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' ACTE 1 - Scène 1 (première tirade de Sganarelle) Molière commence sa pièce par un singulier éloge du tabac....

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« ' ACTE 1 - Scène 1 (première tirade de Sganarelle) Molière commence sa pièce par un singulier éloge du tabac.

Comme Don Juan théorisera plus tard 1� séduction ou l'hypocrisie, Sganarelle, docteur en tabac, disserte sur la sagesse attachée à cette marchandise et il invente une théorie qui, selon lui, dépasse de fort loin toute l'histoire de la philosophie ! Ce début est drôle et parodique sans que Sganarelle, très sérieux, cabotin tout occupé à épater Gusman, s'en rende compte le moins du monde.

Son objet est futile, traité avec gravité pourtant, alors que les événements pressent puisque Gusman vient apprendre le retour d'Elvire. Pur moment de comédie, en contrepoint de la tragédie qui se noue, l'éloquence lyrique de Sganarelle tourne à vide sur une si petite matière. Mais, par sa situation (début de pièce) et son étrangeté, le passage pose plusieurs questions : 1) pourquoi Molière a-t-il choisi ce début, sur un thème, osons le dire, plutôt fumeux et qui ne se rallumera plus dans la pièce? Faut-il se contenter de l'analyser comme une bouffée comique, farcesque ou cette ouverture est-elle plus profonde et plus emblématique qu'il n'y paraît? En quoi peut-elle importer pour le sens global de Dom Juan? 2) Molière a conscience que sa tirade sur le tabac est hétérogène à la situation: il la commente comme une digression («Mais c'est assez de cette matière.

Reprenons un peu notre discours») ? Est-il néanmoins possible de relier les deux mouvements du texte et ainsi ôter à ce début inattendu une partie de sa bizarrerie. l) Sganarelle conduit un éloge du tabac qui Mouvements du texte célèbre sa vertu de sociabilité. 2) Puis il avertit Gusman de l'ingratitude probable de Don Juan, homme de peu d'honneur, qui paye mal la dévotion de ceux qu'il charme. a.

L'éloge du tabac: une parade parodique Le rideau s'ouvre et dévoile la façade d'un palais.

Mais dans le décor traditionnel de la tragédie, nous voyons deux valets : Sganarelle et Gusman.

L'un fanfaronne, l'autre, crédule, écoute.

Cette ouverture est surprenante et burlesque: décalée par rapport au décor, à la situation dramatique qui va nous être révélée, l'apologie* du tabac tient plutôt de la bouffonnerie.

Dom Juan adopte d'emblée le ton de la comédie et même de la parodie* (éloge d'un objet incongru assez peu «philosophique», prononcé par un apprenti déclamateur). Ce moment annonce les grandes tirades du maître auquel le valet entend ici ressembler en impressionnant Gusman par la haute tenue de son discours.

Mais, comme il préfigure ceux du maître, il les relativise aussi. C'est une des fonctions comiques de Sganarelle: tirer vers la satire et la comédie les paroles sérieuses et sentencieuses de Don Juan.

Est-ce à dire que les mots du maître contiennent en eux-mêmes quelque chose de parodique (Don Juan serait un bravache de la séduction) ou la verve de Sganarelle sert-elle simplement à équilibrer la tragédie par son envers comique? Les deux analyses peuvent s'étayer. Reste en tout cas une parodie* de l'éloquence grandiloquente que ne répugnera pas à utiliser Don Juan lui-même (ce qui pose à l'interprétation et à la mise en scène une question presque insoluble: faut-il rire des discours de Don Juan?).

Le sujet bas (le tabac) est traité noblement (c'est le propre de l'héroï-comique: parler d'un sujet bas alors que traiter bassement un sujet noble définit le burlesque).

Comme si le tabac était le parangon de la vertu, l'éthique de Sganarelle repose apparemment sur ce bien universel, panacée médicale et morale, qui purge les cœurs et les esprits en les rendant transparents les uns aux autres. Le beau parleur en profite : il aura par la suite plus de réticence à tenir le discours du bien à Don Juan qui l'écrase.

Pour l'heure, le valet s'adonne au plaisir de théoriser.

Il y a du comédien en Sganarelle, qui goûte de jouer auprès d'un autre valet l'homme savant et de l'éblouir en citant avec pédanterie « Aristote et toute la philosophie » ! Il développe une argumentation serrée, ramenée au présent à valeur universelle, ponctuée de maximes légèrement hyperboliques(«qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre»).

L'ensemble est soutenu par des rythmes binaires appliqués (non seulement...

mais encore) et par un effet constant de généralisation (abondance des «on» ...). Notons enfin que ce prologue remplace avec quelque ironie le très sérieux éloge des Muses, des Vertus ou du Roi qui ouvre généralement les tragédies à machines. b.

Une tirade d'exposition Apparemment, à en croire Sganarelle, rien n'attache le discours sur le tabac avec la conversation échangée entre lui et Gusman avant que le spectacle commence:«Reprenons un peu notre discours».

Renouant donc leur entretien, Sganarelle livre à notre intention une série d'informations sur la situation comme il est de tradition dans la première scène du théâtre classique. Nous apprenons ainsi qu'Elvire, lancée à la poursuite de Don Juan, est arrivée dans la ville où il se trouve.

Ne pouvant vivre sans lui, elle vient y retrouver son mari qui l'a abandonnée.

Le portrait rapide d'Elvire en amoureuse passionnée se complète indirectement par l'esquisse de celui de Don Juan.

Sganarelle définit son maître comme un séducteur accompli et irrésistible, en même temps qu'un homme de peu de foi, consommateur de femmes qu'il délaisse sans remords.

En avertissant Gusman de la nature de Don Juan qu'il sait, depuis le temps, sur le bout des doigts, Sganarelle le dessille et lui signifie que sa maîtresse est mal renseignée sur l'homme qu'elle veut retenir. Décidément possesseur de tous les savoirs, Sganarelle poursuit sa leçon avec aplomb (« Cher Gusman »).

C'est que dans son esprit, il est bien supérieur à son double naïf: Gusman.

Peignant Elvire et Don Juan, Sganarelle réalise aussi son autoportrait.

Nous le voyons ici plutôt fasciné et un rien fier de la conduite scandaleuse de son maître.

Les « nous » (« notre départ»,« ap rès nous» ...

) l'associent à l'aventure,quasi à égalité avec Don Juan.

Son vocabulaire ne manque pas d'emphase pour transformer un comportement condamnable en épopée lyrique : « s'est mise en campagne» introduit l'apparence d'une guerre des sexes,entre Don Juan et Elvire ; « toucher le cœur trop fortement» emprunte.... »

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