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Vocabulaire: COMPTE, substantif masculin.

Publié le 17/11/2015

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Vocabulaire: COMPTE, substantif masculin. I.— Détermination d'une valeur ou d'une grandeur numérique par un calcul ou une suite de calculs, ou, le plus souvent, par une énumération, un dénombrement. Faire le compte de son argent. Il fit le compte de ses économies : douze cents francs (MARCEL ARLAND, L'Ordre, 1929, page 100 ). « Desgrès (H.G.M.) né à Lyon, le... » Il fit le compte de l'âge, c'était cinquante et un ans (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 366 ). · Bois de compte. Bois dont on détermine le nombre de rondins, de bûches, par opposition au bois dont on détermine le volume. · Monnaie* de compte. A.— Spécialement. 1. Énumération de la suite des nombres entiers. — BOXE. Énumération des nombres de un à dix, correspondant aux dix secondes du knock-out. Le boxeur se relève avant le compte. · Locution. Pour le compte. Jusqu'à la fin de cette énumération. Un uppercut du gauche au plexus qui envoya Martin à terre pour le compte. Martin était k.o. (L'Œuvre. 4 février 1941). Par métaphore : Ø 1. Je crois qu'il a dû lui faire comprendre que (...) de m'envoyer à la Roquette, c'était pas encore si peinard... (...) Que je m'échapperais peut-être tout de suite... exprès pour venir le buter... et puis qu'alors cette fois-là, je le ratatinerais pour le compte... LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 394. — Compte à rebours. Énumération à rebours de nombres entiers faite avant un événement important, zéro marquant son début. Compte à rebours avant le lancement d'une fusée. 2. Au pluriel. Calculs d'argent. Les bons comptes font les bons amis*. Après avoir fait mes comptes, je trouvai qu'avec ces mille francs, je paierais mes petites dettes et que je serais habillée à neuf (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, page 173 ). B.— Proverbes. 1. À tout bon compte revenir. " On doit toujours être reçu à recommencer le calcul fait avec le plus de soin, et à s'assurer s'il est exact " (Dictionnaire de l'Académie Française). 2. Erreur n'est pas compte. On peut toujours revenir sur un compte faux, et par extension, sur une erreur. Il s'était trompé! Ah! Mégarde! Et depuis longtemps! Ah! Erreur n'est pas compte! (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 556 ). C.— Locutions. 1. Faire son compte. a) Vieilli. Espérer. Il fait son compte de partir demain. Il croyait que ses amis l'assisteraient, il faisait son compte là-dessus (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). b) Moderne, familier. Commettre une maladresse. Fichu malagauche (...) comment diable qu't'as fait ton compte? (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, 2e. partie, 8, page 192 ). 2. (De) compte(s) fait(s), réglé(s) (vieilli); tout/s compte(s) fait(s) (moderne). Après avoir fait un/des compte(s). De compte réglé, la mouture d'un setier revient à 25 l (JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, page 181 ). Il [M. de Lescure] a trouvé de compte fait jusqu'à cinquante-six maîtresses connues à ce roi vaillant [Henri IV] (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 9, 1863-69, page 2 ). Don Simuel Lévi, trésorier des Castilles, détient, tous comptes faits, dans les coffres royaux, trois mille doubles d'or (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, Les Inquiétudes de Simuel, 1886, page 154 ). — Au figuré. Tout bien considéré. De compte fait, je serais sans frayeur des républiques, comme sans antipathie contre leur liberté : je ne suis pas roi; je n'attends point de couronne (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 284) : Ø 2. L'autre soir, Catherine et moi nous amusions à nous demander dans la peau de qui elle et moi pouvions souhaiter vivre; et, compte fait, avions conclu que nous ne gagnerions rien à déménager. ANDRÉ GIDE, Journal, 1946, page 298. 3. Faire bon compte à quelqu'un. Donner quelque chose à quelqu'un en grande quantité. — Au figuré. Bien traiter quelqu'un. Faire à l'oppresseur trop bon compte (FRANCIS PONGE, Le Parti pris des choses, 1942, page 18 ). 4. À ce compte (là), au compte, selon le compte de quelqu'un. D'après cette manière, la manière de quelqu'un d'effectuer un compte. C'est à mon compte le dix-neuvième mariage qu'elle manque tout-à-fait par sa faute (THÉODORE LECLERCQ, Proverbes dramatiques, Le Mariage manqué, 1835, 8, page 88 ). Il était venu là deux mille personnes, à l'estimation des républicains, et six mille au compte des Dracophiles (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, page 228 ). — Au figuré. En tenant ce raisonnement, selon l'avis de quelqu'un. À ton compte, Lénine ne devait pas prendre le partage des terres comme mot d'ordre (ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 286 ). D.— Locution adverbiale. 1. De bon compte. Au moins : Voici, de bon compte, la troisième lettre que je vous écris depuis votre dernière (HONORÉ DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2, 1850, page 114 ). 2. Familier. En fin de compte, à la fin du compte, au bout du compte. Finalement. Voilà huit jours que je mets, toutes les après-dînées, mes bottines (...) qui me font mal aux pieds. C'était plus une vie, à la fin du compte! (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard, 1879, page 153 ). On aurait (...) voulu qu'elle finisse par se marier en fin de compte (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 336 ). Et vient Thermidor, Bonaparte, et au bout du compte Louis XVIII (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 88 ). II.— Par métonymie. Le résultat de cette détermination. A.— Vieux " Petit nombre que l'on jette de la main, et qui, étant plusieurs fois réitéré, fait la somme, le nombre que l'on demande. " (Dictionnaire de l'Académie Française). À compter quatre à quatre, il faut vingt-cinq comptes pour faire cent (Dictionnaire de l'Académie française. 1835, 1878). B.— Total, somme. Compte borgne, rond. Tout le compte de tes années ne va peut-être pas jusqu'à trente (PAUL CLAUDEL, La Ville, 2e. version, 1901, I, page 445 ). Ils sont donc douze, plus Gagou qui fait le mauvais compte (JEAN GIONO, Colline, 1929, page 12 ). Chez moi il y a tellement d'argent que je n'en sais jamais le compte (HENRI DE MONTHERLANT, Celles qu'on prend dans ses bras, 1950, I, 1, page 769) : Ø 3.... la veuve Meyrion, porteuse de pain (...) allait dans les rues (...) portant, pendue à sa taille, une planchette de bois blanc à laquelle elle faisait avec son couteau des coches qui représentaient le compte des pains qu'elle avait livrés. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, page 166. — Spécialement. Total, somme qui convient, qui est nécessaire (confer également infra II C 3). Si tu rentres chez le père sans ton compte de galoches, gare à tes fesses! Te rappelles-tu au moins où tu l'as perdue, nigaude? (GEORGES BERNANOS, Nouvelle Histoire de Mouchette, 1937, page 1273 ). Le compte y est... j'avais raison de dire que nous étions trente pécores dans l'étable du boeuf (JACQUES AUDIBERTI, Les Femmes du Boeuf, 1948, page 115) : Ø 4. Deux francs et deux francs vingt, ça nous fait quatre francs vingt. Bénin se hâta de tendre une pièce de cinq francs, et il ouvrait la main pour recueillir la monnaie. — Ça fait juste le compte : trente centimes pour l'éclairage... (...) et cinquante centimes pour les deux bicyclettes... LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Copains, 1913, page 126. · Par métaphore : Ø 5. On a vécu, joué, aimé. Ceux que l'on a écartés ou meurtris se plaignent? Que me voulez-vous? Je vous ai payé en joies et en souffrances, et vous aussi vous avez grandi, le compte y est. JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 217. · Locution. Être loin de/du compte. Être loin du total, de la somme qui convient, qui est nécessaire. Misère! il ne doit plus avoir que treize sous! (...) Ici, le litre de rouge coûte vingt et un sous. Il est loin de compte (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 156 ). · Locution figurée. Être loin de compte. Ne pas obtenir ce que l'on souhaite ou juge souhaitable : Ø 6. LIA. — (...) nous ne nous aimons plus? JEAN. — Le sais-je! Tu le dis. Mais si tu le dis parce que ton amour a disparu (...) je ne suis pas celui qui peut le deviner. LIA. — O mon petit Jean, tu le vois. Nous avons toujours été loin de compte, et je te le fais dire. JEAN GIRAUDOUX, Sodome et Gomorrhe, 1943, I, 3, page 73. Se tromper. : Ø 7. EUGÉNIE. — (...) Soudain le froid te prend, tes dents se serrent, la parole te manque, ta chair devient du marbre. LUCILE. — Tu sais pourquoi. EUGÉNIE. — Je sais. C'est que l'amour est passé! LUCILE. — Tu es loin de compte. EUGÉNIE. — C'est qu'une femme ravissante passe... JEAN GIRAUDOUX, Pour Lucrèce, 1944, I, 2, page 21. C.