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Acte II, scène 2 [Le séducteur en actionJ DON JUAN / Ah! la belle personne, et que ses yeux sont...

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« Acte II, scène 2 [Le séducteur en actionJ DON JUAN / Ah! la belle personne, et que ses yeux sont pénétrants! CHARLOTTE / Monsieur, vous me rendez toute honteuse.

DON JUAN / Ah! n'ayez point de honte d'entendre dire vos vérités.

Sgana5 relie, qu'en dis-tu? Peut-on rien voir de plus agréa­ ble? Tournez-vous un peu, s'il vous plaît.

Ah! que cette taille est jolie! Haussez un peu la tête, de grâce.

Ah! que ce visage est mignon! Ouvrez vos yeux entièrement.

Ah! qu'ils sont beaux! Que je 1 O voie un peu vos dents, je vous prie.

Ah! qu'elles sont amoureuses, et ces lèvres appétissantes! Pour moi, je suis ravi, et je n'ai jamais vu une si char­ mante personne.

CHARLOTTE / Monsieur, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c'est pour vous rail1 5 Ier de moi.

DON JUAN / Moi, me railler de vous? Dieu m'en garde! je vous aime trop pour cela, et c'est du fond du coeur que je vous parle.

CHAR­ LOTTE / Je vous suis bien obligée, si ça est.

DON JUAN / Point du tout, vous ne m'êtes point obli2 O gée de tout ce que je dis, et ce n'est qu'à votre beauté que vous en êtes redevable.

CHAR­ LOTTE / Monsieur, tout ça est trop bien dit pour moi, et je n'ai pas d'esprit pour vous répondre. DON JUAN / Sganàrelle, regarde un peu ses mains. 2 5 CHARLOTTE / Fi! Monsieur, elles sont noires comme je ne sais quoi.

DON JUAN / Ha! que dites­ vous là? Elles sont les plus belles du monde ; souf­ frez que je les baise, je vous prie.

CHARLOTTE / Mon­ sieur, c'est trop d'honneur que vous me faites, et, 3 0 si j'avais su ça tantôt, je n'aurais pas manqué de les laver avec du son.

DON JUAN / Et dites-moi un peu, belle Charlotte, vous n'êtes pas mariée, sans doute? CHARLOTTE / Non, Monsieur ; mais je dois bientôt l'être avec Piarrot, le fils de la voisine Simo- DON JUAN / Quoi ! une personne comme vous serait la femme d'un simple paysan? Non, non, c'est profaner tant de beautés, et vous n'êtes pas née pour demeurer dans un village.

Vous méritez sans doute une meilleure fortune, et le Ciel, qui 4 o le connaît bien, m'a conduit ici tout exprès pour empêcher ce mariage, et rendre justice à vos charmes ; car enfin, belle Charlotte, je vous aime de tout mon cœur, et il ne tiendra qu'à vous que je vous arrache de ce misérable lieu, et ne vous mette 4 5 dans l'état où vous méritez d'être. 3 5 nette. \ PLAN RÉDIGÉ (Pour un commentaire composé ou une lecture méthodique en vue de l'oral). 1 Présentation Après la tension du premier acte marqué par la rupture de Don Juan avec Elvire, le second est un intermède de farce qui vise à nous détendre.

Don Juan a cherché à enlever une jeune femme, pendant une promenade en mer que lui offrait son fiancé.

Mais une « bourrasque imprévue » empêche la réalisation du projet.

Don Juan et Sganarelle font naufrage, mais ils sont sauvés par Pierrot, un paysan amoureux de Charlotte.

A peine revenu à terre, le héros s'éprend de Mathurine, une jeune paysanne à qui il promet le mariage.

Puis il aperçoit Charlotte qu'il décide aussi de séduire, en profitant d'une absence de Pierrot. 1 .

La stratégie du séducteur Molière a voulu dans cette scè~e nous donner un raccourci frappant de la stratégie utilisée par Don Juan pour abuser les femmes.

Elle consiste à flatter, charmer et promettre. 28 1 j \ l • Flatter Pour Don Juan, parler, c'est agir.

Sa stratégie de séduction repose d'abord sur la parole qui persuade.

Mieux que personne, il sait que la flatterie exerce un pouyoir de séduction auquel il est difficile de résister.

Les femmes, même si elles restent méfiantes, sont toujours sensibles aux éloges qu'on peut faire de leur beauté.

