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ACTE IV, scène 3 [Monsieur Dimanche] DON JUAN, faisant de grandes civilités / Ah! Mon­ sie ur Dimanche, approche z....

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« ACTE IV, scène 3 [Monsieur Dimanche] DON JUAN, faisant de grandes civilités / Ah! Mon­ sie ur Dimanche, approche z.

Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord! J'avais donné ordre 5 qu'on ne me fît parle r pe rsonne ; mais ce t ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trou­ ve r jamais de porte fe rmée che z moi.

M.

DIMAN­ CHE/ Monsie ur, je vous suis fort obligé.

DON JUAN, parlant à ses laquais / Parbleu! coquins, je 1 O vous apprendrai à laisser Monsieur Dimanche dans une antichambre , e t je vous fe rai connaître les ge ns.

M.

DIMANCHE/ Monsie ur, ce la n'e st rien. DON JUAN / Comment! vous dire que je n'y suis pas, à monsie ur Dimanche , au me ille ur de mes 1 5 amis! M.

DIMANCHE/ Monsieur, je suis votre ser­ viteur.

J'étais ve nu...

DON JUAN / Allons, vite, un siège pour monsi e ur Dimanche .

M.

DIMAN­ CHE/ Monsie ur, je suis bie n comme ce la.

DON JUAN / Point, point, je veux que vous soye z assis 2 0 contre moi.

M.

DIMANCHE / Ce la n'e st point néce ssaire .

DON JUAN / Otez ce pliant, et appor­ te z un faute uil.

M.

DIMANCHE/ Monsie ur, vous vous moque z, e t...

DON JUAN / Non, non, je sais ce que je vous dois, et je ne veux point qu'on mette 2 5 de différe nce e ntre nous deux.

M.

DIMAN­ CHE/ Monsie ur...

DON JUAN / Allons, asseyez­ vous.

M.

DIMANCHE/ Il n'est pas be soin, Monsieur, e t je n'ai qu'un mot à vous dire .

J'étais...

DON JUAN / Mettez-vous là, vous dis-je .

M.

DIMANCHE/ 3 0 Non, Monsieur.

Je suis bien.

Je vie ns pour... DON JUAN / Non, je ne vous écoute point si vous n'ête s assis.

M.

DIMANCHE/ Monsie ur, je fais ce que vous voulez.

Je ...

DON JUAN / Parbleu! Mon­ sie ur Dimanche , vous vous porte z bien. Oui, Monsieur, pour vous rendre service.

Je suis venu...

DON JUAN / Vous avez un fonds de santé admirable, des lèvres fraîches, un teint vermeil et des yeux vifs.

M.

DIMANCHE / Je voudrais bien...

DON JUAN / Comment se porte Madame 4 O Dimanche, votre épouse ? M.

DIMANCHE / Fort bien, Monsieur, Dieu merci.

DON JUAN / C'est une brave femme.

M.

DIMANCHE / Elle est votre servante, Monsieur.

Je venais...

DON JUAN / Et votre petite fille Claudine, comment se porte-t-elle ? 4 5 M.

DIMANCHE / Le mieux du monde.

DON JUAN / La jolie petite fille que c'est! je l'aime de tout mon cœur.

M.

DIMANCHE / C'est trop d'honneur que vous lui faites, Monsieur.

Je vous...

DON JUAN / Et le petit Colin, fait-il toujours bien du 5 0 bruit avec son tambour? M.

DIMANCHE / Toujours de même, Monsieur.

Je...

DON JUAN / Et votre petit chien Brusquet? gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous? M.

DIMANCHE / Plus que 5 5 jamais, Monsieur, et nous ne saurions en chevir. DON JUAN / Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille, car j'y prends beaucoup d'intérêt. 3 5 M.

DIMANCHE / EXPLICATION DE TEXTE Situation et sujet Au début de l'Acte IV, Don Juan est rentré dans son appartement.

Il ne croit pas au signe d'acquiescement de la statue du Commandeur et considère qu'il s'agit d'une hallucination.

Maintenant il attend joyeusement le souper.

Mais voilà qu'on annonce l'arrivée de monsieur Dimanche, un tailleur qui vient réclamer l'argent qui lui est dû.

Don Juan, en dépit de ses dénégations, a été ébranlé par la scène du tombeau.

