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Première partie La France d'avant la France 1 Les Gaulois Des ancêtres très récents Reprenons donc là où nous avions commencé, chez « nos ancêtres les Gaulois ».

Publié le 06/01/2014

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Première partie La France d'avant la France 1 Les Gaulois Des ancêtres très récents Reprenons donc là où nous avions commencé, chez « nos ancêtres les Gaulois ». Pourquoi diable négligerions-nous d'entamer notre périple avec ce bon vieux stéréotype ? D'abord, il est tellement ancré dans les esprits qu'il est difficile de ne pas l'évoquer. C'est paradoxal, mais c'est ainsi. N'importe qui, face à cet « incipit » fameux des manuels d'antan, sait à quoi s'en tenir : la formule sent la salle de classe d'avant guerre, les bêtises que l'on inculquait aux têtes blondes de la métropole, et aussi, tant qu'à faire, aux têtes brunes des colonies lointaines. Pour autant, aujourd'hui encore, dès lors qu'il nous faut trouver des images de l'origine de notre pays dans la suite obscure des siècles, on a bien du mal à en faire surgir une autre. Faites l'expérience. Remontez le plus que vous pouvez dans le temps. Loin, loin en arrière dans la nuit des premiers âges, vous discernerez sans doute des images de guerriers à demi sauvages, vêtus de peaux de bête, armés de massues, chassant des animaux disparus, dormant dans des cavernes, les fameux « hommes préhistoriques ». Vous savez que certains vécurent en France - notre pays ne s'enorgueillit-il pas des magnifiques peintures des grottes de Lascaux ? -, mais vous n'auriez pas l'idée pour autant de les relier à aucune nation en particulier. Arrive alors le chapitre suivant, qui vous apparaît plus clairement. Après les mammouths et les silex, voici les sangliers, les rudes banquets, la cervoise et les druides cueillant le gui dans les chênes millénaires. Astérix est passé par là. Les noms des héros et les grands rebondissements de l'épisode vous reviennent : en 52 avant Jésus-Christ, Jules César et ses légions envahissent ce pays qui serait l'ancêtre du nôtre, la Gaule. Un brave parmi les braves, Vercingétorix, sorte de Jean Moulin chevelu, tente de fédérer les tribus pour résister à l'envahisseur. Il gagne une victoire brillante, Gergovie, mais se laisse enfermer dans Alésia et, héros déchu, après un siège terrible, finit enchaîné derrière le char d'un César triomphant. Les Romains dominent donc. Voilà le temps des belles villas, des voies pavées qui sillonnent le pays, des monuments antiques, du pont du Gard, des arènes de Nîmes et de Lyon, « la capitale des Gaules », comme l'appellent encore aujourd'hui les journalistes en mal de périphrases. On a parfois de la chance de perdre les guerres, noterez-vous au souvenir de tant de merveilles. Certes, mais c'est une autre histoire. Repères - Dernier tiers du iie siècle av. J.-C. : conquête par Rome de tout le littoral méditerranéen, la « Gaule narbonnaise » - 58 à 51 av. J.-C. : Jules César envahit la Gaule ; battu à Gergovie et vainqueur à Alésia - Vers 260 apr. J.-C. : Postumus, général romain factieux, proclamé « empereur des Gaules » à Cologne Tout cela est ancré dans les esprits, donc, et nous convient parfaitement pour commencer cette nouvelle histoire de France telle que nous entendons la raconter. On verra ainsi dès ce premier chapitre qu'on apprend beaucoup en essayant de démonter les idées préconçues, et que l'on s'instruit plus encore en cherchant ce que l'on peut bâtir à la place. Il existe une façon simple de remettre en cause ce point de départ des vieux manuels qui nous semble éternel. Il suffit de poser la question que nous avons glissée déjà dans l'introduction : nos ancêtres sont donc les Gaulois, mais depuis combien de temps le sont-ils ? Saint Louis ou Louis XIV pensaient-ils eux aussi descendre des mêmes moustachus dépoitraillés ? Allons ! On est certain, bien au contraire, qu'ils n'en avaient même jamais entendu parler. À dire vrai, les intérêts de ces temps étaient autres. Dans un système monarchique qui se veut d'essence divine, la seule filiation qui compte - outre la filiation directe, qui lie le souverain à son prédécesseur - est celle qui s'accroche aux plans supposés de Dieu. Pour les rois de France, à ce titre, un seul grand ancêtre compte : Clovis, le chef barbare qui, au ve siècle, a réussi avec ses Francs à balayer les décombres de l'Empire romain et à dominer la moitié de l'Europe occidentale. On le verra plus loin, la plupart des rois de France sont des Capétiens - c'est-à-dire qu'ils appartiennent à la descendance d'Hugues Capet -, ils n'ont aucun lien de sang avec la dynastie fondée par le roi franc, les Mérovingiens. On verra aussi bientôt que Clovis était un roi franc, et contrairement à ce que l'on pense trop souvent encore, cela n'en fait pas pour autant un roi de France. Peu importe, dans la symbolique du pouvoir, il a un intérêt majeur : il est le premier des envahisseurs barbares à avoir été baptisé selon le rite catholique, c'est bien la preuve que Dieu l'a choisi, non ? Il l'a été à Reims, et c'est en souvenir de ce baptême que la plupart de nos rois iront s'y faire sacrer. Au moment de la Révolution française, par réaction en quelque sorte à cette vision de l'origine du pays, une autre va prendre de l'ampleur. Les rois continuent à se prévaloir du Mérovingien et les aristocrates qui les entourent en viennent à justifier leur domination sur le pays en se présentant comme les