— État détaillé des dépenses et des recettes, du doit et de l'avoir (confer également infra II C 4 a spécialement) : Ø 8. Je réclame (...) le compte détaillé de ma dette. On me présente un morceau d'enveloppe sur lequel on a griffonné : 21 exemple chine de Candaule 42 6 exemple hollande des 1001 Nuits 60 --- 102 Doit à M. Gide pour collaboration 17 --- Dû par lui 85 ANDRÉ GIDE, Journal, 1902, page 109. · Compte d'apothicaire* (Confer exemple 5). · Vieilli, familier. Comptes de cuisine, de cuisinière. Comptes mesquins et/ou mal tenus : Ø 9. Combien vous faut-il de livres de beurre par jour dans votre maison? Combien d'oeufs? Combien de viande? Combien de pain? — Bah! Des comptes de cuisinières... LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, page 271. · Comptes de tutelle. Comptes de la gestion du patrimoine d'un pupille, tenus par le tuteur. Le Capitaine (...) s'était fâché rouge lorsque son fils avait réclamé ses comptes de tutelle (GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 20 ). 1. Spécialement. a) État détaillé des dettes d'un particulier chez un commerçant. Notre épicier présente un relevé de compte : nous lui devons près de 500 couronnes, 700 francs (LÉON BLOY, Journal, 1899, page 373 ). Amélie, donne-moi un bout de pain et marque-le sur le compte (JEAN GIONO, Le Grand troupeau, 1931, page 21) : Ø 10. « Ce doit être, pensai-je, quelqu'un de ces paresseux, comme on en voit traîner dans la vieille ville. Ils ont un compte au cabaret... » LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, page 199. — Par métaphore : Ø 11.... Laurent-le-borgne a toujours un compte ouvert chez moi. La blessure mortelle pour ce raté serait qu'on montrât son impuissance littéraire, ce qui est au moins facile. LÉON BLOY, Journal, 1901, page 52. b) État détaillé des opérations affectant les fonds qu'un client a déposés dans un établissement bancaire ou financier; par métonymie, ces fonds eux-mêmes. Compte bancaire; extrait, relevé de compte; numéro de compte. Lulu fit ouvrir à leur banque un compte de un million au nom de Mlle. Dual (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 160) : Ø 12. On peut bien pour vingt-cinq sous acheter un superbe carnet de chèques, mais à quoi sert de posséder un carnet de chèques, si on n'a pas de compte à la banque? FRANCIS DE MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau. 1908, page 178. SYNTAXE : a) Compte courant, compte d'épargne, de dépôt, compte chèque postal. b) Crédit, débit, solde d'un compte. c) Ouvrir, arrêter, clore, solder un compte; créditer, débiter un compte; porter, passer en compte; virer une somme d'un compte à un autre; apurer, vérifier un compte. — Par métaphore : Ø 13.... un personnage de commerce presque impossible (...) une façon de Chicaneau, processif, astucieux, retors, éternellement en bisbille avec le compte courant de la vie. GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, L'Article 330, 1900, page 261. c) État détaillé des opérations affectant chacun des éléments matériels ou financiers qui constituent une entreprise, une collectivité ou qui sont relatifs à son fonctionnement. Comment se fait-il que le compte Lambert frères soit débiteur de 7.832 francs? (MARCEL PAGNOL, Fanny, 1932, III, 1, page 169 ). SYNTAXE : a) Confer supra, syntaxe b, c. b) Comptes d'actif, de passif; comptes de bilan; comptes financiers [compte (de) caisse, compte (de) banque] ; comptes de gestion; comptes de charges, de produits; comptes de résultats; compte d'exploitation générale, de pertes et profits (ou profits et pertes) : Ø 14.... il ne se rencontra pas un seul récalcitrant parmi les créanciers. Personne ne pensait à passer sa créance au compte de profits et pertes... HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, page 179. — Par métaphore : Ø 15. Il se sentit magnanime, et marqua le sacrifice qu'il faisait au compte de doit et avoir qu'il tenait déjà avec la famille Dandillot. HENRI DE MONTHERLANT, Le Démon du bien, 1937, page 1285. 2. Locutions et emplois métaphoriques ou au figuré. a) [Par référence aux techniques comptables] — Vieilli. Ne tenir ni compte ni mesure. Ne pas tenir de comptabilité, être désordonné dans ses affaires. — Avoir quelque chose en compte. S'occuper de quelque chose, en être responsable. — En compte sur. À valoir sur. Prêter (...) en compte sur les bénéfices de l'année prochaine, la somme nécessaire à parfaire les sommes dues (HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 395 ). — Vieux. À compte. · Locution adverbiale. À valoir sur. Il donna cent cinquante francs à compte. Il a payé le reste en trois mois (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, L'Héritage mystérieux, 1859, page 108 ). · Locution nominale. Acompte. Les peines incroyables qu'on avait à toucher de légers à comptes (JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, page 190 ). b) [Par référence au fait que l'on n'ouvre un compte que pour des choses importantes] On ouvre un compte aux fredaines, on les crédite, on consacre à ce chapitre certains bénéfices; mais entamer son capital!... ce serait une folie (HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette, 1847, page 282 ). Croyez-en ma vieille expérience : Le hasard ne peut pas en compte être passé (GUILLAUME-VICTOR-ÉMILE, DIT ÉMILE AUGIER, La Jeunesse, 1858, III, page 380 ). — Être de compte (vieilli); entrer en (ligne de) compte(s) (moderne). Avoir de l'importance, être pris en considération. Cet acte d'amour (...) n'entrait plus en ligne de comptes (ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, page 1046 ). À New York, on n'a égard qu'à l'utile et l'aspect que cela peut avoir n'entre pas en ligne de compte (JULIEN GREEN, Journal, 1943, page 19) : Ø 16. Il est justement indifférent que M. Léon Brunschvicg se réveille chaque matin avec une bonne haleine et une bonne conscience : ses livres, ses enseignements et leurs suites réelles entrent seuls dans nos comptes. PAUL NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, page 131. — Faire compte de (vieilli); tenir compte de (moderne). Prendre en considération : Ø 17. Échinez-vous toute une vie pour faire vivre vos enfants comme vous n'avez jamais vécu! Quand vous croirez avoir un pauvre mot de merci, vous aurez ça qu'on n'en fera même pas compte. On ne se soucie ni de vous ni de vos peines. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 148. Ø 18. Je m'adressais de rapides remontrances, dont la légère griserie de ma tête, la vitesse acquise du discours m'empêchaient de tenir compte. LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, page 105. · Compte tenu de. Il devait, compte tenu des meubles vendus (...) et des mois de location impayés, quelque chose comme soixante-cinq mille francs (LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, page 150 ). · Littéraire. Prendre compte de. Un homme marqué de qui nul ne prend compte (PAUL CLAUDEL, Poésies diverses, Vers d'exil, 1952, page 17 ). c) [Par référence au fait qu'un compte représente les intérêts d'une personne; par métonymie, la personne elle-même] : Ø 19. Ne savez-vous pas que les morts n'ont jamais de pitié? Leurs griefs sont ineffaçables, parce que leur compte s'est arrêté pour toujours. JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches, 1943, II, 2, page 47. — Savoir bien son compte, entendre son compte. Ne pas être facile à tromper en affaires. — Au compte, sur le compte de quelqu'un. Aux frais de quelqu'un : Ø 20. Je passe ordre pour vous de deux cents Sonchelles demain, en fin de bourse. Si elles baissent, elles sont à mon compte, si elles montent, je les tiens à votre disposition. MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 88. · Spécialement. À compte d'auteur. Aux frais de l'auteur : Ø 21. Bernard Grasset accepta de publier ma nouvelle, mais à compte d'auteur (...). Toutefois, Grasset, bon prince, s'engageait par contrat à éditer, à ses frais, mon prochain roman. ROGER MARTIN DU GARD, Souvenirs autobiographiques et littéraires, 1955, page LV. — Au compte