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Définition / Vocabulaire: AMUSER, verbe transitif.

Publié le 21/10/2015

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Définition / Vocabulaire: AMUSER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. A.— [L'objet est généralement une personne ou une collectivité; avec éventuellement un complément de moyen préposition par, anciennement de (exemple 5)] 1. Divertir, occuper agréablement. Synonymes : récréer, charmer : Ø 1. « Ma soeur, s'écrie la Reine, en la voyant, le Prince vient d'arriver à Damiette, il va venir incessamment nous donner des nouvelles de l'armée : et en attendant, il nous envoie ses femmes nous amuser par leurs jeux; venez vous placer près de moi et prendre part à ce divertissement. » SOPHIE COTTIN, Mathilde, tome 1, 1805, page 157. Ø 2. Pour prouver que la profession d'homme de lettres est un des états les plus honorables, on dit que son but est d'instruire, d'amuser et de corriger l'espèce humaine. Pour prouver que c'est le plus honteux des métiers, on nomme quelques-uns de ceux qui l'exercent. VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 2, 1812, page 150. Ø 3. Voici l'impression qu'a faite sur moi la lecture de La Féodalité. J'ai été continuellement amusé, mon esprit a toujours été occupé, mais rien ne m'a touché le coeur; rien ne m'a laissé d'impression profonde et durable. ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal, 1826, pages 320-321. Ø 4. Avez-vous sur le métier quelque ouvrage qui occupe et amuse votre pensée? C'est l'essentiel : l'immortalité est une plaisanterie plus ou moins longue dont nous savons le fin mot. Se plaire à soi-même, voilà tout l'écrivain; si on veut plaire de plus à quelques amis, c'est trop. ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale. 1830, page 4. Ø 5. Ah! oui, j'en ai mémoire, Et je vous veux, Lucrèce, amuser de l'histoire. Peu s'en faut qu'à nous tous Brute n'ait fait la loi. Si sa mère eût vécu, Brute aurait été Roi. FRANÇOIS PONSARD, Lucrèce, 1843, I, 4, page 26. Ø 6. Eh bien! oui, la prison, le désert, le tombeau, tout cela est vrai; je me sens prise..., Valerio, il faut que je m'en aille d'ici! J'ai tout regardé, j'ai tout vu, j'ai été amusée, charmée, ravie, je ne le nie pas! mais, soudain, je viens de m'apercevoir que nous sommes seuls, absolument seuls, au milieu d'un monde qui nous est étranger. JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Vie de voyage, 1876, page 335. Ø 7. Ce jeu de ballon m'a plus amusé que je n'eusse cru qu'il était encore possible, amusé comme un enfant et comme un dieu, et d'autant plus que je ne m'y sentais pas malhabile. Que Pascal a donc dit sur le jeu des choses absurdes! et que la gratuité précisément de cette lutte, de cet effort, me paraît belle! Oui vraiment, je ne me souviens pas avoir pris même dans ma jeunesse ou mon enfance, plaisir plus ardent, plus pur et plus complet. ANDRÉ GIDE, Journal, 1930, page 964. 2. Égayer : Ø 8. La gaieté sérieuse qui ne tourne rien en plaisanterie, mais amuse sans le vouloir, et fait rire sans avoir ri; cette gaieté, que les Anglais appellent humour, se trouve aussi dans plusieurs écrits allemands; mais il est presque impossible de les traduire. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 3, 1810, pages 271. Ø 9. C'est le plaisant, le jovial qui amuse tout le monde, et fait rire le régiment, je veux dire les soldats et les bas officiers; car tout le reste est noble, et, comme de raison, rit à part. PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Lettres particulières, 1820, page 67. Ø 10. OEDIPE. — Quel chemin? LE SPHINX. — Vous êtes extraordinaire. Dois-je rendre compte à un étranger du but de ma promenade? OEDIPE. — Et si je le devinais, moi, ce but. LE SPHINX. — Vous m'amusez beaucoup. JEAN COCTEAU, La machine infernale, 1934, II, page 73. — Familier. a) Amuser la galerie. Amuser son entourage en concentrant son attention sur soi : Ø 11.... le premier soir, je le vis tout tranquillement allumer à l'ongle de son petit doigt sa cigarette, puis, comme il venait de perdre