Devoir de Philosophie

ACTE V, scènes 5 et 6 [Le châtiment final] LE SPECTRE / Don Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir...

Extrait du document

« ACTE V, scènes 5 et 6 [Le châtiment final] LE SPECTRE / Don Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel ; et, s'il ne se repent ici, sa perte est résolue.

SGANA­ RELLE / Entendez-vous, Monsieur? DON JUAN / 5 Qui ose tenir ces paroles ? Je crois connaître cette voix.

SGANARELLE / Ah! Monsieur, c'est un spec­ tre : je le reconnais au marcher.

DON JUAN / Spec­ tre, fantôme ou diable, je veux voir ce que c'est.

(Le spectre change de figure et représente le Temps 1 0 avec sa faux à la main.) SGANARELLE / 0 Ciel! voyez-vous, Monsieur, ce changement de figure? DON JUAN / Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si c'est un corps ou un esprit.

(Le spec1 5 tre s'envole dans le temps que Don Juan le veut frapper.) SGANARELLE/Ah! Monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repen­ tir.

DON JUAN/Non, non, il ne sera pas dit, quoi . qu'il arrive, que je sois capable de me repentir. 2 0 Allons, suis-moi. LA STATUE / Arrêtez, Don Juan! vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi.

DON JUAN / Oui.

Où faut-il aller? LA STATUE / Donnez-moi la main.

DON JUAN / La voilà.

LA STATUE / Don 2 5 Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l'on renvoie ou­ vrent un chemin à sa foudre.

DON JUAN / 0 Ciel! que sens-je? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent! 3 O Ah! (Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Don Juan; la terre s'ouvre et l'abîme; et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.) SGANARELLE / Ah ! mes gages ! mes gages! Voilà par sa mort un chacun satisfait: Ciel 3 5 offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content... Il n'y a que moi seul de malheureux...

Mes gages 1 mes gages I mes gages 1 EXPLICA T/ON DE TEXTE Situation et sujet A la fin de I' Acte IV, Don Juan a lancé un dernier défi à la statue du Commandeur, en acceptant d'aller souper avec elle.

Dès ce moment, il fait figure de condamné en sursis.

Un instant nous croyons qu'il s'est converti (Acte V, scène 2), mais il avoue à Sganarelle qu'il a décidé de pratiquer l'hypocrisie religieuse pour se mettre à l'abri des poursuites.

Il refuse de se battre avec Don Carlos, le frère d'Elvire, sous prétexte que le Ciel s'y oppose. Endurci de manière irrémédiable dans le vice, le libertin rend son châtiment imminent.

Arrivent la fin de la pièce et le moment où, par l'intermédiaire de la statue, Don Juan livre son dernier combat contre Dieu. Composition et mouvement La.fin de la pièce est d'autant plus intense et dramatique qu'elle est rapide.

Elle comprends trois moments principaux.

Don Juan affronte d'abord« un spectre en femme voilée », qui se transforme bientôt en représentation du Temps (1.

1 à 20).

Puis survient la statue du Commandeur, qui châtie le libertin (1.

21 à 33).

La pièce s'achève alors par un épilogue du valet qui réclame ses gages (1.

33 à 39).

Le mouvement dramatique suit une progression dans l'intensité, jusqu'à l'engloutissement du héros dans la terre.

Par ce combat avec les forces de l'au-delà, Don Juan acquiert une dimension métaphysique.

Il devient un mythe. 74 • L'apparition du spectre (l.

1 à 20) Un spectre est le fantôme d'un mort, qui vient effrayer les vivants.

Il incarne le remords et la culpabilité.

S'il a en l'occurrence la forme d'une femme voilée, c'est pour rappeler à Don Juan, l'homme sans mémoire, les femmes qu'il a déshonorées.

Jusqu'à la dernière minute, le repentir est offert au libertin:« Don Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel ; s'il ne se repent ici [ = maintenant], sa perte est résolue » (1.

1-3).

« La miséricorde du Ciel » est le sentiment de pitié par lequel Dieu pardonne au coupable.

Cette clémence exceptionnelle, si elle est dédaignée, rendra l'entêtement du pécheur encore plus grave et impardonnable.

Mais celui-ci refuse d'entendre la voix de l'au-delà.

Il la considère comme celle d'un mauvais plaisant qui se moque de lui : « Qui ose tenir ces paroles ? » ; il s'obstine à lui donner une explication rationnelle: « Je crois connaître cette voix».

A l'entêtement téméraire de Don Juan s'opposent la panique et la couardise du valet: «Ah! Monsieur, c'est un spectre: je le reconnais au marcher » (1.

6).

Sganarelle joue le rôle d'un contrepoint comique, dans une scène de tonalité tragique. Sa bouffonnerie et sa crédulité exacerbent la rage du héros à donner une raison naturelle à cette apparition : « Spectre, fantôme ou diable, je veux voir ce que c'est.

» Nouvelle métamorphose fantastique : « Le spectre change de figure et représente le Temps avec sa faux à la main » (1.

8-10).

Ce qui est reproché au libertin, c'est d'avoir oublié le temps.

Homme du plaisir de l'instant et du présent continuellement renouvelé par l'inconstance amoureuse, Don Juan agit comme s'il n'avait pas de passé.

Il n'éprouve à l'égard des femmes qu'il a laissées, ni regret, ni remords.

Il ne fait pas non plus de projet. L'avenir n'a pas d'intérêt pour lui, car il échappe à la satisfaction immédiate.

Pressé de jouir et de conquérir sur-lechamp ses proies, Don Juan improvise à la hâte et saisit les occasions qui se présentent.

Il refuse d'admettre qu'une loi divine ou humaine gouverne sa vie avec permanence. C'est ce refus de la durée que vient punir la figure du « Temps avec sa faux», instrument qui sert aussi d'attribut à la mort.

Le combat qui commence va donc opposer 75 l'être de l'instant et du passage aux représentants de la permanence et de l'éternité. Don Juan ne se rend pas.

Fidèle à sa _revendication de liberté absolue, il se révolte et brave l'au-delà: « Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur.

» La répétition de la négation exprime la détermination du rebelle.

L'épée qu'il brandit symbolise son absence de crainte et son orgueil de révolté.

Mais ici le héros positif se bat contœ un fantôme.

Ce combat auquel il voudrait donner une dimension humaine est voué à l'échec.

Sganarelle, qui a pris par lâcheté le parti des justiciers, essaye en vain de ramener son maître à la raison:« Ah! Monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir » (1.

16-18).

Le« repentir » est le regret qu'on éprouve pour une faute, accompagné du désir de l'expier. Ce mot, à résonance religieuse, retentit comme une provocation aux oreilles du libertin et suscite chez lui un nouvel accès de rébellion : « Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir » (1.

18-19). Don Juan est un homme du« non», de la négation des valeurs reçues.

Son « Allons, suis-moi », traduit sa volonté de vivre comme avant. • Le combat final (/.

21 à 33).... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