Dictionnaire en ligne: ÉPURE, substantif féminin. A.— CONSTRUCTION. Dessin ou trait exécuté sur un mur ou sur une surface horizontale, en grandeur réelle, pour guider la construction d'une partie d'un édifice ou l'assemblage d'une machine; par extension ce même dessin à échelle réduite. Épure d'une charpente, d'une colonne, d'une église, d'une voûte (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). Cette machine avait été forgée en France (...) Mess Lethierry l'avait un peu imaginée; le mécanicien qui l'avait construite sur son épure était mort (VICTOR HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866, page 103 ). Procédés pour tracer les épures nécessaires à la construction des arcs (PROSPER MÉRIMÉE, Étude sur les arts au Moyen Âge, 1870, page 357) : Ø Des épures et autres tracés géométriques nécessaires pour l'exécution sont gravés en grand sur les dalles de couverture des églises de Limoges, de Clermont-Ferrand et de Narbonne. ALBERT LENOIR. L'Architecture monastique, 1852, page 33. — Par métaphore. Il faisait des plans pour des drames imaginaires, traçait des épures de scènes, ajustait des charpentes (THÉOPHILE GAUTIER, Histoire du romantisme, 1872, page 16 ). B.— Par analogie. GÉOMÉTRIE (DESCRIPTIVE et DESSIN INDUSTRIEL). Représentation linéaire à une échelle donnée, d'une figure à trois dimensions par ses projections (en élévation, en plan, de profil ou en coupe), permettant de situer dans l'espace la figure ainsi représentée. Le capitaine mit sous mes yeux, une épure qui donnait les plans, coupe et élévation du Nautilus (JULES VERNE, Vingt mille lieues sous les mers, 1870, page 123 ). Ce manuel (...) contenait non seulement les plans, mais encore toutes les épures au deux cent millième! (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 442 ). C.— Au figuré. Grandes lignes d'une oeuvre ou d'un système de pensée. Le jugement porté sur les gens littéraires changerait extraordinairement si on apercevait toujours sous le produit la vraie épure psychologique de sa construction (PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1897, page 301 ). Il faut les considérer [ces pièces] comme des épures singulièrement précises que Pierre Corneille dessine pour les architectures de son avenir (ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille, 1938, page 124 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 83. Forme dérivée du verbe "épurer" épurer ÉPURER, verbe transitif. A.— [L'objet désigne une substance ou un produit] 1. Rendre (plus) pur, par élimination des éléments ou des corps étrangers. Épurer de l'eau. Synonyme : purifier. La filasse, épurée du gros laissé par le treillage (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, page 253 ). On épurait autrefois le gaz avec la chaux (YVAN QUÉRET, Manuel de l'industrie du gaz, 1923, page 143 ). — Emploi pronominal. · à valeur passive. Voir creuset, citation de Jules Sandeau. · à valeur réfléchie. Une rivière dont l'eau limpide semble s'épurer encore par des cascades qu'elle forme à travers les rochers (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 5, 1814, page 254 ). Fermentations dernières, quand s'épurait l'âme du vin (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous, 1923 page 225 ). Voir aiguiser exemple 15. — MÉDECINE. Éliminer les impuretés de l'organisme ou d'un organe. L'activité des appareils qui épurent le milieu intérieur, c'est-à-dire, du coeur, du poumon et des reins (ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu, 1935, page 209 ). 2. Par extension. Opérer un tri, faire un nettoyage : Ø 1. Alors, je songeai à mettre de l'ordre dans mes papiers. Voici longtemps que je songeais à cette besogne d'épurer mes tiroirs; car depuis trente ans, je jette pêle-mêle dans le même meuble mes lettres et mes factures, et le désordre de ce mélange m'a souvent causé bien des ennuis. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Suicides, 1883, page 826. 3. Par analogie. [L'objet désigne un son] Rendre plus net, plus pur. Il est des sons que l'espace épure et qui arrivent à l'oreille comme des ondes pleines à la fois de lumière et de fraîcheur (HONORÉ DE BALZAC, Séraphita, 1835, page 301 ). B.— Au figuré. 