au jeu, extraire de mon oreille et de mon nez autant de roubles qu'il fallut, ce qui me terrifia littéralement, mais amusa beaucoup la galerie, car il disait, toujours de ce même air tranquille : « Heureusement que cet enfant est une mine inépuisable! » ANDRÉ GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, page 740. b) Ça me (vous, etc.) amuse (rait) de + infinitif Cela me (vous) est (serait) très agréable de... : Ø 12. LE COMTE, s'assoit. — Héro, cela ne m'amuse plus! HÉRO. — Tu n'aimes plus Marivaux? Bon. Tu ne vas tout de même pas nous faire changer de pièce? Moi, j'étais ravi de mon rôle. Un Seigneur. Que jouez-vous, cher Héro? un Seigneur. C'est discret et mystérieux et il n'y avait pas trop de lignes à retenir. LE COMTE. — Cela ne m'amuse plus de m'amuser. HÉRO. — Tu y as mis le temps. JEAN ANOUILH, La Répétition ou l'Amour puni, 1950, III, page 72. Ø 13. Justin Weill fermait à demi les yeux, comme saisi d'un nouveau tourment — Ça vous amuse d'obéir? fit-il enfin. Les Juifs obéissent, bien sûr; mais au fond, nous n'aimons pas ça. Nous ne sommes pas des êtres véritablement disciplinés. GEORGES DUHAMEL, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, page 56. 3. Spécialement. dans le domaine des sens. a) [En parlant d'une chose qui flatte la vue notamment dans le domaine de la peinture] Amuser l'oeil, les yeux. Charmer la vue : Ø 14.... les barques qui traversent cette douce rivière mitis Arar, couvertes d'une toile, éclairées d'une lumière pendant la nuit, et conduites par de jeunes femmes, amusent agréablement les yeux. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Correspondance générale, tome 1, 1789-1824, page 106. Ø 15. L'objet de la peinture est indécis. S'il était net, — comme de produire l'illusion de choses vues, ou d'amuser l'oeil et l'esprit par une certaine distribution musicale de couleurs et de figures, le problème serait bien plus simple... PAUL VALÉRY, Tel quel I, 1941, page 11. b) [En parlant d'une chose qui affecte le goût, notamment d'un liquide] : Ø 16. Nous bûmes à la fin un des élixirs les plus remarquables du monde, je crois. Un Constance de 1840 ou 1830, qui m'a — positivement — amusé. PAUL VALÉRY, ANDRÉ GIDE, Correspondance, lettre de Paul Valéry à André Gide, mars 1898, page 313. c) [En parlant d'un liquide] Amusé de quelque chose Agrémenté de : Ø 17. Me souviendrai-je des oeufs frits, du jambon par trop sapide, des noisettes grillées que nous croquâmes avec du sel, du robuste vin au parfum enveloppé de goudron; et surtout, au sortir du bain, des verres d'eau glacée amusée d'un peu d'anisette? ANDRÉ GIDE, Journal, 1910, page 314. B.— Vieilli ou littéraire. 1. Occuper quelqu'un ou l'esprit de quelqu'un en le détournant des choses importantes par des activités ou des préoccupations secondaires ou futiles : Ø 18. Ce cortège embarrassant, leur faisait préférer le chemin de la province romaine. Ils y trouvèrent à l'entrée, vers Genève, César qui leur barra le chemin, et les amusa assez long-temps pour élever du lac au Jura un mur de dix mille pas et de seize pieds de haut. JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 238. Ø 19.... Binet souriait, le menton baissé, les narines ouvertes et semblait enfin perdu dans un de ces bonheurs complets, n'appartenant sans doute qu'aux occupations médiocres, qui amusent l'intelligence par des difficultés faciles, et l'assouvissent en une réalisation au delà de laquelle il n'y a pas à rêver. GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 159. Ø 20. En parlant de ma vie intellectuelle, le mot de « jeu » revient fréquemment à ma pensée. Il est le plus juste. On a amusé mon esprit avec des idées inoffensives de peur qu'il ne songeât à autre chose. ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, page 314. Ø 21. J'ai appris le cambriolage d'une lutherie, rue Bergère, pendant que la conspiration des Prouvaires amusait la police. ALEXANDRE ARNOUX, Algorithme, 1948, page 199. — Ironiquement : Ø 22.... s'il était vrai qu'elle ne fût qu'une malade, l'une d'entre ces pauvresses que trahissent la chair et le sang, qui amusent la curiosité des psychologues et des médecins, et dont les vraies servantes de Dieu parlent avec moins de pitié que d'aversion, que lui resterait-il donc en propre? GEORGES BERNANOS, La joie, 1929, page 574. 