que midi creuse de ses douze coups répétés (ALPHONSE DAUDET, Contes du lundi, 1873, page 188 ). L'odeur de l'étable erra dans l'air, creusant une faim douloureuse dans l'estomac vide de Michel (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Duo, 1934, page 225 ). B.— Faire en creusant. 1. [Le complément d'objet désigne une cavité] Il creusa un trou dans la neige et s'y blottit avec son chien, sous une couverture qu'il avait apportée (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, L'Auberge, 1886, page 1080 ). Une taupe qui creuse patiemment son petit tunnel (JULIEN GREEN, Journal, 1934, page 235 ). — Emploi pronominal à sens passif : Ø 5. On entendait des coups terribles frappés contre les murailles du navire comme par des béliers énormes. Toujours les grands trous d'eau qui se creusaient, tout béants, partout;... JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves, 1883, page 136. — Emploi pronominal réfléchi. Le renard ne se creuse pas de domicile. Il trouve son temps mieux employé à la rapine qu'à la fouille (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, page 134 ). Le lent travail rotatoire d'un oursin pour se creuser un alvéole (ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, page 436 ). — Par métaphore. L'érudit exclusif et absorbé, qui creuse sa mine avec passion (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 115 ). L'abîme que creusent entre les hommes la santé et les infirmités (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 268 ). Emploi pronominal à sens passif. Un abîme se creuse entre nous (ALEXANDRE ARNOUX, Suite variée, 1925, page 172 ). — Expression figurée. · Creuser la tombe de (quelqu'un). Être la cause de la mort (de quelqu'un). Celui dont l'épée au fourreau, toujours blême et glacée, a creusé maint tombeau (EDGAR QUINET, Napoléon, 1836, page 268) : Ø 6. Je ne crois pas qu'il me reste un long temps à vivre : laissez-moi ces derniers jours! que je descende en paix dans le tombeau que vous m'avez creusé. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1792, page 76. Familier. Creuser sa tombe avec ses dents. Causer sa mort par ses excès de chère. · Creuser son sillon. Progresser continûment, avec persévérance. 2. [Le complément d'objet désigne une chose dont la cavité est la caractéristique essentielle] Creuser une pirogue dans un tronc d'arbre. Un homme (...) travaillait à creuser des sabots (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1922, page 31 ). II.— Par extension. Rendre concave. A.— [Le complément d'objet désigne la chose que l'on rend concave] Sa lourde tête creusait le traversin (ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1449) : Ø 7.... pour ne pas travailler dans la terre ou dans la toile, elles ont préféré jaunir leur peau, creuser leur poitrine et déformer leur épaule droite : elles s'apprêtent bravement à passer trois ans dans une école normale... GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école, 1900, page 195. — Emploi pronominal à sens passif. Le lépreux gémissait. (...) un râle accéléré lui secouait la poitrine, et son ventre, à chacune de ses aspirations, se creusait jusqu'aux vertèbres (GUSTAVE FLAUBERT, Trois contes, La Légende de saint Julien l'Hospitalier, 1877, page 133 ). Un escalier vertigineux dont les marches commencent à se creuser au milieu sous tant de pieds (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 4, Mémoires d'un veuf, 1886, page 202 ). 1. Par extension. Rendre ou faire paraître plus concave. Les phares de son automobile creusent les cassis de la route, accusent les bosses du macadam (ALEXANDRE ARNOUX, Suite variée, 1925, page 87 ). Le temps creuse les traits de ce visage; deux sillons partent des ailes du nez et rejoignent les coins de la bouche (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, La Vie de Disraëli, 1927, page 212 ). — Emploi pronominal à sens passif. Le pli que j'ai au front se creuse chaque jour davantage (JULES RENARD, Journal, 1894, page 250 ). — Au figuré. Rendre plus profond : Ø 8.... il n'est pas possible qu'un progrès intime ait pour résultat de creuser le déséquilibre qui déjà normalement est le mien, de me rendre plus insupportable encore le monde... CHARLES DU BOS, Journal, 1927, page 241. · Emploi pronominal à sens passif. Un bonheur qui s'étend et se creuse sans fond (ANNA DE NOAILLES, Les Éblouissements, 1907, page 369 ). 2. Par métonymie (hypallage) a) [Le complément d'objet désigne une personne] Accuser les creux du visage, Henri, pâle, exténué, creusé par les veilles (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Le Meunier d'Angibault, 1845, page 133 ). b) [Le complément d'objet désigne une étendue solide ou liquide] Faire en sorte qu'il y ait des concavités. Visage creusé par l'insomnie, la fatigue (GEORGES BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1118 ). Elle [la mer] obéit au vent qui, depuis trois jours, la soulève et la creuse (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Paysages et portraits, 1954, page 100 ). — Emploi pronominal à sens passif. La mer se creusait tellement, que la frêle embarcation disparaissait à chaque instant (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Indiana, 1832, page 266 ). Le pays se creuse et s'accidente légèrement (ANDRÉ GIDE, Retour du Tchad, 1928, page 948 ). — Rare. [Le sujet désigne une concavité] Le pli profond qui creuse son front d'une tempe à l'autre, pareil à un sillon de charrue (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1872, page 879 ). c) Situer dans une concavité. Des collines parallèles au milieu desquelles le chemin est creusé en tranchées (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, 1907-08, page 170 ). — Spécialement. Creuser les yeux. Faire en sorte que les yeux soient ou semblent très enfoncés dans les orbites. Yeux noirs creusés par les austérités, et entourés d'un cercle brun (HONORÉ DE BALZAC, Le Curé de village. 1839, page 42 ). · Emploi pronominal à sens passif. Les yeux [d'Hélène] s'étaient creusés, la bouche s'était tirée, le menton aminci (PAUL BOURGET, Un Crime d'amour. 1886, page 295 ). B.— [Le complément d'objet désigne une concavité] Il remarqua sur le visage de son voisin un sourire qui creusait des fossettes dans ses joues rondes (JULIEN GREEN, Moïra, 1950, page 163 ). — Emploi pronominal à sens passif. Il y avait de voluptueuses mollesses dans l'attache des joues, aux deux coins de la bouche, où se creusaient de légères fossettes (ÉMILE ZOLA, Madeleine Férat, 1868, page 9 ). Remarque : La plupart des dictionnaires généraux enregistrent le substantif masculin creusoir. Outil servant à creuser la table d'un instrument de musique. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 041. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 696, b) 3 723; XXe. siècle : a) 2 813, b) 2 692. DÉRIVÉS : 1. Creuseur, substantif masculin. Celui qui creuse. Les assassins, creuseurs de fosses à la hâte (VICTOR HUGO, Dieu, 1885, page 132 ). Les creuseurs de puits (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1934, page 1195 ). 2. Creusure, substantif féminin. TECHNOLOGIE. Creux. Dans le cas de creusure pratiquée dans une surface, on comprendra facilement que, une fois cette profondeur réglée par la longueur ou la course de l'outil, elle sera toujours la même dans le cours de ce travail (M. NOSBAN, Nouveau manuel complet du menuisier, de l'ébéniste, du layetier, du marqueteur, du sculpteur, tome 2, 1857, page 238 )

