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Définition et usage: FATIGUER, verbe.

Publié le 14/02/2016

Extrait du document

mettre dans un état à contre coeur.

 

ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, page 642.

 

[Au participe passé exprimant un état; avec un complément désignant le moyen ou la cause, introduit par une préposition de + substantif ou verbe à l'infinitif] Fatigué de ce plaisir usé, il rentra dans son hôtel de la rue de Lille (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Rencontre, 1884, page 937 ). Je suis fatigué de lire des livres qui me parlent de notre monde absurbe et criminel (JULIEN GREEN, Journal, 1943, page 17 ). Un homme prématurément fatigué de l'existence (ALBERT CAMUS, Les Possédés, 1959, Ire. partie, 4e. tableau, page 983 ).

 

[Avec l'idée d'une diminution du pouvoir d'attention, d'écoute ou de compréhension de quelqu'un] Importuner, lasser.

 

[Suivi d'un complément de moyen introduit par une préposition de, par] Comme un voyageur qui débarque au port, et que tous les courtiers d'hôtellerie fatiguent de leurs recommandations (HONORE DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, page 282 ). Il fatiguait le ministre par ses demandes continuelles de secours (GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 25 ). Elle a déjà dit l'an passé que vous la fatiguiez de vos avances (MARCEL PROUST, La Prisonnière, 1922, page 277 ).

 

Au passif. Elle était aussi dégoûtée de lui qu'il était fatigué d'elle (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 142 ). Je suis fatigué de vous, Soubrier, affreusement fatigué de vous (HENRI DE MONTHERLANT, La Ville dont le prince est un enfant, 1951,1, 1, page 857 ).

 

b) [Le complément d'objet direct désigne une faculté psychique, une attitude, un comportement, etc.] Atténuer la vivacité (de quelque chose). Elles se blasent ainsi souvent d'elles-mêmes en fatiguant leurs désirs dans le vide (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 136 ). Pour fatiguer mon ennui, je me donnais âmes amis politiques (MAURICE BARRES, Le Jardin de Bérénice, 1891, page 169) :

 

0 3. Ce mot-là, je devine qu'il va bientôt prendre la place de plusieurs images que j'aime. Aussitôt je m'arrête, je pense vite à autre chose; je ne veux pas fatiguer mes souvenirs. En vain, la prochaine fois que je les évoquerai, une bonne partie s'en sera figée.

 

JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 52.

 

Au participe passé. Pour rafraîchir les images que ma mémoire fatiguée ne retrouvait plus (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, page 401 ). Dans ses gestes, il y avait un charme fatigué (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 244 ). Je voyais peu de monde, entretenais la survie pénible d'une ou deux liaisons fatiguées (ALBERT CAMUS, La Chute, 1956, page 1528 ).

 

Par extension. [En parlant d'un comportement social] Le goût moderne fatigué vomit les bibelots (FRANÇOIS MAURIAC, Journal, 1934, page 66 ).

 

c) Emploi pronominal à valeur passive.

 

Se décourager, ne plus avoir envie de poursuivre. Ma tendresse est inaltérable et ne se fatiguera jamais (HONORE DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2, 1850, page 78 ).

 

[Avec un complément de moyen introduit par une préposition de + substantif ou verbe à l'infinitif] Le petit prince se fatigua de la monotonie du jeu (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY,Le Petit Prince, 1943, page 445 ). On se fatigue de vivre toujours seul (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 450 ).

 

Être importuné (par quelqu'un), ne plus pouvoir le supporter. Ils finissent par se fatiguer l'un de l'autre et chacun se marie de son côté (JULES LEMAITRE, Les Contemporains, 1885, page 314 ). Après s'être fatigué des inconnus qu'il rencontrait (MARCEL PROUST, La Prisonnière, 1922, page 210 ).

 

2. [Le complément d'objet direct désigne une chose]

 

a) Dans le domaine physique [Avec l'idée d'affecter le fonctionnement normal d'une chose] Diminuer la résistance (d'une chose), sa solidité, par une trop longue ou trop violente utilisation. Sur le pont d'un esquif, qu'a fatigué la lame (ALPHONSE DE LAMARTINE, Harmonies poétiques et religieuses, 1830, page 328 ). Tel que t'es, t'as pas dû fatiguer les bancs du catéchisme (GEORGES BERNANOS, Un Crime, 1935, page 778) :

 

0 4. Je retroussai mes manches, et je me mis à fatiguer à tour de bras une espèce de pompe qui sifflait, soufflait, râlait comme un poitrinaire pour lâcher un filet d'eau pareil à l'écoulement d'une fontaine Wallace.