descendants de ses guerriers. Les Francs, disent-ils en substance, ont conquis ce pays mille quatre cents ans plus tôt, c'est au nom de leur victoire que nous avons le droit éternel de régner sur cette terre. Le raisonnement est absurde : personne n'est en mesure de faire remonter si loin un arbre généalogique. Il est surtout devenu moralement insupportable. Et cela les perdra : vous êtes les descendants de guerriers qui ont envahi ce pays, disent bientôt les partisans du tiers état, eh bien nous, nous sommes les descendants du peuple qui était là alors, et cette fois, vous verrez de quel bois on se chauffe. À propos, qui était sur notre territoire lorsque les fameux Francs sont arrivés ? Les Gaulois ? Et comment s'appelait le pays en ces temps-là ? La Gaule. Eh bien, les voilà enfin les ancêtres qu'il nous fallait. Le retour du héros oublié Je simplifie, mais à peine. Cherchez dans les bibliothèques et vous le constaterez. Bien peu de gens, avant le xixe siècle, avaient eu l'idée de s'intéresser à un peuple dont la plus grande masse n'avait jusque-là pas la moindre idée. Au moment de la Renaissance, l'Europe entière s'était prise de passion pour l'antiquité gréco-latine. Partout en France, comme ailleurs, des érudits avaient cherché à étudier, à exhumer les traces du passé romain de notre pays, et le roi François Ier lui-même, dit-on, était tombé en extase devant les ruines romaines de Nîmes et avait exigé qu'elles fussent préservées. Mais seuls quelques rares savants avaient cherché à connaître les peuplades présentes sur notre sol avant la conquête par les glorieuses légions de César. Au xviiie siècle encore, quand les encyclopédistes parlent des Gaulois, ils les peignent toujours comme d'exotiques Barbares avec lesquels il est hors de question de se sentir une quelconque filiation. Quand on se vit en successeur de Rome et d'Athènes, comment accepterait-on de remonter à ces chevelus coupeurs de gui ? Le siècle romantique, lui, en tombe fou. À partir des années 1830, quelques historiens sortent de maigres paragraphes de La Guerre des Gaules de César un personnage dont personne n'avait retenu le nom : Vercingétorix. Vingt ans plus tard, Napoléon III fait creuser toute la Bourgogne pour qu'on trouve enfin le site où a pu se dérouler ce siège d'Alésia devenu si célèbre, et le grand blond à moustache devient l'incarnation même de la France. Il ne faut jamais désespérer de la postérité. Cela va de soi, cette gallomanie tardive ne se développe pas uniquement en réaction à la mythologie qui précédait. Elle prend de telles proportions parce qu'elle épouse à merveille une nouvelle idéologie qui va bientôt dominer l'époque : le nationalisme. Dans un système monarchique, on l'a dit, seule la généalogie du monarque - fût-elle légendaire - comptait vraiment. Depuis la Révolution, le peuple, ce nouvel acteur, a fait sa grande entrée sur la scène de l'histoire. À lui aussi il a donc fallu trouver un aïeul, tout aussi fabriqué mais tout aussi opportun : le peuple gaulois. Il consolide le patriotisme naissant avec son idole nouvelle, telle que personne ne l'avait jamais considérée auparavant : la France. Hier, elle était un royaume, ce patrimoine lentement constitué par les rois. Elle est devenue une créature éternelle, capable de traverser les âges, les régimes, les gloires et les malheurs, toujours elle-même, toujours grande, pure, intacte. Tant qu'à faire, on n'hésitait d'ailleurs pas à remonter bien avant Jules César pour asseoir cette digne croyance. Je retrouve cette merveille dans un manuel d'avant la guerre de 14 (le manuel Segond1). Au chapitre expliquant l'évolution géologique de la terre à l'ère quaternaire, ce qui n'est pas d'hier, on lit : « À cette époque, l'Europe a à peu près sa forme actuelle, et la France est sortie tout entière des eaux. » On voit l'image : mon pays, c'est encore mieux qu'un pays, c'est carrément Vénus. La plupart du temps, les Gaulois suffirent, ils disposaient d'un avantage certain : ils plaisaient à tout le monde. La droite nationaliste était contente de voir ainsi la « race française », comme on disait encore, assise sur cette souche issue du fond des âges. La gauche anticléricale voyait dans ces ancêtres un atout majeur : ils permettaient de commencer l'histoire de France avant l'arrivée du christianisme. C'était bien la preuve qu'elle pourrait éventuellement se perpétuer après sa disparition. Les historiens, puis les romanciers, les dramaturges ou même les chansonniers, en touillant tant et plus les rares sources dont ils disposaient dans les casseroles de leurs fantasmes, réussirent peu à peu à forger une idée des Gaulois correspondant opportunément à l'image que les Français voulaient bien avoir d'eux-mêmes : querelleurs, un peu grossiers parfois, mais au grand coeur et si braves. Et les Français, ravis, adorèrent d'autant plus leurs nouveaux grands-pères : comment ne pas les aimer ? Ils nous ressemblent tellement ! Faut-il, décidément, en vouloir aux Gaulois ? Ce serait injuste. Vous l'aurez compris en lisant ce qui précède, plus d'un siècle plus tard ils servent toujours. Ils viennent de nous permettre d'ouvrir ce livre avec une leçon que tous les grands historiens connaissent et que l'on aimerait faire nôtre tout au long des pages qui vont suivre : rien n'est plus trompeur que l'histoire comme on la raconte, rien n'est plus prudent que de s'interroger face à n'importe quel récit pour savoir qui l'a exhumé, et pourquoi. Germains, Celtes, Romains

« 1 Les Gaulois Des ancêtres trèsrécents Reprenons donclàoù nous avions commencé, chez« nos ancêtres lesGaulois ».

Pourquoidiablenégligerions-nous d’entamer notrepériple aveccebon vieux stéréotype ? D’abord, ilest tellement ancrédanslesesprits qu’ilestdifficile dene pas l’évoquer.

C’estparadoxal, maisc’est ainsi.

N’importe qui,face àcet « incipit » fameuxdesmanuels d’antan,saitàquoi s’entenir : laformule sentla salle declasse d’avant guerre,lesbêtises quel’oninculquait auxtêtes blondes delamétropole, etaussi, tantqu’à faire, auxtêtes brunes descolonies lointaines.

Pourautant, aujourd’hui encore,dèslors qu’il nous fauttrouver des images del’origine denotre paysdans lasuite obscure dessiècles, onabien dumal àen faire surgir uneautre. Faites l’expérience.

Remontezleplus quevous pouvez dansletemps.

Loin,loinenarrière danslanuit despremiers âges, vousdiscernerez sansdoute desimages deguerriers àdemi sauvages, vêtusdepeaux debête, armés de massues, chassantdesanimaux disparus, dormantdansdescavernes, lesfameux « hommes préhistoriques ». Vous savez quecertains vécurent enFrance –notre paysnes’enorgueillit-il pasdes magnifiques peinturesdes grottes deLascaux ? –,mais vousn’auriez pasl’idée pourautant deles relier àaucune nationenparticulier.

Arrive alors lechapitre suivant,quivous apparaît plusclairement.

Aprèslesmammouths etles silex, voicilessangliers, les rudes banquets, lacervoise etles druides cueillant legui dans leschênes millénaires.

Astérixestpassé parlà.Les noms deshéros etles grands rebondissements del’épisode vousreviennent : en52avant Jésus-Christ, JulesCésar et ses légions envahissent cepays quiserait l’ancêtre dunôtre, laGaule.

Unbrave parmi lesbraves, Vercingétorix, sorte deJean Moulin chevelu, tentedefédérer lestribus pourrésister àl’envahisseur.

Ilgagne unevictoire brillante, Gergovie, maisselaisse enfermer dansAlésia et,héros déchu, aprèsunsiège terrible, finitenchaîné derrière lechar d’un César triomphant.

LesRomains dominent donc.Voilàletemps desbelles villas,desvoies pavées quisillonnent lepays, desmonuments antiques,dupont duGard, desarènes deNîmes etde Lyon, « la capitale desGaules », commel’appellent encoreaujourd’hui lesjournalistes enmal depériphrases.

Onaparfois de la chance deperdre lesguerres, noterez-vous ausouvenir detant demerveilles.

Certes,maisc’estuneautre histoire.

Repères – Dernier tiersduiie  siècle av.J.-C. : conquête parRome detout lelittoral méditerranéen, la« Gaule narbonnaise » – 58 à51 av.

J.-C. : JulesCésar envahit laGaule ; battuàGergovie etvainqueur àAlésia – Vers 260apr.

J.-C. : Postumus, généralromainfactieux, proclamé « empereur desGaules » àCologne Tout celaestancré danslesesprits, donc,etnous convient parfaitement pourcommencer cettenouvelle histoire de France tellequenous entendons laraconter.

Onverra ainsidèscepremier chapitre qu’onapprend beaucoup en essayant dedémonter lesidées préconçues, etque l’ons’instruit plusencore encherchant ceque l’onpeut bâtir àla place. Il existe unefaçon simple deremettre encause cepoint dedépart desvieux manuels quinous semble éternel.

Il suffit deposer laquestion quenous avons glissée déjàdans l’introduction : nosancêtres sontdonc lesGaulois, mais depuis combien detemps lesont-ils ? SaintLouis ouLouis XIV pensaient-ils euxaussi descendre desmêmes moustachus dépoitraillés ? Allons !Onest certain, bienaucontraire, qu’ilsn’enavaient mêmejamais entendu parler. À dire vrai, lesintérêts deces temps étaient autres.Dansunsystème monarchique quiseveut d’essence divine,la seule filiation quicompte –outre lafiliation directe, quilielesouverain àson prédécesseur –est celle qui s’accroche auxplans supposés deDieu.

Pourlesrois deFrance, àce titre, unseul grand ancêtre compte : Clovis,le chef barbare qui,auve  siècle, aréussi avecsesFrancs àbalayer lesdécombres del’Empire romainetàdominer la moitié del’Europe occidentale.

Onleverra plusloin, laplupart desrois deFrance sontdesCapétiens –c’est-à-dire qu’ils appartiennent àla descendance d’HuguesCapet–,ils n’ont aucun liendesang avecladynastie fondéeparle roi franc, lesMérovingiens.

Onverra aussibientôt queClovis étaitunroi franc, etcontrairement àce que l’on pense tropsouvent encore,celan’en faitpas pour autant unroi deFrance.

Peuimporte, danslasymbolique du pouvoir, ila un intérêt majeur : ilest lepremier desenvahisseurs barbaresàavoir étébaptisé selonlerite catholique, c’estbienlapreuve queDieu l’achoisi, non ?Ill’a été àReims, etc’est ensouvenir decebaptême que la plupart denos rois iront s’yfaire sacrer. Au moment delaRévolution française,parréaction enquelque sorteàcette vision del’origine dupays, uneautre va prendre del’ampleur.

Lesrois continuent àse prévaloir duMérovingien etles aristocrates quilesentourent en. »

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