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ACTE V, SCÈNES 2 ET 3 Le roi Tulle vient en personne dans la maison d'Horace pour l'honorer. Valère lui...

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« ACTE V, SCÈNES 2 ET 3 Le roi Tulle vient en personne dans la maison d'Horace pour l'honorer.

Valère lui a tout raconté (v.

1441-1459).

Le roi loue le vieil Horace pour son attitude stoïque et lui présente ses condoléances (v.

1460-1468� Sur la demande de Valère, le roi décide de rendre justice sur le champ (v.

1469-1480). Réquisitoire de Valère contre Horace : son crime met Rome en danger (v.

1481-1510), il est inhumain (v.

1511-1519) et sur­tout peut attirer la punition des dieux sur le roi (v. 1520-1534). Réponse d'Horace : il ne veut pas se défendre (v.

1535-1537), car il s'en remet au roi qui a un pouvoir absolu sur ses sujets: il est prêt à mourir (v.

1538-1554).

Il ne manque pas cependant d'évoquer les raisons personnelles qu'a Valère de l'accuser (v.

1547-1548 et v.

1554).

L'opinion publique ne s'attache qu'à l'apparence, il vaut mieux disparaître dès qu'on a eu l'occasion de prouver sa valeur héroïque (v.

1555-1572).

Au sommet de sa gloire, Horace veut mourir: il ne s'est pas tué, car sa vie appar­tient au roi, il en demande maintenant l'autorisation (v.

1573-1594).

(Scène 2) Sabine entre.

Supplique au roi.

Elle demande la mort: ce sera pour Horace qui l'aime sa punition et pour elle la fin de ses tourments (v.

1595-1612).

Quelle déchirure en effet d'aimer celui qui a tué vos frères (v.

1613-1620)! Par la mort de Sabine tout sera résolu (v.

1621-1630}. Long plaidoyer du vieil Horace.

Il prouve d'abord à Sabine que c'est en restant en vie au côté d'Horace qu'elle est fidèle à ses frères morts (v.

1631-1646).

Il défend ensuite Horace contre Valère: par son sens du devoir l'emportement d'Horace prouve son amour de la patrie (v.

1647-1656) et le vieil Horace n'aurait pas hésité à le punir s'il le croyait coupable (v.

1657-1662) : Valère lui-même peut en témoigner (v.

1663-1666)! Ce n'est donc pas à Valère de s'occuperL de cela à sa place (v.

1667-1670). 1 Horace n'a pu tuer Camilleb,que Cc;,,_ parce qu'elle était de sa famille _ exécuter celui qui les a sau­ (v.

1671-1678).

Les Romains[___ vont-ils vés (v.

1679-1686) ? L'idée en est insupportable (v.

1687-1700). Le roi a enfin intérêt à conserver Horace en vie (v.

1701-1710). Quant à Horace, son père lui dit de ne pas s'occuper du peuple: sa renommée reste intacte aux yeux des «rois», des «grands» et des «esprits bien faits» et il doit vivre pour son père et son roi (v.

1711-1728). Le jugement du roi: Tulle reconnaît la monstruosité du crime {v.

1729-1734) et que l'emportement ne l'excuse pas {v.

17351738).

Mais il épargne la mort à celui qu'il place, comme sau­ veur de l'État, au-dessus des lois (v.

1739-1762).

li lui demande de servir l'État et de se réconcilier avec Valère {v.

1763-1766).

Il console Sabine {v.

1767-1770). Il demande au vieil Horace une cérémonie de purification pour se concilier les dieux et les mânes de Camille, qui parta­ gera le tombeau de son «amant» (v.

1771-1782).

(Scène 3) COMMENTAIRE L'acte «le plus malmené» de tout le théâtre de Corneille (M.

Descotes) Dès 1640, le cinquième acte d'Horace a été critiqué et Corneille dans son «Examen» de 1660 reconnaît que «tout ce cinquième [acte] est encore une des causes du peu de satisfaction que laisse cette tragédie : il est tout en plaidoyers, et ce n'est pas là la place des harangues ni des longs discours [...] t.:attention de l'auditeur, déjà lassée, se rebute de ces conclusions qui traînent et tirent la fin en longueur».

Pendant la Révolution et jusqu'en 1802, il a été supprimé à la Comédie-Française: il représentait le «tyran» de façon trop sympathique! La grande actrice Rachel l'avait supprimé au cours d'une tournée en Russie en 1853 (elle y jouait le rôle de Camille!) et la tradition en resta un temps. On sait d'après une lettre de Chapelain à Guez de Balzac en 1640 que Corneille a hésité: il voulut récrire la fin de la pièce, mais finalement refusa de le faire «craignant toujours qu'on ne lui donnât des conseils par envie et pour détruire ce qu'il avait bien fait».

C'est que cette fin ne manque pas d'intérêt.

Dramaturgiquement, elle ménage quelques surprises et utilise la forme du procès, forme éminemment théâtrale.