 

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Le Père Mongilet, 1885, page 542.

 

[Au participe passé exprimant un état; en parlant d'un objet, d'un vêtement, etc., qui n'est plus ce qu'il devrait être] Qui est usagé, voire assez usé. Reliure fatiguée; volume, ressort fatigué. Dans la rouge cabine, meublée d'un divan fatigué (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art moderne, 1883, page 123 ). Tous ces gens rassemblés là, avec leurs soutanes fatiguées (MAURICE BARRES,La Colline inspirée, 1913, page 139 ). La petite glace que Juliette sortait de son sac fatigué (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 61 ).

 

[Avec un complément désignant la cause, introduit par une préposition] Il s'est allongé dans un lit fatigué par les voyageurs de commerce (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1932, page 65 ). C'était de vieilles machines fatiguées par la guerre (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 217 ).

 

Emploi pronominal à valeur passive. Malgré qu'il se fatigue et commence à branler, Le monument sait faire encore une assemblée (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, La Vie unanime, 1908, page 74 ).

 

Par extension. Diminuer l'importance (d'une chose), la réduire. Ma vie de garçon a fatigué mon patrimoine encore plus que moi (GUILLAUME-VICTOR-ÉMILE, DIT ÉMILE AUGIER, Un Beau mariage, 1859, page 137 ).

 

Emploi pronominal. Ils attendaient que la chaleur se fatiguât (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954 page 224 ).

 

b) Dans le domaine abstrait, emploi factitif. Rendre fatigant Le rôle du romancier est de voir et de dire ce qu'il a vu. S'il veut « penser », qu'il le fasse ailleurs que dans un roman. Cette parade intellectuelle alourdit et fatigue le récit (JULIEN GREEN, Journal, 1946-50, page 213 ).

 

c) Spécialement.

 

Vieux. Fatiguer la terre. La retourner plusieurs fois. L'homme en la fatiguant fertilise la terre (ALPHONSE DE LAMARTINE, La Chute d'un ange, 1838, page 959).

 

Régionalisme. Fatiguer la salade. La remuer, la tourner après l'avoir assaisonnée. Je n'aurais qu'à mettre à réchauffer le potage et à fatiguer la salade (ALEXANDRE ARNOUX, Double chance, 1958, page 37 ).

 

PEINTURE. Retoucher à plusieurs reprises jusqu'à affadir le contraste des tons. Un peintre peut fatiguer sa toile; un écrivain ne fatigue pas son manuscrit (ROGER MARTIN DU GARD, Souvenirs autobiographiques, 1942, page CXV. ).

 

II.— Emploi intransitif.

 

A.— Rare. [Le sujet désigne une personne ou un de ses attributs] Se donner de la fatigue par une activité ou un travail excessif. Il fatigue trop (Dictionnaire de l'Académie Française). Ma tête fatigue encore facilement (GÉRARD DE NERVAL, Correspondance, 1830-55, page 254 ). On ne fatigue pas. On n'a pas besoin de manger beaucoup (JULES RENARD, Journal, 1906, page 1062 ). Quand on débarque à Paris, continuait Louise, les premiers temps, on fatigue (EUGÈNE DABIT, L'Hôtel du Nord, 1929, page 185 ).

 

Par analogie. Le moteur fatigue dans la montée (DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT) ).

 

B.— [Le sujet désigne une chose concrète] Se déformer à la suite d'un effort trop grand. Cette poutre fatigue (Dictionnaire de l'Académie Française.)

 

MARINE. [Le sujet désigne un bateau, sa mâture] Être fortement ébranlé par l'effet du vent ou de la mer déchaînée. Un bâtiment fatigue lorsque (...) ses liaisons sont fortement ébranlées et éprouvent des actions autres que celles qu'elles devraient supporter (PETIT DICTIONNAIRE DE MARINE (ROBERT GRUSS) 1952). Remarque : On rencontre dans la documentation fatiguoir, substantif masculin, rare. Lieu où l'on se fatigue. Dites donc, Marcel, (...) on ne peut pas le visiter en votre absence, votre petit reposoir? — Mon petit fatiguoir? (Colette, Claudine en ménage, 1902, page 232).

