ACTE Ill, SCÈNE 6 Julie vient annoncer la défaite de Rome: Horace, survivant seul à ses deux frères, a pris...
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ACTE Ill, SCÈNE 6
Julie vient annoncer la défaite de Rome: Horace, survivant
seul à ses deux frères, a pris la fuite {v.
992-1009).
Le vieil
Horace se réjouit de la mort glorieuse des deux frères et se
lamente sur la survie honteuse d'Horace, qu'il punira {v.
1010-1034).
À Sabine qui veut le calmer, il répond qu'elle sera
moins heureuse quand il aura tué Horace de ses propres mains
{v.
1035-1054).
COMMENTAIRE
Coup de théâtre
Une fois encore l'action est relancée: en un seul vers (v.
993) et dans
une tournure si concise qu'elle ne reprend pas le verbe de la question,
Julie fait s'écrouler la quasi-certitude du vieil Horace en la victoire.
Les précisions qui suivent sont extrêmement concises: un vers pour dire l'issue
du combat, un autre pour dire la mort des deux frères et au lieu du récit
héroïque traditionnel, quatre vers qui en reprennent cependant les caractéristiques essentielles (ordre chronologique, présence de spectateurs).
Deux effets de contraste rendent plus stupéfiante la surprise: contraste
avec la fin de la scène précédente où le vieil Horace rappelait la prophétie
de la grandeur Mure de Rome qui semble tout à coup démentie, contraste
entre l'incrédulité du vieil Horace multipliant les négations (v.
999-1000) et
l'affirmation de Julie qui semble une preuve accablante de la véracité de sa
nouvelle:
"Mille, de nos remparts, comme moi l'ont pu voir» (v.
1002).
Mais le plus stupéfiant n'est pas la défaite de Rome, c'est la fuite
d'Horace, la lâcheté du personnage le plus obsédé par son honneur.
De
plus, sa survie et la victoire d'Albe ont cela de sidérant qu'elles font de
Sabine, le personnage le plus sûrement condamné à la souffrance, celle
qui triomphe.
C'est tout le système des personnages qui est soudain
bouleversé.
Les rôles s'inversent brutalement: c'est maintenant Sabine
qui prêche la résignation au vieil Horace et lui qui refuse d'être consolé! Le
père compatissant et plein de certitude de la scène précédente se métamorphose.
Son esprit ne se repose plus sur la «prudence» des dieux, qui
ont voulu sa défaite (v.
1040) et face auxquels il prend maintenant l'initiative
de l'action (v.
1048-1050).
À celle à qui il assurait qu'elle était romaine, il
s'adresse maintenant comme à un ennemi vainqueur, opposant systématiquement au «vous» un «nous» désignant les Romains: les vers 1037 à
1048 contiennent dix-huit déterminants possessifs ou pronoms personnels,
presque toujours opposés hémistiche à hémistiche (v.
1038, v.
1039,
V.
1041, V.
1042, V.
1044, V.
1046).
La force du coup de théâtre n'est donc pas que ce qui arrive n'est pas
attendu, mais bien que ce qui arrive est ce que jamais on aurait eu l'idée
d'attendre.
En outre, situé en fin d'acte, il n'apparârt pas comme une des
péripéties de la pièce, mais prend l'allure d'un dénouement.
Une péripétie mise en scène
comme un dénouement
Si l'acte fait alterner attentes et nouvelles (scènes 1, 3, 4 / 2, 5, 6), il le
fait d'une façon irrégulière: les deux dernières scènes de l'acte contiennent
deux nouvelles, créant un effet d'accélération.
Julie arrive à la scène 2, repart à la scène 3 et revient dans la dernière
scène.
Le vieil Horace arrive pendant son absence, à la scène 5, et assiste à
son retour.
À chaque arrivée, un nouvel épisode du combat.
La séparation
entre deux espaces qui résulte de l'unité de lieu entraîne des allers et retours
et un chassé-croisé dont l'agitation contribue à une montée de la tension sur
scène, qui double celle du suspense de l'action hors de la scène.
L'acte enfin commence par un monologue et finit en réunissant sur
scène tous les personnages qui y ont joué un rôle.
Tout fait donc de cet acte un acte «ascendant», où la tension monte
jusqu'à la dernière scène: la nouvelle finale n'en apparaît que mieux
comme un dénouement, auquel répond le paroxysme d'une explosion
passionnelle, la fureur du vieil Horace.
Ses propos menaçants semblent
annoncer la «catastrophe» comme on disait à l'époque, c'est-à-dire ce qui
résulte du dénouement lui-même et clôt la pièce.
Les angoisses de Sabine
(v.
1051-1054) nous poussent habilement sur cette «fausse piste».
La grande scène du vieil Horace
La géniale trouvaille d'une fausse nouvelle en fin d'acte permet aussi
d'écrire la grande scène du vieil Horace, qui a un tiers de son rôle dans cet
acte Ill et qui domine cette scène finale.
C'est pour Corneille l'occasion de jouer sur de nouveaux registres de la
grandeur.
Après deux plaintes exclamatives, le vieil Horace revient vite à
une noble incrédulité, sa certitude s'exprimant en alexandrins fermement
construits: forte césure, parallélisme des hémistiches (v.
999-1001 ).
Quand il prononce le fastueux hommage funèbre aux fils morts («Que des
plus nobles fleurs leur tombe soit couverte», v.
1011 ), rien ne vient troubler
sa tranquillité.
Il reste grandiose même dans la douleur de son honneur
blessé, exprimée sous la forme d'un chant funèbre en deux amples distiques avec l'anaphore* de «pleurez» (v.
1017-1020), ou dans le lamento
des vers 1021-1026 organisé autour de nostalgiques subjonctifs hypothétiques qui le colorent de sons u répétés.
Mais c'est dans la grandeur terrible qu'il excelle.
Deux interrogations
rhétoriques font d'abord....
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