de quelqu'un, pour le compte de quelqu'un. Pour quelqu'un. Les applaudissements étaient pour son compte, et les sifflets pour celui de l'acteur (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). Non seulement je reçois du papier timbré pour mon compte, mais encore pour les autres, pour les domestiques! (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1880, page 325 ). Au compte de qui m'interrogez-vous? À son compte ou au vôtre? (JEAN COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, II, 9, page 251 ). Chien qui chasse pour son propre compte et qui garde trop longtemps la perdrix dans sa gueule (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 276 ). · C'est pour mon compte. Tant pis pour moi. · Spécialement. [Dans la vie sociale, professionnelle] J'avais, autrefois, voyagé en Irlande pour le compte de la maison Claremoris and Son (VALÉRY LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, page 345) : Ø 22.... j'ai pendant sept ans, pour le compte d'un huissier de Charonne, assuré l'expulsion de locataires insolvables. JEAN GIRAUDOUX, La Folle de Chaillot, 1944, I, page 49. À son compte. En étant son propre patron. Être à son compte. Anciens serveurs installés à leur compte et dont l'affaire périclitait (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 222 ). — À/de compte à demi. En partageant les profits et les pertes : Ø 23. Il débaucha de Grasse un ouvrier avec lequel il commença de compte à demi quelques fabrications de savon, d'essences et d'eau de Cologne. HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 43. · Par métaphore : Ø 24.... ce mariage, n'est-ce pas, n'a pas trompé grand monde... sans aucune des joies ni de femme, ni de mère (...)... Et cela au fond, un peu à cause de vous Simon. — À cause de nous deux, ma chère, dit-il. Vous y êtes de compte à demi, je crois. MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 180. — Pour mon compte. En ce qui me concerne. Son Eminence avait ordonné des prières publiques afin d'obtenir la pluie : pour mon compte, j'eusse bien fait un pacte avec la sécheresse (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1, 1934, page 23 ). — Sur le compte de. Au sujet de. Marguerite m'a questionnée sur votre compte (ALEXANDRE DUMAS FILS, La Dame aux Camélias, 1848, page 120 ). Popaul, je le croyais régulier, loyal et fidèle. Je me suis trompé sur son compte. Il s'est conduit comme une lope (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 123 ). — [Avec une idée de responsabilité] · Prendre à/sur son compte. S'attribuer, prendre la responsabilité. Il a consenti à prendre sur son compte le crime d'un autre (HONORÉ DE BALZAC, Le Père Goriot, 1835, page 185 ). Le soldat qui prend à son compte les aventures des camarades — et à qui, somme toute, il n'est rien arrivé (ANDRÉ GIDE, Journal, 1914, page 501 ). · Mettre, imputer, passer au/sur le compte. Attribuer, faire porter la responsabilité. Mes mélancolies, mes caprices, on les passait au compte de la puberté (ALEXANDRE ARNOUX, Les Gentilshommes de ceinture. 1928, page 97 ). Des mots grossiers et balourds (...) qui seraient imputés au compte de sa folie passagère (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, page 61 ). d) [Par référence au fait qu'un compte est un instrument de relation entre des personnes] — Être en compte avec quelqu'un. Être en relations d'affaires avec quelqu'un. Martial n'a pas voulu d'argent : il dit qu'il est en compte avec vous (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 2, 1812, page 11 ). · Rare, familier : Ø 25.... messieurs les fermiers sont en compte courant avec la Kommandantur! Ils lui achètent et lui vendent, en reçoivent de l'argent! MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 29. — Familier. Être de bon compte. Être loyal en affaires. · Par extension : Ø 26.... je vous fais de légers reproches, comme je vous en ai fait de tout temps, et vous vous amusez à m'impatienter par une sécheresse de réponses qui n'a pas d'exemple. Soyez de bon compte : Me répondiez-vous ainsi dans les premiers temps que je vous ai connu? THÉODORE LECLERCQ, Madame Sorbet, 1835, 4, page 133. · Être de mauvais compte : Ø 27. Dans la chambre voisine Alphonsine renâcla, en proie à un cauchemarine Didace, volontiers de mauvais compte quand il s'agissait de la bru, songea : — Elle sait seulement pas se moucher! GERMAINE GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, page 80. — Pour solde de tout compte. Pour interrompre toute relation d'affaires. Je vous expédie par mandat postal la somme de 128 francs 30 dont vous voudrez bien m'envoyer quittance pour solde de tout compte (LÉON BLOY, Journal, 1903, page 199 ). 3. Par métonymie. Solde, généralement débiteur; par extension somme due (confer également supra II B). Emma (...) envoyait aux malades le compte des visites, dans des lettres bien tournées qui ne sentaient pas la facture (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 46) : Ø 28. MARIE. — Il me semblait bien, Monsieur Dupuis, que mon père s'était acquitté avec vous. DUPUIS. — Ne me dites pas cela, vous me feriez de la peine. MARIE. — Je suis certaine cependant, autant qu'on peut l'être, que mon père avait réglé son compte dans votre maison. HENRY BECQUE, Les Corbeaux, 1882, IV, 10, page 243. a) Locutions. — À bon compte. · Moyennant une somme modique. Une bicoque mal close (...) qu'on loue à bon compte parce que nul n'en voudrait (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, page 81 ). · Par extension. Sans se soucier de qui payera. Boire, manger à bon compte. · Au figuré. Facilement, sans grand dommage. Ninon respira et s'estima bien heureuse d'en être quitte à si bon compte (RENÉ TARDIVAUX, DIT BOYLESVE, La Leçon d'amour dans un parc, 1902, page 245 ). — Laisser quelque chose pour compte. Laisser une chose à un vendeur, un créancier; ne pas acheter. Rester pour compte. Être laissé à un vendeur, un créancier; ne pas être acheté. La réserve des bagages oubliés, et parfois laissés pour compte par les clients qui sont partis sans payer (LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, page 221) : Ø 29. Le marchand d'Anvers se refusait à prendre, au prix prévu, les trois cents tonnes de lentilles du Cantal (...). D'autre part, les lentilles du Chili, qui sont de bonne vente, risquaient aussi de rester pour compte, car le marché français était pour l'instant saturé... GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, page 205. · Au figuré. Rester, être laissé pour compte. [En parlant d'une personne ou d'une chose] Ne pas être pris en considération, être abandonné. S'il n'y a plus assez de jeunes gens pour toutes les filles, nous pouvons très bien rester pour compte (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Les Silences du colonel Bramble, 1918, page 124 ). [En parlant d'une chose désagréable] Rester. L'on t'a dit : la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse; puis, Dieu absent, la crainte t'est restée pour compte (ANDRÉ GIDE, Journal, 1933, page 1193 ). b) Spécialement. — Somme due par un employeur à un salarié. Faire son compte (vieux); donner son compte (moderne). Congédier. Si Madame me croit une voleuse, Madame n'a que me donner mon compte (OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 93 ). Demander son compte. Quitter un emploi. — Juste rétribution d'une affaire, d'une action; ce qui revient de plein droit. Faire, trouver son compte; ne pas trouver son compte avec quelqu'un (de plus habile que soi en affaires). Il a bien fait son compte dans cette recette (Dictionnaire de l'Académie française. 