Devoir de Philosophie

du soi-disant arc de triomphe de Titus à Rome, lequel décrit le retour triomphal des légions romaines ayant conquis la Judée en 70 après J.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

du soi-disant arc de triomphe de Titus à Rome, lequel décrit le retour triomphal des légions romaines ayant conquis la Judée en 70 après J.-C. et détruit le Second Temple. On y voit, parfaitement reconnaissable, une menorah, le grand candélabre utilisé dans le Temple, emportée sur les épaules de solides Romains. C'est une introduction assez sombre à ce que la littérature du musée décrit comme le désir de son fondateur « de souligner les aspects positifs et créatifs de l'expérience de la Diaspora ». Ces derniers sont nettement plus remarquables au moment où l'on passe le bas-relief et où l'on entre dans l'exposition proprement dite. Comme dans le Zentralfriedhof à Vienne, votre expérience du Beth Hatefutsoth est organisée autour d'une série de « portes », même si elles sont ici métaphoriques ; la porte de la Famille, la porte de la Communauté, la porte de la Foi, la porte de la Culture, et ainsi de suite. Nous les avons toutes passées, en regardant attentivement. J'ai été particulièrement captivé, alors que nous franchissions ces diverses portes, par la splendeur de la taille et la richesse étonnante des détails des maquettes et des dioramas grâce auxquels les créateurs du Beth Hatefutsoth avaient cherché à évoquer tous les aspects de la vie juive à travers des siècles d'errance. Il y a, par exemple, de remarquables maquettes de synagogues dans le monde entier, depuis la double synagogue de Kaifeng en Chine, au XVIIIe siècle, qui n'était pas différente pour mon oeil non éduqué de n'importe quel autre bâtiment chinois que j'avais pu voir, avec ses avant-toits relevés et ses minces colonnes peintes, jusqu'au Tempio Israelitico à Florence, édifice mauresque à dôme grandiose qui me rappelait quelque chose, quand je me suis retrouvé devant - une autre restauration, un peu pomponnée, d'un grand lieu de prière juif pour l'édification des visiteurs attentifs, sinon juifs -, jusqu'à ce que je me rende compte que c'était à la Synagogue espagnole de Prague que je pensais. Il y avait aussi une re-création en miniature, magnifiquement détaillée, de la Grande Synagogue de Vilna, en Lituanie, qui avait été construite en 1573, à peu près à l'époque où les premiers Juifs étaient arrivés à Bolechow, et qui consistait en un vaste ensemble d'écoles, de yeshivas et de lieux de prière - ce qui était parfaitement approprié, quand on y pense, puisque la Jérusalem du Nord s'enorgueillissait, à un moment donné, du fait que trois cent trente-trois érudits prétendaient être capables de réciter le Talmud par coeur -, vaste ensemble qui avait été détruit en 1942, l'année où la plupart des Juifs de Bolechow avaient disparu.   (Après notre départ d'Israël, Froma et moi, nous nous sommes envolés pour Vilnius, comme on l'appelle aujourd'hui, et c'est vers la fin de la semaine que nous avons passée là-bas, à la recherche des dernières traces de la plus grande ville de l'érudition juive européenne, que nous avons visité la tombe du fameux Gaon de Vilna, un homme si renommé pour son savoir pendant sa vie au cours du XVIIIe siècle que des congrégations aussi éloignées que celles du Portugal attendaient fébrilement mais patiemment ses réponses à leurs questions concernant les Écritures ou la Loi. Et c'est pendant que nous nous tenions devant la tombe de ce grand homme que notre guide nous a informés qu'étaient enterrés, dans cette même tombe, les os d'un catholique polonais, fils d'une famille aristocratique richissime, un comte, un Graf, qui s'était converti au judaïsme sous la tutelle du Gaon et, pour cette