D'autre part, même s'il ne partage pas le goût de Corneille et de son siècle pour l'éloquence, le lecteur attentif saura se réjouir d'un texte plus dense et subtil qu'il n'apparaît à première vue.

André Gide ne s'y est pas trompé, qui jugeait cet acte «admirable en tout point» (Retour du Tchad).

Enfin et surtout, ce procès est du point de vue de la signification le moment le plus important de la pièce. L'art de ménager des surprises L.:acte commence, on l'a vu, par un coup de théâtre psychologique: le vieux père intransigeant refuse de punir son fils.

Mais les deux scènes suivantes, bien que remplies de «longs discours », contiennent aussi de quoi aiguiser l'attention du spectateur.

L.:arrivée du roi, tout d'abord, est mise en scène comme un petit coup de théâtre.

Certes elle était annoncée par Valère dans la scène 2 de l'acte précédent(« peut-être aujourd'hui», v.

1158), mais l'attention du spectateur en a été détournée pendant les six scènes suivantes, sommet dramatique de la pièce (fureur et mort de Camille).

Elle surprend le vieil Horace et interrompt sa tirade (v.

1440).

t.:accusation de Valère ensuite produit bien une nouvelle péripétie : venu pour honorer les Horaces, le roi va peut-être maintenant condamner le héros.

Et quand il rendra sa sentence, ses premiers mots laisseront croire que c'est une sentence de mort (v.

1733-1738) : la véritable décision se présentera donc comme un dernier rebondissement, purement verbal cette fois.

Entre temps Sabine aura fait irruption dans le procès de manière inopinée. Un procès sur scène La forme du procès permet de réunir tous les personnages encore vivants dans la dernière scène (à l'exception, significative, des trois rôles accessoires).

Ce rassemblement final est une tradition du théâtre classi­ que français, tradition si bien établie qu'elle devient au cours du siècle une règle (qui ira jusqu'à l'emporter sur celle de vraisemblance: voir Nicomède et son «Examen»).

Mais les personnages morts sont aussi importants: la mort de Curiace, c'est la victoire d'Horace; la mort de Camille, son crime. Le vers 1403 permet d'imaginer le cadavre de la jeune fille sur scène ou en tout cas dans la proche coulisse (pour respecter la bienséance). Mais le procès est surtout une forme théâtrale.

Dans un procès, comme au théâtre, les personnages entrent en conflit par la parole, tout en se pei­ gnant eux-mêmes dans ce qu'ils disent.

Même improvisé comme ici, le pro­ cès a d'autre part sa mise en scène, fixée à l'avance et réglée par le juge: le roi préside d'ailleurs la séance avec fermeté (v.

1476, v.

1535, v.

1729). La succession des discours construit de plus un drame où chaque mot compte à la fin pour déterminer le sort de l'accusé.

Si dans ces scènes les longues tirades «tirent la fin à la longueur» («Examen»), elles se succèdent du moins de façon dramatique: Horace semble condamné par l'accusation de Valère, puis par sa propre défense et même par la requête de sa femme. Après la plaidoirie du père, le suspense continue jusqu'à la fin puisque le roi semble d'abord vouer Horace à la mort (v.

1733-1738).

C'est aussi l'occa­ sion pour Corneille de décrire un second combat, mais cette fois-ci un combat de mots, avec les armes et les ruses de la rhétorique. Rhétorique : combattre et convaincre La rhétorique est l'art de bien parler pour convaincre, quand il s'agit de prendre une décision, de louer ou de blâmer quelqu'un ou, comme ici, d'in­ fluencer un juge.

Codifiée pendant !'Antiquité, elle restera longtemps matière d'enseignement; la rhétorique latine est même la matière principale dans le programme scolaire des jésuites de l'époque classique (le meilleur élève recevait le titre antique d'imperator ou de tribun!). Les personnages, en bons orateurs, essaient de montrer qu'on peut les croire, qu'ils sont objectrrs.

Valère commence en disant qu'il ne parle pas en son nom, mais en celui des «gens de bien» (v.

1482).

Le vieil Horace utilisera le même procédé, mais dans sa conclusion, et en renchérissant: il dira parler au nom de «Rome tout entière» (v.

1728).

Valère ajoute qu'il n'accuse pas Horace par jalousie et qu'il reconnaît la grandeur de son exploit (v.

14831484).

Horace ne manquera pas pour le discréditer de rappeler qu'il cherche en fait à salir cet exploit (v.

1554) à cause de l'amour qu'il avait pour Camille (v.

1547-1548), ce que le roi n'oubliera pas (v.

1765).

Il s'agit d'un argument ad hominem assené avec habileté, en utilisant la prétérition (v.

1547), pro\ cédé qui consiste à feindre de ne pas vouloir mentionner quelque chose et qui permet de le dire quand même, sans qu'on puisse vous reprocher de l'avoir dit.

C'est de cette façon qu'Horace évoque son exploit (v.

1573).

C'est encore ce moyen qu'utilise Valère pour rappeler l'atrocité du· meurtre de la sœur par le frère (v.

