Définition / vocabulaire: AUTORISÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Définition / vocabulaire: AUTORISÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de autoriser* II.— Emploi adjectival. A.— Vieilli. 1. Domaine administratif, juridique, politique, etc. Qui a (reçu) un pouvoir légitime, de l'autorité. a) [En parlant d'une personne] : Ø 1. Je passai la nuit à rédiger une lettre au général Pichegru. M. le prince de Condé, muni de tous les pouvoirs de Louis XVIII, excepté celui d'accorder des cordons bleus, m'avait, par écrit de sa main, revêtu de tous ses pouvoirs, à l'effet d'entamer une négociation avec le général Pichegru. Ce fut en conséquence que j'écrivis au général. Je lui dis d'abord tout ce qui pouvait réveiller en lui le sentiment du véritable orgueil, (...). J'ajoutai que M. le prince de Condé désirait qu'il proclamât le roi dans ses camps, lui livrât la ville de Huningue et se réunît à lui pour marcher sur Paris. Pichegru après avoir lu toute cette lettre avec la plus grande attention, dit à Fauche : « C'est fort bien! Mais qui est ce M. de Montgaillard, qui se dit ainsi autorisé?... » ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, 1870, page 438. b) [En parlant d'une chose] De source autorisée : Ø 2.... il s'est créé un autre journal : Le Courrier de l'épidémie, qui se donne pour tâche d'« informer nos concitoyens, dans un souci de scrupuleuse objectivité, des progrès ou des reculs de la maladie; de leur fournir les témoignages les plus autorisés sur l'avenir de l'épidémie; de prêter l'appui de ses colonnes à tous ceux, connus ou inconnus, qui sont disposés à lutter contre le fléau; de soutenir le moral de la population, de transmettre les directives des autorités... » ALBERT CAMUS, La Peste, 1947, page 1314. PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : accrédité, authentique, officiel. 2. Par extension, domaine moral idéologique, etc.. Qui a (acquis) du poids, de l'influence, qui s'impose par sa valeur personnelle, sa position sociale. a) [En parlant d'une personne] : Ø 3. Ces six personnes formaient le fond de la voiture, le côté de la société rentée, sereine et forte, des honnêtes gens autorisés qui ont de la religion et des principes. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Boule de suif, 1880, page 121. b) [En parlant d'une chose] Voix autorisée : Ø 4. Il ne faut pas oublier que s'il a ses partisans [Pasteur] (...) il y a également toute une école, formée de savants dignes de foi et aux noms autorisés, qui les déclare extrêmement arbitraires [les théories de Pasteur] ... PAUL LÉAUTAUD, Le Théâtre de Maurice Boissard, tome 2, 1943, page 50. PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : compétent, fondé, influent, qualifié, reconnu, reçu. B.— Plus fréquent. 1. Domaine administratif, juridique, politique, etc. Qui a (reçu) la possibilité légale, l'autorisation de faire quelque chose, par un accord explicite. a) [En parlant d'une personne] : Ø 5. On a dissous en 1610 la confrérie des Conards, troupe un peu trop joyeuse, et qui donnait des spectacles un peu trop licencieux. Leurs rivaux, les clercs de la Basoche, sont tour à tour interdits et autorisés pendant deux siècles. ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille, 1938, page 48. b) [En parlant d'une chose, notamment d'un organisme] Association autorisée : Ø 6. En Allemagne, une chambre d'auberge à deux lits évoque tout de suite, à l'oeil et à la pensée, l'idée de l'abri d'un mari et d'une femme, l'idée d'un ménage. Tout jusqu'aux rideaux d'un blanc virginal, parle d'un amour honnête, consacré, autorisé. En France, c'est toujours un amour illégitime que ça représente. On voit aux murs, sur les meubles, l'ombre et la trace d'un enlèvement ou d'un monsieur avec sa maîtresse. D'où vient ce caractère? Je ne sais. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1861, page 952. PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : accepté, accordé, admis, approuvé. b) Antonymes défendu, désapprouvé, refusé. 2. Par extension, domaine moral, idéologique, etc.. Qui trouve une justification plus ou moins abusive dans une licence implicite. a) [Le sujet désigne une personne] : Ø 7.... il adressait les discours les plus irrésistibles à la belle Clélia. Mais le lendemain, à midi, il la trouva d'une mélancolie tellement sombre, elle était si pâle, elle dirigeait sur lui des regards où il lisait quelquefois tant de colère, qu'il ne se sentit pas assez autorisé pour lui adresser une question sur la sérénade; il craignit d'être impoli. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 313. b) [Le sujet désigne une chose] : Ø 8. L'histoire entière de son mariage revenait, dans ses phrases courtes, lâchées par lambeaux : les trois hivers de chasse à l'homme, les garçons de tous poils aux bras desquels on la jetait, les insuccès de cette offre de son corps, sur les trottoirs autorisés des salons bourgeois; puis, ce que les mères enseignent aux filles sans fortune, tout un cours de prostitution décente et permise, les attouchements de la danse,... ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille, 1882, page 334. PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : facilité, favorisé, justifié, toléré. III.— Emploi comme substantif. [En construction d'apposition] Quelqu'un ou quelque chose d'autorisé (Confer Charles Péguy, L'Argent, 1913, page 1228 : quelqu'un d'autorisé (...) un homme en place; Marcel Proust, Le Côté de Guermantes 1, 1920, page 256 : quelque chose d'autorisé, de prescrit). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 678. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 076, b) 920; XXe. siècle : a) 819, b) 978. Forme dérivée du verbe "autoriser" autoriser AUTORISER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. A.— Vieilli. Autoriser quelqu'un, quelque chose. 1. Domaine administratif, juridique, politique, etc. Donner un pouvoir légitime, de l'autorité (à quelqu'un, quelque chose). (Quasi-)synonymes : accréditer, légaliser, légitimer. a) [Le sujet désigne une personne, une collectivité humaine] : Ø 1. La Nation conserverait ses droits sur un prince qui renoncerait à régner sur elle, et pourrait le forcer à régner malgré lui? Mais, en ce cas du moins, le contrat étant synallagmatique, le prince devrait jouir de la même prérogative, et la Nation ne pourrait s'affranchir de son autorité sans qu'il y eût consenti par une abdication volontaire. Appliquez ces principes à l'autorité de Louis XVI et, en dernier lieu, de Louis XVIII, dont la Nation avait reconnu et autorisé le pouvoir par des acclamations, des suffrages éclatants et unanimes, etc... MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1815, page 55. b) [Le sujet désigne une chose abstraite] : Ø 2. Croiriez-vous, reprit l'Empereur, qu'on a osé me conseiller de mettre à prix la tête de cet homme sanguinaire? Je sais que l'exemple donné par plusieurs gouvernemens paroît autoriser un tel avis; mais rien à mes yeux ne peut consacrer une lâcheté. La main d'un souverain, dispensatrice des graces, n'est plus digne d'offrir des prix à la vertu, lorsqu'elle promet une récompense au crime; et quiconque invite au meurtre, n'est lui-même qu'un vil assassin. STÉPHANIE FÉLICITÉ DUCREST DE SAINT-AUBIN, COMTESSE DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, tome 1, 1795, page 300. 2. Par extension, domaine moral, idéologique, etc.. Donner du poids, de l'influence (à quelqu'un, quelque chose). a) [Le sujet désigne une personne] : Ø 3. Une belle analogie entre les maladies et les crimes se tire de ce que le divin auteur de notre religion, qui étoit bien le maître, pour autoriser sa mission aux yeux des hommes, d'allumer des volcans ou de faire tomber la foudre, mais qui ne dérogea jamais aux lois de la nature que pour faire du bien aux hommes; que ce divin maître, dis-je, avant de guérir les malades qui lui étoient présentés, ne manquoit jamais de remettre leurs péchés,... JOSEPH, COMTE DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, tome 1, 1821, page 54. b) [Le sujet désigne une chose abstraite] : Ø 4.... j'aurais besoin de trop de place pour développer les heureuses conséquences d'un projet si raisonnable : un seul mot encore, pour mettre en lumière la vérité philosophique qui m'autorise et me soutient. J'ose croire qu'ici je suis dans le grand courant de mon siècle et de ma nation. HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, page 172. PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : appuyer, fonder. b) Antonymes détruire, ruiner. B.— Plus fréquent. Autoriser quelqu'un (à quelque chose) ou quelque chose (à quelqu'un). 1. Domaine administratif, juridique, politique, etc. Donner la possibilité légale, l'autorisation de faire quelque chose, par un accord explicite. a) [Le sujet désigne une personne] : Ø 5. 