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peintures corporelles dont certaines sont les virtuoses incontestées.

Publié le 06/01/2014

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peintures corporelles dont certaines sont les virtuoses incontestées.   Fig. 13. - Dessins faits par un garçonnet caduveo.   Leur visage, parfois aussi leur corps entier, sont couverts d'un lacis d'arabesques asymétriques alternant avec des motifs d'une géométrie subtile. Le premier à les décrire fut le missionnaire jésuite Sanchez Labrador qui vécut parmi eux de 1760 à 1770 ; mais pour en voir des reproductions exactes, il faut attendre un siècle et Boggiani. En 1935, j'ai moimême recueilli plusieurs centaines de motifs en procédant de la façon suivante : je m'étais d'abord proposé de photographier les visages, mais les exigences financières des belles de la tribu auraient vite épuisé mes ressources. J'essayai ensuite de tracer des visages sur des feuilles de papier en suggérant aux femmes de les peindre comme elles eussent fait sur leur propre face ; le succès fut tel que je renonçai à mes croquis maladroits. Les dessinatrices n'étaient nullement déconcertées par des feuilles blanches, ce qui montre bien l'indifférence de leur art à l'architecture naturelle u visage humain. Seules quelques très vieilles femmes semblaient conserver la virtuosité ancienne ; et je suis resté longtemps persuadé que ma collection avait été réunie à la dernière heure. Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir, voici deux ans, une publication illustrée d'une collection faite, quinze ans plus tard, par un collègue brésilien ! Non seulement ses documents semblaient d'une exécution aussi sûre que les miens, mais bien souvent les motifs étaient identiques. Pendant tout ce emps, le style, la technique et l'inspiration étaient restés inchangés, comme cela avait été le cas durant les quarante ans coulés entre la visite de Boggiani et la mienne. Ce conservatisme est d'autant plus remarquable qu'il ne s'étend pas à la oterie, laquelle, d'après les derniers spécimens recueillis et publiés, paraît en complète dégénérescence. On peut voir là ne preuve de l'importance exceptionnelle que les peintures corporelles, et surtout celles du visage, possèdent dans la ulture indigène.   Fig. 14. - Autre dessin du même auteur.   Jadis les motifs étaient tatoués, ou peints ; seule la dernière méthode subsiste. La femme peintre travaille sur le visage ou le corps d'une compagne, parfois aussi d'un garçonnet. Les hommes abandonnent plus rapidement la coutume. Avec une fine spatule de bambou trempée dans le suc du genipapo - incolore au début mais qui devient bleu-noir par oxydation - l'artiste improvise sur le vivant, sans modèle, esquisse ni point de repère. Elle orne la lèvre supérieure d'un otif en forme d'arc terminé aux deux bouts en spirales ; puis elle partage le visage au moyen d'un trait vertical, coupé parfois horizontalement. La face, écartelée, tranchée - ou bien même taillée en oblique - est alors décorée librement d'arabesques qui ne tiennent pas compte de l'emplacement des yeux, du nez, des joues, du front et du menton, se développant comme sur un champ continu. Ces compositions savantes, asymétriques tout en restant équilibrées, sont commencées en partant d'un coin quelconque et menées jusqu'à la fin sans hésitation ni rature. Elles font appel à des motifs relativement simples tels que spirales, esses, croix, macles, grecques et volutes, mais ceux-ci sont combinés de telle sorte que chaque oeuvre possède un caractère original ; sur quatre cents dessins réunis en 1935, je n'en ai pas observé deux semblables, mais comme j'ai fait la constatation inverse en comparant ma collection et celle recueillie plus tard, on peut déduire que le répertoire extraordinairement étendu des artistes est tout de même fixé par la tradition. Malheureusement, il n'a été possible, ni à moi, ni à mes successeurs, de pénétrer la théorie sous-jacente à cette stylistique indigène : les informateurs livrent quelques termes correspondant aux motifs élémentaires, mais ils invoquent l'ignorance ou l'oubli pour tout ce qui se rapporte aux décors plus complexes. Soit, en effet, qu'ils procèdent sur la base d'un savoir-faire empirique transmis de génération en génération ; soit qu'ils tiennent à garder le secret sur les arcanes de leur art.   Fig. 15 : Deux peintures de visage ; on remarquera le motif formé de deux spirales affrontées, qui représente - et s'applique sur - la lèvre supérieure.   Aujourd'hui, les Caduveo se peignent seulement par plaisir ; mais jadis la coutume offrait une signification plus profonde. D'après le témoignage de Sanchez Labrador, les castes nobles ne portaient peint que le front, et le vulgaire seul s'ornait tout le visage ; à cette époque aussi, seules les jeunes femmes suivaient la mode : « Il est rare, écrit-il, que les vieilles femmes perdent du temps à ces dessins : elles se contentent de ceux que les ans ont gravés sur leur visage. » Le missionnaire se montre alarmé de ce mépris pour l'oeuvre du Créateur ; pourquoi les indigènes altèrent-ils l'apparence du visage humain ? Il cherche des explications : est-ce pour tromper la faim qu'ils passent des heures à tracer leurs arabesques ? Ou pour se rendre méconnaissables aux ennemis ? Quoi qu'il imagine, il s'agit toujours de tromper. Pourquoi ? Quelque répugnance qu'il en éprouve, même le missionnaire est conscient que ces peintures offrent aux ndigènes une importance primordiale et qu'elles sont, en un sens, leur propre fin. Aussi dénonce-t-il ces hommes qui perdent des journées entières à se faire peindre, oublieux de la chasse, de la pêche t de leurs familles. « Pourquoi êtes-vous si stupides ? » demandaient-ils aux missionnaires. « Et pourquoi sommes-nous tupides ? » répondaient ces derniers. « Parce que vous ne vous peignez pas comme les Eyiguayeguis ». Il fallait être peint our être homme : celui qui restait à l'état de nature ne se distinguait pas de la brute. Il n'est guère douteux qu'à l'heure actuelle, la persistance de la coutume chez les femmes s'explique par des onsidérations érotiques. La réputation des femmes caduveo est solidement établie sur les deux rives du Rio Paraguay. eaucoup de métis et d'indiens d'autres tribus sont venus s'installer et se marier à Nalike. Les peintures faciales et orporelles expliquent peut-être cet attrait ; en tout cas, elles le renforcent et le symbolisent. Ces contours délicats et ubtils, aussi sensibles que les lignes du visage et qui tantôt les soulignent et tantôt les trahissent, donnent à la femme uelque chose de délicieusement provocant. Cette chirurgie picturale greffe l'art sur le corps humain. Et quand Sanchez

