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ACTE III, scène 5 [La visite au tombeau du Commandeur] (Le tombeau s'ouvre, où l'on voit un superbe mau­ solée...

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« ACTE III, scène 5 [La visite au tombeau du Commandeur] (Le tombeau s'ouvre, où l'on voit un superbe mau­ solée et la statue du Commandeur.) SGANA­ RELLE / Ah! que cela est beau! Les belles statues! le beau marbre! les beaux piliers! Ah! que cela 5 est beau! Qu'en dites-vous, Monsieur? DON JUAN / Qu'on ne peut voir aller plus loin l'ambition d'un homme mort ; et ce que je trouve admirable, c'est qu'un homme qui s'est passé, durant sa vie, d'une assez simple demeure, en veuille avoir 1 0 une si magnifique pour quand il n'en a plus que faire.

SGANARELLE / Voici la statue du Comman­ deur.

DON JUAN/ Parbleu! le voilà bon, avec son habit d'empereur romain! SGANARELLE / Ma foi, Monsieur, voilà qui est bien fait.

Il semble qu'il est 1 5 en vie et qu'il s'en va parler.

Il jette des regards sur nous qui me feraient peur, si j'étais tout seul, et je pense qu'il ne prend pas plaisir de nous,voir.

DON JUAN / Il aurait tort, et ce serait mal recevoir l'hon­ neur que je lui fais.

Demande-lui s'il veut venir souper 2 O avec moi.

SGANARELLE / C'est une chose dont il n'a pas besoin, je crois.

DON JUAN / Demande-lui, te dis-je.

SGANARELLE / Vous moquez-vous? Ce serait être fou que d'aller parler à une statue.

DON JUAN / Fais ce que je te dis.

SGANARELLE / Quelle 2 5 bizarrerie! Seigneur Commandeur...

je ris de ma sottise, mais c'est mon maître qui me la fait faire. Seigneur Commandeur, mon maître Don Juan vous demande si vous voulez lui faire l'honneur de venir souper avec lui.

(La statue baisse la tête.) Ha! , DON 3 O JUAN / Qu'est-ce? Qu'as-tu? Dis donc, veux-tu par­ ler? SGANARELLE, fait Je même signe _que lui a fait la statue et baisse la tête, / La statue...

DON JUAN / Eh bien, que veux-tu dire traître? SGANA­ RELLE / Je vous dis que la statue...

DON JUAN / Eh bien! la statue? Je t'assomme, si tu ne parles.

SGALa statue m'a fait signe.

DON JUAN / La peste le coquin! SGANARELLE / Elle m'a fait signe, vous dis-je; il n'est rien de plus vrai.

Allez-vous-en ' lui parler vous-même, pour voir, peut-être...

DON 4 0 JUAN / Viens, maraud, viens, je te veux bien faire toucher au doigt ta poltronne:.ie.

Prends garde.

Le seigneur Commandeur voudrait-il venir souper avec moi? (La statue baisse encore la tête.) SGANARELLE / Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles.

Eh 4 5 bien ! Monsieur? DON JUAN / Allons, sortons d'ici.

SGANARELLE / Voilà de mes esprits forts qui ne veulent rien croire. 35 NARELLE / LECTURE MÉTHODIQUE Présentation Don Juan et Sganarelle aperçoivent entre les arbres de la forêt où ils se trouvent le tombeau d'un Commandeur, tué autrefois par le libertin_ Un Commandeur est dans les anciens ordres militaires un chevalier, pourvu d'une commanderie, autrement dit d'une terre accordée en récompense des services rendus.

Il s'agit donc d'un homme éminemment respectable aux yeux de la société et de la religion, qui lui ont consacré un mausolée.

Don Juan n'en éprouvera que plus de plaisir à le bafouer_ 1.

Sganarelle, faire-valoir du héros Sganarelle a dans cette scène un rôle de faire-valoir, qui permet·à Don Juan de mieux faire éclater l'originalité de sa conduite_ · 51 • La naïveté de l'homme du peuple Sganarelle a conscience, en entrant dans le mausolée d'un homme tué par son maître, de blasphémer.