raison, avait été condamné à brûler sur le bûcher par les autorités catholiques. Nous avons poliment scruté l'inscription en polonais sur la tombe et j'ai lu à voix haute, le souffle court, le nom de ce Graf, en le prononçant phonétiquement. Potaki ? ai-je dit, un peu hésitant, et le guide a souri et a dit, Non, non, le c est une sifflante sourde, ça se prononce Pototski.) Selon moi, il y a plus merveilleux encore que les maquettes : les magnifiques dioramas tout aussi riches en détails, comme celui qu'on peut voir, par exemple, dans la section de l'exposition permanente appelée « Parmi les Nations », qui décrit le grand sage babylonien du Xesiècle après J.-C, Saadia Gaon, dissertant dans le palais du calife de Bagdad. Debout sous les magnifiques voûtes ornementées du palais, drapé dans une robe blanche, se tient la minuscule silhouette du Gaon, le bras gauche déployé comme pour souligner un point de rhétorique important. Et ce n'est pas étonnant : la carrière de cet homme remarquablement savant, qui était égyptien de naissance - son nom véritable, Saïd al-Fayyumi, fait référence à ses origines dans le Fayoum de la Haute-Egypte - et qui est devenu la star du gaonat babylonien, a été parsemée d'importantes controverses doctrinales, intellectuelles et culturelles. Avant même d'atteindre l'âge de quarante ans, Saadia avait brillamment réprimé une tentative de contestation de son autorité sur le gaonat babylonien, menée par son rival absolu, Aaron ben Meir, le gaon de la communauté juive dans le territoire de Palestine ; les efforts du Palestinien pour introduire un nouveau calendrier furent rapidement réduits à néant. Saadia a aussi lutté contre le vaste mouvement d'assimilation des Juifs babyloniens parlant l'arabe, une élite raffinée que le rationalisme éclairé des philosophes grecs, réintroduit grâce aux traductions arabes, avait séduite. Dans son livre innovateur, Kitab al-'amanat wa-l-'i' tiqadat, Livre des articles de la foi et des doctrines du dogme (aujourd'hui mieux connu, pour des raisons qui seront évidentes, sous le titre de sa traduction en hébreu, Emunoth ve-Deoth, Croyances et Opinions), Saadia - très influencé par les moutazilites, les rationalistes dogmatiques de l'islam - a donné pour la première fois une explication systématique de la pensée et des dogmes juifs. Ecrit dans un arabe élégant, destiné à séduire un public cosmopolite, Saadia a souligné l'aspect rationnel du judaïsme et suggéré que la Torah avait un attrait intellectuel qui n'était pas très différent de celui des écrits de plus en plus populaires des Grecs. Dans le cadre de son projet de clarification et d'élucidation des textes juifs pour satisfaire les goûts des Juifs assimilés parlant l'arabe, il a aussi traduit la Bible en arabe, et y a ajouté un commentaire à la fois lucide et séduisant : un accomplissement d'une immense importance. Il m'est venu à l'esprit, en apprenant tout cela, qu'une grande part de l'attrait exercé par des Juifs comme Rambam et Saadia Gaon tenait à leur cosmopolitisme, qui lui-même était un reflet des cultures impériales richement stratifiées dans lesquelles ils avaient vécu. Des cultures dans lesquelles, par exemple, les Juifs parlant l'arabe écrivaient des traités destinés à combattre la popularité de la séduction intellectuelle des philosophes de l'Antiquité grecque ; des cultures assez peu différentes, à leur manière, d'une autre culture impériale dans laquelle la judéité a été, pendant un certain temps, l'un des nombreux fils tissés dans un motif compliqué mais magnifique, un motif qui est aujourd'hui, nous le savons, déchiqueté. Cela pourra paraître étrange, mais lorsque j'ai entendu parler de Saadia, j'ai pensé à mon grand-père, qui n'était pas, bien évidemment, un homme