Dictionnaire en ligne: DISPUTER, verbe. A.— Emploi intransitif. 1. Échanger, avec un interlocuteur, des arguments contradictoires sur un sujet donné (confer débattre un sujet, discuter d'un sujet). a) Disputer + complément introduit par une préposition marquant le propos ou désignant l'interlocuteur. a ) Disputer de, disputer sur. Abeilard disputait, dans les écoles, sur les questions qui s'agitaient alors (RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, page 90 ). Ils [les sénateurs] disputent du vote des femmes (JEAN GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, page 163) : Ø 1. Qu'est-ce que la science du Moyen Âge, si ce n'est une dispute? La dispute est si chère aux scolastiques, qu'ils se la réservent, se la ménagent, et disposent leurs canons de façon à n'en pas supprimer la matière. Il y a des propositions reconnues fausses que l'on ne condamne pas, pour que l'on puisse en disputer. ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 496. · [Avec ellipse de la préposition de] Nous disputions philosophie (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 177 ). — Locutions proverbiales. · Disputer de la chape à l'évêque. Synonyme : se battre de la chape à l'évêque (confer chape A 2). · Disputer des goûts et des couleurs (Confer couleur I A 1). · Disputer sur la pointe d'une aiguille (confer aiguille I A c). ß ) Disputer avec, contre quelqu'un. Il [P...] a disputé de très bonne foi contre Duteil et Rollinat, qui s'étaient donné le mot (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Correspondance, tome 2, 1812-76, page 59) : Ø 2. Il ne convient donc point de disputer avec le maître, car je t'annonce qu'il est impitoyable et inique, et sourd à la raison;... PAUL CLAUDEL, La Ville, 1901, III, page 481. b) Disputer + proposition interrogative indirecte avec ellipse de savoir. Il n'est plus personne sur la terre avec qui je puisse (...) disputer quelle maîtresse était la plus belle (ANDRÉ CHÉNIER, Amérique, 1794, page 122 ). · Disputer si.. Débattre la question de savoir si (confer exemple dans remarque au mot barrésien). c) emploi absolu. On disputa longtemps et personne ne changea d'avis (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, page 294 ). L'archevêque, durement : — Ne disputez pas. Obéissez. Vous disputerez ensuite (HENRI DE MONTHERLANT, Port-Royal, 1954, page 1018 ). 2. Par extension. a) Entrer en conflit avec quelqu'un pour savoir qui sera le meilleur. — Disputer (avec quelqu'un) de + complément désignant l'objet du conflit. Disputer de beauté, d'esprit, de laideur (Dictionnaire de l'Académie Française). Synonyme : rivaliser de. Mesdames Tallien et Récamier donnèrent le ton dans ces jours d'étalage et toutes les femmes disputèrent de folie pour les imiter (HONORÉ DE BALZAC, Œuvres diverses, tome 2, 1850, page 332) : Ø 3. La nuit dont tes paupières couvrent tes yeux dispute de suavité avec celle que l'Italie assoupie et parfumée verse sur ton front. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 286. b) Emploi pronominal, familier. Se quereller, lutter avec. Un enfant de seize ans qui se dispute avec un frère aîné (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 80 ). On se disputait assez avec la misère, avec le manque de bois, le manque d'eau, le manque de pain, le manque de laine (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, page 65) : Ø 4. Tu ne trouves pas attristant qu'on ne puisse plus passer une soirée entre amis sans se disputer à propos de politique? SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 252. Vieux. Se disputer de + infinitif. Deux ou trois collégiens de treize ans se disputaient d'être premiers violons dans un bal (JULES MICHELET, Journal, 1834, page 159 ). c) Disputer précédé du pronom personnel neutre le. Le disputer à quelqu'un (ou à quelque chose). Chercher à avoir le dessus. On tient à vous le disputer à l'emporter sur vous... adieu, madame (EUGÈNE SCRIBE, Le Verre d'eau, 1840, page 683 ). Une voix où le mépris le disputait à l'arrogance (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Gendarme sans pitié, 1899, 1, page 149 ). Le disputer à quelqu'un (ou à quelque chose) en quelque chose Le prince ne voit à sa cour aucune femme qui puisse vous le disputer en beauté (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 105 ). Ces tours le disputent (...) en hauteur aux monuments les plus élevés de Paris (HONORÉ DE BALZAC, Spendeurs et misères des courtisanes, 1846, page 369 ). B.