2. Plus spécialement. [L'objet désigne un mal physique ou moral] Tromper pour faire patienter en faisant illusion; endormir. Amuser son mal (Émile Zola, Le Docteur Pascal, 1893, page 294) : Ø 23. Et, pendant que Lénore et Henri, pour amuser leur faim, grattaient avec un bruit assourdissant une vieille casserole, où des choux avaient bouilli la veille, la Maheude toute droite, après avoir posé Estelle sur la table, menaçait du poing Catherine. ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885, page 1515. — Vieilli. [L'objet désigne une personne] Tromper par de fausses espérances : Ø 24. Que de ressorts les ministériels ne font-ils pas jouer contre le peuple! Que d'artifices n'emploient-ils pas pour l'amuser, l'endormir, le tromper, le séduire et le perdre! L'astuce, l'hypocrisie, la fourbe, la trahison, le poison sont leurs armes favorites... JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, On nous endort, prenons-y garde, 1790, page 221. C.— Emplois techniques. 1. HORTICULTURE. Dérivé du sens " détourner " : Ø 25. Il ne faut jamais, ou du moins on ne doit que très rarement les [les bourgeons latéraux] supprimer entièrement; car alors la tige, en s'effilant serait très mince, et flexible, et ne pourrait souvent se soutenir qu'à l'aide d'un tuteur; en pinçant, au contraire, seulement leur extrémité, cette ablation suffit pour obliger une partie de la sève à se porter vers le sommet, en même temps que les rameaux latéraux, dont on s'est borné à supprimer l'extrémité, suffisent pour attirer ou, comme on dit dans la pratique, pour amuser la sève; de sorte que celle-ci, ainsi retenue, détermine un accroissement suffisant de la tige en diamètre. ÉLIE-ABEL CARRIÈRE, Pépinières, 1878, page 107. 2. JEUX. Amuser le tapis. Jouer très petit jeu en attendant le moment favorable. Synonyme : user le tapis. — Par extension, au figuré. Passer son temps à de vains discours ou à des occupations inutiles au lieu d'en venir directement au fait : Ø 26. Réduit à un rôle secondaire, le diable semble ici chargé d'amuser le tapis en attendant le retour de l'illustre magicien. GÉRARD DE NERVAL, Le second Faust, 1840, page 208. Ø 27. À la même heure, au Mans, à Montmartre, au Havre, sur toute la France, avec un zèle admirable, on arrêtait des assassins de Labori. C'était amuser le tapis, ce n'était pas résoudre le mystère. MAURICE BARRÈS, Scènes et doctrines du nationalisme, tome 1, 1902, page 183. 3. THÉÂTRE. [Avec une idée de " faire patienter "] Amuser l'entr'acte. " Distraire le spectateur quand le rideau a été baissé, attirer son attention sur un objet quelconque qui l'occupe dans l'intervalle qui sépare un acte de l'acte suivant " (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)). II.— Emploi pronominal. A.— Se livrer à des occupations divertissantes. 1. [En parlant de distractions, du comportement dans la vie] : Ø 28. Ici, nous irons beaucoup mieux, vous verrez; et si cela va aussi mal, je veux bien que l'on rie, moi. Rire, c'est toujours s'amuser! THÉODORE LECLERCQ, Proverbes dramatiques, La Manie des proverbes ou chacun pour soi et Dieu pour tous, 1835, 1, page 15. Ø 29. Il y a des gens qui s'amusent toute leur vie, et il y a des gens qui demeurent sérieux toute leur vie; les premiers sont plus inutiles, les seconds sont plus dangereux. La sagesse bourgeoise aime qu'on s'amuse quand on est jeune, et qu'on devienne sérieux quand on cesse d'être jeune. ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 205. Ø 30. Les grandes personnes ne partageaient pas nos jeux ni nos plaisirs. Je n'en connaissais aucune qui parût beaucoup s'amuser sur terre : la vie n'est pas gaie, la vie n'est pas un roman, déclaraient-elles en choeur. La monotonie de l'existence adulte m'avait toujours apitoyée; quand je me rendis compte que, dans un bref délai, elle deviendrait mon lot, l'angoisse me prit. SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 105. 