« — Buisson* creux. — [En parlant de l'estomac, du ventre] Qui n'est pas rempli de nourriture.

Avoir le ventre creux.

Avoir faim : Ø 5....

il m'arriva bien des fois de rentrer chez moi sans avoir mangé, n'ayant pour me réconforter que l'espoir de trouver dans un placard un reste de pain et de fromage.

(...) S'ils n'y étaient pas, je me couchais l'estomac creux... ANDRÉ BILLY, Introïbo, 1939, page 66. — [En parlant d'une durée] Pendant laquelle il ne se passe pas ou peu d'événements importants, pendant laquelle il n'y a pas ou peu d'activité.

Heures creuses des repas : Ø 6....

la duchesse de Langeais menait cette vie creuse, exclusivement remplie par le bal, par les visites faites pour le bal, par des triomphes sans objet, par des passions éphémères, nées et mortes pendant une soirée. HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, page 234. Ø 7.

Comme le serpent de mer, Paris, port-de-mer, est encore un de ces sujets qui passent en première page, les jours creux, au mois d'août, quand les journaux n'ont rien à monter en vedette... BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 303. b) [En parlant du siège de l'activité de l'esprit humain] Dépourvu d'intelligence.

Cerveau creux, cervelle creuse. — Par métonymie (hypallage) · [En parlant d'une personne] Je ne suis pas encore assez creux pour me faire écouter sans rien dire.

(AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Elle et lui, 1859, page 133) : Ø 8....

la torpeur morale, les habitudes infantiles, les raisonnements primaires et les préoccupations mesquines, tout cela est en somme assez normal chez une femme sans tempérament, sans curiosité, creuse et dont les seuls scrupules de conscience sont exclusivement d'ordre hygiénique. BLAISE CENDRARS, Les Confessions de Dan Yack, 1929, page 314. · [En parlant d'une manifestation de l'activité de l'esprit humain] Vain.

Les châteaux en Espagne des songeries creuses (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1894, page 682 ).

Beaucoup de verbiage, une rhétorique bien creuse et bien essoufflée (ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 572 ). — Emploi comme adverbe.

Songer creux.

Songer à des choses vaines, chimériques (confer songe* creux).

Il y a longtemps que Poil de Carotte, rêveur, observe la plus haute feuille du grand peuplier.

Il songe creux et attend qu'elle remue (JULES RENARD, Poil de carotte, 1894, page 269 ). c) [En parlant d'un ensemble de personne] : Ø 9....

s'il se produisait un vide [dans l'alignement des Cahiers] Péguy ne disait pas : « Il y a un vide » il disait, comme au régiment : « Il y a une fille creuse »... JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, Notre cher Péguy, 1926, page 216. — Classes creuses.

Classes d'âge dont les effectifs sont anormalement bas.

Les classes creuses de l'après-guerre. 3.

Viande creuse.

Aliment qui n'est pas consistant, qui ne nourrit pas.

La tripe est une viande creuse qui ne soutient 2. »

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