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1 - ANALYSE GÉNÉRIQUE Le genre est traditionnellement ce qui permet d'em­ blée d'appréhender une œuvre. Or, en l'occurrence, la...

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« 1 - ANALYSE GÉNÉRIQUE Le genre est traditionnellement ce qui permet d'em­ blée d'appréhender une œuvre.

Or, en l'occurrence, la chose ne semble guère aisée : comment définir le genre de Dom Juan? Voici une comédie qui comporte des éléments farcesques, quelques traits de la comédie d'in­ trigue et de la comédie de mœurs, sans compter les quelques caractères de la tragédie qui s'y font sentir, ce qui ne manque pas de poser problème. ■ L 3: comédie farcesque Nombreux sont les éléments de farce dans le Dom Juan de Molière, qui se distingue en cela des tragi­ comédies de Dorimon et de Villiers.

L'auteur s'inspire en l'occurrence des traditions populaires françaises et italiennes. Les jeux de scène Le premier élément caractéristique de la farce, surtout pour le spectateur, réside dans les jeux de scène, qui sont légion, surtout à l'acte II.

Parfois, ils ne sont pas inscrits dans le texte, comme dans la scène II, 2 lorsque Sganarelle adresse à son maître les reproches suivants: « au lieu de rendre grâce au Ciel de la pitié qu'il a daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à attirer sa colère par vos f.mtaisies accoutumées et vos amours cr.

..

Paix! coquin que vous êtes; vous ne savez ce que vous dites, et Monsieur sait ce qu'il fait. Allons.» Le lecteur doit imaginer ici le jeu de scène et le geste de menace de Don Juan à l'égard de son valet.

Celuici, aussitôt, pour éviter le coup qu'il aperçoit, change, comme on dit, son fusil d'épaule, et sans même terminer le mot qu'il entamait, « criminelles», adopte le discours supposé du maître.

Sganarelle, au lieu de terminer son sermon à lui, prononce le sermon probable de son maître. Dans la scène qui suit, cette fois, les coups ne peuvent être parés ; ils pleuvent littéralement sur le pauvre Pierrot, et sont tout à fait indiqués dans le texte de la pièce: « Heu.

( Don Juan lui donne un soufflet.) Testigué ! ne me frappez pas.

(Autre soufflet.) Oh! jernigué ! (Autre soufflet.) Ventrequé ! (Autre soufflet.) Palsanqué ! Morguenne! » Le pauvre homme, qui n'en peut mais, reçoit coup sur coup, et chaque nouvelle plainte qu'il exprime semble déclencher automatiquement un nouveau soufflet, qui engendre une nouvelle plainte, et ce, interminablement.

Bien sûr, la situation est cruelle pour Pierrot, puisque non seulement il voit sa promise 30 DoM]UAN J \ badiner avec un gentilhomme, mais il doit aussi recevoir de ce dernier des soufflets à répétition, sans pouvoir répliquer.

Cependant, la scène ne peut manquer de susciter le rire des spectateurs. ( t [ rt Cette même scène est fort riche de jeux de scène de ce genre.

Don Juan s'approche de Pierrot pour le frapper, mais celui-ci, instruit des procédés de celui-là, se cache derrière Charlotte; Don Juan passe alors de ce côté, et Pierrot repasse de l'autre; comme Don Juan court après Pierrot, Pierrot se sauve encore derrière Charlotte.

Et cette folle poursuite est faite pour amuser, bien sûr.

Or, son issue n'est pas peu cocasse. Comme Pierrot se campe fièrement devant Sganarelle, c'est celui-ci qui reçoit finalement le soufflet qui était destiné à celui-là, et voilà le pauvre valet qui reçoit lui aussi le coup qu'il avait cru jusqu'ici éviter. Dans la scène II, 4, Don Juan se trouve en difficile posture, puisqu'il doit convaincre Mathurine· et Charlotte, toutes deux présentes, que chacune est bien sûr son unique bien-aimée, et que l'autre ne dit que des sornettes.

Les didascalies, c'est-à-dire les indications scéniques, se succèdent de la sorte : « bas, à Charlotte», « bas, à Mathurine», « bas, à Charlotte», « bas, à Mathurine », « bas, à Charlotte », « bas, à Mathurine», et les choses pourraient durer ainsi éternellement, tant que les spectateurs continuent à rire à gorge déployée. Ces jeux de scène farcesques se retrouvent ainsi tout au long de la pièce.

Dans la scène III, 1, c'est Sganarelle qui raisonne doctement sur l'existence de Dieu, et qui « se laisse tomber en tournant», ce à quoi Don Juan répond: «Bon! Voilà ton raisonnement qui a le nez cassé.

» Dans la scène IV, 7, c'est Sganarelle encore qui tente de manger, et à qui, chaque fois, un laquais ôte, pour ainsi dire, le pain de la bouche.

ÉviÉTUDE DU TEXTE 31 demment, outre les indications données par l'auteur, le metteur en scène éventuel peut, et même doit, proposer d'autres jeux de scène, qui ne manqueront pas d'amuser le public.