1835, 1878) : Ø 30. Comme le vétérinaire protestait qu'il était lésé, à cause de la dot de Juliette qui avantageait la maison d'Honoré, le père lui répondit : — C'est comme ça, mais tu as raison de gueuler. Il faut toujours essayer d'avoir plus que son compte. MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 34. c) Au figuré. — [En bonne part] Ce qui convient, ce qui plaît. La jointure de la vie édifiante avec la prospérité temporelle, où le pharisaïsme trouve son compte (et en particulier un certain protestantisme anglo-saxon) (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1, 1934, page 81 ). Dans ce naufrage de la raison, l'angoisse, la déchéance solitaire, la lâcheté piteuse et le mauvais aloi trouvaient leur compte (GEORGES BATAILLE, L'Expérience intérieure, 1943, page 59 ). · Par extension, locution. (En) avoir (pour) son compte. Avoir (une chose) en quantité suffisante, en trop grande quantité. Quant à moi, je fuis, j'ai mon compte, j'ai senti la corruption de ce lieu empesté qui me saisissait aux entrailles (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, 2e. journée, 12, page 760 ). Une soutane, pauvre garçon! qui en a son compte d'argile et de déchirements (JACQUES AUDIBERTI, L'Ampélour, 1937, page 94 ). Un litre, dame! lorsqu'on a déjà son compte! J'ai dû m'arrêter de biberonner, à bout de souffle (GEORGES BERNANOS, Nouvelle Histoire de Mouchette, 1937, page 1286 ). Spécialement. Avoir reçu une blessure mortelle : Ø 31. Sylvestre (...) se jeta sur la gauche, voyant la direction du coup qui allait partir. Mais, dans le mouvement de détente, le canon de ce fusil dévia par hasard dans le même sens. Alors, lui, sentit une commotion à la poitrine, et (...) il détourna la tête vers les autres marins qui suivaient, pour essayer de leur dire, comme un vieux soldat, la phrase consacrée : « Je crois que j'ai mon compte! » JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Pêcheur d'Islande, 1886, page 147. — [En mauvaise part] Désagrément, mauvais traitement, résultant d'une erreur, d'une faute; par métonymie, différent entre des personnes. Partir sans demander son compte : Ø 32. Il me faut recourir à tout un jeu de caleçons et de gilets, que j'enlève et remets vingt fois le jour. Si parfois je tente d'échapper à cette servitude et de me persuader qu'elle tourne à la manie, mon compte est sûr : je prends froid et j'en ai pour longtemps avec un rhume. ANDRÉ GIDE, Journal, 1943, page 214. · Régler, donner son compte à quelqu'un; recevoir son compte. Il m'a fait un affront. Nous avons un compte à régler ensemble (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, page 496 ). Règlement de comptes. Les sanglants règlements de comptes entre danseurs, soupeurs, gangsters, entraîneuses, drogués, souteneurs, prostituées et apprentis voleurs (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 247 ). Spécialement. Tuer; être tué. Nous n'avons relevé dans la maison, ni dans le parc, aucune trace de sang. Le type a reçu son compte juste à l'endroit où il est tombé (GEORGES BERNANOS, Un crime, 1935, page 776 ). Belle camelote, ton espion! Fous-y son compte, imbécile! (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 758 ). · Son compte est bon. Il subira le désagrément, le mauvais traitement qu'il mérite : Ø 33. Si les gendarmes ainsi, m'avaient pincé en vadrouille, je crois bien que mon compte eût été bon. On m'aurait jugé le soir même, très vite, à la bonne franquette, dans une classe d'école licenciée. LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 26. 4. Par extension. a) État, rapport détaillé de choses non évaluables en argent et, par extension, non quantifiables (confer compte rendu). L'Ambigu donnait une pièce nouvelle dont le compte devait être rendu par Lucien (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 429 ). La Guillaumette, d'un lent regard, s'était rendu un compte exact de la disposition des lieux (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, 2e. partie, 5, page 150 ). Vous êtes prudent, et vous tenez un compte exact de tout ce que vous faites (PAUL CLAUDEL, L'Échange, 1re. version, III, 1894, page 717) : Ø 34. Choisir les formes de courage auxquelles on se trouve spontanément porté. De là, s'élever aux autres. Saisir les bonnes occasions. Tenir un compte scrupuleux des succès et des échecs. GEORGES DUHAMEL, Journal de Salavin, 1927, page 19. · Littéraire. Prendre compte (confer infra, se rendre compte). L'expression physique de la luxure (...) c'est en feuilletant les albums de maladies vénériennes que nous en prendrons mieux compte (PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, page 48 ). — Spécialement. Rapport détaillé que l'on présente à une autorité supérieure pour se justifier; par extension, justification. Demander des comptes à quelqu'un. Je n'ai pas de compte à vous rendre; je ne suis pas en votre puissance et vous êtes dans la mienne (EUGÈNE SCRIBE, Bertrand et Raton, 1833, IV, 12, page 213) : Ø 35. «... J'estime que le refus de tuer est un signe d'élévation morale qui a droit au respect. Si vos codes et vos juges ne le respectent pas, c'est tant pis pour eux : tôt ou tard, ils auront un compte à rendre... » ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 539. · Locutions verbales. Demander compte. Il est écrit qu'au jour du jugement il nous sera demandé compte proportionnellement aux dons qui nous auront été faits (ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, page 50 ). Devoir compte. Un peuple, dont les mandataires ne doivent compte à personne de leur gestion, n'a point de constitution (MAXIMILIEN DE ROBESPIERRE, Discours, Sur la constitution, tome 9, 1789-93, page 504) : Ø 36. Celui-ci sera un jouet pour que je m'en amuse, — sur celui-ci je serai roi, à cette connaissance de hasard je devrai compte de mes actes comme l'intendant à son maître. JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux, 1945, page 33. Amener en compte (rare) : Ø 37. [On voit] pourquoi, lorsqu'on les poursuivait pour les amener en compte [les administrateurs] il [Necker] les consola si affectueusement de cette humiliation. JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, page 185. Rendre ses derniers comptes. Mourir Le patron va rendre ses derniers comptes (...) la mort le travaille (HONORÉ DE BALZAC, Gobseck, 1830, page 438 ). b) Rendre compte (locution verbale) — Emplois transitifs. · [Le sujet désigne une personne] Présenter un rapport détaillé, spécialement à une autorité supérieure pour l'informer, se justifier auprès d'elle. [Construction nominale] : Ø 38. Mais, chère Fanny, si cette femme [mademoiselle des Touches] était une sainte, elle n'accueillerait pas votre fils (...). J'irai la voir, moi (...) je vous en rendrai compte. HONORÉ DE BALZAC, Béatrix, 1839-45, page 64. [Construction verbale (+ complétive)] Rare. Le commandant du 9e. corps rend compte qu'il tient la ferme Nozet (MARÉCHAL FERDINAND FOCH, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918, tome 1, 1929, page 131 ). emploi absolu. Aller rendre compte à l'inspecteur-chef (GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, page 982) : Ø 39. Ce fut Jacqueline qui parvint à dissuader le vieux Siegfried de continuer à faire lui-même l'aumône à ses gueux. (...). Jérémie, le valet de chambre, fut chargé de la distribution. Il s'en acquittait avec des airs dégoûtés d'archiduc et venait ensuite rendre compte à son vieux maître. MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 214. · [Le sujet désigne une chose] Expliquer. L'impuissance du mécanisme à rendre compte de la vie psychologique par des enclenchements de réflexes, si complexes fussent leurs rouages (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 258) : Ø 40.... n'est-il pas étrange qu'une théorie, qui commence par opposer plaisir et douleur, finisse par invoquer les mêmes principes pour rendre compte des phénomènes cliniques de la mélancolie et de l'hilarité? JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 108. — Emploi pronominal réfléchi. Se rendre compte. Remarquer, comprendre, s'apercevoir. · [Construction nominale] J'ai fait un croquis d'un chêne, pour me rendre compte de la distribution des branches (EUGÈNE DELACROIX, Journal, 1856, page 44 ). Avec ce que j'ai dit précédemment on peut se rendre compte de ce que je ressentais (PAUL VERLAINE, Confessions, 1895, page 161 ). · [Construction verbales] Se rendre compte que, ou plus rarement, de ce que + complétive. Elle avait essayé d'« écrire », mais s'était vite rendu compte qu'elle n'avait pas de talent littéraire (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 954 ). Mortier (...) se rendit compte de ce que le Duc allait lui rester sur les bras (LOUIS ARAGON, La Semaine Sainte, page 473 dans Le Bon Usage (MAURICE GREVISSE) 1969, page 1013 ). Se rendre compte + interrogative indirecte. Je remarquai que mes souliers étaient déchirés et sales et (...) je me rendis compte combien je marquais mal (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 76) : Ø 41.... il m'était infiniment plus difficile qu'en mai d'écrire cette lettre-envoi, et que seule l'expérience me permettrait de me rendre compte si je parviendrais à y éviter le factice... CHARLES DU BOS, Journal, 1928, page 172. Remarque : Les constructions verbales sont condamnées par les puristes. · emploi absolu. Je te dis tout ça mon petit, C'est pour que tu te rendes compte, Que tu saches... (PAUL GÉRALDY, Toi et Moi, Tendresse, 1913, page 57 ). Il ne se rendit pas bien compte tout d'abord. Très vite pourtant il eut conscience qu'il était seul, sans le trot d'Aïcha près de lui (MAURICE GENEVOIX, Raboliot, 1925, page 167 ). Familier. [À la 2e. personne du singulier ou du pluriel de l'indicatif ou de l'impératif; sert à souligner une affirmation] Rendez-vous compte! Un million! tu te rends compte, Anny, un million qui me file sous le nez (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 134 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 12 298. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 13 843, b) 16 131; XXe. siècle : a) 16 228, b) 22 079. Forme dérivée du verbe "compter" compter COMPTER, verbe. I.— Emplois transitifs. A.— 1. Déterminer une valeur ou une grandeur numérique par un calcul ou une suite de calculs, ou, le plus souvent, par une énumération, un dénombrement. Compter son argent. J'essayai de m'endormir en comptant des moutons (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Climats, 1928, page 105 ). Le garçon comptait et recomptait son addition (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 384) : Ø 1. Sous prétexte d'être fidèle au mécanisme philosophique, préférer, en physique, les modèles mécaniques à des exposés mathématiques, serait aussi enfantin que de vouloir compter les objets en calculant sur ses doigts au lieu de faire une opération avec des chiffres, sous prétexte que l'on n'accepte pas la conception idéaliste du nombre. RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 231. a) [Le verbe est suivi d'une complétive ou d'une interrogation indirecte] On ne saurait compter combien de désastres auraient pu être épargnés à la France, si ce parti de jeunes gens se fût réuni avec les modérés (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, tome 1 1817, 1817, page 240) : Ø 2. La fenêtre lui ayant enfin donné tout ce qu'il attendait d'elle, il revint sur la chaise longue. Largilier compta que c'était la quatrième fois qu'il se déplaçait ainsi. JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 480. b) Emploi pronominal. — Passif : Ø 3. Il y a du temps dans l'éternité même; mais ce n'est pas un temps terrestre et mondain, qui se compte par le mouvement et la succession des corps;... JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 330. — Réfléchi. Ne recommençons pas la pagaille. Comptez-vous par dix (ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 486 ). c) emploi absolu. Elle avait dix-huit ans et un mois. Je comptai sur mes doigts et trouvai qu'elle ne serait pas majeure avant deux ans et onze mois (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, page 454 ). Je compte : 1903 moins 69. Cela fait 1834 (PAUL LÉAUTAUD, In memoriam, 1905, page 186 ). — Spécialement. · Énumérer la suite des nombres entiers. Les petites filles qui veulent apprendre à compter jusqu'au milliard (JEAN GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, II, 1, page 85 ). Je compte jusqu'à 3. 1... 2... 3... (ALBERT CAMUS, Révolte dans les Asturies, 1936, II, 4, page 419 ). · À compter de. En prenant comme début, à partir de. Qu'on ne tire rien sans mon « bon », à compter de la feuille 16 inclusivement que j'ai (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1838, page 501 ). C'est à compter du quinzième siècle que nous rencontrons, non plus des chanteurs ambulants, mais de vrais écrivains (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 1, 1888, page 50 ). · Faire des comptes d'argent. Il [Graslin] voulut compter avec la cuisinière, il entra dans les minuties de la dépense (HONORÉ DE BALZAC, Le Curé de village, 1839, page 44 ). Rare. Compter de : Ø 4. Ne vous donnez nul souci de ces quatre cents francs; je les donnerai le mois prochain à Lisette, et, à notre première rencontre, nous en compterons. HONORÉ DE BALZAC, Lettres à l'Étrangère, tome 2, 1850, page 450. Savoir compter. Savoir veiller à ses intérêts. Vieilli. Compter sans son hôte. Ne pas prendre en considération l'avis d'une personne avec laquelle on est en relations d'affaires, au risque d'essuyer un mécompte; par extension se tromper. Qui compte sans son hôte, compte deux fois : Ø 5.... elle [Jeanne] avait fait raser ses magnifiques cheveux (...) elle espérait que ce pénible sacrifice (...) lui en épargnerait de plus pénibles encore. Elle avait compté sans son hôte. M. de Maurescamp (...) trouva que cette coiffure de petit soldat lui prêtait quelque chose d'original et de piquant OCTAVE FEUILLET, L'Histoire d'une Parisienne, 1881, pages 29-30. d) Locutions proverbiales. — Brebis comptées, le loup les mange (vieux). L'excès de précautions peut être funeste. — Compter (tous) les pas de quelqu'un. Surveiller quelqu'un très attentivement. — Compter les clous de la porte (familier). Attendre devant une porte fermée. Il la prend par la main, la ramène jusque sur les marches. Maintenant, compte les clous de la porte, tu sauras combien il y en a (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 133 ). — Compter les points, les coups. Assister sans intervenir à une discussion, une lutte. Messieurs Philip et Gazier menèrent l'attaque avec passion, soutenus par les applaudissements de leurs collègues socialistes; les radicaux comptant les coups (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, page 279 ). e) Littéraire. [La chose à dénombrer est quantifiable par suite d'une décision de la personne qui compte] L'heure où l'on compte ses fatigues, où l'on regarde avec épouvante les gerçures de sa peau (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1853, page 342 ). — emploi absolu. Compter avec soi-même. Examiner sa conduite, se fournir des explications : Ø 6. Son premier projet [de l'auteur] (...) était de donner l'oeuvre toute seule au public (...). C'est après l'avoir dûment close et terminée, qu' (...) il s'est déterminé à compter avec lui-même dans une préface... VICTOR HUGO, Préface de Cromwell, 1827, page 36. — Emploi pronominal passif. Toute une ville se repent pour lui [Égisthe] . Ça se compte au poids, le repentir (JEAN-PAUL SARTRE, Les Mouches, 1943, I, 1, page 18 ). 2. Spécialement. a) [Le complément d'objet désigne une unité de temps] Dénombrer les unités écoulées en trouvant le temps long. Tout le monde bâille en comptant les heures qui jamais ne finissent (EUGÉNIE DE GUÉRIN, Journal intime, 1835, page 80 ). Trois jours s'écoulèrent, soixante-douze mortelles heures comptées minute par minute! (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 173 ). Scott comptait les jours quand il était dans la tranchée : or celui-ci était le premier de dix (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Les Silences du colonel Bramble, 1918, page 86 ). b) [Le complément d'objet désigne une somme d'argent] Déterminer sa valeur pour la payer et, par métonymie, la payer. Veuillez (...) me compter la somme convenue (GÉRARD DE NERVAL, Petits châteaux de Bohême, 1853, page 32 ). Le monsieur, alors, l'a prié de signer un billet et lui a compté autant d'argent qu'il en a voulu (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, page 98 ). Il n'était point d'homme un peu raisonnable qui voulût compter monnaie à une vertu d'aussi piètre ragoût (MARCEL AYMÉ, Le Vaurien, 1931, page 91 ). c) Déterminer la valeur d'une chose pour la faire payer à quelqu'un. Vous m'avez compté le mètre de terrain à deux cent cinquante francs (ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 358 ). Oh! On la connaît! On lui comptera du brut et on nous servira du mousseux (JEAN ANOUILH, La Sauvage, 1938, I, page 149 ). d) Attribuer, utiliser avec parcimonie. Il lui mesurait le vin, il lui pesait la viande, il lui comptait le sommeil (VICTOR HUGO, L'Homme qui rit, tome 2, 1869, page 6 ). Le rêve est à la terre dont les jours sont comptés, la réalité est à l'éternel (OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, page 244 ). Que ne pouvons-nous, sans compter notre temps, ouvrir le dossier? (MAURICE BARRÈS, Le Génie du Rhin, 1921, page 57 ). — Emploi absolu : Ø 7. Il n'a pas simplement emprunté aux mystiques allemands de nombreuses expressions, puisant sans compter dans l'immense richesse de leur admirable vocabulaire;... ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, page 88. · Spécialement. [Le complément d'objet sous-entendu désigne de l'argent, des biens matériels] Le music-hall (...) fit (...) de moi, tout étonnée de compter, de débattre et de marchander, une petite commerçante honnête et dure (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Vagabonde, 1910, page 35 ). Elle recevait à ravir avec beaucoup d'aisance, et dépensait sans compter son énorme fortune (SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Souvenirs d'une petite fille, 1928, page 222 ). — Locutions. · Compter les morceaux à/de quelqu'un. (vieilli). Le réduire à la portion congrue. · Compter ses pas. Marcher lentement. Au figuré. Agir avec circonspection. e) Indiquer, marquer. — Vieux, littéraire. [Le sujet désigne une personne] Cet homme, puissant à briser les obstacles, Comptait depuis longtemps ses jours par des miracles (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Caligula, 1837, I, 2, page 42 ). — [Le sujet désigne une chose] La lampe à huile compte goutte à goutte les secondes (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Ingénue libertine, 1909, page 1 ). La trotteuse qui compte les secondes, bonds par bonds (ALEXANDRE ARNOUX, Visite à Mathusalem 1961, page 15) : Ø 8. Les campanes de Venise Et les cloches de Moscou, l'horloge de la Porte-Rouge qui me comptait les heures quand j'étais dans un bureau... BLAISE CENDRARS, Du Monde entier au coeur du monde, Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, 1913, page 48. 3. Par extension. a) [Le complément d'objet fait partie d'un ensemble dénombrable] Inclure dans un ensemble, un total. Une facture de deux cent soixante-et-dix francs sans compter les centimes (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 2, 1857, page 28 ). Ces gars-là, en février, étaient deux ou trois mille si l'on compte les communistes (ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 237 ). — Emploi pronominal. · Passif. Dès l'an neuf cent, les Laginski se comptaient parmi les familles illustres du Nord (HONORÉ DE BALZAC, La Fausse maîtresse, 1841, page 8 ). · Réfléchi. Quand il faut donner la pâtée à une famille de sept personnes, sans se compter, il y a du tirage! (EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, 1842-43, page 122 ). b) Au figuré, littéraire. Prendre en considération, tenir compte. Le forfait/N'est pas toujours compté pour celui qui le fait (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Christineou Stockolm, Fontainebleau ou Rome. 1830, 6, page 300 ). Un effort qui, je l'espère me sera compté par vous (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine s'en va, 1903, page 105 ). · [Le verbe est suivi d'une complétive] Elle [la princesse] n'eut alors que vingt ans! Mais comptez qu'elle s'était préparée à cette heure de comique mensonge avec un art inouï dans sa toilette (HONORÉ DE BALZAC, Les Secrets de la princesse de Cadignan, 1839, page 349 ). Courant. Sans compter que : Ø 9. On remarquera enfin que le rouge et la poudre, de même que les ornements plus primitifs, comme tatouages ou plumes, ont pour effet de dissimuler et d'affaiblir la plupart des mouvements de la physionomie, sans compter qu'ils obligent aussi à les retenir; ainsi naît l'expression, toujours composée. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Système des beaux-arts, 1920, page 63. · Emploi absolu, courant. Compter avec quelqu'un, quelque chose. L'armée hollandaise (...) représente une force avec laquelle toute puissance militaire (...) doit compter (JEAN JAURÈS, L'Armée nouvelle, 1911, page 493) : Ø 10. Le pouvoir de tous ne compte avec personne, le pouvoir d'un seul est obligé de compter avec les sujets, avec les grands comme avec les petits. HONORÉ DE BALZAC, Sur Catherine de Médicis, 1843, introduction, page 11. · [Le complément est suivi d'un déterminant] La maladie à laquelle nous consentons, nous est comptée à crime, comme si nous l'avions provoquée et voulue (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1866, page 415 ). [Il] avait laissé percer des opinions et des sentiments qui ne lui furent pas comptés pour bons (JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, page 288) : Ø 11. Monsieur prend femme, c'est fort bien, Il la prend jeune et belle : Mais, comptant ses amis pour rien, Monsieur la prend fidèle. PIERRE-JEAN DE BÉRANGER, Chansons, tome 1, Le Célibataire, 1829, page 149. Ø 12.... l'homme qui paye bien n'a pas pour cela toutes les vertus, cela est certainement religieux, mais serait aisément compté comme irreligieux orgueil. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1933, page 1129. — En particulier. Attribuer une grande valeur. Du Guet dont les opinions étaient fort comptées dans l'Oratoire (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 367) : Ø 13.... je ne me vante pas d'avoir tenu le premier rang parmi les illustres, mais je n'ai pas non plus été relégué au dernier; on me compte; enfin je suis quelqu'un; mon opinion a du poids au club,... JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, page 82. · Emploi pronominal réfléchi : Ø 14. L'insouciance que j'avais de ma personne me trompa sur l'importance des faits : la plupart des hommes ont le défaut de se trop compter; j'ai le défaut de ne me pas compter assez : je m'enveloppai dans le dédain habituel de ma fortune;... FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 621. 4. Par métonymie. a) Avoir, comporter. — [Le sujet désigne une personne ou un ensemble de personne ou de choses relatives à des personnes] Clapart ne pouvait pas prétendre à une retraite, ne comptant point assez d'années de services au Trésor (HONORÉ DE BALZAC, Un Début dans la vie, 1842, page 420 ). Ma cousine Éva (...) comptait dix-neuf ans (FRANCIS JAMMES, Les Robinsons basques, 1925, page 173) : Ø 15. Papa était l'un des plus grands sirphidiens du monde. C'est, il est vrai, une corporation qui ne compte pas cent membres. HERVÉ BAZIN, Vipère au poing, 1948, page 41. · Compter dans. Ces enfants mores de haut rang, princes sordides sous la djellaba bleue, qui comptent dans leur ascendance quelque chrétienne capturée (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, page 425 ). Le parti autrichien (...) devait bientôt compter dans ses rangs le nouvel empereur (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, page 167 ). · [Le complément d'objet est suivi d'un attribut] Si je le contredis, il me brisera. Et il compte ma soeur pour alliée (PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, page 470 ). — Par extension. [Le sujet désigne une chose] Trois corps de bâtiment comptant à chaque étage trente-huit fenêtres (PAUL VERLAINE, Œuvres posthumes, tome 1, Souvenirs, 1896, page 236 ). Le bourg ne comptait qu'une trentaine d'électeurs (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, La Vie de Disraëli, 1927, page 80 ). Une jeune futaie compte ordinairement de quarante à soixante ans (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1928, page 21 ). b) [Le sujet est un indéfini] Pouvoir compter. En un an, on compte quatorze cents meurtres à Gand (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Philosophie de l'Art, tome 2, 1865, page 3 ). Sur le côté ouest, on comptait d'abord trois tours, puis les deux tours de la porte (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, tome 1, 1908, page 126 ). — En particulier. · Compter les os, les côtes (d'une personne, d'un animal très maigre). — Un seul cheval! — Et pas beau. On lui compte les côtes (RENÉ BAZIN, Le Blé qui lève, 1907, page 351 ). · [Le complément d'objet désigne une chose rare, ou, avec l'emploi d'une négation, une chose abondante] : Ø 16. Ces faux biens nous abusent; on ne recherche plus Dieu, parce qu'on ne voit pas qu'on est pauvre. On se croit riche parce qu'ils sont nombreux; on en a tant; on ne les compte plus... Il n'y a qu'un bien qui fasse riche : c'est Dieu. ANDRÉ GIDE, Journal, 1891, page 27. Emploi pronominal passif : Ø 17. La Providence, pour une fois, faisait bien les choses; cela lui arrive, exceptionnellement; ses ratages ne se comptent plus. ALEXANDRE ARNOUX, Roi d'un jour, 1956, page 210. B.— Au figuré. Déterminer une valeur ou une grandeur numérique future, la probabilité de réalisation d'une chose espérée. 