2. [En parlant de jeux d'enfants] : Ø 31. Dans l'hiver (et nous étions en hiver) chaque classe rentrait chez elle, les grandes dans leur belle et spacieuse salle d'études, nous dans notre triste local, où nous n'avions pas assez d'espace pour jouer, et où la D. nous forçait à nous amuser tranquillement, c'est-à-dire à ne pas nous amuser du tout. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 101. — Locution. S'amuser comme des enfants. S'amuser beaucoup et de tout coeur : Ø 32. Alors ils se regardèrent en face. Ils se demandèrent des renseignements sur leurs futurs, se disant par délicatesse qu'ils auraient préféré être ensemble, mais qu'il fallait pourtant songer au solide, qu'ils n'étaient plus d'âge à s'amuser comme des enfants, et ils ajoutèrent, tressaillant tous les deux : — c'est égal, te rappelles-tu les bons moments que nous avons passés ensemble? GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard, 1879, page 305. — Ironique. Les enfants s'amusent : Ø 33.... et faites bien attention. Pour les nôtres toujours comprendre le contraire. Si je vous mets : « Ravitaillement difficile », ça voudra dire : ravitaillement facile. Si je vous mets : « Père souffrant », ça voudra dire qu'il est bonne santé. GEORGES. — Les enfants s'amusent. HENRI DE MONTHERLANT, Fils de personne, 1943, IV, 1, page 334. — Par métaphore : Ø 34. Quand la maison est heureuse, la fumée s'amuse doucement au-dessus du toit. GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace, 1957, page 78. 3. Avec une nuance péjorative. a) Tour positif : Ø 35. Je n'ai compris ce mot s'amuser que comme exprimant le jeu des enfants et des êtres sans pensées. ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète, 1833, page 986. Ø 36. Il n'y a que les simples qui s'amusent. Or s'amuser est une manière inférieure, une manière réelle pourtant de toucher le but de la vie. ERNEST RENAN, Drames philosophiques, L'Eau de jouvence, 1881, III, 2, page 478. b) Tour négatif. On ne va pas s'amuser. Cela ne va pas être commode; cela n'ira pas sans difficulté : Ø 37. — Nous en aurons comme ça, jusqu'à l'arrivée. — On ne va pas s'amuser pour atterrir. ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, page 152. c) Spécialement, familier. dans le domaine affectif ou sexuel. S'adonner aux plaisirs de l'amour, prendre du bon temps : Ø 38.... [elles] interrogeaient les passants, s'ils voulaient s'amuser (c'est le terme technique avec lequel ces ambulantes expriment sous une image honnête l'acte de leur métier le plus malhonnête). (Anecdotes sur la comtesse Du Barri, 1776). LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire de l'argot moderne, 1881, page 10. Ø 39. Est-ce qu'elle allait lui gâter la vie encore, se mettre en travers de son plaisir, cette femme, qu'il ne désirait plus, dont la possession n'était plus qu'une secousse désagréable? Puisqu'il s'amusait ailleurs, il n'avait aucun besoin d'elle. ÉMILE ZOLA, La Bête humaine, 1890, page 141. Remarque : 1. Confer l'expression s'amuser d'amour (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 618). 2. Nuance péjorative chez Voir Hugo, dans ces deux vers du Roi s'amuse, 1832, I, 3, page 363 : " Le roi s'amuse? Ah! diable! Et c'est très malheureux! / Car un roi qui s'amuse est un roi dangereux. " — S'amuser ou s'amuser tout seul. Avoir des habitudes solitaires. « Ce petit garçon a la funeste habitude de s'amuser la nuit. Il faut amuser les enfants, de peur qu'ils ne s'amusent. » (JOSEPH DE MAISTRE DANS LAROUSSE DU 19E. SIÈCLE. ). · Au figuré, par référence à cet emploi : Ø 40. Je me suis rappelé un couplet intercalé dans le Juif errant par M. Mocquard, que j'ai entendu l'autre soir à l'Ambigu : le sens en était qu'il ne fallait plus faire de politique, mais s'amuser, gaudrioler et jouir. On dompte les peuples comme les lions, par la masturbation. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, juillet 1860, page 775. d) Passer son temps à des futilités au lieu des choses essentielles : Ø 41.... Tu ne sais pas pourquoi tu chantes sur la lyre du soir jusqu'au matin. Poète, un grave auteur dira que tu t'amuses sans trop d'utilité; Va, ne l'écoute point : Apollon et les Muses ont bien quelque beauté. JEAN PAPADIAMANTOPOULOS, DIT JEAN MORÉAS, Les Stances, 1901, page 131. Ø 42. Je suis la tombe d'un espoir à qui j'avais toute ma vie pour donner l'être. Je me suis amusé, j'ai perdu mon temps. J'ai mal vécu. Et à chacun de ceux qui m'approchent j'ai envie d'en demander pardon... JOE BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-1936, pages 97-98. — Par métaphore : Ø 43.... et à travers leurs manières douces, perçait cette brutalité particulière que communique la domination de choses à demi faciles, dans lesquelles la force s'exerce et où la vanité s'amuse, le maniement des chevaux de race et la société des femmes perdues. GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 58. — Familier. Perdre son temps à flâner. Synonymes : musarder, lanterner : Ø 44. On sortait, et appuyée sur la rampe, la loueuse criait de sa voix brève : « Je t'attends demain à midi, ne t'amuse pas en route ». GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Marthe, histoire d'une fille, 1876, page 125. B.— Constructions diverses. S'amuser à, s'amuser de. 1. S'amuser à. a) S'amuser à + substantif [animal ou inanimé] — Vieilli. Jouer avec, s'occuper à : Ø 45. M. de La Martinière, qui est sur l'astrolabe, a les plantes, et s'amuse aussi aux insectes, oiseaux et poissons. Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU) tome 4, 1797, page 246. — Perdre son temps à s'occuper de quelque chose : Ø 46. Je n'étais point jeune, pour m'amuser à la poupée! Celle-ci me fit tourner la tête, à près de soixante-ans... PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, page 351. — Prendre plaisir à : Ø 47.... je sens et chacun avec moi sentira, d'un côté, un opinion qui, sous prétexte d'être naturelle, rabaisse l'homme comme à plaisir et s'amuse à son néant... CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 339. Ø 48. Je suis, moi, affreusement, irrémédiablement joyeux. Je m'amuse puérilement aux choses, et j'ai des regards vierges pour tous les éblouissements. ANDRÉ GIDE, P. VALÉRY, Correspondance, lettre de André Gide à Paul Valéry, 1890-1942, page 128. — Familier. S'amuser à la moutarde. S'arrêter à des bagatelles, perdre son temps à des riens : Ø 49.... en courant avec lui dans la campagne, lui chargé de sa boîte de fer-blanc, moi portant Maurice sur mes épaules, je ne m'étais amusée, comme disent les bonnes gens, qu'à la moutarde; encore n'avais-je pas bien étudié la moutarde et savais-je tout au plus que cette plante est de la famille des crucifères. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 4, 1855, page 68. Ø 50. « Maintenant, dit Hérode, sans plus nous amuser à la moutarde, descendons de ce perchoir où je n'ai pas toutes mes aises, sur le sacro-saint plancher des vaches qui sied mieux à ma corpulence. » THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, pages 414-415. b) S'amuser à + verbe. [Le sujet est un animé] Prendre du plaisir à : Ø 51. Gérard s'amusa plus d'une fois, dans la loge de l'acteur, à lire de nombreux petits billets de femmes cachés dans les fleurs adressées à Coquinet. JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, page 306. Ø 52. Quand j'étais un enfant, je m'amusais avec des cailloux à construire des ermitages. GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine, 1874, page 179. — Ironique ou péjoratif. Prendre un plaisir malin, voire sadique à : Ø 53. C'étaient des rires, des ironies, des humiliations sans fin. Les sarcasmes pleuvaient sur l'Égyptienne, et la bienveillance hautaine, et les regards méchants. On eût cru voir de ces jeunes dames romaines qui s'amusaient à enfoncer des épingles d'or dans le sein d'une belle esclave. VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 286. Ø 54. Eh bien! c'est la vérité. Il s'amuse sadiquement à me torturer et maintenant je sais pourquoi. SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 411. — Par métaphore : Ø 55.... la nature s'était amusée à sauver le