Le lecteur remarquera, cependant, que ces scènes se font plus rares à mesure que l'action avance, puisque la menace tragique qui pèse se fait de plus en plus précise vers la fin de la pièce.

Il convient de noter aussi 'que ces scènes farcesques concernent souvent Sganarelle, et ce n'est pas étonnant, car ce personnage garde chez Molière encore beaucoup des caractères de la commedia dell'arte par où il a passé. Le registre du bas Outre les jeux de scène, un autre élément caractéristique du style farcesque, c'est le registre du bas.

Si la tragédie est un genre noble et élevé, mettant en scène, le plus souvent, des personnages de qualité, des seigneurs et des princes, la farce met en scène des personnages bas, dans un registre adapté à leur condition. l \• La scène II, 1 est à cet égard exemplaire.

Molière n'hésite pas à reproduire le parler populaire des paysans d'Ile-de-France sur le théâtre, et le récit que fait Pierrot à Charlotte ne manque pas de saveur : « Enfin donc, j'estions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarre que je nous jesquions à la teste; car comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi par fouas je batifole itou » Ce parler s'oppose évidemment à l'usage de la Cour, traditionnellement considéré comme le « bon » usage. Les écarts sont d'ordre syntaxique ( « j'estions » ), et phonétique ( « tarre » ).

Le signifiant marque donc déjà la bassesse du discours dans le système des valeurs sociales de la société classique.

Mais le signifié est un indice aussi sûr pour montrer la vulgarité des person32 DOM]UAN l j l l ' \ nages.

Le gros Lucas aime à lancer des mottes de terre. Quoi de plus bas, évidemment, que des mottes de terre ? Certaines versions italiennes ou espagnoles de la légende utilisaient, dans les scènes correspondantes, de charmants bergers, selon le style galant de la pastorale. Rien de tel, ici.

Au contraire, loin de cette délicatesse, Molière accuse le côté grossier du personnage, qui n'en est pas moins sympathique pour autant, bien entendu. C'est ici, quasiment, une parodie de la pastorale ordinaire, qui, au lieu de montrer des bergers idéalisés, met en scène des paysans en un style réaliste, pour mieux montrer, par contraste, le caractère faux et précieux des pastorales classiques. Quand survient Don Juan, il n'a aucun mal à se montrer bien supérieur au pauvre Pierrot dans l'art de la langue, et à l'emporter, par conséquent, puisque la séduction est avant tout un art de la parole : « D'où me vient, la belle, une rencontre si agréable? Quoi? dans ces lieux champêtres, parmi ces arbres et ces rochers, on trouve des personnes faites comme vous êtes? » Les questions oratoires, l'apostrophe galante, le style en somme, bien plus élevé, montre assez la distance entre Pierrot et Don Juan.

Don Juan est un personnage de tragédie qui joue la comédie galante; Pierrot est un personnage farcesque qui s'essaie aux galanteries pastorales. Une autre scène joue aussi sur le registre du bas, mais d'une autre façon.

Après le départ des deux frères, Don Carlos et Don Alonse, dans la scène III, 5, Don Juan interpelle son valet: «DONJUAN Holà, hé, Sganarelle ! ÉTUDE DU TEXTE 33 SGNANARELLE Plaît-il? DON JUAN Comment? coquin, tu fuis quand on m'attaque? SGANARELLE Pardonnez-moi, monsieur; je viens seulement d'ici près.

Je crois que cet habit est purgatif, et que c'est prendre médecine que de le porter.

» Le premier motif farcesque qui apparaît ici est la couardise de Sganarelle.

Aux nobles gens, à l'instar de Don Juan, il appartient de faire preuve de bravoure, et il vient, en effet, à l'instant, dans la scène III, 3, de porter secours à un homme qu'attaquaient trois voleurs; aux êtres bas, comme l'est Sganarelle, la poltronnerie, attitude ordinaire, et cela est forcément comique, surtout avec ce ton innocent qu'il adopte, comme si de rien n'était : « Plaît-il? » Mais un second motif farcesque se fait jour, qui appartient encore plus au registre du bas, à l'évidence, c'est la scatologie.

Bien sûr, au moment précis où le danger survient, Sganarelle est, comme par hasard, pris d'une soudaine envie que, dit-il, provoque son habit. Cette diarrhée opportune, si elle est vraie, est sans doute moins liée aux vertus singulières du vêtement qu'à la peur atroce que le poltron a pu éprouver. Sganarelle est de toute façon un personnage de farce, bas et plaisant.

Son appétit, dans la scène IV, 7, déjà citée, est mis à rude épreuve, puisque, nouveau supplice de Tantale, on lui retire la nourriture qu'on lui apporte, pour son plus grand malheur; or dans la tradition italienne, le valet est toujours un glouton.