d'une grande culture ou d'une grande subtilité intellectuelle, mais un Juif orthodoxe européen, parlant sept langues et se rendant, même après la Seconde Guerre mondiale, à Bad Gastein, au coeur de l'Autriche, pour prendre les eaux, parce que c'était quelque chose qu'on faisait si on était un Européen d' un certain genre, un sujet d'un certain empire disparu. Deux ans après que Froma et moi avons déambulé dans le Beth Hatefutsoth et regardé attentivement le diorama de Saadia Gaon, nous nous sommes retrouvés dans un café de L'viv en train de discuter fébrilement de la remarquable richesse de la culture d'avant-guerre dans cette ville, où Juifs et Polonais, Autrichiens et Ukrainiens coexistaient, où des prêtres ukrainiens déjeunaient régulièrement dans un célèbre restaurant de gefilte fish, joue contre joue avec des bureaucrates polonais et des marchands juifs. Maintenant, c'est complètement homogène, a dit Froma assez tristement, peut-être même avec un soupçon de désapprobation, alors qu'elle regardait les jolies Ukrainiennes blondes qui marchaient le long de l'avenue, devant les immeubles Beaux-Arts et Sécession qui avaient été construits, cent ans plus tôt, par des Autrichiens. Je l'ai regardée et j'ai dit, sur le ton de l'espièglerie, Je sais, c'est comme un pays où il n'y aurait que des Juifs. Elle m'a regardé d'un drôle d'oeil et j'ai bu une autre gorgée de ma bière ukrainienne, qui s'appelait l'vivskaya. Pour revenir au Xesiècle de notre ère : le combat le plus vital qu'ait mené Saadia pendant sa carrière d'érudit a consisté dans ses attaques incessantes contre la secte connue sous le nom de karaïtes. Dès le IXesiècle, ces « gens de l'Ecriture » se sont distingués du judaïsme rabbinique dominant sur bien des points : à la différence de la plupart des Juifs, ils ne considéraient pas que l'immense corpus de la Loi orale avait été transmis, en même temps que la Loi écrite, par Dieu, mais qu'il était simplement le travail des sages et des enseignants, et par conséquent soumis aux erreurs de tout enseignement humain. Conséquence de ce rejet de l'interprétation rabbinique, certaines pratiques karaïtes diffèrent de manière importante de celles de la plupart des Juifs. Par exemple, les karaïtes n'allumeront pas de bougies pour le Shabbat, pratique universelle chez les autres Juifs (de même qu'ils n'auront pas de relations sexuelles pendant le Shabbat, alors que les autres Juifs considèrent que le Shabbat est particulièrement propice à cette activité). En raison de ces erreurs et de nombreuses autres, Saadia a soutenu, dans les trois traités qu'il a consacrés à la réfutation de la croyance karaïte (regroupés sous le titre de Kitab al-Rudd, Livre de la réfutation), que les karaïtes n'étaient pas, pour l'essentiel, des Juifs. C'est intéressant pour un certain nombre de raisons, la moindre n'étant pas que, onze siècles après que Saadia a défendu cette thèse, les dirigeants de la communauté karaïte l'ont soutenu à leur tour devant les autorités nazies en 1934 et - en gesticulant peut-être avec la même ferveur que les figurines du Beth Hatefutsoth - ont persuadé l'Agence du Reich pour l'investigation des familles qu'ils n'étaient pas juifs et qu'ils devaient, par conséquent, être exemptés des mesures raciales nazies ; ce qui explique pourquoi la population, réduite il est vrai, des karaïtes en Europe de l'Est, par exemple la communauté de la ville de Halych, qui se trouve aujourd'hui à une heure de voiture de Bolechow, a été épargnée, tandis que les Juifs autour d'eux ont disparu de la surface de la Terre.     Il a fallu beaucoup de temps, ce matin-là à Tel-Aviv, pour absorber tout cela et plus encore ; nous n'avions pas parcouru plus des deux tiers du musée quand nous nous sommes aperçus