malade à la barbe du médecin. VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, page 387. Remarque : Confer également s'amuser à faire souffrir (HONORÉ DE BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, page 5); s'amuser à tourmenter (JOSEPH DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, tome 2, 1821, page 173); s'amuser méchamment (HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, page 319). — Perdre, gaspiller son temps à : Ø 56.... s'amuse-t-on à glaner quand on peut moissonner? JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, page 191. Ø 57.... « Il y a un tas de choses qu'il faut empêcher, avant de s'amuser à écrire des livres que personne ne lira peut-être jamais. » SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 41. Remarque : Constructions vieillies analogues à s'amuser à + verbe a) s'amuser en + participe présent : s'amuser en courant (MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, page 173); b) s'amuser dans + substantif : s'amuser dans la contemplation de la sottise humaine (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1873, page 80). 2. S'amuser de. a) S'amuser de + substantif. — Rare. [Le complément désigne un inanimé] S'égayer de, trouver une distraction dans : Ø 58. Dans les premiers temps de son mariage, sa femme, d'abord, s'amusa du violon; puis elle se lassa de ces cris qui lui « grattaient dans la tête. » ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, page 68. Remarque : 1. Confer aussi s'amuser de mes poupées (ALFRED DE MUSSET, Comédies et proverbes, On ne badine pas avec l'amour, 1834, I, 3, page 17); variante de s'amuser avec, ou à la poupée (exemple 46). 2. Dans l'exemple suivant il s'agit d'une espèce de complément d'origine : s'amuser à partir de..., à propos de... : Ø 59.... elle était une fillette docile, étourdie, paresseuse, assez gourmande, rougissant pour un rien, tantôt se taisant pendant des heures, tantôt parlant avec volubilité, riant et pleurant facilement, ayant de brusques sanglots et un rire d'enfant Elle aimait rire et s'amusait de petits riens. Jamais elle ne cherchait à jouer à la dame. Elle restait enfant ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 784. — [Le complément désigne une personne] Se moquer de, se servir de quelqu'un comme d'un jouet; abuser de : Ø 60. Il [Grandet] avait ourdi une trame pour se moquer des Parisiens (...) pour s'amuser d'eux, lui, ancien tonnelier, au fond de sa salle grise... HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, page 125. Ø 61. MARIUS. — Pourquoi me racontes-tu ça? CÉSAR, assez rudement. — C'est pour te dire que Fanny, il ne faut pas t'en amuser. Tu comprends? MARIUS. — Mais oui, je te comprends! MARCEL PAGNOL, Marius, 1931, IV, 5, page 232. Remarque : À cet emploi on peut rattacher l'expression développée s'amuser aux dépens de : Ø 62. FLORBEL. — Allons, mes amis, nous nous sommes amusés aux dépens les uns des autres, comme on fait dans le monde, sans vouloir nous tromper, seulement pour essayer ce que nous valons. De petites plaisanteries comme celles-ci avancent beaucoup l'amitié entre camarades, et nous voilà tous unis à la vie, à la mort. THÉODORE LECLERCQ, Proverbes dramatiques, Le Désoeuvrement des comédiens ou À corsaire, corsaire et demi, 1835, 13, pages 473-474. — emploi absolu. Même sens : Ø 63. Peut-être a-t-il voulu railler et s'amuser : s'il a été sérieux, on se demande à quelle sorte de dames il s'adressait. EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 134. b) Rare. S'amuser de + verbe (pour s'amuser à, plus courant). Se plaire à : Ø 64.... je ne puis m'empêcher de penser que Louis XI, se sentant mourir, fit envoyer chercher des tortues au Cap Vert, par caravelles... et rien ne nous dit qu'une d'elles ne se soit amusée de grandir dans le domaine de quelque gentilhomme à qui le Roi l'eût donnée... LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, page 125. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 5 716. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 6 423, b) 9 478; XXe. siècle : a) 10 630, b) 7 355.