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 744. (fatiguant : 37). Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 227, b) 2 857; XXe. siècle : a) 2 664, b) 2 386.

Définition et usage:

FATIGUER, verbe.

 

I.— Emploi transitif.

 

A.— Dans le domaine physiologique.

 

1. [En parlant de l'homme]

 

a) [Le complément d'objet direct désigne une personne] Provoquer une diminution des forces de l'organisme, généralement par une activité excessive ou trop prolongée. Fatiguer un malade. La chaleur nous fatigue beaucoup (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 382 ). Des courses en ville m'avaient fatigué et je suis tombé sur mon lit où j'ai essayé de lire (JULIEN GREEN, Journal, 1945, page 258) :

 

0 1.... je ne vous conseillerais pas de monter nos quatre-vingt-dix-sept marches, juste la moitié du célèbre dôme de Milan. Il y a de quoi fatiguer une personne bien portante, d'autant plus qu'on monte plié en deux si on ne veut pas se casser la tête...

 

MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, page 105.

 

Par métaphore. Le vent, sans repos, fatigue la mer, fatigue la côte nue, rongée par lui, à peine vêtue d'herbe (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome

 

1, Une Vendetta, 1883, page 117 ).

 

Familier. [Forme impersonnelle + de + infinitif] Celui-là ne passait jamais au soleil parce que ça le fatiguait de tramer son ombre (MARCEL PAGNOL, Marius, 1931,1, 3, page 30).

 

[Emploi fréquent au participe passé exprimant un état] Corps fatigué. Je suis fatigué à la mort (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830, page 386 ).

 

[suivi d'un complément désignant la cause introduit par une préposition]

 

[+ par] Il souffla un instant, fatigué par la montée du large perron (EMILE ZOLA, Nana, 1880, page 1282 ).

 

[+ à] Fatiguée au moindre effort, Mme de Guermantes disait énormément de bêtises (MARCEL PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, page 1005 ).

 

[+ de + substantif ou verbe à l'infinitif] Il se sentait fatigué d'avoir tant marché avec moi (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 571 ).

 

b) [Le complément d'objet direct désigne une partie de l'organisme] Affecter (un organe) de manière pénible au point d'en empêcher le fonctionnement normal. J'ai cruellement toussé cette nuit, ce qui m'a fatigué la poitrine, les yeux et la tête du même coup (HENRI-FREDERIC AMIEL, Journal, 1866, page 59 ). Mon édition de Shakespeare est en trop petits caractères et me fatiguait les yeux (ANDRE GIDE, Journal, 1914, page 423 ).

 

[Au participe passé exprimant un état] J'ai le coeur fatigué depuis quelques jours (ANDRE GIDE, Journal, 1914 page 450 ). L'air vif pénétrait leurs poumons fatigués (JULIEN GRACQ, Au château d'Argol, 1938, page 92 ).

 

[Suivi d'un complément désignant la cause introduit par une préposition]

 

[+ par] L'estomac encore tout fatigué par le plantureux déjeuner que les Cattan m'avaient offert (ANDRE GIDE, Journal, 1914page 169 ).

 

[+ de + substantif ou verbe à l'infinitif] J'ai les yeux fatigués de tant chercher (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Courrier Sud, 1928, page 75 ).

 

c) [En parlant d'un attribut de la personne emploi fréquent au participe passé exprimant un état] Qui manifeste la fatigue d'une personne.

 

[En parlant d'un comportement humain] Il faut bien en finir, dit Vallagnosc, avec un mouvement fatigué des paupières (ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 453 ). Jacques errait à travers la chambre, d'un pas fatigué (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, page 1245 ).

 

Par métonymie. Ce n'est pas pour vous, mon cher Lefebvre, que ma plume est fatiguée (ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale. 1834, page 25 ).

 

[En parlant d'une partie du corps] Air fatigué; traits, yeux fatigués; figure, voix fatiguée. Je vous trouve le visage fatigué (MARCEL ARLAND, L'Ordre, 1929, page 195 ).

 

Par analogie. [En parlant d'une plante] Qui montre des signes d'épuisement. [Les anémones] laissaient se courber leurs tiges fatiguées (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Ariel ou la vie de Shelley, 1923, page 19 ).

 

d) Emploi pronominal.

