Vocabulaire: CISEAU, CISEAUX, substantif masculin. A.— Au singulier. Outil formé d'une lame de métal résistant dont une extrémité est biseautée et tranchante, que l'on pousse généralement au marteau pour entailler, sectionner ou travailler des matières dures telles que le bois, le fer ou la pierre. Le manche, le tranchant d'un ciseau : Ø 1. Autrefois, on écrivait à coups de ciseau l'histoire sur les murailles sacrées, comme maintenant on l'écrit dans les livres. MAXIME DU CAMP, Le Nil, Egypte et Nubie, 1854, page 310. Ø 2.... le Second Empire ne retient que certains thèmes qui se déforment d'abord sous le crayon de l'ornemaniste puis sous le ciseau de l'ébéniste. JACQUELINE VIAUX, Le Meuble en France, 1962, page 163. SYNTAXE : Ciseau de ciseleur, de marbrier, de menuisier, d'orfèvre, de sculpteur; tailler, travailler au ciseau. 1. En particulier. Ciseau à froid. Ciseau servant à attaquer les métaux à froid, utilisé aussi comme levier. Maître Venture (...) avait toujours sur lui, en voleur prudent, un ciseau à froid, un rossignol et une pince (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 3, Le Club des Valets de coeur, 1859, page 519 ). 2. Par métonymie, littéraire. a) Personne qui travaille au ciseau; en particulier sculpteur, statuaire. Des torchères dues à quelque ciseau de la Renaissance (HONORÉ DE BALZAC, Une Fille d'Ève, 1839, page 118 ). b) Art de la sculpture, de la statuaire : Ø 3. Les pieds heurtent sans cesse contre les chefs-d'oeuvre du ciseau grec : on les ramasse, on les rejette, pour en ramasser un plus curieux; on se lasse enfin de cet inutile travail; tout n'est que chef-d'oeuvre pulvérisé. ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 144. B.— Au pluriel. Instrument servant à couper, composé de deux branches métalliques mobiles autour d'un pivot, tranchantes sur une partie de leur longueur et terminées, aux extrémités opposées, par un anneau. Une paire de ciseaux. On entendait l'aigre grincement des ciseaux et le bourdonnement de la machine à coudre (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, Aimé Pache, peintre Vaudois, 1911, page 144 ). SYNTAXE : Ciseaux de brodeuse, de chirurgien, de couturière, de dentellière, de jardinier, de tailleur; ciseaux à ongles; ciseaux courbes, droits, pointus, à bouts ronds; couper, découper quelque chose avec des ciseaux. Remarque : Dans ce sens on rencontre aussi le singulier Je fis tomber sous le ciseau ma chevelure de Mérovingien (REYBAUD, Jérôme Paturot, 1842, page 10). Les buis (...), étaient devenus des arbustes, ne subissant plus le ciseau depuis longues années (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 3). Des moustaches coupées au ciseau (Jean et JÉRÔME THARAUD, Dingley, l'illustre écrivain, 1906, page 135). 1. Par métaphore ou au figuré. a) MYTHOLOGIE. [Par allusion à la Parque Atropos, qui coupe le fil de la vie] Les ciseaux de la/des Parque(s). Nous ne voulons point... chasser les Tritons de l'empire des eaux, ôter à Pan sa flûte, aux Parques leurs ciseaux (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 1, 1803, page 468 ). b) [Par référence à l'utilisation des ciseaux pour effectuer des suppressions, pour compiler des passages extraits d'un texte] — Les ciseaux de la censure; argotiquement les ciseaux d'Anastasie. L'action des censeurs qui effectuent des coupures dans certaines publications ou certains spectacles : Ø 4. Le Moniteur porte ensuite un défi à l'opposition : il l'appelle en champ clos, bien entendu qu'il combattra cuirassé de la censure, et que l'opposition toute nue sera menacée des ciseaux des censeurs. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, La Liberté de la Presse, 1822-28, page 101. — Faire un article, un journal, un livre à coups de ciseaux. En compilant des extraits d'autres auteurs. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux, dont Dictionnaire de l'Académie Française 1878-1932. · [Par référence au secrétaire de rédaction d'un journal, qui découpe des extraits de presse à reproduire] Rédacteur aux ciseaux; tenir les ciseaux (Confer Jules Verne, Les 500 millions de la Bégum, 1879, page 43). 2. Par analogie. a) [Par analogie avec la forme des ciseaux ouverts] MARINE. Mettre, poser les voiles en ciseaux. [Dans une embarcation à voiles auriques ou latines marchant par vent arrière] Mettre certaines voiles à bâbord et d'autres à tribord, de façon à offrir le plus de surface possible au vent arrière. Des bateaux de pêcheurs, avec leurs voiles posées en ciseaux, flânent nonchalamment, traînant leurs lignes ou leurs filets (THÉOPHILE GAUTIER, Italia, voyage en Italie, 1852, page 6 ). — [Avec ellipse du verbe] Une frégate — grand oiseau mystérieux qui est toujours seul — traversait à une excessive hauteur les espaces de l'air, filant droit avec ses ailes minces et sa queue en ciseaux (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves, 1883, page 376 ). b) [Par analogie avec le mouvement croisé des branches des ciseaux] Panturle embrasse le tronc gluant et il monte en faisant les ciseaux avec ses genoux (JEAN GIONO, Regain, 1930, page 118 ). Il s'étendit sur le dos, leva les jambes en l'air et fit les ciseaux (JEAN-PAUL SARTRE, Le Mur, 1939, page 14 ). — Au singulier, SPORTS. · [Dans certains exercices physique : athlétisme, danse, gymnastique, natation] Mouvement croisé des jambes, analogue au mouvement des lames de ciseaux. Faire un ciseau, sauter en ciseau : Ø 5.... au moment où le sauteur arrive au sommet de sa trajectoire, il ramène violemment cette jambe arrière qui effectue un ciseau et dépasse même la jambe avant ROGER VUILLEMIN, Mémento d'éducation physique et d'initiation sportive, 1941, page 146. Remarque : Selon Athlétisme, petit glossaire français de l'athlétisme en 1971 (Jean Amsler) " on a dit jadis : " le saut en ciseaux, le mouvement de ciseaux ", puis brièvement : " le ciseau " ". Selon Nouveau dictionnaire des difficultés du français (Jean-Paul Colin) 1971 la marque du pluriel est facultative dans la locution sauter en ciseau(x). · [Dans certains sports de combat : catch, lutte libre, etc.] Prise consistant à croiser les jambes, comme deux lames de ciseaux, autour d'une partie du corps de l'adversaire de façon à l'immobiliser. La transformation d'un haltérophile ou d'un boxeur « sur le retour » en fringant roi de la manchette ou du ciseau de volée (Le Figaro. 13 janvier 1953, page 8, colonne 6 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 720. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 916, b) 1 643; XXe. siècle : a) 1 116, b) 727.