« Fig. 14.– Autre dessin dumême auteur.  Jadis lesmotifs étaient tatoués, oupeints ; seuleladernière méthode subsiste.Lafemme peintre travaille surlevisage ou lecorps d’une compagne, parfoisaussid’ungarçonnet.

Leshommes abandonnent plusrapidement lacoutume.

Avec une fine spatule debambou trempée danslesuc du genipapo – incolore audébut maisquidevient bleu-noir par oxydation –l’artiste improvise surlevivant, sansmodèle, esquisse nipoint derepère.

Elleorne lalèvre supérieure d’un motif enforme d’arcterminé auxdeux bouts enspirales ; puisellepartage levisage aumoyen d’untraitvertical, coupé parfois horizontalement.

Laface, écartelée, tranchée–ou bien même tailléeenoblique –est alors décorée librement d’arabesques quinetiennent pascompte del’emplacement desyeux, dunez, desjoues, dufront etdu menton, se développant commesurunchamp continu.

Cescompositions savantes,asymétriques toutenrestant équilibrées, sont commencées enpartant d’uncoinquelconque etmenées jusqu’àlafin sans hésitation nirature.

Ellesfontappel àdes motifs relativement simplestelsque spirales, esses,croix,macles, grecques etvolutes, maisceux-ci sontcombinés de telle sorte quechaque œuvrepossède uncaractère original ;surquatre centsdessins réunisen1935, jen’en aipas observé deuxsemblables, maiscomme j’aifait laconstatation inverseencomparant macollection etcelle recueillie plus tard, onpeut déduire quelerépertoire extraordinairement étendudesartistes esttout demême fixéparlatradition. Malheureusement, iln’a été possible, niàmoi, niàmes successeurs, depénétrer lathéorie sous-jacente àcette stylistique indigène :lesinformateurs livrentquelques termescorrespondant auxmotifs élémentaires, maisilsinvoquent l’ignorance oul’oubli pourtoutcequi serapporte auxdécors pluscomplexes.

Soit,eneffet, qu’ilsprocèdent surlabase d’un savoir-faire empiriquetransmisdegénération engénération ; soitqu’ils tiennent àgarder lesecret surlesarcanes de leur art.  . »

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