Il surmonte néanmoins son appréhension et s'extasie devant la beauté plastique du monument : « Ah ! que cela est beau ! Les belles statues ! le beau marbre ! les beaux piliers ! Ah ! que cela est beau ! » (l.

3).

Il y a, dans son admiration naïve, l'étonnement de l'homme du peuple face à la richesse, mais aussi le désir de se rassurer en insistant uniquement sur l'apparence esthétique des lieux.

Il n'est d'ailleurs pas capable de dépasser le stade élémentaire de ses émotions, qu'il traduit dans un langage pauvre.

Il se contente de répéter, en s'exclamant, l'adjectif« beau».

A cela s'ajoute la volonté de rivaliser avec son maître, esthète connaisseur et raffiné, auquel il demande un avis pour confirmer son propre jugement: « Qu'en dites-vous, Monsieur? » (l.

5).

Mais ses remarques tombent dans le ridicule par leur platitude et ne font qu'exciter la verve railleuse et provocatrice du libertin à l'égard de la statue. • Le poltron Sganarelle, croyant conformiste et serviteur soumis, ne peut pas comprendre ni admettre les audaces de son maître.

Son comportement est celui d'un poltron.

Il voudrait se persuader que cette intrusion dans un lieu sacré est seu-, lement la visite d'un beau lieu, mais il ne peut s'empêcher d'avoir peur:« Ma foi, Monsieur, voilà qui est bien fait.

Il semble qu'il est en vie et qu'il s'en va parler.

Il jette des regards sur nous qui me feraient peur, si j'étais tout seul, et je pense qu'il ne prend pas plaisir de nous voir » (l.

13-17). Sa lâcheté va suivre la progression dramatique de la scène.

Il éprouve d'abord un vague pressentiment, face à cette statue étrange qui paraît presque vivante.

Il cède ensuite au désarroi quand son maître lui demande d'inviter la statue à souper : « Vous moquez-vous ? Ce serait être fou que d'aller parler à une statue » (l.

22-23).

Mais s'il a peur du Commandeur, il redoute aussi Don Juan sur qui, en s'exécutant, il rejette la responsabilité du sacrilège:« je ris de ma sottise, mais c'est mon maître qui me 52 la fait faire » (1.

25-26).

Enfin, quand la statue d'une façon imprévisible accepte l'invitation, le valet est pris de panique.

Il ne peut plus parler.

Son effroi est marqué par l'interjection« Ha! » et par les points de suspension qui terminent ses phrases:« La statue ...

», « Je vous dis que la statue ...

». • La fonction dramatique du valet La naïveté et la couardise du valet ont dans cette scène un rôle dramatique: ce sont des moteurs de l'action.

Sganarelle est un double comique et dérisoire de son maître. On rit de son admiration populaire et forcée devant la magnificence du mausolée, de sa résistance puis de sa docilité à obéir, enfin de sa déroute face à l'acquiescement du Commandeur.

C'est un bouffon qui détend l'atmosphère inquiétante de la scène et qui est d'autant plus risible que son maître réagit d'une manière opposée.

Les deux personnages en effet sont constamment en décalage : à la naïveté, la poltronnerie et la soumission du valet répondent les sarcasmes, la bravoure et l'irrespect du libertin. En fait, Sganarelle, tout au long de cette scène, par ses réactions craintives et ridicules provoque les défis et les blasphèmes de Don Juan.

Il fait office de conscience morale du héros, en lui rappelant ses devoirs, mais malgré lui il se transforme en témoin des sacrilèges.

C'est lui qui fait avancer l'action en suggérant sans le vouloir à son maître de nouvelles façons d'insulter le Commandeur.

Il est impressionné par la beauté du monument : cela donne à Don Juan une occasion de critiquer la vanité du mort. A peine a-t-il dit que la statue est presque vivante, aussitôt Don Juan la traite comme telle et l'invite à souper. 2.

L'insolence du libertin • Le goût de la.... »

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