1511-1518) tout en soulignant qu'il ne veut pas employer le procédé trop facile d'un tableau pathétique (v.

1519)! Car il faut émouvoir tout en faisant croire qu'on ne fait appel qu'à la raison pour que l'auditeur ne se sente pas «manipulé».

C'est ce que fait merveilleusement le vieil Horace : tout en rappelant au roi qu'il doit agir pour Rome et non pour le vieillard accablé de deuil (v.

1705-1707), son introduction (v.

1631-1634) et la façon qu'il a de s'adresser à Sabine et à Horace pour les consoler (v.

1635-1646, v.

1711-1726) visent à éveiller la pitié et la reconnaissance chez le roi.

Chef-d'œuvre de ruse, il s'adresse à Valère, prenant comme témoin l'accusateur lui-même (v.

1663-1664), feignant de le consoler avec une ironie mordante pour mieux le rabaisser et pour mieux louer les exploits de l'homme qu'il accuse (v.

1675-1678), feignant encore de lui demander conseil pour mieux dénoncer l'horreur de la peine qu'il réclame (v.

1679-1694), dans une série de questions oratoires (fausses questions). Le début et la fin d'un discours ont une importance particulière.

Valère, après une formule de requête des plus respectueuse (v.

1481) et des précautions oratoires (v.

1482-1486), annonce l'argument qu'il va développer (v.

1489-1491).

On retrouve le mouvement traditionnel de l'exorde qui doit introduire un discours: on se concilie l'auditeur (captatio benevolentiae), on peut feindre d'admirer l'adversaire vnsinuatio), on annonce son plan (partitio). Un deuxième argument non annoncé sera donné (colère des dieux, vers 1521-1533), les deux seront résumés de façon concise et menaçante dans le dernier vers (v.

1534).

Le discours de Valère suit la tradition, celui d'Horace n'est que paradoxes: refus de se défendre servant d'introduction, demande de pouvoir mourir servant de conclusion! Le discours de Sabine est plutôt une supplique.

Quant à celui du vieil Horace, il s'éloigne avec virtuosité des formes traditionnelles.

Commençant et finissant par une consolation à ses enfants, interrompu par des questions à Valère, ce discours feint de ne pas s'adresser au roi pour pouvoir mieux le convaincre: c'est le procédé de l'apostrophe oratoire, dissimulé sous les conseils d'un vieillard attentionné. La supplique de Sabine : un intermède élégiaque Sabine entre brusquement au milieu du procès et elle va être la seule femme parmi tous ces hommes.

Elle ne participe pas vraiment au procès : elle y surgit comme surgit Justice devant Jupiter dans une célèbre allégorie de Juvénal (reprise par d'Aubigné, Ronsard...) et prend l'attitude antique de la suppliante, pleurant et embrassant les «sacrés genoux» de celui qu'elle implore (v.

1597).

Elle se présente à la troisième personne (v.

15951598), demande au roi de !'«écouter» et de «voir» (v.

1595, v.

1613).

Tout se passe comme si elle mettait en scène un tableau pathétique dont elle serait l'unique figure. Elle s'insère pourtant dans le débat comme si elle avait entendu des coulisses l'accusation.

Sa tirade est nettement construite (construction soulignée par la répétition de «Sire»); elle s'ouvre par une captatio benevo!entiae (v.

1595-1600) et l'énoncé de ce dont elle veut convaincre (v.

1602), qu'elle appuie par deux arguments (v.

1603-1612, v.

1613-1623).

Mais la solution qu'elle propose (v.

1624-1630), si elle est «parfaite», est en même temps absurde, et on reconnaît là une caractéristique du personnage (dont on retrouve la vaine quête de la mort et, au vers 1598, le leitmotiv). C'est que l'intervention de Sabine n'est pas là pour ouvrir une possibilité dramatique mais pour permettre un intense moment lyrique, un des plus beaux passages de la pièce où l'éloquence va céder le pas à l'élégie, la politique à l'amour.

Chaque personnage important de la pièce porte à sa perfection un style : au vieil Horace la grandeur stoïque ou l'indignation grandiose, au jeune Horace la grandeur du «généreux», à Camille le style enflammé, à Curiace un style à la fois galant et plaintif, à Sabine le lyrisme élégiaque. La première partie de la tirade reprend un motif antique qui a fleuri à la Renaissance, selon lequel l'être aimé constitue «la plus chère moitié» de l'être aimant (v.

1606-1608).

C'est l'occasion pour Sabine de déclarer qu'elle sait «l'amour extrême» que lui porte Horace et de se proposer en sacrifice dans quatre vers qui sont comme un poème d'amour et de mort (v.

1609-1612).

Le mot «mort» et le verbe «mourir» à différents modes et temps y dessinent un feston funèbre (figure de style appelée «polyptote»). Les voyelles s'organisent en une évidente musique: voyelle ouverte a sous l'accent de césure ou l'accent secondaire aux vers 1610 et 1612; voyelles fermées u et i sous les.... »

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