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Dictionnaire: ESSENTIALISME.

Publié le 28/07/2010

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Philosophie qui affirme la primauté de l'essence sur l'existence dans l'approche de l'homme. À cette conception s'est opposé directement l'Existentialisme, selon la formule célèbre de  Sartre : «L'existence précède l'essence «.

• La formule de Jean-Paul Sartre (1905-1980), «L'existence précède l'essence «, est comme un condensé de l'existentialisme. Elle figure, en particulier, dans le texte tiré d'Action (numéro du 29 décembre 1944) cité ci-dessous et dans L'existentialisme est un humanisme (1946). Elle est aussi présente en filigrane dans l'oeuvre monumentale où Sartre expose sa philosophie, L'être et le néant, 1943.

Pour bien comprendre cette formule, il faut cerner le sens philosophique des mots « essence « et « existence «. Une image permettra cette approximation. Avant qu'une maison n'existe réellement, il y a, dans l'esprit de son concepteur, une idée de ce qu'elle va être. L'idée de cette maison précède sa réalité concrète. De la même manière, si je demande à mes lecteurs de dessiner des triangles, ils vont dessiner des triangles fort différents les uns des autres, mais qui auront tous en commun le fait d'être des triangles. Tous ces lecteurs, quand ils dessinent, ont à l'esprit l'idée de triangle. Cette idée de triangle, c'est aussi ce que l'on appelle l'« essence du triangle «. Elle précède les triangles concrets, existants. Nous sommes donc, dans ces deux cas, à l'opposé de la formule de Sartre puisque, pour la maison comme pour les triangles, l'« essence « précède l'« existence «. La maison abstraite précède la maison réelle. Les triangles « essentiels « précèdent les triangles petits ou grands, rouges ou verts, dessinés par les lecteurs. On pourrait imaginer que la vie de l'être humain se ramène à ce schéma. Une divinité quelconque aurait, par exemple, avant ma naissance, fait un plan détaillé de ma vie comme un architecte fait le plan d'une maison. Il a déterminé à l'avance l'« essence « de ma vie. Mon « existence « ne sera donc plus que le déroulement du projet divin qui constitue mon essence. Dans ce cas encore, et toujours à l'opposé de la formule de Sartre, l'essence précéderait l'existence. Sartre, comme les autres existentialistes, refuse cet « essentialisme «, cette idée que la vie de l'individu ne serait que l'accomplissement d'un projet entièrement préétabli. Il s'exprime ainsi dans le numéro d'Action évoqué ci-dessus : «En termes philosophiques, tout objet a une essence et une existence. Une essence, c'est-à-dire un ensemble constant de propriétés; une existence, c'est-à-dire une certaine présence effective dans le monde. Beaucoup de personnes croient que l'essence vient d'abord et l'existence ensuite [...] Cette idée a son origine dans la pensée religieuse : par le fait, celui qui veut faire une maison, il faut qu'il sache au juste quel genre d'objet il va créer : l'essence précède l'existence; et pour tous ceux qui croient que Dieu crée les hommes, il faut bien qu'il l'ait fait en se référant à l'idée qu'il avait d'eux. Mais ceux-mêmes qui n'ont pas la foi ont conservé cette opinion traditionnelle que l'objet n'existait jamais qu'en conformité avec son essence, et le XVIIIe siècle tout entier a pensé qu'il y avait une essence commune à tous les hommes que l'on nomme nature humaine. L'existentialisme tient, au contraire, que chez l'homme — et chez l'homme seul — l'existence précède l'essence. Cela signifie tout simplement que l'homme est d'abord et qu'ensuite il est ceci ou cela. «

L'existentialisme est donc une philosophie de la liberté. L'homme n'est pas libre de choisir la couleur de ses yeux, de naître prolétaire ou milliardaire. Mais il est libre, et donc responsable de ce qu'il fait, de ce que l'histoire a fait de lui. De cette liberté peut naître l'angoisse existentielle qui provient de ce que l'homme prend conscience du fait que son essence n'est rien d'autre que la somme de ses actes. Le jour de sa mort seulement, l'essence de ce qu'il fut pourra se déduire de son existence. La pièce de Sartre, Huis-Clos (1944) évoque ces problèmes. Le personnage masculin, Garcin, est mort mais peut voir ce qui se passe sur la terre. Il se rend compte qu'il apparaît comme un lâche aux yeux de ses camarades, parce qu'il a manqué de courage dans une circonstance décisive peu avant sa mort. Il voudrait revenir ne serait-ce qu'un quart d'heure sur terre pour infléchir cette idée qu'ils ont de lui. Mais c'est trop tard. Inès, un autre personnage de la pièce, le lui fait comprendre. L'homme est ce qu'il fait. Le jour de sa mort, on fait l'addition et il n'y a plus rien à rajouter ou à retrancher. I> Le problème posé par cette phrase est le même que celui qui était au centre des débats sur la grâce au XVIII' siècle : celui de la liberté humaine. Pour Sartre, l'homme n'est pas un jouet dans la main des dieux, mais un être libre, forgeant son essence par la succession de ses actes. Les religions apparaissent à Sartre' comme un faux-fuyant devant cette réalité aveuglante : nous sommes condamnés à être libres.

• Sommairement, on peut dire que les philosophies essentialistes définissent l'homme et les choses avant tout comme des essences préétablies, qui ne font que se « réaliser « en passant au stade de l'existence concrète. C'est notamment le cas pour la philosophie de Platon, selon laquelle les Idées sont les seules réalités, intemporelles et immuables, dont ce monde n'est qu'un pâle reflet (voir Platonisme). Plus généralement, les philosophies spiritualistes ou idéalistes définissent l'homme à partir d'une nature humaine théorique (bonne ou mauvaise, ou les deux à la fois) dont chaque individu n'est qu'une illustration, un exemplaire sorti du moule commun. Ces philosophies minimisent en général la liberté individuelle de l'être humain : l'homme digne de ce nom ne peut souvent que rejoindre son «essence idéale«, devenir ce qu'il est. • Il faut comprendre que, indépendamment de toute philosophie, l'essentialisme est une tendance spontanée de l'esprit : pour connaître le monde, il faut bien en isoler des réalités, les définir et les caractériser en les différenciant. L'erreur se produit quand on fixe les différences apparentes pour en faire des essences définitives. Cette déformation devient pernicieuse quand elle s'associe aux préjugés sociaux et raciaux, qui enferment précisément les êtres humains dans des conditions, des castes, des races considérées comme inégales par essence. En figeant les hommes dans des essences (le Paysan, le Noir, la Femme, le Noble, le Juif), la vision « essentialiste « aboutit à cautionner tous les ordres conservateurs. Voir Existentialisme.

 

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