Dictionnaire en ligne: EMPOISONNANT, -ANTE, participe présent et adjectif.

Dictionnaire en ligne: EMPOISONNANT, -ANTE, participe présent et adjectif. I.— Participe présent de empoisonner* II.— Adjectif, au figuré. A.— Rare. Qui corrompt, qui avilit. Synonyme : corrupteur. Cette atmosphère de mensonge est étouffante, empoisonnante, mortelle (ANDRÉ GIDE, Journal, 1916, page 559 ). B.— Familier. Qui ennuie, embête. Système, ordre empoisonnant; personne empoisonnante. Synonymes : ennuyeux, embêtant, emmerdant (populaire). Et toujours cette question empoisonnante : « Que vais-je rapporter à ma femme? » (JULES RENARD, Journal, 1897, page 436 ). Enfin tous ces gars-là sont très empoisonnants et, presque tous, ils se croient des demi-dieux (GEORGES DUHAMEL, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, page 216) : Ø — Voui, dit Tirette, mais vous d'venez empoisonnants avec vos histoires d'embusqués. Du moment qu'on n'y peut rien, faudrait voir tourner la page. HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 139. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 41. Forme dérivée du verbe "empoisonner" empoisonner EMPOISONNER, verbe transitif. A.— Domaine concret. 1. [Le sujet désigne l'agent de l'action] a) [Le complément d'objet désigne un être animé] — [Sans intention de tuer] Intoxiquer en faisant absorber du poison. Synonyme : intoxiquer. On parvient, dit-on, à immuniser les gens contre les poisons en les empoisonnant un peu tous les jours (JEAN GUÉHENNO, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, page 83) : Ø 1. Il abusa du droit qu'on a d'empoisonner les gens, en incorporant dans ses bières des doses démesurées d'acide carbonique, qui les rendaient souverainement agréables et nuisibles. MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 309. · Emploi pronominal réfléchi. Les feuilles du livre, imprégnées d'une mixture d'arsenic, tenaient l'une à l'autre (...) le tyran mouillait son doigt (...). Il porta à plusieurs reprises son doigt à sa bouche, et s'empoisonna (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, La Reine Margot, 1847, III, tableau8, 1, page 107 ). Elle s'empoisonnera jamais cette infecte charogne!... Elle bouffera pas des champignons! (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 85 ). · Par hyperbole. Je suis venu à votre nouvelle gargote parce qu'on m'empoisonnait à l'ancienne avec des nourritures abominables (GUY DE MAUPASSANT, Mont-Oriol, 1887, page 157 ). — [Avec intention de tuer] Tuer ou mettre en péril de mort en faisant absorber du poison. Empoisonner son chien. Le despote étranglant ses frères, les frères empoisonnant ou égorgeant le despote (VICTOR HUGO, Le Rhin, 1842, page 440) : Ø 2. On nous fait rire en nous montrant (...) deux charmantes vieilles dames qui s'amusent à empoisonner leurs invités avec de l'arsenic, et plus il y a de victimes, plus on rit. JULIEN GREEN, Journal, 1942, page 203. · Emploi pronominal réfléchi. S'administrer soi-même du poison (pour se donner la mort). Hier, la lettre de ce garçon que je connais, qui avait essayé de s'empoisonner (FRANÇOIS MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, page 466 ). L'ancien pasteur Jackson qui, arrêté, s'empoisonna (HENRI LEFEBVRE, La Révolution française, 1963, page 339 ). b) [Le complément d'objet désigne une chose] Infecter de poison. Empoisonner une arme, une flèche; dard, gaz empoisonné; sagaie empoisonnée avec du curare. Des hommes masqués empoisonnaient les sources et jetaient dans l'air des poudres qui donnaient des maladies (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, page 50 ). On parlait d'espions qui enfonçaient des aiguilles dans les fesses des femmes et d'autres qui distribuaient aux enfants des bonbons empoisonnés (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 31) : Ø 3. De plus, ceux-ci [les paysans] ne sulfataient qu'avec répugnance (...). Enfin quelques cas d'intoxication s'étant produits, provoqués par des fruits et des feuilles mangés ou broutés encore frais de la pulvérisation, ils estimaient le remède pire que le mal. Ils désespéraient d'un fruit que l'on ne pouvait sauver qu'en l'empoisonnant JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, page 96. 