Par conséquent, ce détail est encore utilisé par Molière pour exploiter le registre du bas qui convient nécessairement à la farce, et qui rend plus drôle aussi la comédie. 34 DOM]UAN La réduplication Un dernier élément, après les jeux de scène et le registre du bas, manifeste le caractère farcesque occasionnel de cette comédie : la réduplication.

II est fréquent, dans la farce, en effet, que tel ou tel effet se trouve répété, ce qui a pour conséquence inévitable de provoquer le rire des spectateurs et le sourire des lecteurs, pour le moins.

Dans la scène II, 4 où Don Juan tente de convaincre tour à tour Mathurine et Charlotte de son amour exclusif pour chacune des deux, la séquence« bas, à Charlotte», puis« bas, à Mathurine» est répétée six ou sept fois, ce qui est proprement un procédé farcesque. Le même procédé est à l'œuvre dans la scène IV, 3, lorsque M.

Dimanche vient réclamer son argent.

II a beau faire, il ne peut placer un mot, tout accablé qu'il est par les honneurs et préventions que lui prodigue son débiteur.

Ce ne sont que des « J'étais venu ...

», « Monsieur, vous vous moquez, et...

», « Monsieur.

..

», « J'étais ...

», « Je viens pour.

..

», « Je ...

»,«Je suis venu ...

»,«Je voudrais bien ...

»,«Je venais ...

»,«Je vous ...

», «Je ...

»,«Je ...

», «Je ...

», ... Le pauvre homme est chaque fois interrompu avant même qu'il ait pu formuler la moindre requête, et le procédé est répété près de vingt fois, conjugué à tous les temps et à tous les modes : au présent ( « je viens ...

»), au passé composé ( « Je suis venu ...

»), à l'imparfait («je venais »), au plus-que-parfait ( « J'étais venu »), et même au conditionnel ( « Je voudrais bien ») - mais jamais il ne peut dire au futur : je reviendrai.

À la fin, M.

Dimanche n'a même pas le temps de placer un verbe, il ne peut sortir qu'un« Je ...

» ou un « Si ...

», et doit se résoudre à voir ses espoirs s'en aller avec Don Juan qui sort. ÉTUDE DU TEXTE 35 Le fait, si longtemps répété, est en lui-même fort comique, et digne des meilleures farces, mais il le devient davantage encore quand Sganarelle, étant à bonne école, s'avise de payer lui aussi le pauvre M.

Dimanche de la même monnaie.

C'est que Sganarelle doit également de l'argent au marchand.

Et il va agir exactement comme son maître, de façon plus brutale cependant, « le tirant », « le poussant », « le poussant», « le poussant tout à fait hors du théâtre ».

Par conséquent le procédé que répète jusqu'au bout Don Juan est répété par son valet, et de fait, il arrive fréquemment dans la tradition farcesque que l'on voie le valet être le singe de son maître.

Cela est du plus sûr effet pour provoquer le rire.

En l'occurrence, la répétition est répétée, ce qui est très fort. Tels sont donc les éléments qui tiennent de la farce dans cette comédie : les jeux de scène, le bas registre et les répétitions.

Mais Dom Juan, cependant, n'est pas une farce. ■ La comédie d'intrigue et la comédie de mœurs Il se trouve aussi dans cette pièce des éléments caractéristiques de la comédie d'intrigue et de la coi:nédie de mœurs. La comédie d'intrigue L'intrigue, en effet, est très importante.

Dès la première scène de la pièce, elle est amorcée par la discussion entre Sganarelle et Gusman, lequel s'informe, au nom de sa maîtresse, des raisons qui ont poussé Don Juan à s'enfuir de la sorte.

Et deux scènes plus loin, voilà Done Elvire qui arrive pour apprendre ce qu'elle ne sentait déjà que trop.

Elle s'en va en menaçant Don Juan de sa vengeance.

À la scène II, 5, La Ramée 36 DOM]UAN J informe Don Juan de la venue de « douze hommes à cheval » qui le cherchent, et qui, manifestement, lui en veulent.

Don Juan rencontre bientôt un homme à qui il sauve la vie, 'dans la scène III, 3.

Cet homme se trouve être un des frères d'Elvire, chargé de venger son honneur.

Il exprime donc sa gratitude et doit la vie à celui qu'il doit tuer.

Quand il apprend que son sauveur connaît l'homme qu'il doit tuer, il est tout désolé, et lorsqu'il comprend enfin que son sauveur n'est autre que Don Juan, il se trouve prisonnier d'un cruel dilemme, partagé entre son désir de vengeance et la reconnaissance.

Tous ces éléments sont tout à fait caractéristiques de la comédie d'intrigue, toujours riche en aventures, épisodes, péripéties, et circonstances romanesques. Quels sont donc, dans Dom Juan, les éléments de la comédie d'intrigue? Tout d'abord, la quête du héros : en l'occurrence, Don Juan, au début de la pièce, a en tête une certaine « entreprise amoureuse », et il prétend enlever une jeune fille, au cours de la promenade en mer dont son amant veut bientôt la régaler. En second lieu, il y faut quelque péripétie : c'est chose.... »

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