— Emploi transitif. 1. a) Lutter pour obtenir ou conserver ce à quoi l'on tient et qu'un autre cherche également à obtenir ou à conserver (confer arracher, briguer, défendre). Ne perdez pas courage. C'est [Catherine] une femme qui vaut la peine d'être disputée (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, La Mare au diable, 1846, page 114 ). D'autres ambassades cherchèrent à rivaliser avec celle-là, mais elles ne purent lui disputer le prix (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 675 ). Les vieux platanes de la place disputaient encore leurs feuilles au vent pluvieux (FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, page 233 ). SYNTAXE : Disputer une place, un rang, un titre; disputer le pas, la préséance; disputer le pouvoir, la victoire; disputer quelqu'un à la maladie, à la mort, à l'oubli; disputer une victime au supplice; disputer quelqu'un en mariage à quelqu'un d'autre. — Spécialement. Disputer le terrain (pied à pied). Empêcher que l'ennemi prenne possession du terrain que l'on défend. Ne rencontrant devant lui que de faibles unités françaises, impuissantes à lui disputer le terrain (MARÉCHAL FERDINAND FOCH, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918, tome 2, 1929, page 93 ). Au figuré. Soutenir avec acharnement ses intérêts ou ses opinions dans un débat : Ø 5. Il fallut accepter cette nouvelle espèce de lutte; la mère Angélique y suffit et sans conseil, écrivant lettres sur lettres à l'archevêque, (...) disputant (...) le terrain pied à pied, et retardant ainsi, pour quelque temps du moins, ce dont l'issue était désormais inévitable. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 158. — Emploi pronominal passif. Je tournais le dos à la table où se disputait mon futur bonheur (HONORÉ DE BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, page 85 ). Il fallait que le moment vînt où se disputerait l'unique chance de sa misérable vie (GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, page 1446 ). — Emploi pronominal indirect à valeur réciproque. Se disputer quelque chose ou quelqu'un.. Chercher ensemble à s'arracher ce à quoi on tient. Deux beaux enfants blonds, dont les petites mains se disputaient un bouquet de roses (ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille, 1882, page 360 ). La gêne, l'humiliation et la rage se disputent son visage crispé (HENRI DE MONTHERLANT, Malatesta, 1946, III, 2, page 483 ). SYNTAXE : Se disputer l'amour, l'attention, le coeur, les faveurs, la main de quelqu'un; se disputer un emploi, un rôle; se disputer la domination, le monopole, la possession de quelqu'un; se disputer l'avantage, le bonheur, l'honneur de quelque chose; se disputer un héritage; se disputer la parole. · Spécialement. Se disputer le terrain (confer supra disputer le terrain). Le monde et l'église occupent et se disputent le même terrain (JACQUES MARITAIN. Humanisme intégral, problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté, 1936, page 116 ). b) Par extension. Être en compétition, lutter pour obtenir la victoire à l'issue d'une épreuve. Disputer un championnat, un concours, un match, un tournoi. On dispute une partie d'échecs (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 246 ). · Emploi pronominal passif. L'après-midi où se disputa la coupe de football inter-blocs (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 309 ). 2. Familier. [L'objet désigne une personne] Adresser des remontrances à quelqu'un : Ø 6.... « je veux d'abord demander à madame parce que je connais monsieur; si madame n'est pas de son avis, monsieur me disputera pour avoir fait ce qu'il voulait.» MARCEL ACHARD, Jean de la Lune, 1929, II, 8, page 22. · Avec construction factitive pronominale. Se faire disputer. Tu vas te faire disputer; (MARCEL ARLAND, L'Ordre, 1929, page 409 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 700 (disputé : 252). Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 358, b) 2 373; XXe. siècle : a) 1 767, b) 2 033. Disputé : XIXe. siècle : a) 403, b) 317; XXe. siècle : a) 289, b) 382.