 

a ) [Le sujet désigne une personne]

 

Se donner de la fatigue. Tu te fatigues toutes les fois que tu sors (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Une Soirée, 1883, page 585 ). Très vite, les prisonniers se fatiguaient, épuisés par leur jeûne (ÉMILE ZOLA, La Débâcle, 1892, page 469 ). Le malade fait signe qu'il se fatigue (ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 256 ).

 

[Suivi d'un complément désignant la cause ou la finalité]

 

[+ à + verbe à l'infinitif ou + substantif] Dis à mon bon père qu'il ne se fatigue pas trop aux travaux de tête (VICTOR HUGO, Correspondance, 1825, page 410 ). Ne te fatigue donc pas à parler (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, page 312 ).

 

[+ en (quelque chose)] Il préférait sortir, se fatiguer en promenades lointaines (ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885, page 1351 ).

 

[+ par] L'âme se fatigue par trop de contemplation (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 2, 1810, page 150 ).

 

[+ pour] Comme tout chasseur qui s'est fatigué pour rien (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 1, 1846, page 380 ).

 

Locution familière, par ironie. Ne pas se fatiguer. Ne rien faire.

 

Pronominal réfléchi indirect. Provoquer la fatigue (d'un de ses organes, d'une de ses facultés). Ça permettait de manger douze heures à la file, sans se fatiguer l'estomac (ÉMILE ZOLA, L'Assommoir, 1877, page 567 ). Ils parlèrent (...) de toutes les choses courantes sur lesquelles on peut discourir indéfiniment sans se fatiguer l'esprit (GUY DE MAUPASSANT, Bel-Ami, 1885, page 33 ). Vous allez encore vous fatiguer les yeux (GEORGES DUHAMEL, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, page 95 ).

 

[3 ) [Le sujet désigne une partie du corps] Devenir fatigué. Décidément, disait-il, ma pauvre tête se fatigue (HONORE DE BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, page 75 ).

 

[Suivi d'un complément désignant la cause, introduit par une préposition] C'était l'heure où les yeux se fatiguent à vouloir discerner les contours (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, page 982 ). Si loin et si droit fuyait la ligne du fossé que la vue se fatiguait à la suivre (JULIEN GREEN, Journal, 1941, page 68 ).

 

Par analogie. [En parlant d'une plante] Toute tête qui n'est point rafraîchie à temps par la taille se fatigue (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, page 1 ).

 

2. [En parlant d'un animal] Imposer un effort pénible (à un animal) au point de le rendre incapable d'exécuter plus longtemps ce qui lui est demandé. Il est inutile de fatiguer les chevaux (PIERRE MILLE, Bamavaux et quelques femmes..., 1908, page 291 ).

 

Spécialement. Manoeuvrer (un animal) de façon à diminuer sa résistance pour le maîtriser. Leurs passades propres à fatiguer et éberluer le taureau (ANDRE GIDE, Thésée, 1946, page 1423 ). [En particulier d'un poisson] Confer Le nouveau dictionnaire de la pêche (Jean Schreiner) 1975.

 

[Au participe passé exprimant un état] Des laboureurs ramènent leurs boeufs fatigués à leur chaumière (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les Natchez, 1826, page 311).

 

Par analogie. Le canon fatigué n'aboyait plus (ROLAND LECALELÉ, DIT ROLAND DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, page 245 ).

 

[Suivi d'un complément désignant la cause, introduit par une préposition] Les flancs du cheval fatigué d'une longue course (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 71 ).

 

B.— Par analogie et au figuré.

 

1. [En parlant de l'homme]

 

a) [Le complément d'objet direct désigne une personne]

 

Décourager quelqu'un, lui enlever l'envie de poursuivre ce qu'il a commencé. Fatiguer le lecteur. J'y suis dans une position fausse et avec un rôle incertain, qui me fatigue et me rend malheureux (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, page 109 ). Le paysage monotone, qui fatigue le passager, est déjà autre pour l'équipage (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 153) :

 

0 2. Maintenant, il préférerait être serrurier. La serrurerie le fatigua. En deux années, il tenta plus de dix métiers. Florent pensait qu'il avait raison, qu'il ne faut pas se

« mettre dans un état à contre coeur.ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, page 642.· [Au participe passé exprimant un état; avec un complément désignant le moyen ou la cause, introduit par une préposition de + substantif ou verbe à l'infinitif]Fatigué de ce plaisir usé, il rentra dans son hôtel de la rue de Lille (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Rencontre, 1884, page 937 ).