« s'était converti aujudaïsme souslatutelle duGaon et,pour cette raison, avaitétécondamné à brûler surlebûcher parlesautorités catholiques.

Nousavons poliment scrutél'inscription en polonais surlatombe etj'ai luàvoix haute, lesouffle court,lenom dece Graf, en le prononçant phonétiquement.

Potaki?ai-je dit,unpeu hésitant, etleguide asouri etadit, Non, non, le c est une sifflante sourde,çaseprononce Pototski.) Selon moi,ilya plus merveilleux encorequelesmaquettes :les magnifiques dioramastout aussi riches endétails, comme celuiqu'on peutvoir,parexemple, danslasection de l'exposition permanente appelée« ParmilesNations », quidécrit legrand sagebabylonien du X e siècle aprèsJ.-C,Saadia Gaon,dissertant danslepalais ducalife deBagdad.

Deboutsousles magnifiques voûtesornementées dupalais, drapédansunerobe blanche, setient laminuscule silhouette duGaon, lebras gauche déployé commepoursouligner unpoint derhétorique important.

Etce n'est pasétonnant :la carrière decet homme remarquablement savant,qui était égyptien denaissance – sonnomvéritable, Saïdal-Fayyumi, faitréférence àses origines dans leFayoum delaHaute-Egypte – etquiestdevenu lastar dugaonat babylonien, aété parsemée d'importantes controversesdoctrinales,intellectuelles etculturelles.

Avantmême d'atteindre l'âgedequarante ans,Saadia avaitbrillamment répriméunetentative de contestation deson autorité surlegaonat babylonien, menéeparson rival absolu, Aaronben Meir, legaon delacommunauté juivedansleterritoire dePalestine ;les efforts duPalestinien pour introduire unnouveau calendrier furentrapidement réduitsànéant.

Saadia aaussi lutté contre levaste mouvement d'assimilation desJuifs babyloniens parlantl'arabe, uneélite raffinée quelerationalisme éclairédesphilosophes grecs,réintroduit grâceauxtraductions arabes, avaitséduite.

Danssonlivre innovateur, Kitab al-'amanat wa-l-‘i’ tiqadat, Livredes articles delafoi etdes doctrines dudogme (aujourd'hui mieuxconnu, pourdesraisons qui seront évidentes, sousletitre desatraduction enhébreu, Emunoth ve-Deoth, Croyances et Opinions), Saadia – trèsinfluencé parlesmoutazilites, lesrationalistes dogmatiques del'islam – a donné pourlapremière foisune explication systématique delapensée etdes dogmes juifs. Ecrit dans unarabe élégant, destinéàséduire unpublic cosmopolite, Saadiaasouligné l'aspect rationnel dujudaïsme etsuggéré quelaTorah avaitunattrait intellectuel quin'était pastrès différent decelui desécrits deplus enplus populaires desGrecs.

Danslecadre deson projet de clarification etd'élucidation destextes juifspour satisfaire lesgoûts desJuifs assimilés parlant l'arabe, ila aussi traduit laBible enarabe, etya ajouté uncommentaire àla fois lucide et séduisant :un accomplissement d'uneimmense importance. Il m'est venuàl'esprit, enapprenant toutcela, qu'une grande partdel'attrait exercépardes Juifs comme Rambam etSaadia Gaontenait àleur cosmopolitisme, quilui-même étaitunreflet des cultures impériales richementstratifiéesdanslesquelles ilsavaient vécu.Descultures dans lesquelles, parexemple, lesJuifs parlant l'arabeécrivaient destraités destinés àcombattre la popularité delaséduction intellectuelle desphilosophes del'Antiquité grecque;des cultures assez peudifférentes, àleur manière, d'uneautreculture impériale danslaquelle lajudéité a été, pendant uncertain temps,l'undesnombreux filstissés dansunmotif compliqué mais magnifique, unmotif quiestaujourd'hui, nouslesavons, déchiqueté.

Celapourra paraître étrange, maislorsque j'aientendu parlerdeSaadia, j'aipensé àmon grand-père, quin'était pas, bien évidemment, unhomme d'unegrande culture oud'une grande subtilité intellectuelle, mais unJuif orthodoxe européen,parlantseptlangues etse rendant, mêmeaprèslaSeconde Guerre mondiale, àBad Gastein, aucœur del'Autriche, pourprendre leseaux, parce quec'était quelque chosequ'onfaisait sion était unEuropéen d’ uncertain genre,unsujet d'uncertain empire disparu.

Deuxansaprès queFroma etmoi avons déambulé dansleBeth Hatefutsoth et regardé attentivement lediorama deSaadia Gaon,nousnoussommes retrouvés dansuncafé de L'viv entrain dediscuter fébrilement delaremarquable richessedelaculture d'avant-guerre. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles