Vocabulaire: CHARBONNER, verbe.

Vocabulaire: CHARBONNER, verbe. I.— Emploi transitif. A.— Emploi perfectif. [L'état de charbon est le point d'aboutissement du procès] Réduire à l'état de charbon. Bois charbonné, poutres charbonnées. Un cigare charbonné (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 5, Les Exploits de Rocambole, 1859, page 83 ). Synonyme : carboniser. Des harengs grillés, noirs, charbonnés (ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, page 784 ). La bougie brûlée jusqu'au bas, (...) charbonnait le papier (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, Aimé Pache, peintre vaudois, 1911, page 117 ). Remarque : 1. On rencontre en ce sens dans la documentation la forme carbonifier. L'unique objet perdra de sa valeur : le diamant sera carbonifié (PAUL VALÉRY, Lettres à quelques-uns, 1945, page 68). 2. On rencontre également charbonner au sens de « fabriquer du charbon de bois ». La charbonnette restait à la coupe, c'était un nommé Cadène qui viendrait charbonner sur place (MAURICE GENEVOIX, Marcheloup, 1934, page 68). — Par extension. On charbonne la houille, comme on charbonne le bois en forêt (EUGÈNE SCHNEIDER, Le Charbon, son histoire, destin, 1945, page 174 ). — Emploi pronominal (à sens passif). Se transformer en charbon. Ma mèche de lampe s'est charbonnée (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1866, page 192 ). B.— Emploi instrumental. [Le charbon est un moyen de coloration] 1. Noircir avec du charbon. Les pieux charbonnés de quelque pont de César se conservent au fond d'un fleuve (HONORÉ DE BALZAC, Le Cabinet des antiques, 1839, page 4 ). Le soleil (...) Montrant comme un mineur son front tout charbonné (AUGUSTE BARBIER, Ïambes et poèmes, Lazare, Londres, 1840, page 194 ). — [Par analogie de couleur.] La poussière avait charbonné tout cela (ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, page 51 ). Cette barbe de quinze jours qui charbonnait le menton et les joues (MAURICE GENEVOIX, Raboliot, 1925, page 187 ). · Spécialement, péjoratif. Maquiller excessivement de noir, et par extension, d'une autre couleur sombre. Œil charbonné. Paupières charbonnées d'indigo et d'encre (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard, 1879, page 18 ). Le monde (...) ayant toute caducité en grande estime, vite, charbonnons-nous des rides (CHARLES BAUDELAIRE, Choix de maximes consolantes sur l'amour, 1867, page 619 ). 2. BEAUX-ARTS. Dessiner, faire une esquisse avec un fusain (confer charbon1 II A) ou un morceau de charbon. L'un, apprenti Rubens, charbonne la muraille (ABBÉ JACQUES DELILLE, L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises, 1800, page 61) : Ø 1.... il charbonnait d'un trait vigoureux des libertés, des droits de l'homme, des constitutions françaises, des vertus républicaines, des hercules populaires terrassant l'hydre de la tyrannie, et mettait dans ces compositions toute l'ardeur de son patriotisme. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, page 13. — Emploi pronominal (à sens passif) Paris, voilé d'un nuage, se charbonnait sur l'horizon, pareil à un fusain colossal (ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour, 1878, page 904 ). II.— Emploi intransitif. A.— [Le sujet désigne une matière ou une chose parvenue à un certain état de combustion] Se transformer en charbon, se consumer sans flammes. Laisser charbonner le papier au bout d'une cigarette (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon, 1867, page 381 ). Deux tisons qui charbonnent (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, La Tour du Levant, 1931, page 218 ). La mèche de la lampe (...) charbonnait (ALBERT CAMUS, L'Étranger, 1942, page 1145 ). — Par métaphore : Ø 2. Je ne suis pas bien fixé. Ma conscience m'éclaire mal. Il y a des moments comme ça où la conscience charbonne. JULES RENARD, Journal, 1905, page 1015. B.— MARINE. [Le sujet désigne un navire] Se ravitailler en charbon. Ayant mazouté et charbonné (...) les paquebots disparaissaient vite (PAUL MORAND, La Route des Indes, 1936, page 198 ). Remarque : On rencontre dans la documentation le néologisme charbonnement, substantif masculin Le charbonnement des colchiques étouffait les prés sous sa vapeur de soufre (JEAN GIONO, L'Eau vive, 1943, page 120).