Définition du terme: D'AFFILÉE, À L'AFFILÉE, D'AFFILE, locution adverbiale.

Définition du terme: D'AFFILÉE, À L'AFFILÉE, D'AFFILE, locution adverbiale. I.— D'affilée. À la suite, sans interruption. A.— [Avec un nom d'objet au pluriel ou plusieurs noms coordonnés] Qui se suivent à la file (dans l'espace). 1. [En fonction d'épithète : d'affilée suit un nom au pluriel] : Ø 1.... cet ancien château, bâti dans le goût monumental du dix-septième siècle, s'étendait, solennel et immense, avec ses dix-huit fenêtres d'affilée et son fronton dans le tympan duquel était logée une puissante horloge. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 2, 1895, page 56. 2. [En fonction d'attribut de l'objet : d'affilée précède plusieurs noms coordonnés] : Ø 2. J'ai ainsi maintenant cinquante pages d'affilée, où il n'y a pas un événement, c'est le tableau continu d'une vie bourgeoise et d'un amour inactif;... GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1852, page 351. Ø 3. L'escalier amenait au premier étage dans le grand salon de réception couleur orange, avec les bustes le long des murs représentant la branche noble des Pandolfini en Toscane, salon d'où l'on voyait d'affilée le jardin, la cipressaia et tout au bout les eaux du lac, en un panorama que le comte Michele avait souvent admiré à haute et intelligible voix. PIERRE-JEAN JOUVE, Paulina 1880, 1925, page 57. B.— [Avec le pluriel d'un nom marquant une division du temps, ou un verbe duratif ou d'emploi duratif] 1. [En fonction d'épithète : après le pluriel d'un nom désignant une division du temps] Qui se suivent sans intervalle de temps : Ø 4. Je me suis réveillé après avoir dormi douze heures d'affilée. MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 11, 1914-1918, page 55. Ø 5. LA DAME. — Mais ce ne sera pas trop d'intervalle, deux jours d'affilée? Je resterai pour ainsi dire sans soins du samedi au mardi? LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Knock, 1923, II, 5, page 14. Ø 6. J'ai donc à peu près deux mois et demi d'affilée devant moi;... CHARLES DU BOS, Journal, juin 1927, page 290. Ø 7. Il lui arrivait de boire trois semaines d'affilée, et de réclamer du whisky à l'hôpital où il fallut bien le recommander un jour. LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, page 217. Ø 8.... je ne peux pas travailler vingt heures d'affilée ni me passer de sommeil pendant un mois. SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 14. 2. [En fonction de déterminatif temporel d'un verbe duratif immédiatement antécédent] D'une seule traite, sans s'arrêter : Ø 9. Après quelques jours de patience, suis pourtant parvenu à sortir de moi la conversation entre Passavant et Strouvilhou, ou plutôt le monologue de celui-ci. L'ai écrit presque d'affilée et n'en suis peut-être pas mécontent. ANDRÉ GIDE, Journal, 1924, page 796. Ø 10. Il avait parlé d'affilée; à un moment donné, il a bien fallu qu'il s'arrête, quoiqu'il eût assez voulu continuer,... CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La Grande peur dans la montagne, 1926, page 32. Ø 11.... Shakespeare, si la fantaisie lui vient de mettre en scène des personnages historiques, autant qu'il s'abandonne à ses inventions et à ses songes, offense moins la justice que ne fait l'histoire officielle. J'en étais frappé, ces temps-ci, en relisant d'affilée ses pièces historiques... FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 286. Ø 12.... elle se mit à laver le plancher, toute à la joie de travailler sans témoin. Personne ne lui reprocherait, du regard, d'oublier le savon dans l'eau. Personne ne la verrait se reposer, après chaque travée. Alors elle lava d'affilée, sans souffler, le plancher,... GERMAINE GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, page 150. — D'affile. Populaire. De suite; d'affilée : Ø 13. Mon gros, j'peux pa' êt' ta lésée! D'affile on cord'rait pas trois jours, (Blédort). Dictionnaire français-argot (ARISTIDE BRUANT) 1901, page 19. Ø 14. Je vois tout ce que c'est!... Du roupillon pour commencer!... C'est la sagesse même!... C'est moi qui déconne tu vois... Ton besoin, c'est dix heures d'afile... Allez oust!... LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 695. Remarque : 1. Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932 donne la variante d'une affilée : " il a fait sa besogne d'une affilée ". 2. Après avoir été notée comme familière par Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter), l'expression est entrée dans Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932 sans indication stylistique, comme elle avait été recueillie dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse). II.— Régionalisme, littéraire. À l'affilée. A.— [Après un nom d'objet au pluriel] À la file, l'un derrière l'autre : Ø 15. Le curé était pour Maloret, vous pensez bien, et tous les culs bénis à l'affilée. MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 291. B.— [Après le pluriel d'un nom marquant une division du temps] De suite : Ø 16.... il y en a pour toute la journée, il y en a pour toute la semaine, il y en a pour je ne sais combien de semaines à l'affilée, l'hiver ne fait que de commencer!... PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, page 144. Remarque : Französisches etymologisches Wörterbuch (Walther von Wartburg) tome 3, au mot filum, colonne 537, cite affilée " rangée " pour la région de Neuchâtel, et à la filée " de suite " pour les régions de Lyon et de Clermont-Ferrand.