2. [Le sujet désigne la cause] a) [En parlant d'un poison, d'une substance toxique] — [Le complément d'objet désigne un animé ou un organisme vivant] Causer une intoxication (qui peut être mortelle). Le mouron empoisonne les lapins; le tabac empoisonne l'organisme. Synonymes : intoxiquer, tuer. Fumer des cigarettes qui m'empoisonnent et achèvent de m'abrutir (ANDRÉ GIDE, Journal, 1928, page 889 ). L'apéritif, qui empoisonne le foie, le sang et le système nerveux (LÉON DAUDET, Le Bréviaire du journalisme, 1936, page 238) : Ø 4. Ce type qui a tué Hoederer est mort. Il s'appelait Raskolnikoff; il a été empoisonné par des chocolats aux liqueurs. JEAN-PAUL SARTRE, Les Mains sales, 1948, 7e. tableau, page 253. — [Le complément d'objet désigne une chose] Le mazout empoisonne la mer. Synonymes : infecter, souiller. Casse-têtes garnis de clous, javelots empoisonnant les blessures (GUSTAVE FLAUBERT, Trois contes, Hérodias, 1877, page 165 ). Ce centre de Londres est aujourd'hui devenu laid, empoisonné par les vapeurs d'essence et les marchands d'automobiles d'occasion (PAUL MORAND, Londres, 1933, page 171 ). b) Par extension. — Imprégner (un lieu) de mauvaises odeurs. Les relents empoisonnent l'atmosphère; le bouc empoisonne l'écurie. Synonymes : empester, empuantir; antonyme : embaumer. La meneuse fit entrer son monde dans le réfectoire, alors vide, empoisonné par une horrible odeur de graillon (ÉMILE ZOLA, Fécondité, 1899, page 527) : Ø 5. Que de fois ai-je dû frotter, cirer, polir les carreaux rouges avant que se dissipât cette odeur de moisissure et d'eau morte qui sort ici des murs mêmes, empoisonne jusqu'à l'air du jardin!... GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, page 1362. — Exhaler de mauvaises odeurs. La boucherie empoisonne de relents; l'ivrogne empoisonne l'alcool. Synonymes : empester, puer. Ce n'était pas un diable empoisonnant le soufre et d'aspect effroyable, un diable rococo (THÉOPHILE GAUTIER, Albertus ou l'Âme et le péché, 1833, page 181 ). — Emploi absolu, familier. Puer. J'ai besoin de prendre l'air, ça empoisonne ici (EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, tome 4, 1842-43, page 31 ). Il s'impatienta après la mèche qui charbonnait encore et murmura : — Cette lampe empoisonne (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Histoire comique, 1903, page 113) : Ø 6. Alors Léon publia qu'il ne pouvait plus travailler à côté de Levier, tant l'homme empoisonnait de la bouche;... HENRI DE MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, page 756. B.— Au figuré. 1. Altérer. a) [Avec une idée de falsification qui a pour conséquence de rendre impossible] Tu dramatises tout, criait Mahiéddine. Tu as tort. Tu t'empoisonnes l'existence (JEAN COCTEAU, Le Grand écart, 1923, page 63 ). b) [Avec une idée de dégradation qui a pour résultat de rendre méconnaissable] La propagande empoisonne l'information. Synonymes : altérer, gâter. Le moindre manque d'attention ou de courage sera puni par une défaite empoisonnant pour longtemps les rêveries de l'imagination (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, De l'amour, 1822, page 58 ). Les rivalités sociales qui empoisonnent, sans grand profit pour personne, l'existence en commun (Jeux et sports (sous la direction de Roger Caillois) 1968, page 1178) : Ø 7. J'attends que tu m'appelles, moi, Dora, que tu m'appelles par-dessus ce monde empoisonné d'injustice... ALBERT CAMUS, Les Justes, 1950, III, page 353. — Emploi pronominal à sens passif. Synonyme : s'altérer. Le bonheur de le revoir s'empoisonne à présent de tristesses, d'inquiétudes surtout (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Ramuntcho, 1897, page 221 ). c) [Avec une idée d'avilissement] Corrompre. En Orient, nos querelles de partis deviennent des querelles de religion et l'argent empoisonne tout (JEAN COCTEAU, Maalesh, 1949, page 139) : Ø 8. En ce temps-là, grâce au ciel, les romans et films policiers n'empoisonnaient pas les loisirs des adolescents... GEORGES DUHAMEL, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, page 114. d) [Avec une idée de nocivité résultant de l'altération] Regard, parole, propos empoisonné(e). Les voilà dans la rue les uns et les autres, et se perçant les uns les autres de vérités empoisonnées (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1934, page 1230 ). 2. Populaire. Causer une impression désagréable. a) [Avec une idée d'agacement] Ennuyer, embêter, tracasser. Empoisonner ses frères. Synonyme : emmerder (populaire). Je crois bien qu'elle le faisait exprès d'être là... rien que pour m'empoisonner... (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 553 ). b) [Avec une idée d'ennui causé par la monotonie] Emploi pronominal réfléchi subjectif. S'ennuyer, s'embêter. Qu'est-ce qu'on s'empoisonne ici! Synonymes : s'emmerder (populaire); antonymes : s'amuser, rigoler (populaire) : Ø 9. « Allez, allez! ferme-moi tes bouquins, ce n'est pas tous les jours qu'on est ensemble! on va sortir, je t'invite. Tu connais bien un endroit rigolo? (...) Ils allèrent donc aux Noctambules, où ils s'empoisonnèrent à cent sous l'heure. LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 204. Remarque : La documentation atteste l'adjectif empoisonnable, rare. Qu'on peut empoisonner. Alors les animaux affaiblis et languissants deviennent plus facilement empoisonnables par des poisons qui altèrent les liquides et moins facilement empoisonnables par ceux qui agissent sur le système nerveux (CLAUDE BERNARD, Principes de médecine expérimentale, 1878, page 233). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 712. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 396, b) 2 183; XXe. siècle : a) 2 784, b) 2 389.