Charlotte ne fait pas exception.

Chez Don Juan, la flatterie commence par un étonnement prolongé que marquent les multiples exclamations et interrogations qui ponctuent son discours. La répétition insistante de l'interjection « Ah ! », qui exprime l'admiration et plaisir physique, rythme cet étonnement et agit comme une incantation qui anesthésie la résistance critique de la proie. Don Juan donne le vertige à Charlotte, en faisant résonner à ses oreilles une cascade d'adjectifs élogieux : • « belle », « pénétrants », « agréable », « jolie », « mignon », « beaux », « amoureuses », « appétissantes », « charmante ».

Il abuse du superlatif: « Peut-on rien voir de plus agréable? » (1.

5), « je n'ai jamais vu une si charmante personne» (1.

12-13), « Elles sont les plus belles du monde » (1.

27).

La répétition des mêmes mots ou expressions ajoute encore à cet assaut verbal.

Les mots« beau », « belle », « beauté» reviennent six fois · dans le texte.

La formule « je vous aime trop pour cela, et c'est du fond du cœur que je vous parle » (1.

16-17), réapparaît d'une manière condensée à la fin du texte : « je· vous aime de tout mon cœur » (1.

42-43).

Don Juan, qui a compris fa secrète ambition de Charlotte, flatte aussi habilement sa vanité et son désir d'ascension sociale: elle mérite mieux qu' « un simple paysan » (1.

36) ! • Charmer La flatterie a d'autant plus de pouvoir qu'elle émane, dans le cas de Don Juan, d'un homme beau et paré de tous les prestiges de l'aristocrate.

Il impressionne par sa prestance physique et la richesse de ses habits, qui nous ont été décrits précédemment.

Sa désinvolture et l'élégance 29 de ses manières tranchent avec la balourdise et la rusticité de Pierrot.

Mais c'est par l'allure noble de son discours qu'il se distingue le plus.

Il use d'un ton courtois pour faire sa déclaration : « n'ayez point de honte d'entendre dire vos vérités » (l.

4), « ·s'il vous plaît », « de grâce », « je vous prie », « souffrez que je les baise, je vous prie » (l.

27-28).

Il sait tourner le compliment avec un raffinement précieux : « Point du tout, vous ne m'êtes point obligée de tout ce que je dis, et ce n'est qu'à votre beauté que vous en êtes redevable » (l.

19-21).

Charlotte n'a sûrement pas l'habitude d'être traitée avec· autant d'égards. • Promettre La flatterie et le charme personnel seraient insuffisants pour séduire promptement, si Don Juan ne faisait pas implicitement une promesse de mariage.

C'est l'estocade qui, en apportant une preuve décisive de bonne foi, enlève à la victime les derniers doutes.

Rappelons que le mariage a, au xvne siècle, · un caractère beaucoup plus sacré qu'aujourd'hui, qu'il est indissoluble et qu'une femme abandonnée, comme l'a été Elvire, est vouée à la honte et au déshonneur.

En contractant ces mariages qu'il rompt aussitôt, Don Juan prend des risques : ainsi les frères d'Elvire sont partis à sa poursuite et veulent sa mort. Mais cela ne l'arrête pas.

Pour lui, le mariage n'est qu'un moyen de parvenir à ses fins.

C'est pourquoi il le fait très vite intervenir dans sa déclaration:« vous n'êtes pas mariée, sans doute? » (l.

32).

Charlotte se méfiera avant de céder, car elle est promise à Pierrot.

En attendant, elle est surprise par la hâte du libertin qui propose de l'enlever.

Plus loin dans la scène, il sera tout à fait clair: « je n'ai point d'autre dessein que de vous épouser ». 1 l 1 ï 3 { .i f ,( ' l ~ l 2.

Les acteurs du combat amoureux Pour Don Juan l'amour est un combat qui prend d'autant plus d'intérêt que son adversaire lui résiste.

Ce jeu bien sûr est cruel et révèle la perversion du personnage. 30 1 i • La résistance de Charlotte Charlotte est éblouie par Don Juan.

Elle qui dans la scène précédente avait une position supérieure et manifestait à l'égard de Pierrot dédain et froideur, se trouve maintenant dans la situation fragile de l'amoureuse.

Consciente, de surcroît, de la barrière sociale qui la sépare de Don Juan, elle adopte un ton de soumission: « Je vous.... »

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