Je suisfatigué de lire des livres qui me parlent de notre monde absurbe et criminel (JULIEN GREEN, Journal, 1943, page 17 ).

Un homme prématurément fatigué del'existence (ALBERT CAMUS, Les Possédés, 1959, 1re.

partie, 4e.

tableau, page 983 ).— [Avec l'idée d'une diminution du pouvoir d'attention, d'écoute ou de compréhension de quelqu'un] Importuner, lasser.· [Suivi d'un complément de moyen introduit par une préposition de, par] Comme un voyageur qui débarque au port, et que tous les courtiers d'hôtellerie fatiguent deleurs recommandations (HONORÉ DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, page 282 ).

Il fatiguait le ministre par ses demandes continuelles de secours (GUSTAVEFLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 25 ).

Elle a déjà dit l'an passé que vous la fatiguiez de vos avances (MARCEL PROUST, La Prisonnière,1922, page 277 ).· Au passif.

Elle était aussi dégoûtée de lui qu'il était fatigué d'elle (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 142 ).

Je suis fatigué de vous,Soubrier, affreusement fatigué de vous (HENRI DE MONTHERLANT, La Ville dont le prince est un enfant, 1951, I, 1, page 857 ).b) [Le complément d'objet direct désigne une faculté psychique, une attitude, un comportement, etc.] Atténuer la vivacité (de quelque chose).

Elles se blasent ainsisouvent d'elles-mêmes en fatiguant leurs désirs dans le vide (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 136 ).

Pour fatiguer mon ennui, je medonnais à mes amis politiques (MAURICE BARRÈS, Le Jardin de Bérénice, 1891, page 169) :Ø 3.

Ce mot-là, je devine qu'il va bientôt prendre la place de plusieurs images que j'aime.

Aussitôt je m'arrête, je pense vite à autre chose; je ne veux pas fatiguer messouvenirs.

En vain, la prochaine fois que je les évoquerai, une bonne partie s'en sera figée.JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 52.— Au participe passé.

Pour rafraîchir les images que ma mémoire fatiguée ne retrouvait plus (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, page 401 ).

Dansses gestes, il y avait un charme fatigué (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 244 ).

Je voyais peu de monde, entretenais la survie pénible d'une oudeux liaisons fatiguées (ALBERT CAMUS, La Chute, 1956, page 1528 ).· Par extension.

[En parlant d'un comportement social] Le goût moderne fatigué vomit les bibelots (FRANÇOIS MAURIAC, Journal, 1934, page 66 ).c) Emploi pronominal à valeur passive.— Se décourager, ne plus avoir envie de poursuivre.

Ma tendresse est inaltérable et ne se fatiguera jamais (HONORÉ DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2,1850, page 78 ).· [Avec un complément de moyen introduit par une préposition de + substantif ou verbe à l'infinitif] Le petit prince se fatigua de la monotonie du jeu (ANTOINE DESAINT-EXUPÉRY,Le Petit Prince, 1943, page 445 ).

On se fatigue de vivre toujours seul (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 450 ).— Être importuné (par quelqu'un), ne plus pouvoir le supporter.

Ils finissent par se fatiguer l'un de l'autre et chacun se marie de son côté (JULES LEMAÎTRE, LesContemporains, 1885, page 314 ).

Après s'être fatigué des inconnus qu'il rencontrait (MARCEL PROUST, La Prisonnière, 1922, page 210 ).2.

[Le complément d'objet direct désigne une chose]a) Dans le domaine physique [Avec l'idée d'affecter le fonctionnement normal d'une chose] Diminuer la résistance (d'une chose), sa solidité, par une trop longue outrop violente utilisation.

Sur le pont d'un esquif, qu'a fatigué la lame (ALPHONSE DE LAMARTINE, Harmonies poétiques et religieuses, 1830, page 328 ).

Tel quet'es, t'as pas dû fatiguer les bancs du catéchisme (GEORGES BERNANOS, Un Crime, 1935, page 778) :Ø 4.

Je retroussai mes manches, et je me mis à fatiguer à tour de bras une espèce de pompe qui sifflait, soufflait, râlait comme un poitrinaire pour lâcher un filet d'eaupareil à l'écoulement d'une fontaine Wallace.GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Le Père Mongilet, 1885, page 542.— [Au participe passé exprimant un état; en parlant d'un objet, d'un vêtement, etc., qui n'est plus ce qu'il devrait être] Qui est usagé, voire assez usé.

