Dictionnaire en ligne: ENORGUEILLIR, verbe transitif.

Dictionnaire en ligne: ENORGUEILLIR, verbe transitif. A.— Emploi transitif, rare. 1. [Le sujet désigne un inanimé concret ou abstrait qui apporte un sentiment d'orgueil, une satisfaction d'amour-propre; le complément désigne une personne ou un groupe humain] Rendre orgueilleux, flatter la vanité de. Les succès l'enorgueillissent (Dictionnaire de l'Académie Française). Ces compliments enorgueillissent Poil de Carotte (JULES RENARD, Poil de carotte, 1894, page 2 ). Bras et jambes de seize ans, minces, mais d'une forme pleine d'où le muscle sec, n'avait pas encore émergé et qui pouvaient enorgueillir une jeune fille autant qu'un jeune homme (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Le Blé en herbe, 1923, page 39 ). Trois vins rouges, qu'a certainement connus Ronsard, enorgueillissent justement la Touraine et les confins de l'Anjou (LÉON DAUDET, La Recherche du beau, 1932, page 216) : Ø 1.... cette bouche, cette croupe, ces seins se rebellent à l'idée de pouvoir appeler autre chose que la caresse sommaire de la paume, des lèvres, les mots bouleversés par un émoi charnel. Et ce qui enorgueillirait la plupart des femmes, Irène le ressent comme une humiliation;... JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux, 1945, page 28. — emploi absolu. Il est trop pauvre, maintenant, pour rêver à des sacrifices qui enorgueillissent (JACQUES CHARDONNE, Le Chant du Bienheureux, 1927, page 47 ). 2. Seulement au passif, littéraire. [Le complément désigne une chose] Rehausser, valoriser par (quelque chose). [Lettre d'Antoine à la comtesse :] Hier, je suis resté plusieurs heures dans la villa que vous habitez en automne... J'ai vu les grandes salles graves où des échos sommeillent (...) votre salon obscur, tout enorgueilli et parfumé des soies, des reliures, des faïences de la vieille Italie (ANNA DE NOAILLES, La Domination, 1905, page 187 ). Album enorgueilli de quelque rare plante, Mon esprit a gardé le souvenir en fleur (PAUL-JEAN TOULET, Vers inédits, 1920, page 32 ). B.— Emploi pronominal à valeur subjective. 1. Sans complément préposition. [Le sujet désigne une personne] Se montrer orgueilleux, fier. Ils ont admiré la sagesse prééminente naturelle du premier ange et se sont enorgueillis (Dictionnaire de théologie catholique (A. VACANT, E. MANGENOT) tome 4,1, 1920, page 391 ). Lorsque le savant, dans son laboratoire, amène à l'existence un peuple d'animalcules, il doit garder de s'enorgueillir outre mesure et se souvenir qu'il n'est que l'exécuteur intelligent des conceptions du sublime maître (JEAN ROSTAND, La Genèse de la vie, 1943, page 95 ). 2. S'enorgueillir de. [Le sujet désigne une personne, un groupe humain, plus rarement un attribut moral de la personne; le complément désigne un inanimé concret ou abstrait ou plus rarement un animé qui apporte un sentiment d'orgueil, une satisfaction d'amour-propre] Tirer orgueil, vanité de. a) S'enorgueillir de + substantif. S'enorgueillir d'un succès, des honneurs; s'enorgueillir d'un vêtement. L'Angleterre a sçu échapper à cette hydre de l'Aristocratie, qui se nourrit de la substance des peuples, et s'enorgueillit de leurs humiliations (MAXIMILIEN DE ROBESPIERRE, Discours, Contre le Veto royal, tome 6, 1789, page 95 ). Sancerre s'enorgueillissait alors d'une femme supérieure long-temps incomprise, mais qui, vers 1836, jouissait d'une assez jolie renommée départementale (HONORÉ DE BALZAC, La Muse du département, 1844, page 56 ). S'enorgueillir d'un art local (MAURICE BARRÈS, Un Homme libre, 1889, page 107 ). Je m'enorgueillissais de la confiance qu'on avait en moi (SACHA GUITRY, Le Veilleur de nuit, 1911, III, page 21) : Ø 2.... il [un praticien] montrait le visage fier et hébété de ces possesseurs séniles que leur maîtresse humilie dans le privé de la chambre et qui s'enorgueillissent d'elle devant le public... ALEXANDRE ARNOUX, Le Rossignol napolitain, 1937, page 35. — Rare. [Le sujet désigne un inanimé concret ou abstrait] Être valorisé, rehaussé par (quelque chose). Aujourd'hui, mes soirs s'enorgueillissent rien que de solitude et que de chasteté (PAUL LÉAUTAUD, Essai de sentimentalisme, 1896, page 18 ). Le château de Dampierre s'enorgueillit d'un tableau d'Ingres (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 13, 1920-22, page 61 ). b) S'enorgueillir de + infinitif. Il s'enorgueillissait de l'avoir à son bras (ÉMILE MOSELLY, Terres lorraines, 1907, page 24 ). C'est ainsi qu'il [un auteur] connut un jour ce poète bucolique que le Béarn s'enorgueillit d'avoir donné à la France (PAUL-JEAN TOULET, La Jeune fille verte, 1918, page 30 ). Je terminai ma méditation en m'enorgueillissant d'avoir buté sur un événement solide et d'avoir réussi à le surmonter (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 317) : Ø 3. Il est entendu que la majorité des hommes, et des femmes aussi bien, ressentent vivement l'avantage d'une position qui permet de persécuter son prochain et qu'ils s'enorgueillissent facilement d'exercer quelque autorité sur leur entourage. MARCEL AYMÉ, Le Confort intellectuel, 1949, page 149. Remarque : 1. On rencontre dans la documentation une attestation de la construction s'enorgueillir de ce que + verbe à l'indicatif S'enorgueillir de ce qu'on attribuait une valeur uniforme à ses affirmations dans le domaine entier de l'expérience (Henri Bergson, L'Évolution créatrice, 1907, page 199). 2. La documentation atteste a) Enorgueillissant, ante. Participe présent en emploi adjectival. Il m'en a dit mille choses aimables et enorgueillissantes (Gustave Flaubert, Correspondance, 1843, page 32). b) Enorgueillissement, substantif masculin Le fait de s'enorgueillir; son résultat (voir délire exemple 1). Il est d'usage de justifier l'existence des Lettres par des considérations éthiques ou sociales. L'amusement des uns, l'enorgueillissement des autres sont pudiquement et pieusement tus ou voilés (Paul Valéry, Entretiens [avec Frédéric Lefèvre] , 1926, page 114). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 259. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 562, b) 206; XXe. siècle : a) 451, b) 237.