Il a besoin de reprendre confiance en lui, de montrer qu'il est libre et toujours aussi fort pour dominer autrui.

C'est pourquoi il décide 59 de recevoir monsieur Dimanche, afin de lui jouer une comédie qui prouvera son talent et son pouvoir.

Par ailleurs pour détendre l'atmosphère après le sommet dramatique de la scène du tombeau et avant l'arrivée de Don Louis, le père de Don Juan, Molière nous propose une scène bouffonne, au comique simple et efficace.

Nous allons voir comment un aristocrate endetté va éconduire poliment un créancier, sans rien payer et sans même lui donner l'occasion d'exprimer sa requête. Composition et mouvement Don Juan cherche à gagner du temps.

Sa comédie comprend dans notre texte trois étapes : il reçoit monsieur Dimanche en le comblant d'amabilités (1.

1 à 16); il refuse de lui parler tant qu'il n'a pris un fauteuil (1.

16 à 33); enfin pour l'empêcher d'en venir au fait, il s;informe sur tous les membres de sa famille (1.

33 à 58). Le mouvement suit une gradation dans l'insolence.

Don Juan s'amuse avec et de monsieur Dimanche.

Il mène la danse et se moque du marchand, qui devient un objet ridicule, servant seulement à mettre en valeur sa maestria. Sa tactique repose sur la flatterie et sur l'interruption systématique. • Une réception pleine d'amabilités(/.

1 à 16) Don Juan fait partie de ces aristocrates, de plus en plus nombreux, qui sont couverts de dettes et qui de ce fait doivent dépendre de bourgeois comme monsieur Dimanche.

Ils jouissent encore de leur pouvoir historique pour exploiter les petites gens, mais leur dépendance financière s'accroît et ne fera que s'accentuer au xvrne siècle.

Un renversement de situation commence.

Dans une pièce de Lesage qui date de 1709, Turcaret et son valet Frontin, petits bourgeois enrichis, prendront la revanche de monsieur Dimanche.

Les aristocrates ne pourront plus alors les traiter avec leur morgue habituelle.

Bientôt la bourgeoisie voudra que son pouvoir financier s'accompagne d'un pouvoir politique et ce sera la Révolution. 60 En attenq.ant, monsieur Dimanche a peur du grand seigneur.

Il sait que, devant lui, il est dans une position d'infériorité sociale.

Le nom même de « Dimanche », qui est cocasse, suggère que le marchand sera l'objet d'un bon tour.

Le dimanche est alors un jour de fête.

On disait d'ailleurs au xvne siècle « avoir un air de dimanche » pour exprimer un air de gaieté.

Ainsi la simple évocation de son nom annonce une joyeuse scène de divertissement. En accueillant monsieur Dimanche, Don Juan multiplie avec hypocrisie les marques de civilité : étonnement affable:« Ah, Monsieur Dimanche, approchez » (1.

1); réprimande à l'égard de valets qu'il fait mine de juger maladroits : « que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord » (1.

3) ; flatteuse marque de considération:« J'avais donné ordre qu'on ne me fit [ = laissât] parler personne; mais cet ordre n'est pas pour vous » (1.

5).

Don Juan ne se contente pas d'anesthésier le courage de monsieur Dimanche à accomplir une démarche désagréable, en le couvrant d'amabilités, il s'amuse aussi de lui avec une cruelle ironie.

Il présente en effet sa venue comme parfaitement justifiée et laisse espérer en jouant sur le sens du mot « droit » qu'il va satisfaire son créancier, alors qu'il n'en sera rien:« vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi » (1.

6). Monsieur Dimanche est désarçonné par cet excès d'affabilités mondaines.

Il réagit sur Ün ton de gêne et de soumission: « Monsieur, je vous suis fort obligé » (1.

8).

Il a conscience de son infériorité sociale.

Sa déférence craintive devant le grand seigneur est marquée par la répétition comique à chaque fois qu'il prend la parole de « Monsieur », titre qu'on ne donne avant la Révolution qu'aux hommes de condition élevée : « Monsieur, je vous suis fort obligé » (1.

8), « Monsieur, cela n'est rien » (1.

12), « Monsieur, je suis votre serviteur » (1.

15). Notons aussi qu'en appelant pompeusement le.... »

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