1. [Construction nominale] Prévoir, s'attendre à. Je suis parti (...) pour le col de Bormes. Il faut compter six bonnes heures de chemin (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 329) : Ø 18. Mais un enfant comprendrait qu'à partir de la seconde année l'affaire entre en pleine prospérité et que tout le monde achètera l'alcool Mazarakis-Meillan et Compagnie. Ce n'est donc pas dix mille, c'est trente mille litres par jour qu'il faut compter au minimum. FRANCIS DE MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau. 1908, page 83. 2. [Construction verbale] Espérer, avoir l'intention de. a) Compter que + complétive. Je compte que l'on me régalera à mon arrivée d'un trio piano, violon et cor de chasse (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1858, page 284 ). Je compte bien que vivre ne deviendra jamais pour moi une habitude (HENRI DE MONTHERLANT, Le Démon du bien, 1937, page 1356 ). b) Compter + infinitive. J'ai découvert ce matin un cheval qui vaut de l'or (...) je compte le faire courir à Chantilly (EUGÈNE LABICHE, Le Misanthrope et l'Auvergnat, 1852, 4, page 143 ). Le sujet dont je compte vous entretenir cette année est l'histoire de l'art (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Philosophie de l'Art, tome 1, 1865, page 1 ). — Vieux. Compter de + infinitive : Ø 19. Ah! qu'ils ne reposent point leur confiance dans leurs bienfaits, ceux qui commandent à la terre! Qu'ils sèment, mais sans compter de recueillir. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Fragments du Génie du christianisme primitif, 1800, page 218. 3. emploi absolu. Compter sur quelqu'un, quelque chose. a) Compter sur quelqu'un.. S'attendre à un comportement favorable de la part de quelqu'un, lui faire confiance. Ne pouvoir compter sur personne. J'ai compté sur vous pour me rendre un petit service (EUGÈNE LABICHE, Le Misanthrope et l'Auvergnat, 1852, 4, page 142) : Ø 20. C'est toujours la même histoire, dans la vie : il y a des gens sur qui l'on compte, et dont on a besoin, qui ne font pas leur devoir; de sorte que ceux qui continuent de faire le leur font figure de poires et paraissent être joués. ANDRÉ GIDE, Journal, 1918, page 648. — Par extension. Ça, question de nous en faire baver, on peut compter sur Simon (MARCEL AYMÉ, Vogue la galère, 1944, page 161 ). — Par antiphrase, familier. Compte sur moi! b) Compter sur quelque chose. S'attendre à, espérer. Compter sur l'aide, l'appui, la reconnaissance de quelqu'un. Il [Riesener] remportait l'inquiétude d'avoir par trop compté sur ma bénignité (EUGÈNE DELACROIX, Journal, 1854, page 146) : Ø 21. — C'te ferme, vous n'voulez toujours point m'la vendre? — Pour ça, non. N'y comptez point. C'est dit, c'est dit, n'y r'venez pas. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Le Petit fût, 1884, page 147. — Par antiphrase, familier. Compte là-dessus et bois de l'eau fraîche! : Ø 22. Tu sais, il y en a qui disent aux pisseuses qu'ils veulent envoyer dinguer : je pars pour l'Algérie, bonsoir, mon andalouse, geins pas, je t'enverrai des dattes, — et intérieurement ils pensent : compte là-dessus, il pleut! GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard, 1879, page 125. II.— Emplois intransitifs. A.— Être inclus dans un ensemble, un total. N'être plus là, compter au rang des coeurs cachés (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 2, Amour, 1888, page 14) : Ø 23. Celui-là peut compter parmi les grands défunts, Car son bras a guidé la première carène À travers l'archipel des Jardins de la Reine... JOSÉ-MARIA DE HEREDIA, Les Trophées, 1893, page 114. B.— Avoir une certaine importance. Paris est superbe. Les journées y comptent double pour la pensée et pour la vie (OCTAVE FEUILLET, Monsieur de Camors, 1867, page 260 ). Elle n'avait jamais compté pour rien dans sa famille (GUY DE MAUPASSANT, Une Vie, 1883, page 49 ). L'honneur est pour moi la chose qui compte le plus au monde (MARCEL AYMÉ, Uranus, 1948, page 268) : Ø 24. Hugo se plaît à faire rimer deux sonorités diphtongues, l'une comptant pour deux syllabes, l'autre pour une. ANDRÉ GIDE, Journal, 1949, page 343. · Populaire. Compter pour du beurre. N'avoir aucune importance, ne pas être pris en considération. « Ça compte pour du beurre », disent les enfants quand la vraie partie n'est pas encore commencée, quand on joue à l'essai (ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 13 ). — [Sans déterminant] Avoir une grande importance. Je compte dans le pays; on me salue très bas quand je passe (HENRY BECQUE, La Parisienne, 1885, III, 2, page 319 ). Ces jours terribles, où nous savons tous que chaque geste compte, que chaque parole a son poids éternel (FRANÇOIS MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, page 474) : Ø 25. Les seuls livres qui comptent sont ceux dont on peut dire que l'auteur serait mort étouffé s'il ne les avait pas écrits. JULIEN GREEN, Journal, Le Bel aujourd'hui, 1955-58, page 190. Remarque : 1. On rencontre dans la documentation quelques exemples du participe passé adjectivé a) Vous êtes serré, ficelé, harnaché dans vos habits de bal; vous allez à pas comptés, regardant, observant (Honoré de Balzac, Petites misères de la vie conjugale, 1846, page 29). Je le savais bien, va, que c'était fini (...). Ah! pauvres jours comptés, qu'on n'a pas pu passer ensemble (Alphonse Daudet, L'Évangéliste, 1883, page 64) (confer I A 2 d). b) Bien compté. Au moins. C'était quinze kilomètres bien comptés, au retour, avec deux mille kilos pour les cailloux seulement (Joseph de Pesquidoux, Le Livre de raison, 1932, page 76). Confer de bon compte. 2. On rencontre dans la documentation a) Le substantif masculin compte-globules. Instrument qui compterait les globules. Le docteur avait eu le temps (...) de lire (...) le compte rendu (...) d'un mémoire qu'il avait présenté (...) au grand Congrès international d'Hygiène, sur un " compte-globules du sang " dont il était l'inventeur (Jules Verne, Les 500 millions de la Bégum, 1879, page 6). b) Le substantif masculin compte-paroles. Instrument qui compterait les paroles. Mme. Vernet continue. Elle a produit son effet et laisse tomber sa phrase comme avec un compte-paroles (Jules Renard, L'Écornifleur, 1892, page 245). c) Le substantif féminin compterie. Action de compter. J'adore beaucoup de vos pièces et non des moins hardies, dans l'envoyage faire foutre des rimes minutieuses et des compteries par trop sur les doigts (Paul Verlaine, Correspondance [avec Gustave Kahn] , 1887, page 188). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 11 998. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 16 250, b) 17 178; XXe. siècle : a) 16 108, b) 18 276. DÉRIVÉS : Comptage, substantif masculin. Action de compter. Radioactivité des solides déterminée par comptage de rayons a (Journal de chimie et de physique. 1936, page 78 ). Les repérages de la présence de choses agglomérées dans un lieu sont utilement complétés par le dénombrement des quantités transportées d'un point vers un autre, ou le comptage des passages d'un objet en un point (FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe. siècle. 1964, page 202 ). COMPOSÉS : 1. Compte-fils, substantif masculin Petit instrument constitué d'une loupe surmontant une ouverture carrée, servant à compter les fils d'un tissu. Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux — Confer compte. — 1re. attestation 1832 (RAYMOND); composé de la forme verbale compte (de compter) et de fil*. 2. Compte-pas, substantif masculin Petit instrument servant à compter les pas effectués par celui qui le porte. Synonymes : odomètre, podomètre. Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux — Dernière transcription dans DG : kont'-pá. Pour la non-prononciation de p, confer compte.— 1re. attestation 1647 comtepas (Mersenne, in CHR. HUYGENS, Œuvres complémentaires, i, 74 dans AUGUSTE BARBIER, Miscelleanées 24, no. 4); composé de la forme verbale compte (de compter) et de pas*. 3. Compte-tours, substantif masculin Mécanisme permettant de déterminer le nombre de tours effectués dans un temps donné par l'arbre d'un moteur; par métonymie, le cadran indiquant ce nombre. Synonyme : vieilli compteur de tours. L'avion volait à 30 degrés soutenu par un seul moteur. Langlois, le second pilote, indiqua de l'index le compte-tours : 1 400 au lieu de 1 800 (MALRAUX, L'Espoir, 1937, page 822). — Pour la non-prononciation de p, confer compte.— 1re. attestation 1907 (L. PÉVISSE, Traité général des automobiles à pétrole, page 440); composé de la forme verbale compte (de compter) et de tour* « révolution, rotation »; confer compteur de tours 1861 (J. ARMENGAUD, Traité des moteurs à vapeur, tome 2, page 582). — Fréquence absolue littéraire : 4.