259. Lorsque la demande en divorce aura été formée pour cause d'excès, de sévices ou d'injures graves, encore qu'elle soit bien établie, les juges pourront ne pas admettre immédiatement le divorce. Dans ce cas, avant de faire droit, ils autoriseront la femme à quitter la compagnie de son mari, sans être tenue de le recevoir, si elle ne le juge à propos;... Code civil des Français (ou Code Napoléon) 1804, page 48. b) [Le sujet désigne une chose abstraite] : Ø 6. Monsieur le Comte! Vous n'aviez pas le droit! Vous saviez que ce chien était à moi et, même si vous l'aviez ignoré, rien ne vous autorisait à le tuer. Je vous répète que vous n'en aviez pas le droit! CLÉRAMBARD. — J'en avais parfaitement le droit! Je suis chez moi, n'est-ce pas? et libre de faire ce que bon me semble à l'égard d'un intrus, surtout s'il s'agit d'une sale bête qui montre les dents. MARCEL AYMÉ, Clérambard, 1950, I, 5, page 36. SYNTAXE : a) Substantif + autoriser : justice, loi, pouvoir + autoriser. b) Autoriser + verbe : autoriser à donner, faire, prendre, sortir, venir. — PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : accepter, accorder, confirmer, consentir, permettre. b) Antonymes défendre, démentir, désavouer, interdire, s'opposer à, refuser. 2. Par extension, domaine moral, idéologique, etc.. Donner une justification, servir plus ou moins abusivement de prétexte à faire quelque chose, par une licence implicite. a) [Le sujet désigne une personne] : Ø 7. Ah! grande cruche, tu ne te doutes pas de ta bêtise! Et, doctement, elle fit un cours pratique de morale, dans la question de l'adultère. Est-ce que, maintenant, Auguste n'était pas autorisé à la traiter en maître? Elle lui avait fourni une arme terrible. ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille, 1882, page 333. b) [Le sujet désigne une chose abstraite] : Ø 8. Le régime social qui leur paraît spécialement heureux est celui où leur pensée est en mesure de se poursuivre sans accidents extérieurs à elle-même. L'état le meilleur est celui qui, du même coup sanctionne leur situation bourgeoise et assure à leurs méditations des conditions de loisir, de silence, et de sérénité, celui enfin qui autorise et favorise une certaine sécession. PAUL NIZAN, Les chiens de garde, 1932, page 143. SYNTAXE : a) Autoriser + substantif : autoriser des espérances; substantif + autoriser : circonstances + autoriser. b) Autoriser + verbe : autoriser à croire, dire, penser, supposer — PARADIGMES. (Quasi-) synonymes : encourager (à), exciter (à), faciliter, inciter (à), inviter (à), provoquer (à), tolérer. II.— Emploi pronominal. A.— Emploi absolu, vieilli. Se donner, acquérir un certain pouvoir, de l'autorité, du poids, de l'influence. "... pour qu'il [le mot réaction] naquît et s'autorisât " (Charles-Augustin Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, tome 10, 1863-69, page 313). B.— Plus fréquent. S'autoriser de.. Se donner une justification, une autorisation, se servir légitimement ou abusivement d'un exemple ou d'un précédent pour faire quelque chose d'analogue. (Quasi-)synonymes : se prévaloir de, se réclamer de, se recommander de : Ø 9. Je sais qu'un penchant naturel attache l'homme à la vie; mais c'est en quelque sorte un instinct d'habitude, il ne prouve nullement que la vie soit bonne. L'être, par cela qu'il existe, doit tenir à l'existence; la raison seule peut lui faire voir le néant sans effroi. Il est remarquable que l'homme, dont la raison affecte tant de mépriser l'instinct, s'autorise de ce qu'il a de plus aveugle pour justifier les sophismes de cette même raison. ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, page 162. Ø 10. On en viendra bientôt, je pense, à dégager les paroles du Christ, pour les laisser paraître plus émancipatrices qu'elles ne le paraissaient jusqu'alors. Moins ensevelies, elles paraîtront plus dramatiquement, niant enfin la famille (et l'on s'autorisera de cela pour la supprimer), tirant l'homme lui-même de son milieu pour une carrière personnelle et lui enseignant par son exemple et par sa voix à n'avoir plus de possessions sur la terre, plus de lieu où reposer sa tête. Ô avènement de cet « état nomade », toute mon âme te souhaite! où l'homme, sans foyer clos, ne localisera pas plus son devoir ou son affection que son bonheur, sur tels êtres. J'ai beau lire et relire l'Évangile, je ne vois pas une seule parole du Christ dont se puisse fortifier, et même autoriser la famille, — le mariage. J'en trouve au contraire qui le nient... ANDRÉ GIDE, Réflexions sur quelques points de littérature et de morale, 1897, page 431. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 098. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 683, b) 1 420; XXe. siècle : a) 1 320, b) 1 675.