Reliure fatiguée;volume, ressort fatigué.

Dans la rouge cabine, meublée d'un divan fatigué (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art moderne, 1883, page123 ).

Tous ces gens rassemblés là, avec leurs soutanes fatiguées (MAURICE BARRÈS,La Colline inspirée, 1913, page 139 ).

La petite glace que Juliette sortait deson sac fatigué (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 61 ).· [Avec un complément désignant la cause, introduit par une préposition] Il s'est allongé dans un lit fatigué par les voyageurs de commerce (LOUIS FARIGOULE,DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1932, page 65 ).

C'était de vieilles machines fatiguées par la guerre (SIMONE DE BEAUVOIR, LesMandarins, 1954, page 217 ).— Emploi pronominal à valeur passive.

Malgré qu'il se fatigue et commence à branler, Le monument sait faire encore une assemblée (LOUIS FARIGOULE, DITJULES ROMAINS, La Vie unanime, 1908, page 74 ).— Par extension.

Diminuer l'importance (d'une chose), la réduire.

Ma vie de garçon a fatigué mon patrimoine encore plus que moi (GUILLAUME-VICTOR-ÉMILE,DIT ÉMILE AUGIER, Un Beau mariage, 1859, page 137 ).· Emploi pronominal.

Ils attendaient que la chaleur se fatiguât (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954 page 224 ).b) Dans le domaine abstrait, emploi factitif.

Rendre fatigant Le rôle du romancier est de voir et de dire ce qu'il a vu.

S'il veut « penser », qu'il le fasse ailleurs quedans un roman.

Cette parade intellectuelle alourdit et fatigue le récit (JULIEN GREEN, Journal, 1946-50, page 213 ).c) Spécialement.— Vieux.

Fatiguer la terre.

La retourner plusieurs fois.

L'homme en la fatiguant fertilise la terre (ALPHONSE DE LAMARTINE, La Chute d'un ange, 1838, page959 ).— Régionalisme.

Fatiguer la salade.

La remuer, la tourner après l'avoir assaisonnée.

Je n'aurais qu'à mettre à réchauffer le potage et à fatiguer la salade(ALEXANDRE ARNOUX, Double chance, 1958, page 37 ).— PEINTURE.

Retoucher à plusieurs reprises jusqu'à affadir le contraste des tons.

Un peintre peut fatiguer sa toile; un écrivain ne fatigue pas son manuscrit(ROGER MARTIN DU GARD, Souvenirs autobiographiques, 1942, page CXV.

).II.— Emploi intransitif.A.— Rare.

[Le sujet désigne une personne ou un de ses attributs] Se donner de la fatigue par une activité ou un travail excessif.

Il fatigue trop (Dictionnaire del'Académie Française).

Ma tête fatigue encore facilement (GÉRARD DE NERVAL, Correspondance, 1830-55, page 254 ).

On ne fatigue pas.

On n'a pas besoin demanger beaucoup (JULES RENARD, Journal, 1906, page 1062 ).

Quand on débarque à Paris, continuait Louise, les premiers temps, on fatigue (EUGÈNE DABIT,L'Hôtel du Nord, 1929, page 185 ).— Par analogie.

Le moteur fatigue dans la montée (DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT) ).B.— [Le sujet désigne une chose concrète] Se déformer à la suite d'un effort trop grand.

Cette poutre fatigue (Dictionnaire de l'Académie Française.)— MARINE.

[Le sujet désigne un bateau, sa mâture] Être fortement ébranlé par l'effet du vent ou de la mer déchaînée.

Un bâtiment fatigue lorsque (...) ses liaisonssont fortement ébranlées et éprouvent des actions autres que celles qu'elles devraient supporter (PETIT DICTIONNAIRE DE MARINE (ROBERT GRUSS) 1952).Remarque : On rencontre dans la documentation fatiguoir, substantif masculin, rare.

Lieu où l'on se fatigue.

Dites donc, Marcel, (...) on ne peut pas le visiter en votreabsence, votre petit reposoir? — Mon petit fatiguoir? (Colette, Claudine en ménage, 1902, page 232).STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 744.

(fatiguant : 37).

Fréquence relative littéraire : XIXe.

siècle : a) 2 227, b) 2 857; XXe.

siècle : a) 2 664, b) 2386.. »

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