« ? 5.

Ah! oui, j'en ai m?moire, Et je vous veux, Lucr?ce, amuser de l'histoire.

Peu s'en faut qu'? nous tous Brute n'ait fait la loi.

Si sa m?re e?t v?cu, Brute aurait ?t? Roi. FRAN?OIS PONSARD, Lucr?ce, 1843, I, 4, page 26.

? 6.

Eh bien! oui, la prison, le d?sert, le tombeau, tout cela est vrai; je me sens prise..., Valerio, il faut que je m'en aille d'ici! J'ai tout regard?, j'ai tout vu, j'ai ?t? amus?e, charm?e, ravie, je ne le nie pas! mais, soudain, je viens de m'apercevoir que nous sommes seuls, absolument seuls, au milieu d'un monde qui nous est ?tranger. JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Vie de voyage, 1876, page 335.

? 7.

Ce jeu de ballon m'a plus amus? que je n'eusse cru qu'il ?tait encore possible, amus? comme un enfant et comme un dieu, et d'autant plus que je ne m'y sentais pas malhabile.

Que Pascal a donc dit sur le jeu des choses absurdes! et que la gratuit? pr?cis?ment de cette lutte, de cet effort, me para?t belle! Oui vraiment, je ne me souviens pas avoir pris m?me dans ma jeunesse ou mon enfance, plaisir plus ardent, plus pur et plus complet. ANDR? GIDE, Journal, 1930, page 964.

2.

?gayer?: ? 8.

La gaiet? s?rieuse qui ne tourne rien en plaisanterie, mais amuse sans le vouloir, et fait rire sans avoir ri; cette gaiet?, que les Anglais appellent humour, se trouve aussi dans plusieurs ?crits allemands; mais il est presque impossible de les traduire. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STA?L, De l'Allemagne, tome 3, 1810, pages 271.

? 9.

C'est le plaisant, le jovial qui amuse tout le monde, et fait rire le r?giment, je veux dire les soldats et les bas officiers; car tout le reste est noble, et, comme de raison, rit ? part. PAUL-LOUIS COURIER, Pamphlets politiques, Lettres particuli?res, 1820, page 67.

? 10.

OEDIPE.

? Quel chemin? LE SPHINX.

? Vous ?tes extraordinaire.

Dois-je rendre compte ? un ?tranger du but de ma promenade? OEDIPE.

? Et si je le devinais, moi, ce but.

LE SPHINX.

? Vous m'amusez beaucoup. JEAN COCTEAU, La machine infernale, 1934, II, page 73.. »

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