1. [L'objet désigne un inanimé abstrait, moins souvent une personne ou un groupe de personnes] a) Domaine moral. Rendre plus correct, plus délicat. Épurer les moeurs (Confer infra exemple 2). Synonymes : affiner, châtier, purifier. · Épurer un auteur. " Retrancher des ouvrages d'un auteur ce qu'il y a de trop libre et de choquant " (Dictionnaire de l'Académie Française). Épurer le théâtre. " Faire en sorte qu'il n'y ait rien dans les pièces de théâtre qui puisse blesser les moeurs " (Dictionnaire de l'Académie Française). Synonyme : expurger. · Épurer le coeur, l'âme, les sentiments de quelqu'un. " Chasser de l'esprit et du coeur de quelqu'un les pensées, les sentiments contraires à la religion, aux bonnes moeurs, à l'honneur " (Dictionnaire de l'Académie Française). — Emploi pronominal réfléchi. S'assainir. Cette population malade reprendra vigueur morale, s'épurera au feu de la liberté (JULES MICHELET, Journal, 1854, page 241 ). — emploi absolu. Apologie pour la guerre « qui épure » (JULIEN BENDA, La Trahison des clercs, 1927, page 157 ). b) Domaine spirituel. Purifier (de tout ce qui éloigne de Dieu). Épurer son coeur de toute affection terrestre (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932). — Emploi pronominal réfléchi. Se dépouiller. Dans cette solitude céleste, les âmes s'épurent et laissent au passage les dernières souillures de leur enveloppe terrestre (GÉRARD DE NERVAL, Le second Faust, 1840, page 284 ). c) Domaine intellectuel. Mettre au net (une pensée), affiner (des idées). Synonyme : dépouiller. Donner (...) tout son effet à l'argument épicurien, en l'épurant de ses résonances sensualistes (JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 61 ). — Emploi pronominal. · à valeur passive. Au fur et à mesure que se corrompait la société, les notions de moralité allaient s'épurant (MARCEL PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 558 ). Depuis longtemps l'idée que je me faisais de lui s'était épurée, sublimée au point qu'il avait perdu tout visage (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 138 ). · réfléchi indirect. Il faut faire la noce de temps en temps pour s'épurer l'intelligence (JULES RENARD, Journal, 1894, page 222 ). d) Domaine esthétique. Rendre plus fin, plus poli. Le sage ne découvre des vérités nouvelles qu'en épurant son langage, en lui donnant plus de précision (PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 2, 1808, page 220 ). Il reprend, il épure sans cesse ses mots (JACQUES RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Fournier] , 1906, page 250) : Ø 2. Une sentence latine prétend que le théâtre de l'Opéra-Comique épure les moeurs (...). Épurez votre répertoire, épurez la voix de vos chanteurs, épurez le style de vos auteurs et de vos compositeurs, épurez le goût de votre public, épurez la population de vos premières loges... HECTOR BERLIOZ, Les Grotesques de la musique, 1869, pages 187-188. — Emploi pronominal à valeur passive. Le goût s'épure par de bonnes lectures (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932). 2. [L'objet désigne un groupe de personnes] a) Vieux et rare, emploi pronominal réfléchi. Se clairsemer. L'assistance s'était épurée. Les canotiers presque seuls restaient avec quelques bourgeois parsemés (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Femme de Paul, 1881, page 1226 ). b) Éliminer d'un corps social les membres jugés indignes d'en faire partie ou considérés comme indésirables. Épurer une assemblée, une compagnie (Dictionnaire de l'Académie française. 1878-1932). Au moment où l'on va épurer toutes les administrations (HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 1, 1824, page 37 ). À l'époque où la République épurait la magistrature (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Orme du mail. 1897, page 208 ). Confer supra exemple 2. — En particulier. domaine politique, souvent péjoratif. [L'objet désigne une personne] Le gouvernement devra s'arrêter dans la voie de l'épuration — et s'arrêter, non pas faute de citoyens à épurer, car il y en aura encore et toujours : pas plus que l'incorruptible, il ne faut espérer en voir la fin (FRANÇOIS MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, page 420 ). — emploi absolu. Tout un monde bizarre, inquiétant, où [Robespierre] « épura » sans pitié, mais peut-être parfois avec discernement, et qu'il expédia à la guillotine (JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, page 85 ). Remarque : On rencontre dans la documentation a) Épurant, ante, en emploi adjectival, technologie. Qui est destiné à épurer. La matière épurante est disposée dans des cuves en fonte (Yvan Quéret, Manuel de l'industrie du gaz, 1923, page 146). Le gaz (...) est envoyé à la base d'une colonne remplie (...) de matières épurantes variées (Dupont, Bois carburant, 1941, page 94). b) Épuratoire, adjectif a ) Qui est destiné à purifier. D'autres passaient par un feu épuratoire (Charles-François Dupuis, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 523 ß ).) Au figuré Qui vise à l'élimination d'individus indésirables. Scrutin épuratoire (François-René de Chateaubriand, Essai historique, politique et moral sur les Révolutions, tome 1, 1797, page 91). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 274 (épurant : 31). Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 478, b) 285; XXe. siècle : a) 402, b) 3 1.
