Dictionnaire en ligne: ENGLOUTIR, verbe transitif. A.— [Le sujet désigne une personne ou un animal] 1. Avaler avec avidité par excès de gourmandise. L'homme jaune ne mord pas dans le pain; il happe des lèvres, il engloutit sans le façonner dans sa bouche un aliment semi-liquide (PAUL CLAUDEL, Connaissance de l'Est, 1907, page 115 ). Pendant tout le crépuscule, il [l'engoulevent] (...) engloutit quantité d'insectes volumineux comme des hannetons, des sphinx, des géotrupes (HENRI COUPIN, Animaux de nos pays, Dictionnaire pratique, 1909, page 124) : Ø 1.... cette femme de la Salpêtrière qui mangeait quotidiennement huit livres de pain, engloutit une fois quatorze potages et une autre soixante bols de café. GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, tome 2, 1880, page 155. — emploi absolu. Il avalait tout sur la table, les petites cuillers, les ronds de serviette, le poivre, les burettes, et même les couteaux... C'était sa passion d'engloutir (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 269 ). 2. Au figuré. Consommer, dépenser pour en jouir, avec une rapidité excessive (une somme d'argent, etc.). Engloutir de l'argent, un héritage, sa fortune : Ø 2. Il [Saccard] vivait sur la dette, parmi un peuple de créanciers qui engloutissaient au jour le jour les bénéfices scandaleux qu'il réalisait dans certaines affaires. ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 463. — Emploi pronominal à sens passif. Que de fortunes sont venues s'engloutir à la bourse (NICOLAS-JEAN-BAPTISTE BOYARD, La Bourse et ses spéculations mises à la portée de tout le monde, 1853, page 399 ). Il [Eugène] s'engageait à se marier et à délaisser le « panier fleuri » où, pendant les dernières années du père, tout l'argent d'Eugène s'engloutissait (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 14 ). B.— Par analogie. [Le sujet désigne une chose] Faire disparaître totalement et de façon soudaine. L'océan, la forêt, la neige engloutit quelque chose ou quelqu'un. Bien plus redoutable que le glacier, est la mobile avalanche qui peut, en quelques secondes, engloutir tout un village (JULES MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, page 395 ). De grands nuages voyageurs, par intervalles, engloutissaient puis dégageaient le croissant de lune (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 361 ). · Emploi pronominal à sens passif. Disparaître, sombrer. S'engloutir dans un abîme, une fosse, un gouffre. Soudain le toit tout entier s'engloutit entre les murs, et un volcan de flammes jaillit jusqu'au ciel (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Le Horla, 1886, page 1123 ). Les vols, en accents circonflexes, des mouettes gris perle, montaient s'engloutir dans ces ténèbres blafardes (PIERRE HAMP, Marée fraîche, 1908, page 9 ). — Rare. En 1817, la mode engloutissait les petits garçons de quatre à six ans sous de vastes casquettes en cuir maroquiné à oreillons (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 143 ). — Par métaphore. La mort, le temps engloutit tout. Traverse les sables des déserts jusqu'à ce que la fin du monde engloutisse les étoiles dans le néant (ISODORE DUCASSE, DIT COMTE DE LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror, 1869, page 301 ). Je veux quelqu'un qui m'aide et non pas qui m'engloutisse! (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1944, 4e. journée, 6, page 889 ). · Emploi pronominal à sens passif. Une de ces stériles bouderies, où s'engloutissent tant d'affections (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 603 ). Remarque : On rencontre dans la documentation engloutisseur, euse, adjectif et substantif (Personne ou chose) qui engloutit. Ce théâtre est un engloutisseur : ne le regrettez pas trop (JULES RENARD, Correspondance, 1883-1910, page 317). Une sensibilité extraordinairement engloutisseuse, comme de sables mouvants (JEAN GIONO, Eau vive, 1943, page 333). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 027. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 653, b) 1 769; XXe. siècle : a) 1 504, b) 1 100.