« marquant son d?but.

Compte ? rebours avant le lancement d'une fus?e.

2.

Au pluriel.

Calculs d'argent.

Les bons comptes font les bons amis*.

Apr?s avoir fait mes comptes, je trouvai qu'avec ces mille francs, je paierais mes petites dettes et que je serais habill?e ? neuf (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, page 173 ).

B.? Proverbes.

1.

? tout bon compte revenir.

" On doit toujours ?tre re?u ? recommencer le calcul fait avec le plus de soin, et ? s'assurer s'il est exact " (Dictionnaire de l'Acad?mie Fran?aise).

2.

Erreur n'est pas compte.

On peut toujours revenir sur un compte faux, et par extension, sur une erreur.

Il s'?tait tromp?! Ah! M?garde! Et depuis longtemps! Ah! Erreur n'est pas compte! (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT C?LINE, Mort ? cr?dit, 1936, page 556 ).

C.? Locutions.

1.

Faire son compte.

a) Vieilli.

Esp?rer.

Il fait son compte de partir demain.

Il croyait que ses amis l'assisteraient, il faisait son compte l?-dessus (Dictionnaire de l'Acad?mie fran?aise.

1835-1932).

b) Moderne, familier.

Commettre une maladresse.

Fichu malagauche (...) comment diable qu't'as fait ton compte? (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, 2e.

partie, 8, page 192 ). 2.

(De) compte(s) fait(s), r?gl?(s) (vieilli); tout/s compte(s) fait(s) (moderne).

Apr?s avoir fait un/des compte(s). De compte r?gl?, la mouture d'un setier revient ? 25 l (JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle d?nonciation contre Necker, 1790, page 181 ).

Il [M.

de Lescure] a trouv? de compte fait jusqu'? cinquante-six ma?tresses connues ? ce roi vaillant [Henri IV] (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 9, 1863-69, page 2 ).

Don Simuel L?vi, tr?sorier des Castilles, d?tient, tous comptes faits, dans les coffres royaux, trois mille doubles d'or (CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Po?mes tragiques, Les Inqui?tudes de Simuel, 1886, page 154 ).

? Au figur?.

Tout bien consid?r?.

De compte fait, je serais sans frayeur des r?publiques, comme sans antipathie contre leur libert?: je ne suis pas roi; je n'attends point de couronne (FRAN?OIS-REN? DE. »

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