Définition / vocabulaire: AUTORITAIRE, adjectif et substantif. I.— Emploi adjectival. A.— Domaine politique, administratif, social. 1. [En parlant de pers] a) Vieilli. Qui est partisan de l'autorité absolue, d'un régime fort : Ø 1.... notre table donne une idée de l'anarchie actuelle des esprits. Le vicomte est un athée du mariage, le docteur un vitaliste qui nie la liberté; le premier est catholique, autoritaire; le second positiviste et proudhonien. HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1866, page 551. b) Qui exerce une autorité absolue, qui gouverne en despote : Ø 2. Frédéric de Hohenzollern passa pour le type du souverain éclairé. Ses victoires, pour celles du progrès et même, ou peu s'en faut, de la liberté. C'était pourtant un despote, un souverain absolu et plus autoritaire que tous les autres. Sa méthode, c'était le militarisme, le caporalisme, le dressage prussien, le contraire du gouvernement libéral. Il a fallu plus d'un siècle pour qu'on s'en aperçût. JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 1, 1924, page 299. Remarque : 1. On rencontre dans la documentation le néologisme autoritarien, ienne, adjectif et substantif (CHARLES PÉGUY, De la Grippe I, 1900, page 13; suffixe -ien*, sans doute sur le modèle sémantique de césarien, ou morphologie de agrarien [de agraire] ) synonyme de autoritaire (I A 1 b). 2. On rencontre également le néologisme autoritarite, substantif féminin (IDEM, ibidem, page 8; suffixe -ite*). Par plaisanterie Maladie due à une crise inflammatoire d'autorité, à un excès autoritaire. 2. [En parlant de choses] Qui caractérise, exprime l'autorité, qui dénote un régime fort : Ø 3. Le caractère brutal de l'autorité politique et judiciaire, l'arbitraire fréquent de ses décisions, les rigueurs des peines et des châtiments, l'emploi de la contrainte matérielle pour dompter les consciences, la flagrante et profonde inégalité des conditions, toutes ces circonstances donnent l'impression d'une société durement constituée, d'une organisation oppressive, maintenue par le moyen d'une hiérarchie autoritaire, et dans de telles conditions que l'individu, astreint à l'exécution de devoirs impérieux, devait renoncer à jamais franchir d'un pas les limites de la caste où il était né. Mais c'est là une illusion; et la réalité était bien différente de l'apparence. Il s'en fallait de beaucoup que le cadre social fût aussi inflexible et rigide qu'il en avait l'air. EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 255. SYNTAXE : Substantif + autoritaire : empire, gouvernement, plan, principe, régime autoritaire. — PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : autocratique, despotique, dictatorial, puissant, totalitaire. b) Antonymes démocratique, humanitaire, libertaire. B.— Domaine psychologique. 1. [En parlant de pers] Souvent péjoratif. Qui a de l'autorité, qui impose nettement sa personnalité, sa volonté à autrui. Homme autoritaire : Ø 4. Or, dans cette discussion sur la guerre, Zola est cassant, tranchant, autoritaire, parle de la guerre comme un stratège qui aurait vu toutes les batailles du siècle pourrait en parler, n'écoutant pas les objections, donnant des démentis, butordant à tort et à travers, enfin mal élevé au possible; et Daudet et moi ne l'avons jamais trouvé d'un commerce si désagréable. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1891, page 122. Ø 5. Pierre Louis pouvait avoir bien des défauts de caractère : il était capricieux, quinteux, fantasque, autoritaire; il cherchait sans cesse à incliner autrui vers ses goûts à lui, et prétendait forcer l'ami à marcher dans sa dépendance; mais il avait des générosités exquises... ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, page 573. Remarque : S'emploie exceptionnellement à propos d'une personne vis-à-vis d'elle-ême (confer GREEN, Journal, Le Bel aujourd'hui, 1958, page 358 : ... un moi plus impérieux, plus autoritaire et plus sûr de lui que le moi que je connais). 2. [En parlant de choses, en particulier d'un aspect du comportement humain] Qui marque l'autorité : Ø 6. Il évoque le masque du docteur : son regard dur et fin; sa bouche, autoritaire jusque dans le baiser; son sourire décidé et courageux : mais tant de bonté secrète. ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 253. SYNTAXE : Substantif + autoritaire : éducation, geste, pression, signe, voix autoritaire. — PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : arrogant, assuré, énergique, ferme, fort, glorieux, hautain, impératif, important, imposant, magistral, péremptoire, raide, rude, violent. b) Antonymes accommodant, conciliant, coulant, faible, familier, indulgent, servile, soumis. — Par analogie. [En parlant d'inanimés] : Ø 7. Ceux qui préfèrent la sieste sont réveillés en sursaut par un drôle d'angélus sans rien de mélancolique, de doux, de persuasif comme le nôtre, un angélus sec, autoritaire, fanatique, administré à la ville comme une fessée. PAUL MORAND, La Route des Indes, 1936, page 119. II.— Emploi comme substantif. A.— Domaine politique, vieilli. Partisan de l'autorité absolue. (Quasi-)synonyme : absolutiste : Ø 8. Ah! que Rougon prenne garde! il sera mangé, lui d'abord, balayé de ce pouvoir auquel il se cramponne, pour lequel il renie tout. C'est très malin, son jeu de bascule, les gages donnés un jour aux libéraux, l'autre jour aux autoritaires; mais, à ce jeu-là, on finit fatalement par se rompre le cou... ÉMILE ZOLA, L'Argent, 1891, page 414. B.— Domaine psychologique. Personne autoritaire, qui imprime à son entourage la marque de sa personnalité, de sa volonté : Ø 9. Ce que tue l'autoritaire autour de lui, c'est la saveur même de l'acte humain, avec ce que comporte d'excitant l'initiative et de léger l'autonomie. (...) L'autoritaire dérobe à son entourage cette sphère de l'aisance qui est, autour d'un être libre, le jeu d'espace vécu nécessaire aux manoeuvres de sa liberté. Les tendresses tyranniques, les sollicitudes trop pressantes donnent à l'objet de leurs faveurs le même sentiment d'étouffement, et sans doute le donnent-elles parce qu'elles ne sont pas étrangères à la passion dominatrice. EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1956, page 512. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 293. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) néant, b) 119; XXe. siècle : a) 600, b) 821.
