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Le premier texte en « protofrançais » À Strasbourg, le 14 février 842, Charles le Chauve et Louis le Germanique, petits-fils de Charlemagne, scellent leur alliance contre les ambitions impériales de Lothaire Ier, frère de Louis et demi-frère deCharles.

Publié le 16/04/2014

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lothaire
Le premier texte en « protofrançais » À Strasbourg, le 14 février 842, Charles le Chauve et Louis le Germanique, petits-fils de Charlemagne, scellent leur alliance contre les ambitions impériales de Lothaire Ier, frère de Louis et demi-frère deCharles. Pour ce faire, ils prononcent un serment devant leurs troupes respectives, qui assistent et participent à la cérémonie. Au lieu du latin officiel habituel, les serments sont rédigés en langue vernaculaire pour être bien compris des soldats : en roman pour les gens de Charles le Chauve, et entudesque pour ceux de Louis le Germanique. Les originaux des Serments de Strasbourg n'ont pas été retrouvés, mais Nithard, acteur important des évènements, les a retranscrits dans le troisième livre de son Histoire des fils de Louis le Pieux, autrement écrite en latin ; l'extrait ci-dessus provient d'une copie de cette oeuvre exécutée vers l'an 1000. S'ils sont de moindre importance politique que le traité de Verdun qui les suit de peu, les Serments de Strasbourg sont primordiaux pour l'histoire linguistique en ce qu'ils constituent le premier texte en langue romane de Francie occidentale, ancêtre de la langue d'oïl, elle-même ancêtre du français. Le texte des Serments se détache en effet du latin par des graphies comme fradre (au lieu de frater),auant (« avant ») et prindrai (« prendrai »). On note aussi l'utilisation du z (fazet) et du h (adiudha,cadhuna), d'influence germanique. Le genre neutre est disparu ; le masculin et le féminin restent seuls. Des six cas de déclinaison du latin, seuls ceux du sujet et du complément subsistent. Ces écarts au latin officiel sont pratiqués par le peuple depuis longtemps déjà, et caractérisent ce que l'on nomme la « langue romane rustique ». Celle-ci est mentionnée dès 813, dans les délibérations du concile de Tours (canon 17) ; on y demande aux prêtres et aux évêques de traduire leurs homélies enromana lingua, parce que le peuple ne comprend plus le latin officiel. Des textes plus anciens attestent aussi de l'existence d'une langue romane dans l'Empire carolingien, comme les Gloses de Cassel (VIIIeou IXe siècle) ou les Gloses de Reichenau (VIIIe siècle). Mais ces documents sont des glossaires, des listes de mots, et ne permettent pas de lire des phrases en roman. Les Serments de Strasbourg constituent la première tentative de transcription systématique de cette prononciation romane. L'auteur des Serments -- peutêtre Nithard lui-même -- a sans doute tenté par là d'aider Louis le Germanique à bien se faire comprendre des soldats de Charles le Chauve, un peu comme si un scripteur d'aujourd'hui transcrivait la prononciation québécoise populaire à l'intention d'un orateur français. Un tel exercice est difficile, et n'engendre pas d'emblée un système d'écriture reconnu. Il témoigne néanmoins de l'existence d'une langue suffisamment éloignée de la graphie traditionnelle pour mériter une graphie propre. La pratique d'une telle transcription n'aura qu'à se généraliser par la suite, fixant progressivement ses règles et conventions, pour que naisse de cette évolution une langue officiellement distincte.

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